430 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES ! J? nivôse an il ( 2 3 décembre 1/93 la guerre de la liberté contre la tyrannie, la nation entière doit distinguer celle d’un jeune homme dont la mère a déjà occupé la Conven¬ tion. Je veux parler de Barra : ce jeune homme âgé de 13 ans, a fait des prodiges de valeur dans la Vendée. Entouré de brigands qui, d’un côté, lui présentaient la mort, et de l’autre lui deman¬ daient de crier : Vive le roi! Il est mort en ci'iant : Vive la République! Ce jeune enfant entière doit distinguer celui d’un jeune homme dont la mère a déjà eu occasion d’entretenir' la Convention : Je veux parler de Barra. Ce jeune républicain, âgé de 13 ans, a fait des prodiges de valeur. Entouré de brigands qui lui présentaient d’un côté la mort et lui demandaient de l’autre de crier : Vive le roi, il est mort en criant : Vive la République ! 11 nourrissait sa mère avec sa paye; il partageait ses soins entre l’amour lilial et l’amour de la patrie. Nous ne pouvons choisir une plus belle occasion pour exciter l’émulation de tous les jeunes citoyens, pour préparer les prodiges qu’opérera la génération naissante. En décernant des honneurs à Barra, nous en décernerons à toutes les vertus, à l’héroïsme, à l’amour de la patrie, à l’amour filial, aux vertus qui sont la base de ces sentiments sublimes. Il était réservé aux seuls Français de voir des héros de 13 ans. C’est la liberté qui produit des hommes d’un si grand caractère. La France doit donc présenter ce glorieux modèle à tous les Fran¬ çais et à tous les peuples : aux Français, afin qu’ils exercent toute leur ambition à acquérir de sem¬ blables vertus et qu’ils apprécient mieux de jour en jour le titre de citoyen français; aux autres peuples, afin qu’ils désespèrent de soumettre une nation qui, parmi les enfants qu’elle élève, compte déjà des héros. Je demande que les honneurs du Panthéon soient accordés à Barra; que la cérémonie qui aura lieu soit faite promptement, avec toute la pompe ana¬ logue à son objet, et qu’elle soit en tout digne de celui à qui nous la destinons. Je demande en outre que le génie des arts s’empare de mon idée et s’attache à l’exprimer avec toute la dignité qui lui convient; que David soit spécialement chargé de prêter ses talents à l’embellissement de cette fête. (Vifs applaudissements.) David. Chaque fois qu’il se présente une occa¬ sion de célébrer les vertus républicaines, je sens plus vivement le prix du peu de talent dont la nature m’a doué, et je l’en remercie avec plus d’effusion. J’accepte cl je m’honore du choix que . vous faites de moi. (Applaudi.) Barère. Je crois devoir ajouter une disposition à la belle motion que Robespierre vient de faire. Sans doute, si le Panthéon français doit être ou¬ vert aux vertus, c’est surtout à celles qu’on ne peut pas même soupçonner d’avoir eu pour motif quelques vues ambitieuses; et Barra, vertueux, courageux, héros à 11 ans, l’a été par sentiment, par l’amour le plus pur de la liberté de son pays. J’appuie donc la motion de Robespierre. J’y ajoute une seule disposition. Vous avez ins¬ titué des écoles primaires; vous leur destinez des livres élémentaires pour jeter dans le cœur des enfants le germe des vertus qui maintiendront la République que vous avez fondée. Je viens se¬ conder votre dessein. Décrétez que dans chaque école, on placera une gravure portant l’image du jeune Barra et le récit du trait qui l’immortalise. Les enfants apprendront par là que la vertu fixe,' à tous les âges, les yeux des représentants du peuple, qu’ils la couronnent partout où ils la trou¬ vent, et que la République s’enorgueillit de toutes les vertus qui peuvent honorer un peuple libre. (Applaudi.) Ces propositions sont décrétées au milieu des applaudissements. nourrissait sa mère avec sa paie, il partageait ses soins entre l’amour filial et l’amour de la patrie. Il n’est pas possible de choisir un plus bel exemple, un plus parfait modèle pour exciter dans les jeunes cœurs l’amour de la gloire, de la patrie et de la vertu, et