372 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 juin 1791.] assurés que toutes les portes étaient gardées ; et il est actuellement impossible de deviner comment le roi a pu partir. Je dois rendre compte à l’Assemblée qu’aus-sitôt que j’en ai été instruit, j’ai fait convoquer te conseil général; j’ai envoyé des ordres à la poste pour qu’on ne donnât des chevaux à personne; aux barrières, pour qu’on ne laissât sortir que sur des passeports de la municipalité, à l’exception des courriers des malles. Je prie l’Assemblée de me permettre, en finissant, de lui exprimer le vœu du conseil général de la commune et de tout le peuple, c’est celui de la fidélité, de la soumission à ses décrets et à ses ordres, et du patriotisme de la ville de Paris, sur lequel l’Assemblée peut compter. Nous demanderons à l’Assemblée nationale la permission de nous retirer pour aller à l’Hôtel de Ville recevoir les ordres qu’elle nous donnera, et pourvoir à la sûreté et à la tranquillité publique. Plusieurs membres : C’est juste. M. de Sillery. Dans le rapport qui vous a été fait par M. de Gouvion, j’ai entendu qu’un garde national était venu au comité des recherches, m’y avait trouvé et m’avait fait une déposition. 11 s’est sans doute trompé de personne, car je donne ma parole d’honneur que, personnellement à moi, on ne m’a fait aucune déposition particulière. M. de Gouvion. Je me suis trompé; c’est à M. Voidel que le grenadier a parlé. M. le Président. M. de Gouvion convient de son erreur. Il a voulu nommer M. Voidel. M. Voidel. Monsieur le Président, M. de Gouvion a été également trompé sur la qualité de la personne qui a parlé au comité des recherches. Ce qu’il y a de vrai dans ceci, c’est que, jeudi dernier, pendant la séance du soir, une personne que je ne connais pas, un citoyen sans uniforme, mais qui m’a inspiré de la confiance par la manière dont il s’est présenté et dont il m’a parlé, m’a dit tenir d’une autre personne, également digne de confiance, que la reine devait partir avec madame sa fille, pendant la nuit du mercredi au jeudi. Je vous avoue que je ne donnai pas beaucoup de confiance à cet avis; mais, comme il ne fallait rien négliger, j’en conférai avec le comité des recherches, qui chargea M. de Lapparent d’en informer la municipalité et M. le commandant général, afin qu’on redoublât de vigilance et qu’en nous donnant avis d’heure en heure, de tout ce qu’on découvrirait, le comité pût agir, soit par lui-même, soit en demandant à l’Assemblée les dispositions nécessaires pour éviter cette fuite. M. Bailly, maire de Paris. J’ai eu effectivement l’honneur de voir M. de Lapparent qui m’a donné quelques-uns des renseignements dont je vous ai parlé et qui ont donné lieu aux mesures que vous savez . M. Cochon de Lapparent. Je n’ai eu personnellement connaissance du fait que par une déclaration de M. Soustelle, membre de cette Assemblée, qui me dit, avant-hier au soir, qu’on lui avait assuré que la reine devait se sauver; qu’elle faisait faire des habits de sœur grise et que Mme Royale devait partir avec elle. Hier matin, il m’ajouta que Mme de Fréminville, femme de chambre de Mm9 Royale, devait partir dans l’après-dîner. J’en fis part à M. le maire et à M. de La Fayette. Je retournai les trouver à 10 heures du soir et je restai avec eux jusqu’à 1 heure du matin. Tout nous paraissant tranquille et nous étant assurés qu’il n’y avait aucune espèce de mouvement au château, nous crûmes pouvoir nous retirer à cette heure. M. le Président. II reste à soumettre à l’Assemblée la proposition qui a été faite par M. de Gustine et qu’il a ridigée en ces termes : « Nul ordre émané du pouvoir exécutif ne sera obligatoire pour aucun fonctionnaire public, s’il n’est signé des ministres actuellement en place; si quelque autre individu que MM. Duport, Mont-morin, Duportail, Thévenard, Delessart et Tarbé, signait ou contresignait des