[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. . [7 novembre 1789.] 715 ASSEMBLÉE NATIONALE . PRÉSIDENCE DE M-CAMUS. Séance du samedi 7 novembre 1789 (1). La séance a commencé par la lecture du procès-verbal de celle d’hier; on a lu ensuite plusieurs adresses des villes et communautés, portant remerciements et félicitations à l’Assemblée nationale, et adhésion à ses décrets : D’une adresse des officiers municipaux et comité patriotique de la ville de Montauban, contenant félicitations, remerciements et adhésion aux décrets de l’Assemblée nationale et notamment à celui par lequel elle s’est irrévocablement liée à la personne sacrée du Roi; D’une adresse de la garde nationale de la même ville contenant deux délibérations; l’une où elle adhère au décret de l’Assemblée nationale concernant la contribution patriotique du quart des revenus, l’autre où elle arrête que tous les individus qui composent son corps feront à la nation l’hommage libre de leurs boucles et autres effets quelconques, tant en or qu’en argent; D’une adresse du comité permanent de Les-parre en Guyenne, où il exprime des sentiments de félicitations, reconnaissance et dévouement envers l’Assemblée nationale , D’un arrêté du conseil permanent de la ville de Privas en Vivarais, portant que tous ceux qui mettront obstacle à la perception des impôts actuellement existants seront déclarés mauvais citoyens et perturbateurs du repos public; D’une délibération delà communauté de Mont-bonnot, et autres du mandement, en Dauphiné, où elles considèrent la convocation faite par la commission intermédiaire des Etats de la province et du doublement comme nulle, illégale et dangereuse, et adhérent avec le plus entier dévouement à tous les décrets de l’Assemblée nationale, notamment à celui concernant la contribution patriotique du quart des revenus de chaque citoyen ; D’une délibération des Carmes déchaussés de la ville de Marseille, par laquelle ils offrent tous leurs biens à la nation, qu’ilsévaluentà 1,862,000 livres, s’abandonnant avec confiance à la justice et à l’humanité de l’Assemblée nationale pour la pension convenable à leur accorder; D’une délibération du même genre des Carmes déchaussés de la ville de Lyon ; ils évaluent leurs biens à 450,000 livres ; D’une délibération des habitants de la ville de Dieulefit en Dauphiné, contenant l’adhésion la plus entière aux décrets de l’Assemblée nationale. Ils s’engagent par les liens les plus sacrés à se réunir à tous les bons citoyens pour en soutenir l’exécution ; D’une délibération des officiers municipaux et habitants de la ville de Bourgom en Dauphiné, où ils adhèrent aux décrets de l’Assemblée nationale, et notamment à celui concernant la contribution patriotique du quart des revenus, applaudissent à la lettre écrite à la commission intermédiaire parles députés de la province, et protestent expressément contre toute assemblée des Etats convoquée sans autorité légitime, (i) Cette séance est incomplète au Moniteur. comme pouvant contrarier les décrets de l’Assemblée et préjudicier à la tranquillité publique. Pour manifester de plus en plus leur patriotisme, les officiers municipaux et habitants invitent tous les contribuables à acquitter incessamment leurs impositions courantes, et à payer dans le mois de janvier prochain celle des premiers six mois de l’année prochaine. Ils font en outre don à la nation de la somme de 16,685 livres 14 sous 3 deniers, due à la communauté sur les Etats du Roi, en conformité de la quiltancedu garde du Trésor royal, du 7 décembre 1724, jointe à la délibération. M. le Président a fait lecture d’une lettre du sieur Paris, architecte, préposé aux travaux de la salle des Tuileries, destinée aux séances de l’Assemblée, par laquelle le sieur Paris annonce que cette salle sera prête pour recevoir l’Assemblée lundi prochain 9 de ce mois; mais que, si l’Assemblée veut s’y transporter lundi, il est nécessaire qu’on puisse enlever dès aujourd’hui après midi, et même de bonne heure, les objets employés dans la salle actuelle, et qui doivent servir dans la nouvelle. M. le Président. Je consulte l’Assemblée pour savoir si elle veut tenir sa séance de lundi prochain, 9 novembre, dans la salle des Tuileries. L’Assemblée se prononce pour l’affirmative. