530 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE diquer, si le général commandant à l’aile droite ne l’avoit renvoyé dans ses foyers pour y faire le service de la garnison. La conduite qu’il a tenue au siège est consignée dans une attestation délivrée par le général de division Fave-reau. Mention honorable, insertion au bulletin, renvoi au comité d’instruction publique (l). [Les sans-culottes à la Conv.; s.d.] ( 2) « La Convention nationale a immortalisé notre commune par son décret du 16 messidor dernier; elle ne cessera d’en être reconnaissante. Pour premier témoignage de sa sensibilité, son bataillon s’est porté au siège de la place de Landrecies, a barraqué sous ses murs jusqu’à sa reddition; il était disposé de se porter sur les autres places de la république à revendiquer, si le général commandant l’attaque de droite ne l’avait envoyé dans ses foyers pour y faire le service de la garnison. « La conduite qu’il a tenue au siège est consignée dans l’extrait joint. « Salut et fraternité ». ( Suivent les signatures). [Le gnl de division Favereau, commandant l’attaque de Landrecies. Au q.g. de Favril, 28 mess. Il] « Je certifie que la garde nationale citoyenne de Maubeuge, qui sert sous mes ordres depuis quatre mois que je commande dans cette place, vient de donner une nouvelle preuve de zèle et de bravoure dans le service actif qu’elle a fait au siège de Landrecies. « J’atteste que les regrets qu’éprouvent ces braves citoyens, de ne pouvoir continuer à coopérer à la destruction des esclaves qui souillent les villes du Quesnoy, Valenciennes et Condé, ne sont adoucis que par la jouissance bien naturelle de voler dans les bras de leurs épouses et de leurs enfants. « J’atteste que, d’après la confiance et l’amitié que m’ont témoignées ces braves citoyens, ils possèdent la mienne et mon cœur, et que l’agrément que j’ai éprouvé en les commandant me fait éprouver le plus grand regret de m’éloigner d’eux ». Favrau. (Y est apposé un scel en cire rouge). P.c.c. Contamine (3), maire; Drapier, officier municipal, et le secrétaire » 37 Le président de la société populaire de La Salvetat, département de l’Hérault, écrit à la Convention que la fête à l’Être suprême a été célébrée dans sa commune avec toute la solem-nité possible; que ce jour-là les citoyens ont consacré leur ci-devant église aux fêtes natio-(l) P.V., XLII, 193. Bm, 11 therm. (suppl1); J. Sablier, n° 1461. Voir Arch. pari, t. XCII, séance du 16 mess., n° 28. (2) Mon., XXI, 319; Débats, n° 674. 3 Voir P. A. I. nales; qu’ils en ont enlevé l’argenterie, le cuivre, le tronc, les ornemens, qu’ils ont envoyés au chef-lieu du district; qu’il s’est trouvé 4 quintaux de cuivre, et 42 livres 1/2 d’argenterie, poids de table, non compris les galons, et c. Il adresse l’inventaire de tous ces effets et le procès-verbal de la fête. Mention honorable, insertion au bulletin, renvoi au comité d’instruction publique (l). 38 La société populaire de Louhans, département de Saône-et-Loire, félicite la Convention sur ses travaux, l’assure de son dévouement à la patrie, et lui adresse le procès-verbal de son épuration, afin de lui faire connoître les principes révolutionnaires qui ont dirigé cette régénération, et les sentimens républicains qui l’animent. Mention honorable, insertion au bulletin, renvoi au comité de sûreté générale (2). 39 Un secrétaire donne lecture du procès-verbal du 26 messidor. La rédaction est approu' vée (3). 40 Un autre secrétaire donne lecture des diffé-rens décrets rendus le 7 thermidor. La rédaction est adoptée (4). 41 Robespierre fait un discours très-étendu, par lequel, après avoir répondu aux reproches qu’il dit lui être faits d’aspirer à la dictature, il développe une opinion injurieuse aux comités de sûreté générale et de salut public. Il ajoute que depuis quatre décades il n’a pas paru à ce dernier comité. Il annonce que le décret sur les Anglais ne s’exécute pas; que le système de Dumouriez est suivi dans la Belgique : il se plaint de ce que les canonniers sont éloignés de Paris, de ce qu’on donne le change sur la situation de la République. Il faut, dit-il, laisser agir les comités, mais les surveiller, et que la Convention prenne enfin la dignité qui lui convient (5). (1) P.V., XLII, 194. 