ordres, ces ordres ne pourront être obligatoires pour aucun fonctionnaire public; ceux qui les auraient signés, et ceux qui les exécuteraient, en seront personnellement responsables. » M. Bémeunler. La rédaction du projet de M. de Gustine ne peut êire adoptée dans sa première partie. Par les différents décrets que vous avez rendus ce matin, vous avez enjoint au ministre de la justice de signer les actes et d’y apposer le sceau de l’Etat. Ainsi, la rédaction qui dit : nul ordre émané du pouvoir exécutif ne sera obligatoire , ne peut être adoptée. Il est évident que l’Assemblée ayant confié par commission le pouvoir exécutif aux ministres actuels, nul autre acte, nul ordre du roi en fuite ne peut être appelé ordre du pouvoir exécutif. Il y aurait du danger à multiplier ainsi les précautions ; vous en avez pris de suffisantes pour le moment. J’engage doncM. de Gustine à retirer pour l’instant sa motion et j’en demande le renvoi au comité de Constitution. M. de Custine. Je ne m’oppose pas à ce que le comité donne une rédaction plus précise, mais il ne serait pas de la sagesse de l’Assemblée de ne pas adopter la disposition que je propose. (Murmures.) M. Le Chapelier. L’Assemblée nationale a décrété constitutionnellement que, dans un interrègne, le conseil du roi ôtait autorisé à faire des proclamations et autres actes d’administration. Si quelques nouveaux ministres nommés par un roi séduit veulent s’emparer de l'administration, nous les ferons poursuivre criminellement. M. Démeunier. M. de Gustine semble avoir craint que le roi séduit, entraîné par les factieux qui ont commencé l’attentat, ne se détermine à commettre d’autres ministres pour exercer le pouvoir exécutif. Si vous avez cette inquiétude, il est un moyen très simple de l’écarter. Vous pouvez concentrer provisoirement les fonctions du pouvoir exécutif, sauf le pouvoir de la sanction, entre les mains des ministres actuels. Je demande donc que l’Assemblée décrète purement et simplement cette proposition, ou qu’elle renvoie au comité celle deM. de Gustine, parce qu’elle demande à être examinée avec soin. M. de Cnstine. Il est facile d’apercevoir ce [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 juin 1791.] 373 que j’ai voulu éviter par mon projet de décret ; car vous voyez que la lettre du roi, remise à M. le garde des sceaux de l’Etat par M. de Laporte, annonce d’avance qu’il ne doit rien sceller du sceau de l’Etat, et qu’il doit se tenir prêt à le remettre à celui qu’elle désignera comme gardien. La nécessité de la mesure que je propose doit donc être prouvée pour tous les bons esprits. M. Charles de Lameth. Je pense que la proposition de M. de Gustine est extrêmement utile et qu’elle doit être ordonnée, mais je la trouve mal rédigée. Je crois d’ailleurs qu’elle ne doit être adoptée par l’Assemblée que lorsque nous saurons à quoi nous en tenir sur la fuite du roi ; car, Messieurs, ce serait peut-être une mesure imprudente, quels que puissent être nos sentiments particuliers et quelque peu innocentes que paraissent les intentions de ceux qui entourent le roi. Il faut savoir d’abord si le roi est dans le royaume ou s’il a des dispositions hostiles contre la Constitution qui l’a fait roi. Nous saurons probablement ce qu’il est devenu, ou dans la journée d’aujourd’hui ou dans la journée de demain. Je demande donc que la motion prématurée de M. de Gustine soit renvoyée, pour le moment, au comité de Constitution. M. de Custine. J’adopte la réflexion faite par M. de Lameth, qui est très sage. (L’Assemblée décrète le renvoi de la proposition deM. de Gustine au comité de Constitution). M. Fréteau-Saint-Just. Il paraît indispensable de pourvoir à la conservation des papiers du département des affaires étrangères pour la propre sûreté du ministre. Je demande donc, au nom du comité diplomatique, que la municipalité de Paris soit autorisée à apposer les scellés