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion sur la troisième partie de la motion de M. le comte de Mirabeau relative à Ventrée des ministres dans l’Assemblée. M. de Montlosier (1) Messieurs, depuis quelque temps nous voyons se produire des motions imprévues dont les auteurs pressent la décision. C’est un désordre dangereux et funeste, puisqu’il tend à concentrer toutes les déterminations de l’Assemblée entre un petit nombre de membres qui savent se concerter et se combiner d’avance pour diriger seul tous les mouvements. J’approuveen principe les deux premiers points de la motion de M. de Mirabeau, à cette exception près que je trouve excessivement dangereuse l’extension qu’on veut donner à la caisse nationale. Quant à l’admission des ministres, je m’étonne que des amis de la liberté aient appuyé de leurs suffrages un projet aussi vicieux en principe que dangereux dans ses conséquences et pernicieux dans ses effets. Nous n’avons pas le pou voir d’accorder à des étrangers une influence nationale ; nous ne pouvons créer de notre propre autorité des membres du corps législatif, qui ne peuvent l’être que par l’action du peuple ; qu’on ne veuille point nous en imposer parla distinction de voix délibérative et consultative; elles forment l’une et l’autre le double caractère que le peuple français nous a transmis. Prétendre en livrera des étrangers lamoinde partie, sans sa participation, c’est un sacrilège constitutionnel, un crime de lèse-patrie. Accorder à des ministres voix consultative, n’est ce pas tout leur accorder? N’est-ce pas accorder à des hommes souvent peu citoyens, à des hommes choisis, excités par le gou-(1) Le Moniteur ne donne qu’un sommaire de l’opinion de M. de Montlosie. 716 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 novembre 1789.] vernement même à nous tendre des pièges, la faculté de s’emparer de nos débats, de les éclairer de leur fausse lumière, de les remplir de leur fausse doctrine ; n’est-ce pas enfin mettre dans les mains du gouvernement cette initiative funeste que votre sagesse, que l'Angleterre et que tous vos voisins ont proscrite? Qu’on cesse donc de nous opposer l’usage de l’Angleterre, où la seule nomination au ministère d’un homme qui a déjà le vœu du peuple est un titre d’exclusion du Corps législatif, puisqu’il faut une réélection expresse pour l’y conserver ; est-ce d’après un pareil exemple qu’on veut nous prouver que le choix du prince seul peut faire siéger parmi nous, contre le vœu du peuple, un homme déjà privé de sa confiance et de ses suffrages ? c’est assurément une dérision. Quant à futilité de cette admission, je n’en vois aucune ; nous avons des comités dans toutes les parties de l’administration ; ces comités peuvent conférer avec les ministres, et leurs instructions ainsi transmises peuvent produire les heureux effets que vous eu attendez. Ainsi je pense que nous ne pouvons pas en principe et que nous ne devons pas en politique nous occuper de cette troisième partie de la motion faite hier par M. le comte de Mirabeau. Peut-être, quand nous nous prononcerons difinitivement sur l’admission des ministres dans le corps législatif, je dirai, comme eu Angleterre, que la confiance du peuple doit être au-dessus de tout, mais alors c’est Je citoyen que je veux y voir et non le ministre. M. de Mirabeau, au contraire, veut y voir le ministre plutôt que le citoyen ; il y a sans doute dans cette proposition un sens mystique, sans quoi il est évident qu’une pareille proposition serait le renversement de tout bon principe et de toute bonne politique. M. Lanjuinais. Mes cahiers me défendent d’opiner devant les ministres, je ne puis donc adopter la proposition de M. de Mirabeau. Nos principes me le défendent encore; nous avons voulu séparer les pouvoirs, et nous réunirions dans les ministres le pouvoir législatif au pouvoir exécutif, en leur donnant la voix consultative, qui, sans contredit, tient de bien près à la voix délibérative ; nous les exposerions à être le jouet des hommes ambitieux, s’il s’en trouvait dans cette Assemblée. Leur admission ne produirait pas le bien que vous attendez. Elle serait dangereuse, elle serait inutile, toutes les fois que vous vous occuperiez de la Constitution. Quand vous aurez à vous plaindre d’eux, ne pouvez-vous pas les mander? On a craint les conférences des comités ; mais on conférera toujours, et vous amènerez deux inconvénients, en cherchant à en