2) P.V., XLII, 194. 3 P.V., XLII, 194. 4 P.V., XLII, 194. (5) P.V., XLII, 194. 530 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE diquer, si le général commandant à l’aile droite ne l’avoit renvoyé dans ses foyers pour y faire le service de la garnison. La conduite qu’il a tenue au siège est consignée dans une attestation délivrée par le général de division Fave-reau. Mention honorable, insertion au bulletin, renvoi au comité d’instruction publique (l). [Les sans-culottes à la Conv.; s.d.] ( 2) « La Convention nationale a immortalisé notre commune par son décret du 16 messidor dernier; elle ne cessera d’en être reconnaissante. Pour premier témoignage de sa sensibilité, son bataillon s’est porté au siège de la place de Landrecies, a barraqué sous ses murs jusqu’à sa reddition; il était disposé de se porter sur les autres places de la république à revendiquer, si le général commandant l’attaque de droite ne l’avait envoyé dans ses foyers pour y faire le service de la garnison. « La conduite qu’il a tenue au siège est consignée dans l’extrait joint. « Salut et fraternité ». ( Suivent les signatures). [Le gnl de division Favereau, commandant l’attaque de Landrecies. Au q.g. de Favril, 28 mess. Il] « Je certifie que la garde nationale citoyenne de Maubeuge, qui sert sous mes ordres depuis quatre mois que je commande dans cette place, vient de donner une nouvelle preuve de zèle et de bravoure dans le service actif qu’elle a fait au siège de Landrecies. « J’atteste que les regrets qu’éprouvent ces braves citoyens, de ne pouvoir continuer à coopérer à la destruction des esclaves qui souillent les villes du Quesnoy, Valenciennes et Condé, ne sont adoucis que par la jouissance bien naturelle de voler dans les bras de leurs épouses et de leurs enfants. « J’atteste que, d’après la confiance et l’amitié que m’ont témoignées ces braves citoyens, ils possèdent la mienne et mon cœur, et que l’agrément que j’ai éprouvé en les commandant me fait éprouver le plus grand regret de m’éloigner d’eux ». Favrau. (Y est apposé un scel en cire rouge). P.c.c. Contamine (3), maire; Drapier, officier municipal, et le secrétaire » 37 Le président de la société populaire de La Salvetat, département de l’Hérault, écrit à la Convention que la fête à l’Être suprême a été célébrée dans sa commune avec toute la solem-nité possible; que ce jour-là les citoyens ont consacré leur ci-devant église aux fêtes natio-(l) P.V., XLII, 193. Bm, 11 therm. (suppl1); J. Sablier, n° 1461. Voir Arch. pari, t. XCII, séance du 16 mess., n° 28. (2) Mon., XXI, 319; Débats, n° 674. 3 Voir P. A. I. nales; qu’ils en ont enlevé l’argenterie, le cuivre, le tronc, les ornemens, qu’ils ont envoyés au chef-lieu du district; qu’il s’est trouvé 4 quintaux de cuivre, et 42 livres 1/2 d’argenterie, poids de table, non compris les galons, et c. Il adresse l’inventaire de tous ces effets et le procès-verbal de la fête. Mention honorable, insertion au bulletin, renvoi au comité d’instruction publique (l). 38 La société populaire de Louhans, département de Saône-et-Loire, félicite la Convention sur ses travaux, l’assure de son dévouement à la patrie, et lui adresse le procès-verbal de son épuration, afin de lui faire connoître les principes révolutionnaires qui ont dirigé cette régénération, et les sentimens républicains qui l’animent. Mention honorable, insertion au bulletin, renvoi au comité de sûreté générale (2). 39 Un secrétaire donne lecture du procès-verbal du 26 messidor. La rédaction est approu' vée (3). 40 Un autre secrétaire donne lecture des diffé-rens décrets rendus le 7 thermidor. La rédaction est adoptée (4). 