362 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [3 décembre 1789.] ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DE BOISGELIN, ARCHEVÊQUE D’AIX. Séance du jeudi 3 décembre 1789, au soir (l). MM. Salomon de la Saugerle et Anson, nommés le 3 novembre pour inspecter le travail des commis, font un rapport sur la réforme des bureaux. Ils présentent l’état des appointements par eux faits pour le mois de novembre et les mois suivants tant pour les commis que pour les huissiers et garçons de bureau. Ils demandent qu’on les autorise à faire arrêter cet état par M. le président. La dépense s’élève à 7,730 francs par mois. L’Assemblée adopte ces propositions. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la motion de M. de Curt tendant a la formation d’un comité des colonies. Un de MM. les secrétaires donne lecture d’une requête de 77 habitants et propriétaires dans les colonies du Vent et Sous-le-Vent, résidant à Bordeaux. Ils supplient l’Assemblée de rendre un décret portant qu’elle ne s’est point occupée du régime des esclaves aux colonies et qu’elle entend que les lois qui les concernent continuent à recevoir leur pleine et entière exécution, Cette adresse excite de vives réclamations. M. Arthur Dillon, député de la Martinique , fait remarquer que l’adresse n’est signée que par un seul colon de cette île. Il ajoute que les désordres qui se sont produits à la Martinique ont été très-exagérés. M. Paul Aairac. 3e demande que l’orateur atteste par écrit ce qu’il vient de laisser entendre. Les nouvelles de la Martinique présentent au contraire les faits comme ayant une extrême gravité. Plusieurs membres demandent que la requête soit renvoyée au comité des rapports. L’Assemblée consultée prononce le renvoi. On lit une seconde lettre de M. le comte de la Luzerne, ministre de la marine, à M. le président de l’Assemblée nationale: « Paris, ce 3 décembre 1789. «Monsieur le président, j’ai appris avec le regret le plus vrai que plusieurs de MM. les membres de l’Assemblée nationale avaient témoigné quelque mécontentement d’une phrase de la lettre que j’ai eu l’honneur de vous adresser hier. « Mon intention a été pure. II ne me paraît pas même que le sens de mes expressions puisse être douteux ; peut-être n’a-t-il pas été saisi à une lecture rapide. « J’ai exposé que dans les circonstances présentes beaucoup de particuliers, qui ne tiennent nullement à l’Assemblée nationale, pour se concilier l’intérêt public, disséminent chaque jour contre les ministres du Roi des incul pations même absolument étrangères à l’affaire discutée dans leurs mémoires. J’ai ajouté que les administrait) Cette séance est incomplète au Moniteur . teurs ne doivent ni ne peuvent entrer en lice contre cette foule sans cesse renaissante d’accusateurs. « J’ai distingué soigneusement, au contraire, et mis en opposition les reproches faits aux ministres dans l’Assemblée nationale par l’un de MM. les députés. J’ai dit qu’il était du devoir des administrateurs de se lever aussitôt, et de ne pas perdre un moment à offrir toutes les explications tous les éclaircissements, toutes les preuves. « Ma conduite atteste ce que j’ai pensé, et je suis d’ailleurs persuadé, Monsieur le président, que vous-même, en relisant ma lettre, et pesant les termes, n’aurez à cet égard aucun doute. U n’est pas possible de présumer que j’ai voulu manquer à la déférence, au respect dus à l’Assemblée nationale. « Mais j’ai osé, j’ose encore invoquer sa justice sur les reproches mêmes qui m’ont été faits, demander à être entendu, requérir que des faits certains soient allégués, que des pièces probantes soient déposées au moment même de la dénonciation; tout citoyen obtiendra ce que je désire. 11 est aussi équitable, et beaucoup plus important, que la réputation d’un ministre ne soit point ternie, que la confiance publique ne lui soit point enlevée à dessein par des imputations solennelles mais tellement vagues qu’on ne peut ni les combattre ni même soupçonner quel fondement elles ont. « Daignez soumettre à l’Assemblée nationale les considérations que je vous présente, lorsqu’elle s’occupera de cette affaire. « Je suis avec respect, etc. « Signé : La LUZERNE. » M. le marquis d’Amhly renouvelle la motion faite par lui dans la séance d’hier. Un grand nombre de membres : L’ordre du jour! M. le Président consulte l’Assemblée et la discussion relative au comité colonial est reprise. M. l’abhé Grégoire prend laparole au milieu des cris et du tumulte. Pour forcer ses adversaires politiques à l’entendre, il s’écrie : 11 n’y a que les personnes intéressées à ne pas entendre la cause des gens de couleur qui excitent ce trouble; mais l’acharnement que l’on y met est un argument invincible de la bonté de ma cause. S’il "est dans les colonies des citoyens qui ont des griefs à redresser, des observations à faire, une constitution à demander; si ces citoyens ont toutes les qualités que vous exigez pour être citoyen actif, et que cependant ils ne soient pas représentés, à coup sûr ils ont, droit d’attendre de votre justice qu’ils soient admis à la représentation. Or, Messieurs, les citoyens de couleur sont dans ce cas-là : vous ne pouvez donc pas former un comité colonial sans avoir préalablement décidé l’affaire des gens de couleur. Je conclus qu'il n’v a pas lieu de délibérer sur la formation d’un comité colonial, jusqu’à ce qu’on ait procédé à l’affaire des gens de cou-leur. En attendant, je me contente de gémir sur leur sort. M. le marquis de Gullhem-Cicrmoni-ILodèvc répond au préopinant que, le but d’un comité colonial étant de préparer les matériaux qui doivent servir à former une constitution, il