éviter un. Je propose de joindre à la question de savoir si les ministres auront voix consultative, celle de la voix délibérative, parce que l’une est l’autre. Je demande l’ajournement de toutes deux. Mais, dans le cas où la motionne M. de Mirabeau serait adoptée, je présente, pour en balancer l’effet, un article presque entièrement extrait de mon cahier : « Les représentants de la nation ne pourront obtenir du pouvoir exécutif, pendant la législature dont il seront membres, et pendant les trois années suivantes, aucune place dans le ministère, aucune grâce, aucun emploi, aucune commission , avancement, pension et émolument, sous peine de nullité et d’être privés des droits de citoyens actifs pendant cinq ans. » M. Blin. La question semble détachée de la Constitution et n’être que provisoire ; mais l’autorité du passé sur l’avenir lie les faits à tous les temps. M. de Mirabeau appuie son opinion sur trois choses : premièrement la nécessité des éclaircissements; mais les ministres peuvent, sur le point qui est en débat, communiquer leurs lumières à l’Assemblée, qui ne doit rien rejeter de ce qui tend à l’instruire; secondement le danger des comités : je demande qu’on m’explique ce danger ; les membres qui les composent, choisis par l’Assemblée, sont dignes de sa confiance ..... dans les conférences avec les ministres, on peut entrer dans des détails plus minutieux ; on peut s’éloigner de cette circonspection que commande une assemblée nombreuse ; la vérité y gagne ; et cessera-t-elle d’être la vérité, quand elle passera dans les oreilles de MM. du comité, avant de frapper les vôtres? troisièmement, l’exemple de l’Angleterre. Il y a dans le parlement de cette nation une majorité corrompue, et qui ne prend même pas la peine de cacher le trafic de ses voix ..... En examinant les notes de cette assemblée, on voit un grand nombre de motions utiles rejetées par la majorité ministérielle ; c’est elle qui a occasionné la perte des colonies ..... les passions y sont toujours actives, et dans cette lutte continuelle. L’Assemblée, réduite au rôle de spectatrice, n’a d’existence réelle que dans les changements des ministres. L’auteur anglais des Lettres de Junius dit, en parlant du parlement d’Angleterre: « C’est un spectacle bien humiliant aux yeux de l’homme sensible, qu’une assemblée représentant tout un peuple soit dégradée par la présence d’un ministre.... L’ordre essentiel est détruit, le président n’est qu’un être secondaire, et les yeux sont tournés sur le ministre ..... » Ce n’est donc pas chez les Anglais que fauteur de la motion devait chercher des exemples ..... En admettant les ministres, la responsabilité devient une chimère ; n’ayant pas de commettants, ils n’auraient personne à qui répondre. Il faut, ou que les ministres dirigent l’Assemblée, ou qu’ils cèdent à l’Assemblée : dans le premier cas nulle liberté ; dans le second, avilissement du pouvoir exécutif ...... Ainsi, ni d’après les considérations présentées, ni d’après l’exemple de l’Angleterre, ni d’après nos propres principes, les ministres ne peuvent être admis. Si cependant cette motion était décrétée, je vous demanderais d’adopter l’amendement que j’ai eu l’honneur de vous proposer et qui est ainsi conçu : « Aucun membre de l’Assemblée nationale ne pourra désormais passer au ministère pendant ia durée de Ja session actuelle. » On applaudit, on crie :,Aux voix ! L’Assemblée délibère, et n’adopte pas l’ajournement proposé par M. Lanjuinais. On lit les articles additionnels, présentés par MM. Lanjuinais et Blin. Celui du premier est mis à la discussion. M. Malouet en demande la division , et la réduit à peu près aux mêmes termes que ceux de M. Blin. M. le comte de Mirabeau. La question que l’on vous propose est un problème à résoudre. Il ne s’agit que de faire disparaître l’inconnu, et le problème est résolu. Je ne puis croire que l’auteur de la motion veuille sérieusement faire décider que l’élite de [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 novembre 1789.] 