41 Robespierre fait un discours très-étendu, par lequel, après avoir répondu aux reproches qu’il dit lui être faits d’aspirer à la dictature, il développe une opinion injurieuse aux comités de sûreté générale et de salut public. Il ajoute que depuis quatre décades il n’a pas paru à ce dernier comité. Il annonce que le décret sur les Anglais ne s’exécute pas; que le système de Dumouriez est suivi dans la Belgique : il se plaint de ce que les canonniers sont éloignés de Paris, de ce qu’on donne le change sur la situation de la République. Il faut, dit-il, laisser agir les comités, mais les surveiller, et que la Convention prenne enfin la dignité qui lui convient (5). (1) P.V., XLII, 194. 2) P.V., XLII, 194. 3 P.V., XLII, 194. 4 P.V., XLII, 194. (5) P.V., XLII, 194. SÉANCE DU 8 THERMIDOR AN II (26 JUILLET 1794) - N" 41 531 Sans se plaindre fomellement de l’opposition civique mise par ce dernier comité [de salut public] à ses projets d’envahissement des finances, il [Robespierre] essaie de le comprendre dans la proscription, en l’accusqnt d’avoir contre -révolutionné les finances de la République. Il prétend ensuite que les patriotes sont opprimés. « Pourquoi, dit-il, ces discours que l’on vous a faits sur les succès des armées ? Le système de Dumouriez est suivi dans la Belgique ; on plante des arbres stériles de la liberté, on éloigne les canonniers de Paris, on a formé un camp qui peut devenir dangereux, etc. »(l). [Robespierre obtient la parole : La calomnie, dit-il, semble s’être attachée à mes pas, pour ne me quitter qu’après m’avoir percé de ses traits les plus envenimés. Est-il vrai qu’on a répandu le bruit que des listes de proscription étoient dressées ? est-il vrai que des terreurs ont été jettées dans l’ame des représentans du peuple, au point que plusieurs d’entr’eux ne restent point chez eux la nuit ? est-il vrai que l’on m’accuse de vouloir marcher à la dictature sur les ruines sanglantes de la représentation nationale ? Oui, ces bruits se répètent partout; étrange projet d’un seul homme d’engager la Convention à s’égorger elle-même de ses propres mains, pour lui frayer le chemin de la tyrannie ! Mais remarquez l’identité qui règne dans la conduite de mes calomniateurs et de mes ennemis ! Pour vous isoler de la nation, les tyrans ne vous ont-ils pas aussi prodigué les noms de dictateurs ? n’ont-ils pas appellé les armées françaises, les hordes conventionnelles, et la révolution, le jacobinisme ! Quel peut donc être leur but, lorsqu’ils isolent aujourd’hui sur ma tête ces accusations, qui nous étoient naguères communes, si ce n’est de vous diviser et de vous perdre ? Cependant ce mot de dictateur a des effets magiques : il avilit le gouvernement révolutionnaire, il détruit la République, et rend odieuse la justice nationale, qu’il peint comme un instrument utile à un seul homme qui le dirige à son gré. Quel terrible usage nos ennemis ont fait d’un mot qui ne dé-signoit à Rome qu’une fonction publique ! Mais qu’il me soit permis de renvoyer au duc d’York les patentes de cette dignité, que ses amis m’ont donnée. Les lâches ! ils m’appellent tyran ; et si je l’étois, ils ramperoient à mes pieds; si je l’étois, croyez que les tyrans ne me poursuivroient pas avec autant d’acharnement, croyez au contraire qu’ils me prodi-gueroient leurs secours. On arrive à la tyrannie avec l’appui des fripons; mais où tend celui qui les combat ? la vérité, sans doute, a son despotisme, mais il n’est pas plus donné au mensonge de l’imiter, qu’à Salmonée d’imiter la foudre. Il y a deux puissances sur la terre, la raison et la tyrannie : ceux qui dénoncent la force morale de la raison rappellent donc la tyrannie. Le système des Héberts et des Fabre d’Eglantine est plus que jamais suivi; le patriotisme et la probité sont persécutés; on veut détruire le gouvernement, et l’on marche à ce but par deux routes différentes. Ici on le calomnie, là on cherche à le rendre odieux par des excès. Des mains perfides s’en servent comme d’un (l) Moniteur, (réimpr.), XXI, 329. instrument