[Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 août 1790.) 605 l’Assemblée juge des raisons alléguées pour et coutre M. Laffitte. D’un côté, on fait valoir que les députés étant censés députés de toute la nation, il doit être admis ; d’autre part, on objecte que quoique M. Laffitte ait obtenu la confiance des électeurs de D ix, Saint-Sever et Bayonne, rien ne prouve que ceux de Tartas lui eussent donné la leur. C’est à l’Assemblée à prononcer. (L’Assemblée décide que M. Laffitte ne sera pas admis.) M. le Président donne lecture du bulletin de la santé du roi, ainsi conçu : ' « Saint-Cloud, ce 4 août 1790. « Le roi s’étant très bien trouvé hier toute la journée et ayant très bien passé la nuit, Sa Majesté a pris ce matin une première médecine. Il n’y aura plus de bulletin. « Signé : Le Monnier, Vic-d’Azir, Laservolle. » (L’Assemblée témoigne sa joie par des applaudissements.) M. Vernier, rapporteur du comité des finances, propose d’autoriser les officiers municipaux de la ville de Montmédy à emprunter une somme de 12,000 livres. La proposition est mise aux voix et décrétée dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport du comité des finances, autorise les officiers municipaux de la ville de Montmédy à emprunter la somme de 12,000 livres , à l’effet d’acquitter celles énoncées dans la délibération prise en conseil général, du 25 avril dernier, conformément aux différentes ordonnances rendues par l’ancien intendant de Meiz, à charge de rembourser ladite somme sur les coupes de leurs bois communaux qui devaient avoir lieu les années 1788, 1789 et 1790, lorsqu’ils auront obtenu la permission de faire lesdites coupes, et, au surplus, à charge de rendre compte. » M. Vernier fait un second rapport relatif au refus des cabaretiers, aubergistes, bouchers et autres contribuables de Noyon , Ham, Chauny et paroisses circonvoisines , depayer les droits dont la perception a été continuée. M. l’abbé Gouttes. Je dénonce comme inconstitutionnel le moyen qu’emploieen ce moment le pouvoir exécutif pour parvenir à la perception des impôts-, c'est de donner à des particuliers la commission de parcourir les départements pour veiller aux recouvrements, avec la faculté de requérir les troupes de lignes et gardes nationales s’ils en ont besoin. (Il lit une commission de cette espèce, datée du 18 juillet, et donnée à un commissaire des guerres.) M. Vernier. Le gouvernement a prévenu le comité des finances de ses mesures afin d’en obtenir une espèce d’adhésion. Nous avons pensé qu’il agissait dans la limite de ses attributions, mais nous nous sommes bien gardés de donner aucun avis en cette affaire, de peur que les commissaires n’excédassent leur mission. M. Goupil. Il est bien singulier que le comité nous donne une semblable raison. La question est de savoir si les commissions sont légitimes, ce qui est indépendant de la manière dont les commissaires se conduiront. Je demande le renvoi au comité de Constitution. (Le renvoi est prononcé.) Le projet de décret du comité des finances est ensuite adopté en ces termes : « Sur le rapport fait à l’Assemblée nationale des refus, et même de la coalition des cabaretiers, aubergistes, bouchers et autres contribuables de la ville de Noyon, Ham, Chauny et paroisses circonvoisines, à l’effet de ne point payer les droits dont la perception avait été continuée , refus constaté par la proclamation faite à ce sujet de l’autorité des. officiers municipaux le 21 juin, par les procès-verbaux des 1er et 2 juillet, l’Assemblée nationale ordonne, conformément à ses précédents décrets, que les octrois de la ville continueront d 'être perçus tels et de la même manière qu’ils l’étaient en l’année dernière, jusqu’à ce qu’il en ait été autrement ordonné ; enjoint spécialement aux bouchers, cabaretiers et autres, d’acquitter les droits dont il s’agit, même pour les arriérés, à peine d’être poursuivis, non seulement comme contribuables, mais encore comme réfractaires aux décrets de l’Assemblée nationale. « Déclare le présent décret commun à