717 la nation ne peut pas renfermer un bon ministre ; Que la confiance accordée par la nation à un citoyen doit être un titre d’exclusion à la confiance du monarque ; Que le Roi qui, dans ces moments difficiles, est venu demander des conseils aux représentants de la grande famille, ne puisse prendre le conseil de tel de ces représentants qu'il voudra choisir ; Qu’en déclarant que tous les citoyens ont une égaie aptitude à tous les emplois, sans autre distinction que celle des vertus et des talents, il faille excepter de cette aptitude et de cette égalité de droits les douze cents députés honorés du suffrage d’un grand peuple ; Que l’Assemblée nationale et le ministère doivent être tellement divisés, tellement opposés l’un à l’autre, qu’il faille écarter tous les moyens qui pourraient établir plus d’intimité, plus de confiance, plus d’unité dans les desseins et dans les démarches. iNon, Messieurs, je ne crois pas que tel soit l’objet de la motion, parce qu’il ne sera jamais en mon pouvoir de croire une chose absurde. Je ne puis non plus imaginer qu’un des moyens de salut public chez nos voisins ne puisse être qu’une source de maux parmi nous ; Que nous ne puissions profiter des mêmes avantages que les Communes anglaises retirent de la présence de leurs ministres ; Que cette présence ne fût parmi nous qu’un instrument de corruption ou une source de défiance, tandis qu’elle permet au parlement d’Angleterre de connaître à chaque instant les desseins de la cour, de faire rendre compte aux agents de l’autorité, de les surveiller, de les instruire, de comparer les moyens avec les projets, et d’établir cette marche uniforme qui surmonte tous les obstacles. Je ne puis croire, non plus, que l’on veuille faire cette injure au ministère, de penser que quiconque en fera partie doit être suspect par cela seul à l’Assemblée législative ; A trois ministres déjà pris dans le sein de cette Assemblée, et presque d’après ses suffrages, que cet exemple a fait sentir qu’une pareille promotion serait dangereuse à l’avenir ; A chacun des membres de cette Assemblée, que s’il était appelé au ministère pour avoir fait son devoir de citoyen, il cesserait de le remplir par cela seul qu’il serait ministre; Enfin à cette Assemblée elle-même qu’elle ferait redouter uïi mauvais ministre, dans quelque rang qu’il fût placé, et quels que fussent ses pouvoirs, après la responsabilité que vous avez établie. Je me demande d’ailleurs à moi-même: est-ce un point de constitution que l’on veut fixer ? Le moment n’est point encore venu d’examiner si les fonctions du ministère sont incompatibles avec la qualité de représentant de la nation ; et ce n’est pas sans la discuter avec lenteur qu’une pareille question pourrait être décidée. Est-ce une simple règle de police que l’on veut établir? C’est alors une première loi à laquelle il faut peut-être obéir, celle de nos mandats, sans lesquels nul de nous ne saurait ce qu’il est; et, sous ce rapport, il faudrait peut-être examiner s’il dépend de cette Assemblée d’établir pour cette session une incompatibilité que les mandats n’ont point prévue, et à laquelle aucun député ne s’est soumis. Voudrait-on défendre à chacun des représentants de donner sa démission ? Notre liberté serait violée. Voudrait-on empêcher celui qui aurait donné sa démission d’accepter une place dans le ministère ? C’est la liberté du pouvoir exécutif que l’on voudrait limiter. Voudrait-on priver les mandants du droit de réélire le député que le monarque appellerait dans son conseil? Ce n’est point alors une simple loi de police qu’il s’agit de faire; c’est un point de constitution qu’il faut établir. Je me dis encore à moi-même : il fut un moment où l’Assemblée nationale ne voyait d’autre espoir de salut que dans une promotion de ministres qui, pris dans son sein, désignés en quelque sorte par elle, adopteraient ses mesures et partageraient ses principes. Je me dis : le ministère sera-t-il toujours assez bien choisi pour que la nation n’ait aucun changement à désirer? Fût-il choisi de cette manière, un tel ministère serait-il éternel ? Je me dis encore : le choix des bons ministres est-il si facile qu’on ne doive pas craindre de borner le nombre de ceux parmi lesquels un tel choix peut être fait ? Quel que soit le nombre des hommes d’Etat que renferme une nation aussi éclairée que la nôtre, n’est-ce rien que de rendre inéligibles douze cents citoyens qui sont déjà l’élite de cette nation ? Je me demande: sont-ce des courtisans ou ceux à qui la nation n’a point donné sa confiance, quoique peut-être ils ne se soient mis sur les rangs que pour la solliciter, que le Roi devra préférer aux députés du peuple ? Oserait-on