[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 mars 1791.1 471 on prévoit un cas, on détermine un moment où il sera censé avoir abdiqué la royauté, où, sans avoir volontairement déposé sa Couronne, il cessera d’être roi. Et par quel étrange abus d’idées et de mots peut-on prétendre que cette inviolabilité n’est point détruite? C’est, dit-on, parce que le roi, qui ne règne que parla Constitution, doit être le premier sujet des lois et n’est pour cela soumis à personne. Le roi ne règne que par la Constitution. Sa couronne que ses augustes aïeux portent de puis mille ans, est-ce cette Constitution d’un jour qui l*a placée sur sa tête? Nu s commettants nous avaient-ils donc envoyés pour l’asseoir sur le trône? Leur empressement à reconnaître, à consacrer, à respecter la Constitution monarchique, ne nous assure-t-il pas de celui qu’ils auraient mis à nous donner des ordres encore plus précis, s’ils avaient pu prévoir qu’on voulût attaquer les droits et les prééminences du roi ? Mais leurs sentiments d’amour, de respect et de fidélité pour lui ne leur ont pas permis de prévoir ni même de supposer ces atteintes. Le roi est sujet delà loi, et pour cela n'est soumis à personne. Sans doute, il doit la respecter, s’y conformer : ce principe ne peut être contesté, et le roi, qui est la loi vivante, s’identifie avec elle, et devient par là plus auguste. Mais la loi est un être moral qui par lui-même ne peut rien; lorsqu’elle prononce une peine, il est nécessaire que quelqu’un l’applique; et voilà celui auquel on soumet le monarque, celui qu’on ne peut s’empêcher de reconnaître pour supérieur, et c’est ainsi que, dans le cas prévu par le décret du 28 mars, la dignité royale est avilie, son inviolabilité, son indépendance essentielles sont détruites, le roi devient justiciable; le chef suprême de la nation, qui jusqu’à ce jour ne reconnut pas même des égaux, se voit subordonné. Je me garderai de m’étendre davantage sur des raisonnements tant de fois reproduits, et aussi souvent renversés. Mais peut-il rester quelques doutes dans ces bons esprits, sur le danger de ce principe, que le roi ne règne que par la Constitution? On n’a encore prévu qu’un cas où le roi peut-être soumis à une peine; mais les hypothèses ne pourraient-elles pas se multiplier? Dans des temps de troubles, quel vaste champ pour l’intrigue et pour l’ambition! Tout ce qui compose la Constitution, dira-t-on, est également sacré, la violation des moindres règles établies par elle sera transformée en un crime; le souverain qui aura commis, ou une erreur ou un oubli, sera accusé d’avoir voulu la renverser ; des intrigants, des ambitieux qui auraient acquis la faveur du peuple, porteraient peut-être l’audace jusqu’à lui prodiguer ce nom devenu malheureusement si commun, et jamais encore mérité, celui de criminel de lèse-nation, tenteraient ainsi d’écarter du trône son légitime possesseur, et s’efforceraient de l’envahir au milieu des discordes et des guerres cruelles que de si grands intérêts ne mauquent jamais d’allumer. Telles peuvent être les conséquences funestes de ce décret; elles feront horreur à tout bon Français, à tout fidèle sujet du roi. Je déclare donc qo’après m’être opposé à ce que l’Assembiee traitât une question que je ne croyais pas pouvoir loi ê:iv soumise, je n’ai pris aucune part à la délibération dans laquelle ce décret a été rendu. Je déclare que je regarde la personne du roi comme sacrée, inviolable, et au-dessus de tout jugement; que dans aucun temps, sous aucun prétexte le roi ne peut-être justiciable d’aucun tribunal ni d’aucun corps. En conséquence, au nom de mes commettants, pour me conformer à leurs ordres, nommément au contenu de l’article 23 des cahiers dont ils m’ont chargé, pour justifier vis-à-vis d’eux de mon exactitude et de ma fidélité à suivre leurs instructions, je proteste contre le décret rendu à la séance du matin du lundi 28 mars 1791. Je renouvelle encore également en leur nom et d’après l’obligation formelle qui m’en est imposée, les différentes protestations générales et particulières que j’ai faites, et nommément celles des 27 et 30 juin 1789, 19 avril et 20 juin 1790. Je déclare enfin, que je ne crois ni pouvoir ni devoir demeurer plus longtemps dans une Assemblée qui consacre comme des conséquences nécessaires de la Constitution qu’elle a établie, qui rédige en lois des principes entièrement contraires à ceux que j’ai promis de maintenir, aussi opposés à l’esprit qu’à la lettre de mes cahiers, des principes enfin que je ne croirais pouvoir adopter sans crime, puisque les uns me semblent blesser le respect dû à la propriété qui est le fondement essentiel de toute société ; les autres attaquer les lois fondamentales de la monarchie, qui ne peut subsister lorsque la dignité royale est avilie et le monarque subordonné; d’autres enfin contraires à des points essentiels de notre religion, sur lesquels je ne crois pas même permis de douter, lorsque nos maîtres en doctrine, les évêques de France, et le chef de l’Eglise ont proclamé leur décision. Je déclare donc que je remets entre les mains de mes commettants les pouvoirs qu’ils m’avaient fait l’honneur de me confier, et que de ce moment je cesse d’avoir l’avantage d’être leur représentant. De GrosBOIS, député de la noblesse du bailliage de Besançon. Paris ce 30 mars 1791. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. TRONCHET. Séance du jeudi 31 mars 1791, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. M. IVugnon, au nom du comité d'emplacement. Une vérité que chaque jour vient manifester, c’est qu’il faut très difficilement permettre d’acquérir aux petits districts ; je les considère comme des voyageurs qui doivent se loger comme on se loge en passant. Pour une administration de 24 heures, il ne faut pas soumettre les administrés à un impôt, local de 12 années. Ces corps temporaires (loin de vous toute allusion personnelle) se pressent de jouir des avantages de la propriété, sans s’occuper beaucoup de l’avenir; et c’est précisément l’avenir que des administrateurs ont à considérer. li est des hommes qui, ayant leur esprit en argent comptant, mettent leur réputation de tapi) Cette séance est incomplète au Moniteur. 