[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 septembre 17§9.[ QÎ dans toute leur étendue, avec la sanction qui forme le complément cTiine loi dans un gouvernement organisé. Pour peu qu’on y réfléchisse, on sentira que I(é pouvoir exécütif ne peut |qmais avoir d’intérêt à s’opposer à rexécütion d’une bonpe loi, et qu’il doit même avoir un intérêt contraire, bailleurs, la responsabilité des ministres nous garantit qu’ils ne conseilleront jamais au Roi dp refuser lia sano tion de ce qui sera juste ét utile. Le serment que les troupes prêtjentà la nation nous assure que le pouvoir exécutif ne pourra jamais abuser contre elle de l’autorité militaire, et enfin }a permanence des États (car je crois qu’ils doivent être permanent� et je le prouverai quand on agitera la question), ne permet pas même de soupçonner qu’il puisse y avoir le moindre danger dans l’exercice du droit de sanction. Tout pouvoir, vous a-t-on dit, émane de la na-tionj le pouvoir exécutif en émane lui-même ; et de la on a conclu que le Roi ne devait pas avoir le droit de sanctionner, parce qu’il serait contre la nature des choses qu’il pût arrêter l’activité du corps dont il tient son existence. Oui, sans doute, tout pouvoir émane de la nation, le pouvoir exécutif en émane, aussi ; maïs la conséquence qu’on voudrait en tirer n’est pas juste. Lorsqu’une nation se foripe en monarchie, lorsqu’elle distribue les pouvoirs, elle doit donner à chacun d’eux tout ce qui est nécessaire pour leur conservation ; sans cela la Constitution serait très-imparfaite ; la monarchie tendrait toujours à l’anarchie ou au despotisme, et les peuples se trouveraient dans un état voisin de l’esclavage ou de la guerre civile. Or, j’ai déjà prouvé jusqu’à l’évidence, que le droit de sanction était nécessaire pour la conservation du pouvoir exécutif : ce droit est donc de son essence, et l’on iie pourrait l’en priver sans les plus grands inconvénients. Que peut-on craindre de l’exercice de ce droit ? ou la loi proposée sera bonne ou elle seëa mauvaise; si elle est mauvaise, la nation, éclairée par la réflexion et par l’expérience, ne permettra pas qu’elle soit proposée une seconde fois; si elle est bonne, le Roi, éclairé aussi par les mêmes motifs, ne la refusera pas dans une nouvelle Assemblée. 11 est un pouvoir au-dessus de tous les autres, c’est Teiüpire de la raison qui dirige à la fin l’opinion publique ; et cettë opinion est un torrent auquel rien ne peut résister. Si le pouvoir exécutif avait le malheur de refuser la sanction d’une bonne loi, s’il avait le malheur plus grand encore de persister dans ce refus, bientôt i’opi-nion publique lui apprendrait qu’il, doit abjurer son erreur ; et son intérêt personnel ne le laisserait pas balancer dans le choix de ces deux partis: ou des’tlonorer par une rétràctation, ou de së compromettre par un refus plus longtemps soutenu. ; Je he prétends cependant pas qu'il né puisse jamais y avoir d’inconvénient dans' l’exercice du droit de sanction; tel est le sort de toutes les institutions humaines , qu’elles portent un principe de dépérissement et de destruction. Quel est l’établissement dans lequel on ne puisse prévoir une possibilité d’abus? Mais des objections, même plausibles, contre une chose d’ailleurs démontrée bonne, oe sont pas un motif pour la rejeter. Nous sommes réduits à choisir entre des institutions imparfaites, celles qtii présentent le moins d’inconvénients. J’en trouve beaucoup moins à donner le clpoit de sanction, que de le refuser. Tout ce qui peut résulter de plus fâcheux du droit de sanction, c’est qu’une bonne loi poprra éprouver des retards ; c’est un malheur , sans doute, mais l’anéantissement de ce droit nous laisserait toujours à la veillé d’pn changement dans la Constitution, et pourrait entraîner la dissolution de l’empire ; cet inconvénient est bien plus grave. Et qu’on ne cherche pas dans le passé des motifs d’iqquiétude pourTavenir ; ripn rie ressemble moins a l’étaL passé) que l’état actuel ; tout est changé: nous n’avions pas de constitution fixe et nous allons eu avoir une ; nous vivions sous le despotisme ministériel, etnousvivronsdésormaissous la seule autorité de la loi qpe nous nous serons nous-mêmes donnée. Il pe nous resté plus d’ennemis, ou, s’il en reste, je n’en connais qu’un, et nous le portops en nous-mêmes; c’est cette