de contre-révolution. Les agens de nos plus cruels ennemis pénètrent jusque dans le comité de sûreté générale; et n’est-il pas étrange que nous soyons obligés de les payer pour faire la police en France ? Sans doute ils se couvrent du manteau du patriotisme, ils font livrer au glaive des rois des conspirateurs, mais ce ne sont que ceux qui, par leur évidence, ne pourraient y échapper, et que l’étranger lui-même nous livre sans regret, parce qu’il se fait de leur corps un rampart à l’abri duquel il peut agir et consommer notre perte. Voyez-le, ces agens, avec qu’elle perfidie ils vous répondent aux plaintes des citoyens : Que voulez-vous, nous ne pouvons rien, c’est à Robespierre que vous devez vous en prendre; de là cette foule de calomnies qui chaque jour se renouvellent contre moi, et se grossissent en se propageant. Ainsi l’on répandoit que le comité de salut public avoit créé dans son sein une commission des finances, et que j’en étois le président. Ainsi, tandis que les papiers allemands publioient mon arrestation, des colporteurs la crioient dans Paris. Mais voulez-vous découvrir la source des accusations atroces lancées contre moi ? je vous la fais vois dans les papiers d’un conspirateur, dont l’échafaud a fait justice. « Si cet astucieux démagogue, y étoit-il dit, en parlant de moi, n’existoit pas, la nation serait libre; on pourrait énoncer sa pensée, et jamais on n’auroit vu cette foule d’assassinats connus sous le nom de jugement du tribunal révolutionnaire ». Vous les connoissez donc les auteurs de ces calomnies : ce sont en première ligne le duc d’York, monsieur Pitt, et ses émissaires. Qui ensuite ?... Je n’ose me résoudre à lever le voile qui couvre tant d’iniquités, mais sachez qu’on y compte sur-tout ces hommes qui se sont opposés au décret qui terrasse l’athéisme, efface des tombeaux cette inscription placée par Chaumette, le désespoir de l’homme de bien : la mort est un sommeil éternel et y substitue ces mots consolateurs : la mort est le commencement de l’immortalité. De ses plaintes contre ceux qui le calomnient, Robespierre passe au développement des vérités qu’il a recueillies, et dont il déclare que la publicité peut sauver la patrie : depuis 4 décades au moins dit-il, je me suis vu forcé de renoncer aux fonctions que vous m’avez confiées; mais toujours mes yeux ont été ouverts sur la chose publique; j’ai vu que l’anglois, si maltraité dans nos discours, ne l’étoit point autant sur les frontières, et que votre décret contre eux restoit presque sans exécution; je me suis étonné de la légèreté académique avec laquelle on vous parloit quelquefois de nos victoires, comme si elles n’avoient rien coûté à nos défenseurs; du ridicule qu’on s’étoit seulement attaché à répandre sur la mère de Dieu, lorsque la conspiration dont elle est l’ame est liée à toutes les autres, et je vous avertis qu’on s’amuse à planter dans la Belgique des arbres stériles de la liberté, au lieu d’y cueillir les fruits de la victoire. Sans doute les comités renferment les plus fortes colonnes de la liberté; mais la majorité est paralysée : on se cache, on dissimule, on conspire donc. Le commissaire du mouvement des armées de terre s’enveloppe d’obscurité; on éloigne de Paris les canonniers; on cherche à s’emparer de tout : donc on conspire. SÉANCE DU 8 THERMIDOR AN II (26 JUILLET 1794) - N" 41 531 Sans se plaindre fomellement de l’opposition civique mise par ce dernier comité [de salut public] à ses projets d’envahissement des finances, il [Robespierre] essaie de le comprendre dans la proscription, en l’accusqnt d’avoir contre -révolutionné les finances de la République. Il prétend ensuite que les patriotes sont opprimés. « Pourquoi, dit-il, ces discours que l’on vous a faits sur les succès des armées ? Le système de Dumouriez est suivi dans la Belgique ; on plante des arbres stériles de la liberté, on éloigne les canonniers de Paris, on a formé un camp qui peut devenir dangereux, etc. »(l). [Robespierre