ARCHIVES PARLEMENTAIRES RÈGNE DE LOUIS XVI ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. CHARLES DE LAMETH. Séance du mercredi 6 juillet 1791 (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. Un de MM. les secrétaires fait lecture à l'Assemblée d’une lettre de M. Jean-Germain Dumesnil, citoyen de Paris, qui supplie l’Assemblée nationale de recevoir sa soumission de fournir à la payed’un volontaire tant qu’il servira; il regrette que la nature de ses fonctions le prive de l’avantage de lui offrir son service personnel. M. Christin, au nom du comité des domaines, fait un rapport sur les salines de Franche-Comté et s’exprime en ces termes (2) : C’est dans les lieux les plus éloignés de la mer, que l'on trouve le plus ordinairement les sources salées : la providence, toujours sage et attentive dans la distribution de ses dons, semble leur avoir ménagé ces dédommagements. Leshabitanlsdesci-devant provinces deFranche-Comté, de Lorraine et desTrois-Evêchés, ont toujours été approvisionnés de sel blanc, fabriqué dans les salines qui existent sur leur sol : ils demandent aujourd’hui que l’approvisionnement soit continué, que le prix du sel soit tixé, et la quotité des délivrances déterminée. Ces demandes ont paru justes aux comités des domaines et des contributions publiques; ils ont pensé qu’on ne pouvait régler aucune forme d’administration, soit fermes, régies ou autres, sans avoir statué préliminairement sur ces bases. La nécessité de l’approvisionnement de c s anciennes provinces résulte de plusieurs considérations importantes. Dans tous les temps, elles ont usé de ce sel; l’habitude leur en a en quelque sorte rendu l’usage nécessaire; d’autre côté, il paraîtrait juste qu’elles jouissent de l’avantage de leur position, (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. (2) Ce document n’est pas inséré au Moniteur. lre Série. T. XXVUI. comme les provinces riveraines de la mer profitent de la proximité des marais salants; mais des motifs plus puissants, pris dans l’intérêt public, dans l’intérêt général, ont déterminé vos comités. Des expériences sans nombre et souvent réitérées ont constaté que le sel de ces salines, appelé sel gemme, est nécessaire aux espèces de fromages dits de Gruyère et de Sept-Moncel, que l’on fabrique dans leurs montagnes. Les Suisses, leurs voisin-’, ont tellement reconnu la nécessité d’user de ce sel, que, dans tous leurs traités d’alliance avec la France, ils ont toujours eu soin de stipuler qu’on leur délivrerait la quantité de ce sel nécessaire à leurs besoins. Le sel de mer, qui (à quelques égards) est préférable aux sels de salines, altère la qualité des espèces de fromages, en diminue notablement la valeur et le prix, ou plutôt rend la fabrication nulle. Si donc on forçait ces habitants d’user du sel de mer, ils ne pourraient plus soutenir la concurrence avec les autres fabrications de ce genre; cette branche importante de commerce tomberait infailliblement, et ces montagnes, dépourvues de toutes ressources, seraient dans l’impossibilité de payer une portion quelconque des contributions publiques; en sorte que l’Etat perdrait, et bien au delà, d’uu côté ce qu’il croirait gagner de l’autre ; ce qui opérerait évidemment une surcharge pour les autres départements. Une autre raison rend cet approvisionnement nécessaire. Les habitants de ces provinces se trouvant très rapprochés des salines, et très éloignés de la mer, il résulterait de leur position que les fermiers, régisseurs ou préposés seraient les maîtres de hausser le prix du sel au gré de leur cupidité : comme ils n'auraient à redouter que la concurrence du sel de mer, personne ne pourrait lutter avec eux; ils auraient de grands magasins dont ils pourraient disposer à volonté. Dès qu’un négociant tenterait d’amener du sel dans ces contrées, ils ouvriraient leurs magasins, baisseraient momentanément le prix de leur sel, pour faire tomber les ventes étrangères, ou obliger les négociants de vendre à perte; en sorte que ceux-ci seraient bientôt dégoûtés de toutes entreprises de ce genre, et que les habitants se verraient obligés de payer le sel au taux 1