inquiétude, respectable, sans doute, dans son principe, mais bien dangereuse par ses effets , qui, pour nous faire courir après un mieuiç, très-souvent cbiqaérique, nous expose â perdre le bien que nous tenons. Je pense donc que dans notre Constitution , pour laquelle la sanction n’est pas nécessaire , nous devons donner au pouvoir exécutif le droit de sanctionner les lois qui seront faites à l’avenir. M. VoideJ (IR Opinion si�r leÇ sanction royale (2). Messieurs, lorsque dans votre déclaration des Droits 4e l’homme et du citoyen yous ave? consacré, comme la base de tout gouvernement libre, cette grande et belle maxime ; que le principe de toute souveraineté réside essentiel leriftnt dans le peuple; gu’apcun corps, qu’aucun individu ne peut avoir d’autorité qui n’en émane expressément; qu’aucune fonction publique rie peut être considérée comme la propriété de celui qui l’exerce ; vous avez contracté envers le monde entier rengagement solennel et sacré, de donner aux Français une Cqnstitutiori qui soit la conséquence de ees principes. Cependant, Messieurs) ati moment dé commencer ce grand ouvrage qui doit nous couvrir de gloire ou de mépris, selon que nous l’aurons bien ou niai fait, j’aperçois avec douleur dans l’Assemblée une inquiétude sourde, une défiance secrète; triste présage, avant-coureur funeste des plus grandes calamités. Fatigués des longs efforts que nous avons faits pour enfanter l’esprit publié; nous livrerions-nous dp ne au découragement, lorsque nous sommes prêts à recueillir les fruits de pos travaux, et que polir les achever heureusement, nous avons plus que jamais besoin de l’union intime et de l’accord parfait de trios forces el de nos volontés. Qu’est-ce que la sanction royale? Cette , question, Messieurs, est absolument neuve; et si la presque totalité des cahiers l’énonce formellement, il en est peu, il n’eu est peut-être point (1) L'opinion de M. Yoidel h’a pàs ëté insérée au Moniteur. (2) J’avais demandé la pàiolé à Pouvéttüre de la séance du l*r septembre; j’étais inscrit sut la listé; cependant je n’ai pas pu parler. Si je fais anjonrd’tini imprimer ipon opinion, ee n’est pas peur écïairjer i’As-semblée, mais je veux manifester mon avis sur l’objet le plus importanCde la Constitution. (Note deM. Voidet. 92 Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 septembre 1789.] qui en détermine clairement le sens et l’objet. Ainsi nous ne devons marcher dans cette route obscure qu’avec une extrême circonspection, et nous ne pouvons même donner à cet égard une définition précise avant d’avoir lixé la nature du pouvoir législatif. Le peuple, en qui réside essentiellement et éminemment la souveraineté, nous a confié le double pouvoir de faire en son nom une Constitution et des lois. Nous sommes donc actuellement la représentation du pouvoir constituant ; nous serons après la Constitution la représentation du pouvoir législatif ; mais dans l’exercice de l’un et de l’autre de ces pouvoirs, nous avons besoin de deux guides, la volonté du peuple et son intérêt. Ce que le peuple a voulu, nous devons le vouloir, puisque nous agissons en son nom ; nous devons aussi le vouloir lorsqu’il s’est clairement exprimé sur cette matière ; mais lorsqu’il ne l’a pas déterminée, c’est dans son intérêt, bien entendu, que nous devons chercher nos décisions. Ainsi, Messieurs, le peuple a voulu la sanction royale, nous devons exprimer le vœu de la sanction royale ; mais le peuple ne nous a pas dit ce qu’il entendait par la sanction royale, ni de quelle manière elle devait agir ; si elle consistait dans l’opposition du pouvoir exécutif aux lois portées par le Corps législatif ; si cette opposition devait être absolue ou limitée : et c’est là-dessus, que nous devons nous expliquer, en nous déterminant d’après l’unique considération du bien public. La sanction royale n’est à proprement parler que l’attacbe du prince aux lois qui lui sont présentées .par les délégués que le peuple a chargés de faire ces lois ; la sanction royale ne peut donc s’appliquer qu’aux lois et non à la Constitution. Le peuple n’a donc pas voulu, n’a même pas pu vouloir que l’acte qui organise les pouvoirs soit soumis à l’opposition de celui de ses délégués qu’il a revêtu de la plénitude du pouvoir exécutif ; sans quoi il eût transmis à son subordonné le plus inaliénable et le plus imprescriptible