[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 jum 1791.] par laquelle vous avez statué qu’il lui serait nommé uu gouverneur par l’Assemblée nationale. C’est sur les moyens d’exécution de cette seconde partie de ce décret, que le comité de Constitution m’a chargé de vous présenter un projet de décret qui peut se rapporter à trois dispositions principales : 1° sur le mode d’élection ; 2° sur le serment à demander au gouverneur; 3° enfin, sur l’autorité qu'il conservera relativement aux personnes attachées au service de l’héritier présomptif. Quant au scrutin, Messieurs, ce choix nous a paru si important, qu’outre le scrutin qui est en usage et définitif, c’est-à-dire le scrutin individuel à la majorité absolue des suffrages, nous avons pensé que, dans une circonstance aussi importante, il serait convenable de faire procéder au scrutin indicatif qui serait très simple : c’est-à-dire que les membres de l’Assemblée se retireraient d'abord dans les bureaux, aujourd’hui si vous l’ordonnez ou demain ; que l’on mettrait sur un bulletin le nom du citoyen qu’on croirait propre à remplir cette fonction ; que deux de MM. les secrétaires recueilleraient le scrutin indicatif ; qu’on formerait une liste de tous ceux qui auraient en des voix ; que la liste serait imprimée ; et qu’ensuite, demain ou après-demain, vous procéderiez au scrutin définitif, tant sur ceux qui seraient iuscrits sur la liste, que sur tout autre citoyen. Ce moyen nous a paru devoir être adopté par l’Assemblée, parce qu’il était propre à établir la confiance de la nation dans le choix important auquel vous allez procéder, et nous ne pensons pas qu’il soit susceptible de difficulté, il n’entraînera point de longueurs, et il arrivera nécessairement au but que nous nous proposons. Quant au serment, le comité a vu que, dans ce mommt-ci, c’est moins un gouverneur que vous avez à nommer pour l’héritier présomptif de la couronne, qu’un gardien de sa personne qui doit en répondre. Vous vous rappelez que, dans le décret sur la régence, vous avez réservé à l’Assemblée nationale le droit de statuer par une loi particulière sur le système d’éducation qui sera suivi à l’égard de l’héritier présomptif de la couronne. Le comité n’a pu encore s’occuper de cet objet que dans le système général d’éducation auquel il travaille depuis longtemps, et qui vous sera soumis avant notre départ. Sans doute, avant la fin de vos travaux, il faudra régler en détail le système d’éducation morale, civile et politique, qui sera suivi à l’égard de l’héritier présomptif de la couronne ; mais cette matière importante demandant une discussion assez longue, pour le moment, vous devez vous assurer de la personne de l’héritier présomptif de la couronne avant d’imposer le serment que vous avez imposé dans une loi antérieure au gardien du roi mineur. Il faut attendre, pour imposer le serment de celui qui sera chargé de son éducation, que vous ayez statué sur l’éducation elle-même. Le serment que nous vous proposons dans ce moment sera très simple; c’est précisément celui que vous avez ordonné à celui qui pourrait se trouver par la suite gardien du roi mineur : de veiller religieusement sur la conservation de la vie et de la santé de l’héritier présomptif de la couronne, et de répondre de sa personne. Par la suite il est vraisemblable qu’eu déterminant le sysième d’éducation qui sera suivi, nous imposerons au gouverneur un serment beaucoup plus solennel ; il est vraisemblable que vous exigerez de lui non seulement de veiller à la sûreté de la 569 personne de l’héritier présomptif de la couronne, et d’en répondre, mais aussi de l’élever dans les principes de la Constitution décrétée par l’Assemblée nationale, et dans le respect pour la loi ; de l’instruire en toute occasion des droits de la nation en général, et de ceux de chaque citoyen en particulier; de l’habituer constamment à l’exercice de tous les devoirs des citoyens, et de le préparer à être roi d’uu peuple libre ; mais, pour le moment, il ne. s’agitque de la conservation de la vie, de la sûreté de la personne de l’héritier qui n’a que 6 ans. Quant à l’autorité provisoire à donner au gouverneur dont vous avez