442 [Convention nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j « I>u 5 an matin. « P. -S. Il est bien étonnant que Laval pris depuis plusieurs jours ne nous ait encore donné aucun signe de vie. Les districts environnants sont aussi insouciants : que pouvons-nous donc attendre du patriotisme d’un pareil pays. « La Sarthe ne paraît pas s’ébranler, j’ignore quelles sont les forces du département d’Ille-et-Vilaine. Dans ce moment, le département de la Manche me marque que Caen ne nous a fait passer encore aucune arme, malgré deux cour¬ riers extraordinaires que j’ai envoyés à mes col¬ lègues, et l’annonce qu’ils m’ont fait d’un faible renfort de 1,500 fusils, lorsque le désarmement aurait dû en produire 10,000. Avec aussi peu d’ensemble et d’énergie, que pouvons-nous donc faire de rapide et d’heureux? « Annoncez-moi donc des secours par le pre¬ mier courrier, ou des mesures qui me promettent Un peu que nous serons dans le cas d’empêcher ces brigands de se cantonner eet hiver dans le pays et les bois qu’ils occupent. « Je vous fais passer les observations que m’a transmis 1e, département de la Manche. » XII. Extrait de la lettre des représentants Lindet et Oudot, datée de Caen, le 4 du 2e mois (I). Oudot et Lindet, représentants du peuple près l’armée des côtes de Cherbourg, transmettent au comité de Salut public copie de la dépêche qu’ils ont reçue de leur collègue Garnier de Saintes par laquelle il annonce que les brigands se sont emparés de Laval et qu’on demande des secours de toutes parts. Ils vont se concerter avec ce général (sic) sur l’objet de sa pétition, il demande sur-le-champ 3,000 fusils et 4 ca¬ nons. XIII. Le Tourneur, représentant du peuple, dans le dé¬ partement de F Orne, a sres eoUègues, membres du comité de Salut public (2). « Alençon, 5e jour de la lre décade du 2e mois de l’an II de la République fran¬ çaise, une et indivisible. « Citoyens collègues, « J’apprends par voie indirecte que mon col¬ lègue Thirion, représentant du peuple dans le département de la Mayenne, a fait des mer¬ veilles à Forcé, près Laval. Je lui envoie un courrier par Le Mans, qui instruira notre col¬ lègue Guimberteau et lui fera passer la présente avec copie de deux lettres, l’une de Le Carpen¬ tier, l’autre de Oudot, à Caen. a Nota, Le district de Mayenne est en fuite, sans doute à Laval, excepté le procureur syndic, la citoyen Potier, qui n’a pas quitté son poste; toute la municipalité est en fuite, (1) Archives nationales, carton AFn 268, pla¬ quette 2257, pièce 27. (2) Archives nationales, carton AFn 170, pla¬ quette 1393, pièce 41. 43 brumaire an H 3 novembre 1793 « J’ai fait évacuer les maisons d’arrêt sur Chartres. 89 prêtres réfractaires, destinés pour ici, partis de Laval, ont été interrompus dans leur marche par le district de Mayenne, qui nous a renvoyé les forces que nous lui avions fait passer, et a fait conduire à Lassay les réfrac¬ taires. Les femmes de Lassay se sont jetées à leurs genoux, leur ont demandé des bénédictions, se sont portées aux prisons, les ont ouvertes à tous les brigands, ont voulu massacrer le rece¬ veur du district, piller l’administration qui a eu toutes les peines a échapper à leur fureur. Enfin les braves sans-culottes, en petit nombre, ont fait repartir les prêtres dans la nuit. Ils ont été conduits à Argentan, demain ils arriveront, et je les ferai conduire à Chartres avec 60 que j’y ai déjà fait conduire, et entre autres 3 hommes et femmes suspects. « Nous avons découvert cette semaine 11 prê¬ tres cachés entre des planches doubles, ayant des vivres, des bijoux et de l’or. « Le procureur syndic du district de Mayenne est le seul qui soit resté à son poste. « J’ai envoyé un courrier à Rouen; demain il m’arrive un millier de poudre. Caen envoie des fusils et des canons dans le département de la Manche. Les tombeaux me feront des balles. 