sur les archives des affaires étrangères et sur tout ce qu’elles renferment. M. du Châtelet. Il est important que l’on puisse continuer de prendre communication des chiffres pour la connaissance des dépêches qui arrivent journellement des cours étrangères. Il ne faut pas que le service soit interrompu. M. Fréteau -Saint-Just. On peut excepter les chiffres dont le ministre croira avoir besoin. M. Duport. La motion est prématurée : le ministre des affaires étrangères va venir ici prochainement; on l’entendra sur cette mesure et il vous dira, à cet égard, ce qu’il croit nécessaire. (. Marques d’ assentiment.) M. Fréteau-Saint-Just. Cette réflexion est juste; mais je représente à l’Assemblée que les dépôts infmiments précieux des affaires étrangères sont dans un local différent de celui du ministre. Il est très possible, Messieurs, qu’avant que M. de Montmorin ait recouvré la liberté, il se commette des divertissements et des dilapidation funestes aux différents dépôts des affaires étrangères, soit à Versailles, soit à Paris. Je crois donc que le décret ne peut avoir aucune espèce ifinconvénient, en autorisant la municipalité de Versailles à apposer les scellés de son côté dans cette ville. M. de Fa Galissonnièrc. J’ai l’honneur de proposer à l’Assemblée d’ajouter aux mesures de sagesse que propose M. Fréteau, celles nécessaires pour assurer le Trésor public; car il faut garantir les deniers publics comme les papiers. Un membre: Il y a une garde suffisante. M. Fréteau-Saint-Just. On m’observe que, M. de Montmorin n’étant pas encore ici, le décret que je propose pourrait nous mener à un but tout différent de celui que nous voulons atteindre. L’apposition des scellés au premier coup d’œil est rigoureuse; mais, bien que notre décret porte que cette mesure est prise en vue de la sûreté même du ministre, il est possible que la sûreté de l’opération, loin de permettre à M. de Montmorin d’arriver plus facilement jusqu'à nous, ne contribue qu’à augmenter les obstacles au lieu de les supprimer. On pourrait toujours, pour le moment, décréter que M. Je président signera un ordre au commandant de la garde de Paris, pour que la garde soit doublée autour de tous les dépôts des affaires étrangères, et qu’il ne puisse être distrait aucun papier que sur les ordres écrits du ministre, et sous sa responsabilité. (L’Assemblée ajourne la proposition jusqu’à ce que M. le ministre des affaires étrangères ait été entendu.) M. le Président. Dans le nombre des propositions qui ont été faites à l’Assemblée nationale, il en est une sur laquelle elle n’a pas encore statué; c’est celle qui a pour objet d’augmenter le nombre des membres du comité des recherches de l’Assemblée nationale. Gette proposition a été faite par M. de Lameth. M. Bontteville-Dnmetz. Il n’y a qu’à autoriser le comité des rapports à se joindre à lui. (L’Assemblée autorise la comité des rapports à se joindre au comité des recherches pour s’occuper des circonstances présentes.) M. de Montmorin, ministre des affaires étrangères, est introduit dans l’Assemblée. M. Rœderer. Monsieur le Président, il serait nécessaire de renvoyer au département la lettre trouvée dans l’appartement de la reine. G’est le département qui vous a annoncé qu’il allait s’occuper des recherches à faire pour découvrir les auteurs de l’évasion de la famille royale; c’est lui qui doit faire de cette lettre ce qu’il jugera à propos. A gauche : Non ! non ! M. le Président. Je vais mettre aux voix la proposition de renvoyer la lettre au département. A gauche: Non! non! Au comité des recherches. M. Treilhard. Je demande qu’elle soit renvoyée aux comités des rapports et des recherches réunis. Un membre : Il n’y a qu’une seule lettre? M. le Président. Il m’en a été remis trois , trouvées dans les appartements des Tuileries, une seule à l’adresse de la reine est cachetée. M. Rewbell. Le département a arrêté que la