dire que le ministre en qui la nation avait mis toute son espérance et qu’elle a rappelé par le suffrage le plus universel et le plus honorable, après l’orage qui l’avait écarté, n’aurait pu devenir ministre, si nous avions eu le bonheur de le voir assis parmi nous ? Non, Messieurs, je ne puis croire à aucune de ces conséquences, ni par cela même à l’objet apparent de la motion que l’on vient de vous proposer. Je suis donc forcé de penser, pour rendre hommage aux intentions de celui qui l’a laite, que quelque motif secret la justifie, et je vais lâcher de le deviner. Je crois, Messieurs, qu’il peut être utile d’empêcher que tel membre de l’Assemblée n’entre dans le ministère. Mais comme, pour obtenir cet avantage particulier, il ne convient pas de sacrifier un grand principe, je propose pour amendement l’exclusion du ministère aux membres de l’Assemblée que l’auteur de la motion paraît redouter, et je me charge de vous les faire connaître. Il n’y a, Messieurs, que deux personnes dans l’Assemblée qui puissent être l'objet secret de la motion. Les autres ont donné assez de preuve de liberté, de courage et d’esprit public, pour rassurer l’honorable député ; mais il y a deux membres sur lesquels lui et moi pouvons parler avec plus de liberté, qu’il dépend de lui et de moi d’exclure, et certainement sa motion ne peut porter que sur l’un des deux. Quels sont ces membres? Vous l’avez déjà deviné, Messieurs; c’est ou l’auteur de la motion, ou moi. Je dis d’abord l’auteur de la motion, parce qu’il est impossible que sa modestie embarrassée ou son courage mal affermi ait redouté quelque grande marque de confiance, et qu’il ait ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 novembre 1789.] 7lg [Assemblée nationale.] voulu se ménager le moyen de la refuser, en faisant admettre une exclusion générale. Je dis ensuite : moi-même, parce que des bruits populaires répandus sur mon compte ont donné des craintes à certaines personnes, et peut-être des espérances à quelques autres ; qu’il est très-possible quel’auteurdelamotion ait crucesbruits, qu’il est très-possible encore qu’il ait de moi l’idée que j’en ai moi-mêine; et dès lors je ne suis pas étonné qu’il mecroieincapablederemplir une mission que je regarde comme fort au-dessus, non de mon zèle ni de mon courage, mais de mes lumières et de mes talents, surtout si elle devait me priver des leçons et des conseils que je n’ai cessé de recevoir dans cette Assemblée. Voici donc, Messieurs, l’amendement que je vous propose: c’est de borner l’exclusion demandée à M. de Mirabeau, député des communes de la sénéchaussée d’Aix. Je me croirai fort heureux si, au prix de mon exclusion, je puis conserver à cette Assemblée l’espérance de voir plusieurs membres, dignes de toute ma confiance et de tout mon respect, devenir les conseillers intimes de la nation et du Roi, que je ne cesserai de regarder comme indivisibles. M. Mougins de Roquefort invoque, dans la même vue que M. Lanjuinais, le cahier de Draguignan. M. de Castellane. La motion est contraire aux principes ; elle est honorable à l’Assemblee pour le désintéressement qu’elle prouve ; mais il est impossible de l’adopter. Le plus grand avantage que nous puissions retirer des assemblées législatives permanentes doit consister à connaître les hommes utiles ; et il serait étonnant que ceux qui, par de grands talents et de grandes vertus, auraient mérité la confiance ne pussent en obtenir des témoignages. Je demande au moins l’ajournement. L’Assemblée rejette la proposition de M. de Mirabeau. M. Treilliard demande la division de la proposition de M. Lanjuinais. M. le comte de Crillon dit que la division est de droit. M.le Président prend les voix et la division est prononcée. La première partie de la motion de M. Lanjuinais, conforme à celle deM. Blin est décrétée en ces termes : « Aucun membre de l’Assemblée nationale ne « pourra obtenir aucune place de ministre pen-« dant la session de l’Assemblée actuelle. » Le surplus de la motion est ajourné à l’épo-ue où l’éligibilité des ministres et autres agents u pouvoir exécutif sera discutée constitutionnellement. M. le Président. Je viens de recevoir de M. le garde des sceaux un mémoire dont je donne lecture : il est de la teneur suivante : « M. le garde des sceaux s’empresse, en sortant du conseil, de faire part à M. le président: