438 [Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 mars 1790. témoigner la satisfaction de l’Assemblée sur leur patriotisme. Adresse des communes des Vallées, concernant la formation des districts et départements. Un député des Vallées a demandé, pour la Vallée Magnont, qu’en conformité du décret de l’Assemblée, du 4 février, il fût accordé à la ville de Castelnau-de-Magnont, un sixième district. L’Às-semblée a renvoyé cette demande au comité de Constitution pour donner son avis. Adresse de la paroisse et municipalité de Montmartre : cette municipalité supplie l’Assemblée nationale de protéger elle-même l’exécution de ses décrets, et de détruire l'effet d’une lettre ministérielle, mentionnée dans l’adresse, en déclarant nulle toute nomination qui aurait pü être faite en conséquence dans l'assemblée partielle des habitants du haut de Montmartre , ternie le 29 du présent mois. M. Mougins de Roquefort expose que la commune de Montmartre n’a point encore procédé à sa formation par la raison que le quartier de Paris, hors barrière, appelé les Porcherons, prétend faire partie de cette commune. L’orateur demande que, les habitants de Montmartre étant tous laboureurs, l’Assemblée veuille bien les dispenser de se réunir à ceux des Porcherons, qui sont tous commerçants. M. Garnier, député de Paris, demande que l’Assemblée ne prenne de décision que lorsque la nouvelle municipalité aura été formée. L’Assembléë décrète le renvdi de cette affaire au comité de Constitution. M. Poutraln* député suppléant du bailliage dé Lille, qui a remplacé M. Wartel, démissionnaire, est admis à prêter le serment civique. M. l’abbé Grégoire, député de Nancy, propose de révoquer l’affectation des bois de la Lorraine et des Evêchés aux salines de ces provinces. M. ftoedeéer demande par amendement que les bois dépendant des bénéfices soient compris dans la révocation. L’amendement est adopté. M. Pi*ugnon fait une motion tendant à la suppression ou au moins à la réduction des salines de l’Est. Cette motion est renvoyée à l’examen des départements intéressés pour, avoir leur avis. Le projet de décret de M. l’abbé Grégoire, avec l’amendement de M. Rœderer, est ensuite adopté ainsi qu’il suit : « L’Assemblée nationale, après avoir ouï le rapport de son comité des domaines sur les réclamations des députés de Lorraine et des Evêchés, a décrété et décrète ce qui suit : « Art. 1er. L’affectation iet la destination aux salines de Dieuze, Moyenvic et Château-Salins, des bois appartenant aux communautés et aux propriétaires, et ceux dépendant des bénéfices situés dans l’arrondissement de ces salines, sont révoquées et supprimées. « Art. 2. L’exploitation et la délivrance des coupes de l’année 1790 seront faites néanmoins comme à l’ordinaire, dans les bois desdites co-munautés, pour le service desdites salines de 1791. « Art. 3. Le présent décret sera incessamment présenté à la sanction du roi. » M. I*e Pelletier de Saint-FargeaH. Par un premier décret, l’Assemblée nationale a ordonné qu’il serait sursis à l’exécution de tous jugements prévôtaux ; par un second décret, elle a ordonné que les accusés déchargés d’accusation, ou mis en plus ample informé et liberté seraient élargis provisoirement ; cette interprétation que la justice et l’humanité ont dictée à l’Assemblée nationale n’est pas encore suffisante. Plusieurs particuliers condamnés par des jugements prévôtaux à des peines de bannissement ou de blâme, restent détenus dans les prisons par l’effet du sursis ordonné à l’exécution de tous les jugements prévôtaux. Je puis citer pour exemple cinq personnes actuellement renfermées dans les prisons d’Auxerre. Il serait injuste de prolonger la détention de ces malheureux, qui se soumettent volontiers à subir la peine à laquelle ils étaient condamnés avant ce sursis. Je n’entends point parler de ceux qui, par ces jugements prévôtaux, étaient condamnés à une peine afflictive ; il serait dangereux de