ordonné la nomination par votre décret du 25 de ce mois, il nous a paru très simple de dire que toutes les personnes attachées au service du dauphin seraient sous les ordres de ce gouverneur. Après les détails dans lesquels je viens d’entrer, je vais lire le projet de décret qui est très simple ; l’Assemblée pourrait aujourd’hui se retirer dans les bureaux pour le premier scrutin indicatif. (Murmures.) « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de sou comité de Constitution, décrète ce qui suit : « Art. 1er. Avant de procéder à la nomination d’un gouverneur qui doit être provisoirement donné à l’héritier présomptif de la couronne, en vertu d’un décret du 25 de ce mois, il sera formé une liste indicative des citoyens qui paraîtront propres à remplir cette fonction. « Art. 2. Pour former la liste, les membres de l’Assemblée nationale répartis en bureaux, procéderont à un scrutin indicatif. Les scrutins de chaque bureau ayant été reçus par deux des secrétaires, la liste de tous ceux qui auront obtenu des voix sera rapportée à l’Assemblée et ensuite imprimée. « Art. 3. L’élection sera faite au scrutin individuel et à la majorité absolue des suffrages; le3 voix pourront porter non seulement sur ceux inscrits dans la liste, mais sur tous autres citoyens. « Art. 4. Le gouverneur prêtera à la nation, dans le sein de l’Assamblée nationale, le serment de veiller religieusement à la conservation de la vie et de la santé de l’héritier présomptif, et il répondra de sa personne. « Art. 5. Toutes les personnes attachées au service de l’héritier présomptif seront sous la surveillance et les ordres du gouverneur. « Art. 6. Le droit de déterminer le système d’éducation morale, civile et politique qui sera suivi a l’égard de l’héritier présomptif, ayant été réservé aux représentants de la nation par un décret antérieur, l’Assemblée nationale s’occupera incessamment de cet objet. » (La discussion est ouverte sur ce projet de décret.) M. Defermon. Si M. le rapporteur, dans le rapport qu’il vous a fait, avait exprimé l’opinion du comité sur la question de savoir si le gouverneur de M. le dauphin pourra être élu parmi les membres de l’Assemblée nationale, je n’aurais pas à vous faire l’observatiou que je vais vous proposer. Jusqu’à présent, l’Assemblée a été jalouse de ne faire aucune nomination aux emplois publics parmi ses membres : elle a porté même plus loin ses précautions, car elle a voulu que pendant 4 ans ils ne puissent accepter les emplois qui leur seraient proposés par le chef du pouvoir exécutif ou par ses agents. 570 [Assemblée nationale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES [28 juin 1791.J Sans doute, il y a une différence entre le choix qui aurait pu être fait par le chef du pouvoir exécutif ou par ses agents et l’élection qui sera faite dans l’Assemblée; mais aussi, Messieurs, l’Assemblée est peut-être dans des circonstances où elle doit encore, s’il est possible, ajouter au scrupule avec lequel elle s’est conduite, surtout dans tout ce qui pourrait faire paraître au public qu’elle désire fixer des choix sur des membres de son sein. Gomme je suis persuadé que la question a été discutée dans le comité, je demande à M. le rapporteur de vouloir bien faire part à l’Assemblée du vœu du comité sur cet objet, et s’il est d’avis d’exécuter littéralement les précédents décrets de l’Assemblée, elle n’aura peut-être pas à répéter son vœu sur l’exécution de ses décrets. Si le vœu du comité était de faire exception, parce que l’élection sera faite par l’Assemblée, alors je demande à l'Assemblée qu’elle veuille bien me permettre de suivre mes observations et je crois que l’Assemblée doit persister dans ses précédents décrets. Plusieurs membres : Appuyé ! appuyé ! M. Démeunier, rapporteur. La question qui vient d’être faite par le préopinant a été discutée dans le comité de Constitution avec beaucoup plus d’étendue, et je vais en développer les motifs avec toute la simplicité d’un homme qui ne songe pas et qui assurément ne peut pas songer à un pareil emploi. Un membre : Vous avez raison. M. Démeunier, rapporteur. Le comité a pensé d’abord que les décrets très utiles que vous avez