tous les lieux où il se trouve des octrois établis. » M. Martineau. Le comité de Constitution et le comité des finances devaient présenter un projet de décret pour l’institution des trésoriers de districts, je ne sais pourquoi cet objet est retardé, il est cependant très urgent. On a déjà dénoncé de grands abus au comité des finances : les perceptions ne se font pas, la négligence des receveurs généraux et particulieis est telle, que de riches particuliers de ma connaissance sont en arrière de trois années, pour le payement de leurs impositions; quand ils se sont présentés pour les acquitter, on leur a dit qu 'il n'y avait rien de pressé. Il ne faut passe dissimuler que les personnes employées dans l’ancien régime veulent faire manquer la Constitution. Je demande donc qu’il soit incessamment présenté un projet de décret, par lequel les districts seront autorisés à nommer un trésorier chargé de la perception de toutes les impositions. M. Thouret. Les décrets rendus sur l’organisation des corps administratifs renferment des dispositions en vertu desquelles les districts doivent nommer des trésoriers. Le mode de cette nomination et des fonctions de ces officiers étant contenu dans les instructions à envoyer à ces corps, et ces instructions devant être imprimées et distribuées demain, l’objet de la proposition de M. Martineau est rempli. M. Ce Chapelier. Ce serait revenir sur vos décrets que d’adopter la proposition de M. Martineau, car vous avez décrété que le mode des impôts et la comptabilité resteront encore pour cette année sur l’ancien pied. Vous devez avoir confiance dans les administrateurs actuels. Je demande donc l’ordre du jour et surtout la continuation de l’ordre judiciaire; car si nous divergeons continuellement de matière en matière, comme nous le faisons depuis six semaines, il est impossible que nous puissions jamais obtenir de l’ensemble dans notre travail. M. ïe Président met cette motion aux voix : elle est adoptée à l’unanimité. M. l’abbé Pocheron, député de Charolles, demande un congé de six semaines pour affaires de famille importantes. 3Q@ {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [4 août 1790.) Le congé est accordé. M. Nanrissart demande à faire un rapport sur la monnaie de billon, ou petite monnaie. Ce rapport est ajourné. U ordre du jour est la suite de la discussion sur l'organisation judiciaire. Titre IV: des appels. M.Thouret, rapporteur. Messieurs, dans votre séance du 3 août, vous avez adopté les articles 3 à 13 du titre IV. Ces articles règlent le mouvement par lequel les causes d’appel seront portées d’un tribunal de district à un autre. Il s’agit maintenant de revenir à l’article 8, titre IV du nouveau projet d’organisation judiciaire (1) pour déterminer les délais d’appel. Tout le monde sait que le sang bouillonne dans les veines de celui qui a perdu soq procès. On sait aussi que les avocats cherchent à rejeter sur l’impéritie des juges la perte d’une cause qu’ils ont mal défendue, alors le plaideur veut appeler. Nous avons donc cru qu il était important de lui rappeler, à chaque pas, combien lui était funeste cette faculté. L’ancien article 8 que votre comité propose deviendrait le 14 du décret. Il est ainsi conçu: « Aucun appel ne pourra être signifié ni avant le délai de huitaine, à dater du jour du jugement, ni après l’expiration du mois, à dater du jour de la signification du jugement: ces deux termes sont de rigueur, et leur inobservation emportera la déchéance de l’appei ; en conséquence, l’exécution des jugements, qui ne sont pas exécutoires par provision, demeurera suspendue pendant le délai de huitaine. » M. Ttoauret. Je fais observer que la substance de cet article appartient à M. l’abbé Sieyès. M. D* frai* se-Dochey. Cet article me paraît injuste. Les personnes qui seront à l’extrémité du royaume pourront bien ne pas connaître les jugements rendus contre elles, que sera-ce pour les personnes qui en seront sorties? Que sera -ce, quand cet éloignement aura pour motif un service public? M. Chabroud. Je