les rendre à la société, ils doivent garder prison. Voici, Messieurs, le décret que j’ai l’honneur de vous proposer : « L’Assemblée nationale a décrété et décrète ; « Que les accusés qui auraient été ou qui seraient condamnés par des jugements prévôtaux à quelques peines, autres toutefois que des peines afflictives, seront provisoirement élargis; à la charge par eux de se représenter quand ils en seront requis pour subir leurs jugements s’il y échet, après la mainlevée du sursis ordonné par son précédent décret; à la charge, en outre, de donner caution des condamnations pécuniaires prononcées contre eux au profit des partie civiles, s’il y en a. » (Ce décret est mis aux voix et adopté.) Les administrateurs et actionnaires de la compagnie des Indes sont admis à la barre et disent : Messieurs, en ordonnant l’impression du rapport qui vous a été fait par votre comité d’agriculture et de commerce (rapport par M: Hernoux, du 18 mars)* sur le privilège de la compagnie des Indes, vous avez prouvé que vous vouliez prendre dans la plus grande considération la question de la suppression du privilège. La compagnie se plaint de n’avoir pas pu être admise au comité pour y être entendue. L’orateur entre ensuite dans de longs détails sur le fonctionnement de la compagnie et demande à l’Assemblée d’ajourner cette question à la prochaine législature. M. Rriols de Beanmetz, après en avoir demandé permission à l’Assemblée, invite MM. les administrateurs de la compagnie des Indes à déclarer s’ils ont été entendus au comité, contradictoirement avec MM. les députés extraordinaires des villes de commerce, et s’ils y ont été entendus verbalement ou par écrit. Un dés administrateurs déclare qu’ils n’ont pas été entendus contradictoirement et qu’ils n’ont remis qu’un mémoire au comité d’agriculture et de commerce. M. Drevon propose de renvoyer de nouveau l’affaire au comité afin que les parties intéressées y soient entendues. M. Duval d’Eprémesnil propose la formation d’un comité nouveau, composé de membres nqn négociants, qui serait chargé d’examiner la seule [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 mars 1790.] question du privilège de la compagnie des Indes et qui n’aurait aucun intérêt dans la décision qui serait rendue. M. l’abbé Maiiry pense que la formation d’un comité nouveau est superflue, parce que ce comité ne pourrait transmettre à l’Assemblée les nouvelles notions qu’il aurait acquises, que par un rapport ; qu’après ce rapport on voudrait, comme de raison, en discuter les arguments et que, par conséquent, l’Assemblée se retrouverait au même point où elle est aujourd’hui, mais avec une grande perte de temps. Il demande que l’affaire soit discutée dès demain avec faculté d’entendre contradictoirement à la barre les administrateurs de la compagnie des Indes et les députés des villes de commerce. M. Rœderer s’oppose également à la formation d’un comité nouveau : il fait l’éloge des lumières et de l’impartialité des membres du comité d’agriculture et de commerce qui ont déjà fait un rapport considérable et auxquels on ferait une grave injure en leur substituant d’autres commissaires. M. Hernoux, rapporteur, déclare que le comité a reçu les mémoires des deux parties intéressées et qu’il considère la question comme suf-lisamment étudiée pour être mise en discussion. M. de VIrieti, au contraire, se prononce pour la formation d’un nouveau comité; M. Prieur demande la question préalable sur cette proposition. M. de Croix estime que cette question est très difficile et très majeure pour le commerce français. Pour la traiter dans tous ses détails, l’Assemblée devrait lui consacrer un temps beaucoup plus long que celui dont elle peut disposer en ce moment, vu les besoins urgents auxquels il faut faire face. Il demande l’ajoiirnement jusqu’à la fin de la Constitution. Cette proposition vivement, appuyée, est mise aux voix et adoptée. M. le Président lève la séance à dix heures du soir. PREMIÈRE ANNEXE à la séance de V Assemblée nationale du30 mars 1790. Nouveau plan de finances et d’ impositions , formé d’après les décrets de l’Assemblée nationale , par M. Vernier, député d’Aval en Franche-Comté. (Imprimé par ordre de l’Assemblée nationale.) Tous les plans de finances, quels qu’ils soient, doivent désormais être réglés et réformés sur les décrets de l’Assemblée nationale. Il n’est plus possible de s’écarter des bases qu’elle à fixées ou préjugées; mais heureusement ces bases reposent sur les principes immuables de la justice. Le patriotisme, et quelquefois l’intérêt particulier, ont fait éclore un nombre infini de plans sur les finances ; mais la plupart n’offrent que des notions partielles et, pour ainsi dire, fugitives sur chaque objet (1) : à peine peuvent-ils servir à combiner un plan général, tant ils diffèrent entre eux. Ils se choquent, se heurtent, et se détruisent les uns par les autres. De leurs oppositions naît une infinité de questions ; voici les principales : Les impôts seront-ils établis sur ia valeur intrinsèque des propriétés mêmes , ou sur les revenus seulement? Se restreindra-t-on à un seul et unique impôt, ou en adoptera-t-on plusieurs? Dans le premier cas, cet impôt unique sera-t-il jeté sur les fonds, pour être perçu réellemeut et en nature, ou seulement en argent, par une taxation équivalente, et représentative du produit? Cet impôt, sera-t-il levé sur toutes les espèces de consommations de dépenses, et dans tous les lieux sans exception, ou de préférence sur quelques denrées désignées, et dans quelques lieux seulement? Se décidera-t-on pour une taxe par feux et ménages, arbitrairement classés, ou pour une capitation personnelle et par individu? Divisera-l-on les citoyens en dix, vingt, trente classes? ou prendra-t-on pour règle les revenus de chaque contribuable, de quelque part que ces revenus proviennent? Dans le second cas, et si l’on admet plusieurs impôts, adoptera-t-on cumulativement la contribution territoriale et personnelle? Réunira-t-on à ces deux contributions principales, ou à i’une d’elles seulement, quelques droits détachés de nos anciens revenus? Etablira-t-on des impôts pour atteindre le luxe directement ou indirectement ? Quels seront les impôts les plus justes et les moins onéreux au peuple? Quelles seront leurs proportions, soit relativement aux différentes espèces de produits, de revenus et de richesses, soit entre eux, et des uns aux autres? Telles sont les questions qui divisent tous les publicistes. Mais il faut se décider, le temps presse, l'incendie gagne le faîte. Dans le péril extrême où se trouve la chose publique, le moindre délai peut devenir fatal et irréparable. Le besoin est si urgent, qu’un mauvais choix, susceptible cependant d’être rectifié pour l’avenir, serait préférable à une funeste lenteur. C’est dans cette crise des choses, qu’après m’être occupé longtemps à combiner, à rapprocher tous les systèmes et les différents plans (2), j’ose essayer d’en présenter un moi-même. Son seul mérite sera dans sa simplicité : l’éloquence, en cette partie, n’est que l’exactitude, la clarté et la précision (3). Ce plan se réduit à dire que nous devons adopter deux contributions principales ; ia territoriale et la subvention personnelle et d’indus-(1) On en excepte ceux de M. le baron de Cormeré, si connu par ses talents en finances : à la suite de nombre d’ouvrages, il vient de donner un mémoire sur les finances et le crédit, imprimé par ordre dé l’Assemblée ; mais nous différons sur des points essentiels, et nos discussions n’ont rien de commun que de tendre au même but. (2) C’est en les combinant que j’ai rédigé des éléments de finances, publiés il y a quatre mois ; toutes les questions qui s’agitent aujourd’hui y ont été prévues plutôt que discutées. (3) Les grands génies sont plus propres à créer des plans qu’à les rédiger. Ils franchissent les intermédiaires et manquent le but.