2,000 hommes armés sont déjà à Mayenne. Tout le district de Domfront, d’un bon esprit, est levé, armé de fourches, piques, brocs (sic) et deux pièces de canon. « Avec les mesures prises par nos collègues Poeholle, Le Carpentier, Oudot et Lindet, nous parviendrons à exterminer cette race infernale, fanatisée par des monstres dont nous aurons bientôt purgé le sol de la liberté. « Salut et fraternité. « Le Tourneur. « Je vous renvoie la suite de la déclaration du citoyen Tissol, pris à Mayenne (1), avec une autre déclaration qui m’a été faite ce matin par le citoyen Gareau ( sic ) qui a fait prendre et a conduit à Saumur le général Sorinière. « 10 heures du matin, 6e jour. « Je ne saurais me procurer de généraux pro¬ pres à commander. Faute de grain, l’on m’a amené de Mortagne, pour l’armée, 8,000 livres de pain. Je ne suis pas secondé encore de ce côté, mais je mets tout en œuvre. J’aurais bien besoin de 2 ou 4 pièces de canon avec leurs caissons, car je ne vois pas que l’ennemi puisse se porter par ailleurs que par ici. Envoyez-moi tout ce que vous pourrez, surtout un collègue, je ne puis plus m’en passer. « Le Tourneur. » Note sur les brigands (2). Les brigands mis en déroute par l’armée do Mayenne ont forcé le poste de Varade et passé la Loire au nombre de plus de 20,000 hommes avec une trentaine de pièces d’artillerie, les troupes de la République en ont recouvré dans la Vendée et la partie de l’Anjou qu’avait en-(1) Cette pièce n’est pas jointe. (2) Archives nationales, carton AFn, 170, pla quette 1393, pièce 44. [Convention nationale.]; ARCHIVES PARLEMENTAIRES. f novembre *793“ 443 vahie les attroupements des rebelles, an moins 60 pièces; un grand nombre encore est resté caché dans les genêts dans diverses paroisses. Les brigands ont en tout 900 hommes de cavalerie snr lesquels 100 peuvent donner, les antres ne sont propres qu’à leur occasionner des déroutes. Ils manquent de munitions de bouche. Ils auraient un peu plus tard inondé le départe¬ ment de la Mayenne et ceux qui l’avoisinent : ils faisaient particulièrement un grand éloge de celui de la Mayenne qui, disaient-ils, s’était bien montré en se portant à Caen, et s’imaginaient qu’en y faisant passer 20,000 hommes, ils insur¬ geaient tout le pays. Leur projet est d’aller en Bretagne pour s’y cantonner et de gagner son port de mer, ils répandaient le bruit que les Prussiens, etc., étaient aux portes de Paris et traitaient la gar¬ nison de Mayence de parjures en prenant les armes contre eux puisqu’ils défendaient la même cause, celle de la royauté et de la religion. Ils peuvent avoir parmi eux 100 prêtres, qui, tous les jours, bénissent les poignards, entre lesquels on remarque Gabriel, se disant évêque d’Agra, et Bernier, ex-curé de Saint -L au d d’An¬ gers, ce dernier rédige le bulletin des fana¬ tiques. Plusieurs de leurs chefs ont été tués ou blessés à la dernière affaire de Cholet; Leseure a eu la tête traversée d’une balle, et j’ai vu arriver d’Elbée à Beaupréau blessé mortellement à la poitrine. Ceux qui leur restent sont : le ci-devant prince Talmon d’Autichamp, Bauvolier, (je lui ai entendu dire, en soupant avec lui : Je vou¬ drais envoyer une charretée de têtes de pri¬ sonniers aux bleus toutes les fois qu’ils met¬ tent le feu dans un endroit. Je répondis en riant à ceux à côté desquels je me trouvais : Il me semble déjà voir la mienne en voiture. Sa femme a été arrêtée avec le secrétaire de leur conseil supérieur, tous deux sont à Angers), d’Autrive, Piron (1), La Roehejaquelin, le chevalier Ta-plin, Stofflet, garde-chasse et quelques mus¬ cadins, Duhoux, frère de Duhoux, général d’une armée républicaine. Il est bon de remarquer que la veille de la déroute de Saint-Lambert, les deux frères soupèrent ensemble à la