rendus, relativement à l’exclusion des membres de l’Assemblée nationale actuelle sur les places qui se trouveraient à la nomination du pouvoir exécutif, que le second décret par lequel vous avez déclaré que les membres de l’Assemblée nationale actuelle ne pourraient être réélus au prochain Corps législatif, ne pourront s’appliquer à la circonstance actuelle, d’abord parce que le choix qui doit intervenir, fait au nom des représentants de la nation, n’a aucune espèce de rapport avec le pouvoir exécutif; ensuite, comme il s’agit dans la nomination d’une place si importante de choisir non seulement ceux qui, par leur patriotisme, ont montré du zèle pour la Révolution et pour la Constitution, et qu’au défaut de la nation qui ne peut pas procéder à ce choix, exerçant par délégation un droit qui appartient à toutes les sections de l’Empire, vous ne devez pas restreindre l’étendue de ce droit : que vous deviez laisser aux membres de l’Assemblée nationale à choisir en leur âme et conscience celui qu’ils jugeraient le plus propre à remplir cette fonction. Nous avons examiné ensuite si, en excluant les membres de cette Assemblée, on pourrait espérer un choix aussi bon; et nous avons senti que les députés de l’Assemblée venus des divers départements, absorbés par 26 mois de travaux, pourraient ne pas connaître au dehors de l’Assemblée tous ceux mêmes qui en seraient dignes ; et que, sous prétexte d’assurer la bonté du choix, vous livreriez le même choix aux insinuations, aux sollicitations des personnes du dehors. Enfin, Messieurs, une troisième raison qui nous a déterminés à ne point prononcer d’exclusion, a laissé aux représentants de la nation la liberté qu’aurait chaque section de l’Empire, si elle pouvait procéder à ce choix auquel vous allez procéder par délégation seulement, c’est qu’en général toutes ces exclusions sont fondamentalement contraires au droit individuel qui appartient aux communes du royaume. Voilà, Messieurs, en substance, les trois raisons principales qui avaient déterminé le comité à ne point parler de cette question dans le projet de décret; et en laissant le choix se porter indistinctement et sur les membres de cette Assemblée, et sur ceux qui sont au dehors, le comité n’a pas craint que l’on pût croire que l’Assemblée adopte cette marche par des vues d’ambition particulière; car, assurément, lorsqu’il s’agit de faire un seul choix, la France entière, je le présume, dirait que vous avez cru, en laissant toute liberté possible à ceux qui vont exercer le droit d’élection, que vous avez cru par là arriver à un meilleur choix. Ainsi, la raison tirée des principes, des convenances et même des circonstances actuelles, semble devoir faire pencher l’avis de l’Assemblée en faveur de l’avis du comité qui est de ne point prononcer d’exclusion. Cependant la discussion va être ouverte : on entendra les différents orateurs et l’Assemblée prononcera. M. Bazot. Je vois un très grand inconvénient dans l’opinion de M. le rapporteur : c’est qu’en choisissant dans votre sein le gouverneur du dauphin, vous perdez un membre qui pourrait vous être d’une grande importance. Nous devons d’ailleurs écarter toute ce qui pourrait jeter dans notre conduite le moindre soupçon de défaut de délicatesse; il faut absolument bannir de nous tout ce qui pourrait nous faire perdre l’opinion publique dont nous avons tant besoin de nous environner, et particulièrement dans ces circonstances délicates et pressantes. Je ne sais pas au reste comment, avec le scrutin indicatif, tel que vient de le présenter le préopinant, il sera facile à chacun de nous de trouver dans ce même scrutin de quoi fixer particulièrement notre choix; et, si la raison du préopinant est véritablement bonne, il s’ensuivrait que ce serait en vain que l’on dirait que l’on peut choisir au dehors et même d’après son opinion, que nous sommes dans la nécessité, par la nature de nos travaux et les circonstances où nous nous trouvons, à faire un choix dans notre sein. J’ajouterai qu’il est indigne d’un député à l’Assemblée nationale, de quitter ici son poste pour être gouverneur de M. le dauphin. Permettez-moi de faire part à l’Assemblée d’une