pour prépa¬ rer les prodiges qu’opérera la génération nais¬ sante. En décernant des honneurs au jeune Barra, vous les décernez à toutes les vertus, à l’héroïsme, au courage, à l’amour filial, à l’amour de la patrie. Les Français seuls ont des héros de 13 ans, c’est la liberté qui produit des hommes d’un si grand caractère. Vous devez présenter ce modèle de magnanimité, de morale, à tous les Français et à tous les peuples : aux Français, afin qu’ils ambitionnent d’acquérir de semblables vertus, et qu’ils attachent un grand prix au titre de citoyens français ; aux autres peuples, afin qu’ils désespèrent de soumettre un peuple qui compte des héros dans un âge si tendre. Je demande que les honneurs du Panthéon soient décernés à Barra, que cette fête soit promptement célébrée, et avec une pompe ana¬ logue à son objet et digne du héros à qui nous la destinons. Je demande que le génie des arts caractérise dignement cette cérémonie qui doit présenter toutes les vertus, que David soit spé¬ cialement chargé de prêter ses talents à l’embel¬ lissement de cette fête. (Vils applaudissements. ) David. Ce sont de telles actions que j’aime à retracer. Je remercie la nature de m’avoir donné quelques talents pour célébrer la gloire des héros de la République; c’est en les consacrant à cet usage que i’en sens surtout le prix. (On applau¬ dit.) Barère. Citoyens, il ne peut y avoir ici qu’un suffrage, ou plutôt des acclamations unanimes pour l’adoption de la belle motion que Robes¬ pierre vient de faire. Élever à la vertu filiale un monument durable dans le souvenir des hommes, récompenser les faits héroïques, c’est le devoir de la Convention. Mais il faut encore tirer de cette mort une leçon vivante pour la jeunesse de la République. Joseph Barra est célèbre à 13 ans; il a déjà, avant que d’entrer dans la vie, présenté à l’histoire une vie illustre; mais ce qui doit le rendre recommandable à la postérité la plus reculée, c’est son dévouement à la République, c’est son attachement aux auteurs de ses jours; il nourrissait sa mère et mourait pour la patrie; il tuait des brigands, et résistait à l’opinion royaliste. Voilà celui à qui les honneurs du Panthéon peuvent être décernés sans exciter l’envie, et sans pouvoir l’accuser d’ambition. Il n’est pas à craindre que jamais il essuie le jugement des contemporains même sur Mirabeau. Des généraux, des représentants, des philo¬ sophes peuvent être excités par orgueil ou par une ambition quelconque; ici, c’est la vertu tout entière, simple et modeste, comme elle est sortie des mains de la nature. C’est cette vertu qui doit présenter son exemple à tous les enfants de la République; c’est son image tracée par les pinceaux du célèbre David, que vous devez exposer dans toutes les écoles primaires. Les enfants, les jeunes gens apprendront chaque jour dans les écoles répu¬ blicaines, que leurs vertus ne sont ni inutiles, ni obscures, et que les représentants du peuple savent les honorer dans tous les âges, et les [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. nivôse an il 431 L J t 28 décembre 1/93 récompenser au milieu même des mouvements terribles et variables des révolutions. Je demande que l’Assemblée décrète que la gravure qui représentera l’action héroïque et la piété filiale de Joseph Barra, de Palaiseau, sera faite aux frais de la République, et envoyée par la Convention nationale dans toutes les écoles primaires, pour y retracer sans cesse à la jeunesse française l’exemple le plus pur de l’amour de la patrie et de la tendresse filiale. T, es propositions de Robespierre et de Barète sont adoptées au milieu des plus vifs applau¬ dissements. Suivent deux lettres lues par Parère. A. Prieur (de la Marne) ef Turreau, représentants du peuple près l’armée de l’Ouest, au comité de Sa¬ lut public (1). « Savenay, le 4 nivôse, an II de la République. « Dans la lettre que nous vous avons écrite ce matin, nous ne nous avons pas rendu compte du nombre de morts et des blessés. Ce n’est pas que nous les ayons oubliés; les derniers étaient logés avec nous; nous leur avons donné tous les secours possibles, et nous avons trouvé dans tous cette énergie républicaine qui carac¬ térise les Français régénérés; on parlait autre¬ fois dans les combats des cris des blessés, qui inspiraient la crainte aux combattants ! Que les temps sont changés. Les blessés ne connaissent d’autres cris que ceux de Vive la République ! Deux cents soldats républicains ont reçu des blessures honorables que leurs compagnons d’armes leur enviaient; trente au plus ont payé de leur vie leur amour pour la patrie. « Nous avons encore à offrir à la Convention nationale un trait digne du beau temps des républiques : trois grenadiers du 6e régiment ci-devant d’Armagnac, dont nous vous trans¬ mettrons les noms, ont saisi dans le combat un de leurs frères qui combattait pour les brigands : ils ont demandé qu’il fût jugé par la Commission militaire. « Nous ne vous enverrons pas les drapeaux blancs saisis sur les brigands, nos hussards les traînaient dans la boue à la queue de leurs che¬ vaux : ils auraient souillé l’enceinte du temple de la liberté. « Prieur (de la Marne); L. Turreau. « P. S. Nous allons demain à Nantes pour concerter avec Turreau, général en chef, les opé¬ rations ultérieures nécessaires pour la destruc¬ tion totale des brigands de Noirmoutiers et des autres parties de la Vendée. » (1) Archives du ministère de la guerre, armée de l’Ouest, carton 5/5. Bulletin de la Convention du 8 nivôse an II (samedi 28 décembre 1793). Moni¬ teur universel [n° 100 du 10 nivôse an II (lundi 30 décembre 1793), p. 402, col.' 3]. « Le secrétaire de Marceau a tué le chevalier des Essarte, un des chefs des brigands. Guermeur, qui nous a accompagnés, a tué Chatelus com¬ missaire des guerres des brigands. » (Le P. -S. est de la main de Prieur.) B. Francastel, représentant du peuple près l’armée de l’Ouest, au comité de Salut public (I). « Angers, 5 nivôse, an II de la République française. « Vive la République ! mes collègues, plus de brigands en deçà de la Loire, et tout se pré¬ pare pour que tous ceux de la Vendée subissent enfin le même sort, le sort des rebelles : la mort. Des milliers sont ramassés dans les différentes communes et expient promptement leurs for¬ faits. J’ai fait réunir dans un même local tous ceux que leur âge tendre semble excuser et rendre susceptibles des impressions républi¬ caines; ils sont surveillés et soignés par des pa¬ triotes. C’est une consolation au milieu des fu¬ sillades et des guillotines qui servent la ven¬ geance nationale. Demain, une partie de la garnison de cette place ira renforcer les postes de l'intérieur de la Vendée, en attendant que les troupes du Nord viennent y porter les grands coups. Je fais ré¬ pandre à profusion parmi les républicains de l’armée les placards dont je joins ici quelques exemplaires. « Salut et fraternité. « Francastel. » C. Suit le texte du discours prononcé à la barre par le citoyen Buquet, aide de camp du général Klé¬ ber (2). Citoyens représentants, Envoyé près du ministre de la guerre par le général commandant en chef par intérim l’ar¬ mée de l’Ouest, je suis encore chargé d’une mis¬ sion infiniment plus flatteuse, je dois, au nom de mes frères d’armes des armées de l’Ouest et de Cherbourg déposer dans votre sein quel¬ ques expressions bien faibles, il est vrai, pour rendre une reconnaissance aussi fortement sentie que la nôtre. A la nouvelle de mon départ, ils se sont présentés en foule au quartier général. « Tu vas à Paris? m’ont-ils dit, sois-y l’or¬ gane de nos sentiments d’estime et de respect pour la Convention; laisse aux muscadins le soin de la parure. Eh ! pourquoi rougirions-nous de la boue qui couvre nos vêtements ou de leur mauvais état. Tu iras donc, sans t’inquiéter de (1) Archives nationales, carton AA 42, dossier 1321. Aulard : Recueil des actes el de la correspon¬ dance du comité de Salut public, t. 9, p 659. (2) Archives nationales, carton C 292, dossier 936, pièce 13. Premier supplément au Bulletin de la Convention du 8 nivôse (samedi 28 décembre 1793).