Jumelière, et là disposèrent de la vie de plus de 4,000 hommes. Ils avaient entre eux une correspondance suivie ; au reste, Sorinière, l’un des chefs que j’ai livrés, actuellement dans les prisons de Saumur, don¬ nera et à déjà donné de grands renseignements dans son interrogatoire sur les Duhoux. Sur leur tactique. Ils n’observent aucun ordre; ils marchent en groupe. Dans la route chacun des brigands a son fusil en bandoulière, son chapeau sons son bras, et un chapelet à la main. Arrivés au champ de bataille, ils se répandent en tirailleurs, et cherchent toujours à cerner l’armée qu’ils ont à combattre; au moment de l’action, ils font un tapage épouvantable, on entend un cri continuel de vive le roi, vive la religion catholique, etc., et semblent être plus nombreux qu’ils ne sont Ont-ils une victoire, ils en profitent; ils nous poursuivent pendant 4 lieues dans nos déroutes, et c’est surtout les déroutes que nous avons à (I) Note marginale : « Piron se dit demandé par 30 paroisses en Bretagne. » craindre, elles sont toujours très meurtrières. Ils ne redoutent point le canon, mamies feux de fil© et l’arme blanche. Ils ne font point de prison¬ niers, ceux qu’ils arrêtent, ils les désarment, prennent leur portefeuille, leur montre, leurs autres effets, et les fusillent sur-le-champ. A Yarade, m’étant approché de plusieurs chefs, ils se disaient entre eux : « Nous sommes perdus, battons-nous en désespérés, choisissons, mourons les armes à la main ou sur un échafaud, « Garot. » Ce Garot est un instituteur professant la 3e à Château-Gontier, échappé sur Laval, connu des administrateurs de la Mayenne, chargé d’accom¬ pagner les caisses et archives du département de la Mayenne, en celui de l’Orne, Le Tourneur. Au comité de Salut public (I). « Le général Rossignol est arrivé fort à propos hier à Rennes. La prise de Laval, l’approche des brigands prêts à inonder ce département et ceux qui l’environnent; les mouvements extraordi¬ naires que ces circonstances ont forcé d’impri¬ mer aux gardes nationales du Morbihan, des Côtes-du-Nord et de la Manche rendaient sa pré¬ sence très nécessaire. Vergnes a inspiré de la méfiance aux patriotes, mais je crois plutôt aux accents de son amour-propre qu’aux projets de la malveillance qu’on lui suppose. Au reste, je l’ observe. « Tout se dispose pour envelopper bientôt l’ennemi dans un filet duquel il ne pourra échap¬ per, et pour rendre promptement Laval à la République, mais il faudra que cette ville cou¬ pable soit punie. Je recueille des détails sur la trahison qui l’a livrée, et je m’empresserai do vous les transmettre. « Je vous ai déjà dit que j’étais seul ici. H⬠tez-vous donc, je vous en conjure, de m’aider dans le travail dont je suis chargé, et surtout de me dire en quelle qualité je dois y rester, si je suis représentant du peuple près l’armée des Côtes-du-Nord ou représentant chargé des me¬ sures de salut public dans les départements. Mon camarade Carrier est à Nantes et paraît décidé¬ ment attaché à l’armée de l’ouest. Il est impos¬ sible que je reste plus longtemps dans l’état où je me trouve. « Je sais que Garnier et Carpentier ne sont pas loin de moi, qu’Esnne-la-Vallée et Thirion sont dans des départements voisins, mais ils ont sans doute une mission expresse et ne peuvent m’être d’aucun secours. C’est un des plus grands abus de notre gouvernement pro¬ visoire que cette multitude de missions qui se croisent souvent, qui n’ont jamais de limites de territoire bien déterminées, et qui exposent ceux qui en sont chargés à des mesures incer¬ taines et quelquefois même contradictoires. Il est pressant que vous preniez un parti à cet égard. « Salut et fraternité. « Le représentant du peuble, « Pocholle, actuellement à Bennes. (1) Archives nationales, carton AFn 170, pla¬ quette 1393, pièce 43.