472 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 mars 1791.) lent en viager; mais une administration sage doit marcher en sens inverse, voir l’avenir d’abord et ensuite le moment. Les agents doivent s’oublier eux-mêmes pour ne voir que l’intérêt des administrés; or, cet intérêt commande aux administrateurs de Bourbon-Lancy de louer, et il doit être obéi; si ce district survit à la réduction, on l’autorisera à acheter; mais dans le doute, l’économie doit gagner sa cause. La sagesse des administrateurs de Bourbon-Lancy nous assure qu’ils seront les premiers à y applaudir. Nous vous présentons, en conséquence, le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité d’emplacement, autorise le directoire du district de Bourbon-Lancy, département de Saône-et -Loire, à louer pour deux années, aux frais des administrés, la maison des capucins de cette ville, pour y placer le directoire du district et le tribunal, et à y faire les arrangements intérieurs nécessaires, sans que la dépense puisse excéder la somme fixée par le décret de l’Assemblée nationale du 2 septembre dernier; décrète, au surplus, que tous les dehors de ladite maison, consistant dans les jardin, verger et la pièce de terre, Je tout clos de murs, de la contenance de 2 arpents ou environ, seront vendus dans les formes prescrites par les décrets de l’Assemblée nationale. » (Ce décret est adopté.) M. Priignon, au nom du comité d’emplacement , propose le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité d’emplacement, autorise le directoire du district d’Is-sur-Til, département de la Côte-d’Or, à placer le tribunal à l’hôtel commun, et à faire faire, aux frais des administrés, les réparations et ameublements nécessaires, suivant les devis estimatifs qui en ont été dressés, et l’adjudication au rabais, qui en sera également faite. » (Ce décret est adopté.) M. JPrugnon, au nom du comité d’emplacement. Votre comité, Messieurs, vous propose do permettre aux corps administratifs qui ont acquis des édifices nationaux pour leur établissement, celui des tribunaux et bureaux de conciliation, de ne les payer qu’après la révolution d’une année, avec l’intérêt de la somme due. Voici notre projet de décret : « L'Assemblée nationale, ouï Je rapport de son comité d’emplacement, décrète que les corps administratifs qui, d’après l’autorisation de l’Assemblée nationale, ont acquis des édifices nationaux pour leur établissement, pour celui des tribunaux et bureaux de conciliation, ne pourront être contraints au payement du cinquième exigible comptant, qu’après (a révolution d’une année, à compter du jour de l’adjudication, à la charge toutefois d’en payer l’intérêt, sans que ce délai puisse retarder le payement des douze annuités, aux termes des décrets. » (Ce décret est adopté.) MM. Pi son du Galand et de Menou, au nom du comité d’ aliénation, proposent des ventes de biens nationaux en faveur de diverses municipalités. Ces ventes sont décrétées par l’Assemblée dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par son comité d’aliénation, des soumissions des municipalités ci-après désignées, déclare vendre les biens nationaux dont l’état est annexé aux procès-verbaux respectifs des évaluations ou estimations desdits biens, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai 1790, et pour les sommes ci-après, payables de la manière déterminée par le décret. savoir : A la municipalité de Fécamp, district de Mon-tivilliers, département de la Seine-Inférieure, pour .................. A celle de Gaozeville, même district, même département, pour ........ A la municipalité de Chavignon, district de Soissons, départementde l’Aisne, pour 85,735 1. 15 s. 8 a.; subroge en outre ladite municipalité à celle de Laon, en sa propriété des biens situés sur son territoire, et compris aux articles 11 et 19 dudit état pour la somme de 5,083 livres ; laquelle, avec la première, forme celle de. . . A celle de Bernecour, district de Pont-à-Mous-son, département de la Meurthe, pour .......... A celle de Bauzemont, district de Lunéville, même département, pour. A celle de Sézanne, district de Sézanne, département de la Marne , pour .................. A celle de Boursault, district d’Epernay, même département, pour ...... A la municipalité de Gbappes, district de Bar-sur-Seine, départementde l’Aube, pour ........... A celle de Moyen-Mou-tier, district de Saint-Dié , département des Vosges, pour ........... A celle d’Autignv-la-Tour, district de Neuf-château, môme département, pour ............ A celle de Vic-Fezen-zac, district d’Auch, département du Gers, pour. 445,341 1. 13 s. 3d, 76,234 3 4 90,818 15 8 19,351 8 8 10,969 5 4 274,553 4 4,800 » 3 8,485 14 3 91,399 9 2 8,292 8 10 112,622 1 5 « Le tout ainsi qu’il est plus au long détaillé dans les décrets de vente et états d’estimation respectifs, annexés à la minute du procès-verbal de ce jour. » Un membre du comité des monnaies. Vous vous rappelez, Messieurs, que les orfèvres de Paris ont présenté une pétition, il y a 3 ou 4 jours, relative aux droits de marc d’or et de contrôle. Vous l’avez renvoyée à vos 3 comités d’imposition des monnaies et de commerce, qui se sont livrés à l’examen de ce point, sur lequel ils ont pris une mesure provisoire, parce qu’on ne peut pas vous présenter, dans un si bref délai, une loi définitive. Voici, Messieurs, ce que vos comités pensent que vous devez faire en ce moment :