simple réflexion, c’est que, outre les réflexions que j’ai dites, il en est une bien frappante : on dit que le gouverneur, et celadoitêtre, sera responsable; or, je demande comment il est possible de tirer de notre sein un d’entre nous qui, pour une fonction extérieure, deviendrait comptable à l’Assemblée, de sa conduite. M. Rewbell. Nous avons décrété qu’aucun de nos collègues ne pourrait accepter une place conférée par le pouvoir exécutif; nous l’avons fait pour conserver notre liberté, pour nous défendre de l’influence possible de ce pouvoir. En ce moment, des circonstances différentes nous pressent; la pluralité de l’Assemblée nationale est pure et doit peu s’inquiéter de quelques censeurs ; la nation entière vient de leur donner des preuves de sa confiance, et ceux qui, dans ce moment, pourraient douter d’elle ne rendraient justice, ni à l’Assemblée nationale, ni à la nation. (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES* [28 juin 1791. J 571 Je conviens avec le préopinant que la question ue nous traitons ne doit point être décidée par es convenances, mais par des principes. Si les décrets que nous avons rendus n’avaient été dictés que par des motifs de délicatesse, j’oserais le soutenir, ces décrets seraient criminels. Il n’y a pas même une délicatesse, quelle qu’elle puisse être, qui puisse empêcher de faire notre devoir. Si, par hasard, je trouvais dans ma conscience qu’il n’y a dans cette Assemblée qu’un seul homme sur qui je me reposerais de la conservation de l’héritier présomptif du trône, si vous m'otez la liberté de le nommer, vous me tyrannisez, et je soutiens que tous ceux à qui on voudrait ôter cette liberté, on leur fait commettre un crime, on les empêche de remplir leur devoir. (Murmures.) J’ajoute, à cette réflexion, que la question que nous agitons prouve qu’il n’y a pas de loi sur cet objet; en sorte que tous ceux qui prendront la parole après moi seront dans le cas de prouver que cette loi est nécessaire, qu’il est du devoir public de la faire, et, s’ils ne le prouvent pas, ils ne diront rien. J’ajoute une observation, c’est qu’un grand nombre de membres de cette Assemblée , connaissant beaucoup de monde, sont attachés à différents partis, et par conséquent peuvent déjà avoir leur opinion formée. Mais moi, jusqu’à présent, étranger à la capitale, attaché à mes devoirs, je ne connais et n’ai pu connaître ici personne. Plusieurs membres à gauche ; Et nous aussi. M. Rewbell. Je sens, Messieurs, que je me suis trompé dans l’expression, et que tous les membres de cette Assemblée sont dans le même cas que moi. Mais je veux dire qu’étant étranger dans cette capitale, mes devoirs m’ont tellement absorbé que je n’y ai fait aucune espèce de liaison. (Rires ironiques à droite.) Je suis persuadé que ceux de. mes collègues qui ne sont pas de Paris sont dans le môme cas. Où choisirions-nous si nous ne pouvons choisir dans l’Assemblée? C’est pourquoi je soutiens qu’il faut laisser à chacun la faculté de suivre le mouvement de sa conscience et n’exclure personne de l’éligibilité à la place du gouverneur. M. Garat aîné. Et moi aussi, Messieurs, je ne suis d’aucun parti, et j’ai pris pour cela le moyen le plus sûr et le plus infaillible; c’est de n’être d’aucun club. (Applaudissements à droite. — Rires à gauche.) C’est avec étonnement, Messieurs, que j’ai entendu dire par le préopinant que la délicatesse ne devait point influer sur nos délibérations. La délicatesse seule unie aux principes doit nous déterminer. La délicatesse on ne sait peut-être pas ce que c’est... (Rires.) M. de Tracy. Je demande la parole pour une motion d’ordre. L’ordre du jour ne peut pas être d’apprendre à l’Assemblée ce que c’est que la délicatesse. Il y aurait une véritable délicatesse à braver les mauvaises critiques pour faire son devoir avec plus de fermeté et d’étendue. M. le Président. Monsieur Garat, vous êtes invité à vous renfermer dans la question. M. Garat aîné. Monsieur le Président, je me renferme dans la question, lorsque je réponds aux motifs sur lesquels un opinant a fondé sou opinion qui est contraire à la mienne. Plusieurs membres : Il ne l’a pas dit. M. Garat aîné. Il l’a dit. M. l