[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 juin 1790.] §81 pc voulez pas que je vous dise que personoe ne connaît l’état de cette colonie ; que ce que vous en savez, vous ne l’avez appris que par l’assertion d’un ministre et d’un seul de vos membres, n’examinez pas, prenez un parti sur la proposition des ministres ; croyez-les sur parole, et décrétez la guerre et la servitude. M. Arthur Dillon. Les armements dont se plaint M. Robespierre consistent en un bâtiment marchand portant 300 hommes. M. Duval ( ci-devant d'Eprémesnil). Si M. Robespierre doute des faits, je vous propose de l’envoyer pour commissaire à Tabago, afin de les vérifier. M. Robespierre. Il n’y a pas de milieu ; il faut entendre avec patience les membres de cette Assemblée, ou s’exposer à tous les dangers dont j’ai parlé. Je ne sais si les mesures proposées sont déterminées par les besoins de Tabago ou par des menées ourdies par les ministres pour occasionner la guerre. Nous avons pour garant des faits une lettre du ministre et l’assertion d’un de nos collègues. Jamais nos décrets ne doivent être rendus sur des assertions isolées et appuyées sur des assertions ministérielles. Nos inquiétudes sont d’autant mieux fondées, qu’on n’a pas laissé au comité le temps d’éclaircir les faits. D’après ce qui m’est dit en ce moment par les députés des colonies, je demande le renvoi du projet de décret au comité colonial. MM. de Reynaud et de Gouy, députés de Saint-Domingue, appuient la proposition du renvoi au comité colonial. M. Arthur Dillon. Si les craintes qui s’élèvent quelquefois contre les ministres sont fondées, ce n’est pas aujourd’hui. Gomment peut-on savoir un événement arrivé à deux mille lieues, si ce n’est par le ministre de la marine? M. de La Luzerne a fait remettre au comité un compte des faits, signé de lui et rendu par un commandant de la marine. J’ai reçu ce matin une lettre de MM. Labermoudière et compagnie, de Dunkerque, par laquelle ils me mandent que le navire la Thérèse, arrivé le 27 dans ce port, a apporté la nouvelle de l’incendie du Port-Louis. Je propose, pour tranquilliser sur l’armement, qu’il soit dit dans l’article premier que trois cents hommes seront transportés sur un bâtiment marchand, qui portera en même temps des armes et des vivres. Les armes que je demande sont trois cents fusils pour les habitants, qui, au nombre de trois cent cinquante, sont entourés de seize mille noirs sortant à peine d’une insurrection qui a duré huit années. (On fait une lecture du projet de décret avec ce changement.) (On demande à aller aux voix.) M. de Reynaud. Je propose l’ajournement à samedi, et le renvoi au comité des rapports et au comité colonial réunis. (On demande encore à aller aux voix.) M. de Toulongeon. On ne suit point dans ce décret la marche constitutionnelle. Il faut supplier le roi de mettre l’Assemblée à même de délibérer, en faisant connaître, par la voie des ministres, les secours qui seront nécessaires. M. Démeunîer. Le décret dont il s’agit est très important. La France ne veut pas la guerre; on n’accorderait pas indéterminément un arme-mement et un envoi de troupes sans donner de l’inquiétude aux cabinets étrangers. Depuis que vous avez rendu sur la guerre un décret qui sera à jamais célèbre, il ne s’est point encore présenté l’occasion d’une délibération qui y eût quelques rapports. Je demande que pour consolider la maxime de la responsabilité, et consacrer la marche que les ministres doivent suivre en pareil cas, il soit décrété que le président se retirera par devers le roi, pour prier Sa Majesté d’or-donnner aux ministres de notifier officiellement l’état de Tabago ; ensuite le comité présentera un projet de décret. Gette proposition est adoptée en ces termes : « L’Assemblée nationale décrète que son président se retirera dans le jour devers le roi, pour le supplier d’ordonner au ministre de la marine de commmuniquer officiellement à l’Assemblée les renseignements qu’il a reçus de Tabago, et le nombre des troupes et la quotité des secours qu’il juge nécessaires pour cette colonie. » M. de Aoailles ( ci-devant le vicomte. ) Quelques lettres particulières avaient laissé des doutes sur la soumission du régiment Royal-Marine. Une lettre du maire d’Uzès affirme que ce régiment est rentré dans l’ordre, qu’il a rappelé ses officiers, et qu’il est pénétré de reconnaissance pour la lettre que M. le président lui a écrite au nom de l’Assemblée nationale. (La séance est levée à quatre heures.) ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 30 JUIN 1790. Lettre du contrôleur général des finances sur la situation des perceptions de la Régie générale des aides dans les villes des ci-devant généralités d’Amiens et de Soissons (1). LETTRE DU CONTROLEUR GÉNÉRAL. Du 28 juin 1790. Monsieur le Président. La Picardie est une des provinces du royaume où l’esprit d’insurrection s’est le plus manifesté. J’avais espéré que les décrets de l’Assemblée nationale, sanctionnés par le roi, rendus successivement pour le maintien des impôts indirects, y opéreraient le rétablissement des perceptions de la Régie générale des aides ; mais, loin d’y obtenir la soumission due aux décrets de l’Assemblée nationale et aux ordres du roi, le mal se propage, et si les exercices et visites des employés sont encore soufferts dans quelques lieux, les droits qu’ils constatent ne peuvent pas être recouvrés. Les employés manquent d’une protection suffisante : des municipalités ont de la bonne volonté sans force, d’autres craignent de se rendre odieuses en protégeant les perceptions. Dans beaucoup d’endroits, les municipalités ou les gardes nationales sont composées en grande partie de redevables, et c’est vainement qu’on sollicite d’eux (1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur.