SÉANCE DU 14 PRAIRIAL AN II (2 JUIN 1794) - Nos 63 A 65 243 a préparée par vos lumières et votre généreux dévouement. Le décret qui abolit la mendicité est un nouveau témoin de votre amour pour la prospérité de notre patrie, et atteste à l’univers que le peuple français veut être vertueux et bon et honore l’humanité, justifie notre espoir et vous assure la reconnaissance de la postérité ». Fenantin [et une signature illisible]. 63 « La Convention nationale, après avoir en* tendu son comité des finances, décrété que les mots, au rôle de la contribution mobiliaire, qui terminent l’article III du décret du 6 pluviôse, relatif à la commune de Breteuil, seront rayés. Charge le comité des décrets de “pourvoir à cette radiation » (1) . 64 Une citoyenne se présente à la barre. THUREAU : Citoyens, La citoyenne que vous voyez à la barre est la femme d’un brave républicain, du citoyen Delcambe, capitaine au 1er bataillon des Fédérés nationaux, et commandant de la place de Chollet, qui couvrant de son corps le brave général Moulin (2), mourut avec lui sous les coups des brigands de la Vendée, plutôt que de tomber en leur pouvoir. Les brigands entrèrent après la bataille dans la commune de Chollet. Es y trouvèrent cette citoyenne, qu’on leur désigna comme la femme du commandant de la place. Ils pillèrent tout ce qu’elle possédoit et voulurent la contraindre de crier vive le roi. Es étoient 7. Ils la mena-çoient de l’assassiner si elle refusoit d’obéir. « Mon mari est mort pour la patrie, dit-elle, je saurai en faire autant : Vive la République ! » Les scélérats l’asassinèrent. Elle reçut 2 coups de fusil et 3 coups de bayonnette. Etendue et baignée dans son sang, ils la crurent morte. Les secours qu’on s’empressa de lui donner la rappelèrent à la vie. Elle est dépourvue de secours. Elle n’a d’autres vêtemens que ceux qu’elle porte. Ses plaies saignent encore. Les balles même ne sont pas extraites de son corps. Je demande qu’il lui soit accordé une indemnité de 600 liv. — Ce n’est pas assez, s’écrie-t-on, 1 200 liv. — Je demande qu’il lui soit accordé une indemnité de 1200 liv., que sa pétition soit directement renvoyée au comité de liquidation pour régler la pension qui lui est due, et que la réponse qu’elle fit aux brigands soit consignée dans le receuil des actions héroïques et civiques. (1) P.V., xxxvnn, 294. Minute de la main de Beffroi. Décret n° 9371. (2) Dans leur récit, les journaux ci-après mentionnent que blessé, le g*1 Moulin s’est donné la mort, pour ne pas tomber entre les mains des brigands : M.U., XL, 236; Mon., XX, 634; C. Univ., 15 prair.; J. Sablier, n° 1356; Feuille Rép., n° 335; Ann. R.F., n° 186; J. Lois, n° 613; Mess, soir, n° 654. La salle retentit des plus vifs applaudissements. LE PRESIDENT : Citoyenne, la Convention nationale vient de remplir envers toi un devoir bien cher, celui d’exprimer la reconnoissance publique. Reçois les applaudissemens qu’eUe donne à ton courage. La postérité entendra les paroles mémorables qui sortirent de ta bouche. On applaudit. BOURDON (de l’Oise) : Il faut expliquer bien clairement que l’indemnité est absolument séparée des droits qui sont acquis à la citoyenne Delcambe, pour son dévouement héroïque ; mais encore cela ne suffit-il pas. Elle a eu la fermeté sous le couteau des assassins, de ne point proférer le cri infâme qu’ils vouloient lui arracher. Je demande qu’il soit inscrit dans notre procès-verbal qu’elle a bien mérité de la patrie (1). [Décrété, comme suit : ] « Sur la pétition de la citoyenne Jeanne Robert, veuve Delcambe, commandant de place à Chollet, convertie en motion par un membre [THUREAU], la Convention nationale décrète : « Art. I. - La citoyenne veuve Delcambe, qui aima mieux se voir percée de coups de baïonnettes sur le corps de son mari, assassiné par les brigands, plutôt que de proférer le cri infâme de vive le roi, a bien mérité de la patrie. «II. - Il lui sera payé, par la trésorerie nationale, à la présentation du présent décret, la somme de 1200 liv., à titre d’indemnité, et non imputable sur la pension à laquelle elle a droit de prétendre. « III. - La pétition et les pièces y jointes sont renvoyées au comité de liquidation, pour fixer sans délai la pension de la veuve Delcam-bre » (2) . (Vifs applaudissements). La citoyenne Delcambre est admise aux honneurs de la séance. 65 Sur la proposition d’ISORÉ : « La Convention nationale charge son comité d’instruction publique de s’instruire sur l’utilité de la pépinière et des plantations étrangères qui existent à Liancourt, et décrète que l’administration du district de Clermont-Oise surveillera provisoirement la culture de ces plantations, et fera payer aux ouvriers qui les cultivent les salaires convenables pour leur entretien » (3) . (D Débats, n° 621, p. 203. (2) P.V., XXXVIII, 294. Minute de la main de Thureau. Décret n° 9373. Reproduit dans Bin, 14 prair. (suppl‘) ; Mention dans J. Mont., n° 38; J. Fr., n° 617; J. Perlet, n° 619; C. Eg., n° 654; J. Paris, n° 519; Rép., n° 165; Audit, nat., n° 618; S. Culottes, n° 473. (3) P.V., XXXVTII, 295. Minute de la main d’Isoré, Décret n° 9372. M.U., XL, 247; J. Perlet, n° 620; J. S.-Culottes, n° 474; Mess, soir, n° 654; Audit, nat., n° 619; Débats, n° 625, p. 299. SÉANCE DU 14 PRAIRIAL AN II (2 JUIN 1794) - Nos 63 A 65 243 a préparée par vos lumières et votre généreux dévouement. Le décret qui abolit la mendicité est un nouveau témoin de votre amour pour la prospérité de notre patrie, et atteste à l’univers que le peuple français veut être vertueux et bon et honore l’humanité, justifie notre espoir et vous assure la reconnaissance de la postérité ». Fenantin [et une signature illisible]. 63 « La Convention nationale, après avoir en* tendu son comité des finances, décrété que les mots, au rôle de la contribution mobiliaire, qui terminent l’article III du décret du 6 pluviôse, relatif à la commune de Breteuil, seront rayés. Charge le comité des décrets de “pourvoir à cette radiation » (1) . 64 Une citoyenne se présente à la barre. THUREAU : Citoyens, La citoyenne que vous voyez à la barre est la femme d’un brave républicain, du citoyen Delcambe, capitaine au 1er bataillon des Fédérés nationaux, et commandant de la place de Chollet, qui couvrant de son corps le brave général Moulin (2), mourut avec lui sous les coups des brigands de la Vendée, plutôt que de tomber en leur pouvoir. Les brigands entrèrent après la bataille dans la commune de Chollet. Es y trouvèrent cette citoyenne, qu’on leur désigna comme la femme du commandant de la place. Ils pillèrent tout ce qu’elle possédoit et voulurent la contraindre de crier vive le roi. Es étoient 7. Ils la mena-çoient de l’assassiner si elle refusoit d’obéir. « Mon mari est mort pour la patrie, dit-elle, je saurai en faire autant : Vive la République ! » Les scélérats l’asassinèrent. Elle reçut 2 coups de fusil et 3 coups de bayonnette. Etendue et baignée dans son sang, ils la crurent morte. Les secours qu’on s’empressa de lui