de ses droits, la souveraineté toute entière. C’est la Constitution qui fixe la forme du gouvernement, ui l’établit ou le confirme, qui assure l’hérédité e la Couronne dans une maison particulière ; si donc le peuple eût pu accorder au prince le droit d’opposition ou de refus, il lui eût accordé un pouvoir indépendant de la souveraineté, ce qui serait la plus inconcevable et la plus révoltante des absurdités. Ce n'est pas du pouvoir législatif que nous tenons le droit de faire une Constitution ; c’est du souverain chez lequel le pouvoir exécutif ne peut exercer aucun droit, puisque lui-même est entièrement subordonné. Mais, comme le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif sont l’un et l’autre une émanation du pouvoir souverain, c’est dans la volonté et l’intérêt du souverain qu’il faut chercher l’influence que les deux premiers peuvent et doivent avoir l’un sur l’autre. En France, le souverain De peut agir que par ses délégués. L’action de ceux-ci doit donc avoir pour unique objet la volonté et le bonheur de l’autre ; de là naît l’utilité, la nécessité même de la division des pouvoirs ; car l’expérience de tous les fidèles et de tous les gouvernements atteste que leur réunion, en des mains dépendantes par leur nature, entraîne inévitablement le malheur et l’oppression du souverain. Les pouvoirs dépendants doivent donc être organisés de manière que leur activité respective ait pour but l’avantage du pouvoir absolu, dont ils dérivent, ; et ils seront bien organisés si par une surveillance exacte, attentive, continuelle et réciproque, ils sont assez forts pour em-êcher les entreprises ou les attentats de l’un des eux contre le souverain, mais jamais assez pour l’opprimer. Ainsi quand le Corps législatif propose au dépositaire du pouvoir exécutif une loi sur laquelle le peuple ne s’est pas clairement expliqué, alors le prince, s’il croit la loi nuisible, a, je ne dis pas le droit, mais le devoir d'en avertir le peuple, et jusqu'à ce que le peuple ait exprimé sa volonté, le prince doit arrêter l’exécution de la loi. La fonction du Roi consiste donc alors dans un appel au peuple, et cet appel ne peut jamais être que suspensif, puisqu’en dernière analyse, le peuple ayant la plénitude des pouvoirs, pouvant modifier, changer même les fonctions de ses subordonnés, il ne peut être arrêté par l’opposition persévérante d’aucun d’eux. Ainsi, pour résumer, point de sanction pour la Constitution, elle serait absurde ; appel au peuple sur les objets de la législation. Telle est, ce me semble, la seule influence que Ton puisse accorder au pouvoir exécutif sur le Corps législatif. Je ne connais que ce moyen d’accorder l’intérêt du peuple avec sa volonté, tout autre porterait infailliblement une atteinte mortelle à la liberté politique de la nation et nous ne devons pas sacrifier ses droits. Séance du lundi 21 septembre 1789, au soir. La séance est ouverte par l’annonce de plusieurs dons patriotiques, de la part d’un écolier de treize ans qui a remis à M. le président six médailles ou pièces de monnaies étrangères, en argent; de la dame Paignon d’Anneville, propriétaire de la manufacture de Paignon, à Sedan, d’une somme de 3,000 livres; des habitants de Bèze, diocèse de Dijon, qui demandent la permission de vendre leur quart de réserve, et d’en offrir le prix, qui montera à 22,000 livres ; de ceux d’Aignay-le-Duc, diocèse d’Autun, qui ont délibéré d’offrir au Roi une somme de 20,000 livres ; d'un curé qui offre 200 livres par an, et une année de sa portion congrue, à verser dans la caisse nationale ; de M. Pelauque-Bèraut, député de la sénéchaussée du Condomois, qui renonce à la finance de son office de procureur du Roi en l’élection de Condom, en cas de suppression de cet office, et dès à présent à tous gages et recouvrement, tant qu’il en sera revêtu ; et enfin de MM. les députés de la généralité de Lorraine et Barrois, qui se sont engagés à réaliser à la caisse nationale le centième du capital de leurs fortunes. L’Assemblée reprenant l’ordre indiqué pour la séance, se fait lire le projet du comité des finances , relatif à la gabelle, ainsi que différents autres projets et amendements sur le même objet, proposés précédemment. Plusieurs orateurs demandent la parole. M. Dupré, député de Carcassonne (1). Mes-(1) L'opinion de M. Dupré n’a pas été insérée au Moniteur.