304 [Assemblée natioaale.j ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 juillet 1790. | M. I�anjulnais. G’est dans les lieux où les corps ont été trouvés que les députés sont censés être morts; c’est là, en suivant tous les principes, que l’inhumation doit se faire. M. Belley d’Agier. M. le maire de Paris a pénétré nos sentiments d’amour et de fraternité pour nos frères d’armes, et la proposition qu’il fait d’envoyer une députation aux obsèques de ceux que nous avons eu le malheur de perdre, ne trouvera point ici de contradicteurs. M. Martineau. Les corps trouvés à Passy doivent être transportés à Paris. G’est ici que les deux confédérés ont péri, puisqu’ils assistaient à une fête donnée par la ville de Paris ; ils avaient un domicile de mission à l’hôtel-de-ville de Paris. Dans la règle générale, la famille est autorisée à réclamer les corps en payant un droit au curé ; ceux des deux confédérés appartiennent à la ville de Paris; elle les réclame, ils doivent lui être remis. M. Bailly. La ville de Paris est jalouse de rendre les derniers honneurs à ses frères d’armes; je suis chargé d’ordonner leurs obsèques, mais je ne doute pas que la municipalité de Paris ne se rende avec empressement à Passy, et qu’elle ne s’estime heureuse de donner ce premier exemple de fraternité. M. Devillas. Je demande que les corps soient transportés à Paris. Ges deux confédérés sont les seuls enfants du maire d’Aurillac, homme respectable, qui mourra peut-être de douleur; tout notre département est plongé dans le deuil ; il faut que les obsèques se fassent à Paris, afin que la députation entière du département du Cantal puisse s’y rendre. M. Bailly. Gomme les honneurs qu’on rendra à nos deux frères d’armes seront les mêmes à Passy qu’à Paris, je demande la priorité pour ma motion. (Cette priorité est accordée.) L’Assemblée décrète, avec un assentiment général, qu une députation de douze membres se rendra à Passy pour assister aux obsèques des deux confédérés. 11 est convenu que tous les députés du département du Gantai s’y rendront également. On reprend la discussion sur l’ordre judiciaire. M. Belley d’Agier . L’appel d’un tribu - nal de district au tribunal d'un district voisin rencontrera de puissants adversaires : 1° les habitants des grandes villes, qui regardent comme une espèce de propriété faisant partie de la suprématie dont se glorifient leurs cités, la fixation dans leur sein de tous les grands établissements ; 2° ceux qui, sans intérêt parliculier, tiennent encore fortement à toutes les idées d’hiérarchie ; 3» ceux qui ne peuvent concevoir la possibilité des lumières de l’instruction, qu’ont certaines castes favorisées; 4° enfin, ceux qui, sans bien démêler les sentiments qui les dirigent, sans avoir même de prétentions bien directes aux places importantes attachées aux grands tribunaux, envisagent cependant la possibilité de disposer ou d’obtenir ces places comme un avantage qu’ils veulent conserver. Au milieu de tant d’obstacles, que reste-t-il à faire? Une seule chose : bien démontrer l’utilité générale du projet qui vous est soumis, et pour cela commençons par nous former une juste idée d’un jugement et du but de l’appel. Un jugement est l’application de la loià un fait constaté; cette opération étant la seule que l’on puisse permettre au juge, le juge, le plus près du lieu où s’est passé le fait, est donc celui qui, par sa position, est le plus en état de le bien constater. Or, rien ne peut nous faire présumer que le juge, le plus à portée de constater le fait, soit le moins en état d’y appliquer la loi. Les premiers jugements rendus chez tous les peuples du monde l’ont certainement été par les voisins et les proches. Nous devons donc regarder comme démontré qu’à égalité d’impartialité, les juges de district choisis par le peuple sont plus a même de bien juger que des juges plus éloignés, également choisis par. le peuple, } et que les juges de district sont dans la véritable position pour porter de bons jugements. Maintenant quel est le but de l’appel ? G’est la faculté accordée à un plaideur de faire examiner de nouveau son procès par des juges aux lumières desquels il accorde plus de confiance. Pensez-vous que cette faculté d’appeler sera remplie d’une manière plus avantageuse à la confiance, lorsqu’au lieu de laisser aux plaideurs, dans une certaine latitude, la satisfaction de choisir leurs seconds juges, vous les obligerez à être rejugés forcément par un tribunal exclusif? Après avoir banni les privilèges, ne les conserveriez-vous que dans l’ordre judiciaire, et pensez-vous qu’il soit moins essentiel au bonheur public de laisser au plaideur, déjà si malheureux, la précieuse liberté du choix dans les cas d’appel, que ne l’eût été l’abolition de tant d’entraves dont la France vous doit la suppression ? L’on peut appliquer ici l’exemple de ces marchands exclusifs d’une denrée nécessaire, qui, sous le prétexte de vous la procurer plus saine, vous forçaient à la prendre bonne ou mauvaise, et souvent mêlée de tout ce qui pouvait en enchérir l’achat, sans en augmenter le prix apparent et réel. Maintenant le citoyen est libre de choisir son magasin et sa marchandise, et vous avez décrété que rien ne pouvait compenser l’avantage de cette liberté, à laquelle vous avez sacrifié une partie importante des revenus publics. Portez dans l’ordre judiciaire la même liberté, et deux biens en résulteront nécessairement: le premier, c’est qu’au lieu de ces avenues longues, obscures, ruineuses, qu’il fallait nécessairement traverser avant d’arriver à son juge, et que les riches seuls pouvaient franchir; au lieu de cet abord dur, insolent, surtout vis-à-vis du pauvre, qu’offraient si souvent les procureurs, avocats et juges, aux malheureux condamnés à les solliciter, vous leur verrez succéder, dans tous les tribunaux, des gens de loi obligés de se concilier et de mériter la confiance de leurs clients, et qui deviendront nécessairement plus scrupuleux, plus exacts, moins ruineux. Le second bien, c’est qu’occupés à bien remplir leurs fonctions, puisque leurs intérêts tiennent à leur réputation, ils dirigeront toutes leurs facultés vers ce grand but, et seront moins susceptibles de cet esprit d’ambition et de domination, qui porte toujours les hommes à opprimer ceux qu’ils n’ontpas intérêt de ménager. 11 est essentiel, je pense, de montrer aussi à ceux qui tiennent encore aux avantages prétendus des hiérarchies, et dont la confiance ne peut se fixer sur les officiers publics, décorés d’un titre et d’un appareil plus imposant, que, dans les jugements et les appels, le juge de district et le juge d’une cour supérieure ne devant jamais que constater un fait