donner la rappelèrent à la vie. Elle est dépourvue de secours. Elle n’a d’autres vêtemens que ceux qu’elle porte. Ses plaies saignent encore. Les balles même ne sont pas extraites de son corps. Je demande qu’il lui soit accordé une indemnité de 600 liv. — Ce n’est pas assez, s’écrie-t-on, 1 200 liv. — Je demande qu’il lui soit accordé une indemnité de 1200 liv., que sa pétition soit directement renvoyée au comité de liquidation pour régler la pension qui lui est due, et que la réponse qu’elle fit aux brigands soit consignée dans le receuil des actions héroïques et civiques. (1) P.V., xxxvnn, 294. Minute de la main de Beffroi. Décret n° 9371. (2) Dans leur récit, les journaux ci-après mentionnent que blessé, le g*1 Moulin s’est donné la mort, pour ne pas tomber entre les mains des brigands : M.U., XL, 236; Mon., XX, 634; C. Univ., 15 prair.; J. Sablier, n° 1356; Feuille Rép., n° 335; Ann. R.F., n° 186; J. Lois, n° 613; Mess, soir, n° 654. La salle retentit des plus vifs applaudissements. LE PRESIDENT : Citoyenne, la Convention nationale vient de remplir envers toi un devoir bien cher, celui d’exprimer la reconnoissance publique. Reçois les applaudissemens qu’eUe donne à ton courage. La postérité entendra les paroles mémorables qui sortirent de ta bouche. On applaudit. BOURDON (de l’Oise) : Il faut expliquer bien clairement que l’indemnité est absolument séparée des droits qui sont acquis à la citoyenne Delcambe, pour son dévouement héroïque ; mais encore cela ne suffit-il pas. Elle a eu la fermeté sous le couteau des assassins, de ne point proférer le cri infâme qu’ils vouloient lui arracher. Je demande qu’il soit inscrit dans notre procès-verbal qu’elle a bien mérité de la patrie (1). [Décrété, comme suit : ] « Sur la pétition de la citoyenne Jeanne Robert, veuve Delcambe, commandant de place à Chollet, convertie en motion par un membre [THUREAU], la Convention nationale décrète : « Art. I. - La citoyenne veuve Delcambe, qui aima mieux se voir percée de coups de baïonnettes sur le corps de son mari, assassiné par les brigands, plutôt que de proférer le cri infâme de vive le roi, a bien mérité de la patrie. «II. - Il lui sera payé, par la trésorerie nationale, à la présentation du présent décret, la somme de 1200 liv., à titre d’indemnité, et non imputable sur la pension à laquelle elle a droit de prétendre. « III. - La pétition et les pièces y jointes sont renvoyées au comité de liquidation, pour fixer sans délai la pension de la veuve Delcam-bre » (2) . (Vifs applaudissements). La citoyenne Delcambre est admise aux honneurs de la séance. 65 Sur la proposition d’ISORÉ : « La Convention nationale charge son comité d’instruction publique de s’instruire sur l’utilité de la pépinière et des plantations étrangères qui existent à Liancourt, et décrète que l’administration du district de Clermont-Oise surveillera provisoirement la culture de ces plantations, et fera payer aux ouvriers qui les cultivent les salaires convenables pour leur entretien » (3) . (D Débats, n° 621, p. 203. (2) P.V., XXXVIII, 294. Minute de la main de Thureau. Décret n° 9373. Reproduit dans Bin, 14 prair. (suppl‘) ; Mention dans J. Mont., n° 38; J. Fr., n° 617; J. Perlet, n° 619; C. Eg., n° 654; J. Paris, n° 519; Rép., n° 165; Audit, nat., n° 618; S. Culottes, n° 473. (3) P.V., XXXVTII, 295. Minute de la main d’Isoré, Décret n° 9372. M.U., XL, 247; J. Perlet, n° 620; J. S.-Culottes, n° 474; Mess, soir, n° 654; Audit, nat., n° 619; Débats, n° 625, p. 299.