[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 juillet 1791.J L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de lois rurales. M. Heiirtault-Liamerville, rapporteur, propose 2 articles additionnels destinés à devenir les articles 4 et 5 do la 2° section du projet de décret. Ces articles sont ainsi conçus : « Art. 4. Le droit de tacite réconduction est acquis au fermier comme au propriétaire, par le seul fait de la jouissance continuée 8 jours francs, depuis l’expiration du bail. « Art. 5. La tacite réconduction ne durera qu’une année : s’il n’y a convention contraire, elle expirera de plein droit, sans qu’il soit besoin de congé signifié de part ni d’autre-, mais, dans tous les cas, le fermier sera indemnisé des engrais dont il n’aura pas retiré l’avantage. •> Un membre propose, sur la discussion de ces 2 articles, de décréter que la tacite réconduction n’aura lieu que 15 jours, ou même un mois après le jour de l’expiration du bail, et qu’elle durera 2 ou 3 ans, suivant les différentes natures des domaines affermés. Un membre soutient que les 2 articles en discussion contiennent des dispositions impossibles à établir dans une forme générale, à cause de la très grande variété des usages de l’agriculture dans les différents départements : il demande qu’on laisse les choses se régler par les usages locaux, comme auparavant. Un membre combat cette dernière proposition et insiste sur la nécessité de faire une loi précise sur l’exécution et les suites des baux à ferme, et de ne pas abandonner les parties et les jugements à l’incertitude des opinions et des usages, c’est-à-dire à l’arbitraire. Un membre propose de supprimer absolument les tacites r ê conductions , et par conséquent de rejeter les 2 articles qui concernent cette manière de jouir. Un membre demande qu’il soit ordonné au comité de proposer incessamment une loi concernant l’exploitation des biens des absents. (La discussion est fermée.) L’Assemblée, consultée, décrète ce qui suit : « La tacite réconduction n’aura plus lieu à l’avenir en bail à ferme ou à loyer. » Un membre propose de renvoyer au comité, pour présenter un ou plusieurs articles concernant les règles à suivre, dans le cas où le propriétaire ou le fermier auraient oublié ou négligé de renouveler le bail, et où le fermier aurait continué l’exploitation. (Ce renvoi est décrété.) M. Ileurtault - Lnmerville , rapporteur , donne lecture de l’article 4 de la 2e section du projet, ainsi conçu : « Celui qui voudra se clore d’un mur, dans les campagnes, sera tenu de l’élever en entier sur son propre terrain ; mais si le propriétaire voisin en veut tirer une autre utilité que celle de la clôture, il payera à celui qui l’aura bâti, en proportion de la partie dont il fera usage, la moitié de la valeur actuelle du mur, et la moitié de la valeur du terrain où il sera construit. » lr9 Série. T. XXVIII. 449 Un membre demande que nul ne puisse être forcé à consentir la mitoyenneté de son mur s’il a pris la précaution de le bâtir de manière qu’il y ait un intervalle entre le mur et l’héritage voisin. Un membre soutient que l’article est inutile. Un membre demande l’ajournement et le renvoi au temps de la confection des lois civiles. (Sur ces différentes propositions, ensemble sur l’article lui-même, l’Assemblée décrète qu’elle passe à l’ordre du jour.) M. Heurtault-I�amerville, rapporteur . donne lecture de l’article 5 de la 2e section du projet, ainsi conçu : « Toute'haie plantée à l’avenir, à moins qu’elle ne soit rendue comm me de gré à gré, sera de 2 pieds en dedans du terrain du planteur, qui n > pourra la laisser s’élargir de manière à nuire à l’héritage voisin, et nul fossé ne sera à moins de distance d’un terrain étranger que de 18 pouce--, et avec un talus in'érieur de la moitié de la profondeur du fossé du côté du voisin. » Plusieurs membres présentent des observations sur cel article. M. Gaultier-Biaiizat. Le Cole rural tient à un système général de législation ; on ne peut faire de bonnes lois rurales que là où elles seront combinées avec toutes celles qui tiennent aux servitudes et à une infinité d’autres cas desquels les circonstances ne permettent pas à l’As-se ublée de s’oc< uper. Il fa it se bor mr à la discussion des lois rurales qui tiennent à la police correctionnelle ; la confection de ces lois est instante, parce que la totalité du Gode pénal et correctionnel étant décrétée, elles y sont inhérentes et en sont pour ainsi dire l'accessoire. Marchons à la Constitution ; tout nous commande de l’achever; l’intérêt public l’exige : laissons à nos successeurs le soin de faire les lois générales du Gode civil. Je fais donc la motion que l’Assemblée ne s’occupe que des lois rurales relatives à la police rurale. M. Buzot. J’appuie l’observation de M. Gaultier-Biauzat. L’Assemblée ne doit s’occuper que des lois constitutionnelles, et la poltce des champs doit être renvoyée à la législature. Depuis longtemps le comité militaire est chargé de nous présenter un décret sur l’emploi de la force militaire. Les comités de Constitution et de révision sont aussi chargés d’un travail que nous attendons avec une grande impatience. Les circonstances vous ont déterminés à suspendre l’activité des assemblées électorales, les circonstances doivent vous engager à la leur rendre. M. Briots-Beaumetz. J’observe que les comités de Constitution et de révision s’assemblent tous les jours, et que M. Buzot est le seul qui ne s’y trouve pis. (L’Assemblée, consultée, décide qu’elle s'occupera uniquement des articles qui concernent les délits ruraux et les peines à leur infliger, et qu’elle ajourne le reste du projet.) M. Heurtanlt-liamerville, rapporteur. Pour me conformer à la décision de l’Assemblée, je 29 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 juillet 1791.] m vais passer aux articles qui concernent les délits ruraux (1) ; cette matière est de la plus haute importance. Voici le premier article : « Celui qui achètera des bestiaux hors le jour et le lieu des foires sera tenu à les restituer gratuitement au propriétaire, dans le cas où ils aura enl été vo'és ; l’acheleur sera condamné en cuire à des dédommagements proportionnés au temps durant lequel le propriétaire aura été privé du service de ces bestiaux. » Un membre demande le retranchement de la deuxième partie de l’article depuis ces mots : T acheteur sera condamné , etc. M. Heurtaiilt-Lamerville, rapporteur, consent à ce retranchement, et propose une nouvelle rédaction de la première partie de l’article en ces termes : « Celui qui achètera des bestiaux hors des foires et marchés sera tenu à b s restituer gratuitement au propriétaire en l’état où ils se trouveront, dans le cas où ils auraient été volés. » (Adopté.) M. Heurtanlt-liamerville, rapporteur , soumet à la discussion l’article suivant : « Les dégâts que les bestiaux ou animaux domestiques de toute espèce, laissés à l’abandon, feront sur les propriétés d’autrui, soit dans les enceintes des habitations, soit dans les champs ouverts, seront payés par les personnes qui auront la conduite de ces animaux : les personnes qui en ont la jouissance sont responsables, en cas d’insolvabilité de ceux qui en ont la conduite. Il sera satisfait aux dégâts par la vente des bestiaux, s’ils ne sont pas réclamés, ou que le dommage n’ait pas été payé dans la huitaine. « Si ce sont des volailles qui causent le dommage, elles pourront être tuées par le propriétaire ou le fermier qui l’éprouvera, mais seulement sur le lieu et au moment du dégât. » Un membre demande d’ajouter à i et article la faculté, en faveur de celui qui a la jouissance de l’héritage dévasté, de saisir et arrêter, sans autre forme, les bestiaux qui seront en délit, sans gardien ; mais à la charge de les faire conduire à la maison commune dans les vingt-quatre heures. M. Gaultier - Biauzat demande que le propriétaire des bestiaux soit garant de la réparation du délit, en cas d’insolvabilité de celui qui n’en aurait que la Jouissance, et qui aurait laissé commettre le dégât. M. Ifeurtault-liamerville, rapporteur , déclare adopter ces 2 amendements. M. Lelay-Grantugen demande qu'il soit permis au propriétaire ou fermier de tuer les cochons étant en dégât sur les héritages. (L’Assemblée rejette cette proposition par la question préalable.) Un membre demande que le propriétaire ou fermier puisse tuer les chèvres trouvées en délit sur les héritages. (L’Assemblée rejette cette proposition par la question préalable.) M. Heiirtaiilt-liamerville, rapporteur , donne lecture de la rédaction de l’article avec les amendements adoptés, dans les termes suivants: « Les dégâts que les bestiaux ou animaux domestiques de toute espèce, laissés à l’abandon, feront sur les propriétés d’autrui, soit dans les enceintes des habitations, soit dans les champs ouverts, seront payés par les personnes qui en ont la jouissance ; et si elles sont insolvables, par celles qui en ont la propriété : le propriétaire qui éprouvera le dommage aura le droit de saisir les bestiaux, sous la condition de les faire conduire dans les vingt-quatre heures au lieu du dépôt qui sera indiqué à cet effet par la municipalité. Il sera satisfait aux dégâts par la vente des bestiaux, s’ils ne sont pas réclamés, ou si le dommage n'a pas été payé dans la huitaine à compter du jour du délit. « Si ce sont des volailles de quelque espèce que ce soit qui causent le dommage, elles pourront être tuées par le propriétaire ou le fermier qui l’éprouvera, mais seulement sur le lieu et au moment du dégât. » (Adopté.) M. Heurtault-Lamer ville, rapporteur, soumet à la discussion l’article suivant : « Les cultivateurs des biens ruraux seront tenus d’échenilier une fois par an les arbre3 fruitiers de leurs jardins ou vergers, et les haies à la proximité de moins de 2 toises des héritages d’autrui. Sur la réclamation de celui qui souffrira de la négligence, le cultivateur qui n’aura pas exécuté cette loi de police sera condamné à 5 sols par pied d’arbre, ou par toise de haie où il se trouverait encore, à la lin de février, les poches qui renferment les chenilles. » Un membre demande de retrancher ces mots: « où il se trouverait encore, à la lin de février, les poches qui renferment les chenilles. » Un membre soutient que l’article est d’une exécution impossible, et il demande la question préalable. M. Ileurtault-I�ainerville, rapporteur , sur ces différentes observations, déclare retirer l’article. Il soumet ensuite à la discussion l’article suivant : « Toute personne qui, inconsidérément, aura allumé du feu dans les champs plus près que 25 toises des maisons, bois, vergers, haies, meules de grain, de paille ou de foin, sera condamnée à payer le dommage que le feu pourra occasionner, et à une amende égale à la valeur de 12 journées de travail au taux du pays : le délinquant pourra, de plus, suivant les circonstances du délit, être condamné à la détention de police municipale. » M. Moreau. Les pâtres ont coutume d’allumer du feu près des forêts; le feu gagne et les forêls sont perdues. C’est pourquoi je voudrais qu’il fût fait complète défense d’allumer du feu dans les cas prévus par l’article. M. Heurtault-tiamervIHe, rapporteur. J’adopte. M. Malès. Je demande que la deuxième partie de l’article soit ainsi rédigée : «... sera condamnée à une amende égale à la valeur de 12 journées de travail au taux du (1) Yoy. ci-après ces articles aux annexes de la séance.