demande qu’on ajoute après ces mots: de la signification du jugement, ceux-ci: faite à personne ou à domicile. M. Moreau. L’ordonuanee de 1667 a fixé à trois ans le terme definitif de l’appel ; mais l'expérience a prouvé qu’il était injuste de fixer les limites à ceux qui veulent se pourvoir, par la vole de l’appel, contre des jugements rendus. M. Brillal-Savarln. Je demande que le terme fixé par le comité ne soit adopté que pour ceux qui habiteront le même département; que l’on accorde un délai de trois mois pour ceux qui, quoique absents de leur département, se trouveront Hans le royaume, et qu’on prenne des précautions pour ceux qui habiteront les colonies. M. Martineau. 11 y a le plus grand danger à fixer une epuque pour mierjeter arpel ; il faut garantir ceux qui ont perdu leur procès de la terrible pratique de souffler les signilications du jugement. Je demande que l’article soit rejeté. (1) Voyez le nouveau projet sur l’ordre judiciaire, Archives parlementaires, tome X, page 786. M. Loys appuie la proposition de M. Martineau. M. Thouret, L’article a un aperçu défavorable, car il diminue les appels, et surtout les mauvais; m us aussi il a un jour très favorable, et c’est encore la diminution des appels. Les ordonnances et la jurisprudence ont donné de la latiipde aux appels; mais c’est que l’une et l’autre ont été faites par des magistrats de cour souveraine, ou inspirées par des suggestions ministérielles. 11 est juste que le citoyen, qui se trouve lésé par un jugement, puisse en appeler; mais il ne faut pas pour cela ouvrir la porte aux abus: l’article est fait pour les jugements contradictoires ; il ne contient pas cette expression, parce qu’il est de moi, et qu’en Normandie ces jugements n’ont pas lieu. Afin de concilier toutes les opinions, je crois qu’on peut porter le délai à deux ou à trois mois. La priorité est accordée au délai de trois mois ; l’article est ainsi décrété : Art. 14. « Aucun appel d’un jugement contradictoire nepourràêlre signifié niavantledélai dehui-taine,àdater du jour du jugement, ni après l’expiration de trois mois, à dater du jour de la signification du jugement: ces deux termes sont de rigueur, et leur inobservation emportera la déchéance de l’appel; en conséquence, l’exécution des jugements, qui ne sont pas exécutoires par provision, demeurera suspendue pendant le délai de huitaine. * M. Thouret. L’ancien article 9 de notre projet, qui deviendrait le 15e du décret, trouve ici sa place. Personne n’ignore que la source des mauvais jugements est presque toujours dans le vice de leur rédaction. Les juges, n’étant pas obligés d’exprimer le vrai motif de la décision, ne s’attachent point à le découvrir. De là cette continuelle confusion du droit et du fait. L’article suivants pour but de remédier à cet inconvénient. Il est ainsi conçu : « La rédaction des jugements, tant sur l’appel qu’en première, instance, contiendra quatre parties distinctes. « Dans la première, les noms et qualités des parties seront énoncés; « Dans la seconde, les questions de fait et de droit, qui constituent le procès, seront poséesavec précision ; « Dans la troisième, le résultat des faits reconnus ou constatés par l’instruction sera exprimé ; et le texte de la loi, qui aura déterminé le jugement, sera copié ; <- La quatrième, enfin, contiendra le dispositif du jugement. » M. Chabroud. Nous ü’ayons pas de loi assez précise pour assujettir, dans un jugement, le juge à copier le texte d’une loi. Je demande que l’on dise simplement : et les molifs qui auront déterminé te jugement seront exprimés. L’article est adopté, avec cet amendement, ainsi qu’il suit : Art. 15. « La rédaction des jugements, tant sur l’appel qu’en première instance, contiendra quatre parties distiectes. « Dans ta première, les noms et qualités des parties seront énoncés ; « Dans la seconde, les questions de fait et de droit, qui constituent te procès, seront posées avec précision. « Dans la troisième, le résultat des faits reconnus ou constatés par l’iastmciüoa, fit tes motifs