obtient la parole : La calomnie, dit-il, semble s’être attachée à mes pas, pour ne me quitter qu’après m’avoir percé de ses traits les plus envenimés. Est-il vrai qu’on a répandu le bruit que des listes de proscription étoient dressées ? est-il vrai que des terreurs ont été jettées dans l’ame des représentans du peuple, au point que plusieurs d’entr’eux ne restent point chez eux la nuit ? est-il vrai que l’on m’accuse de vouloir marcher à la dictature sur les ruines sanglantes de la représentation nationale ? Oui, ces bruits se répètent partout; étrange projet d’un seul homme d’engager la Convention à s’égorger elle-même de ses propres mains, pour lui frayer le chemin de la tyrannie ! Mais remarquez l’identité qui règne dans la conduite de mes calomniateurs et de mes ennemis ! Pour vous isoler de la nation, les tyrans ne vous ont-ils pas aussi prodigué les noms de dictateurs ? n’ont-ils pas appellé les armées françaises, les hordes conventionnelles, et la révolution, le jacobinisme ! Quel peut donc être leur but, lorsqu’ils isolent aujourd’hui sur ma tête ces accusations, qui nous étoient naguères communes, si ce n’est de vous diviser et de vous perdre ? Cependant ce mot de dictateur a des effets magiques : il avilit le gouvernement révolutionnaire, il détruit la République, et rend odieuse la justice nationale, qu’il peint comme un instrument utile à un seul homme qui le dirige à son gré. Quel terrible usage nos ennemis ont fait d’un mot qui ne dé-signoit à Rome qu’une fonction publique ! Mais qu’il me soit permis de renvoyer au duc d’York les patentes de cette dignité, que ses amis m’ont donnée. Les lâches ! ils m’appellent tyran ; et si je l’étois, ils ramperoient à mes pieds; si je l’étois, croyez que les tyrans ne me poursuivroient pas avec autant d’acharnement, croyez au contraire qu’ils me prodi-gueroient leurs secours. On arrive à la tyrannie avec l’appui des fripons; mais où tend celui qui les combat ? la vérité, sans doute, a son despotisme, mais il n’est pas plus donné au mensonge de l’imiter, qu’à Salmonée d’imiter la foudre. Il y a deux puissances sur la terre, la raison et la tyrannie : ceux qui dénoncent la force morale de la raison rappellent donc la tyrannie. Le système des Héberts et des Fabre d’Eglantine est plus que jamais suivi; le patriotisme et la probité sont persécutés; on veut détruire le gouvernement, et l’on marche à ce but par deux routes différentes. Ici on le calomnie, là on cherche à le rendre odieux par des excès. Des mains perfides s’en servent comme d’un (l) Moniteur, (réimpr.), XXI, 329. instrument de contre-révolution. Les agens de nos plus cruels ennemis pénètrent jusque dans le comité de sûreté générale; et n’est-il pas étrange que nous soyons obligés de les payer pour faire la police en France ? Sans doute ils se couvrent du manteau du patriotisme, ils font livrer au glaive des rois des conspirateurs, mais ce ne sont que ceux qui, par leur évidence, ne pourraient y échapper, et que l’étranger lui-même nous livre sans regret, parce qu’il se fait de leur corps un rampart à l’abri duquel il peut agir et consommer notre perte. Voyez-le, ces agens, avec qu’elle perfidie ils vous répondent aux plaintes des citoyens : Que voulez-vous, nous ne pouvons rien, c’est à Robespierre que vous devez vous en prendre; de là cette foule de calomnies qui chaque jour se renouvellent contre moi, et se grossissent en se propageant. Ainsi l’on répandoit que le comité de salut public avoit créé dans son sein une commission des finances, et que j’en étois le président. Ainsi, tandis que les papiers allemands publioient mon arrestation, des colporteurs la crioient dans Paris. Mais voulez-vous découvrir la source des accusations atroces lancées contre moi ? je vous la fais vois dans les papiers d’un conspirateur, dont l’échafaud a fait justice. « Si cet astucieux démagogue, y étoit-il dit, en parlant de moi, n’existoit pas, la nation serait libre; on pourrait énoncer sa pensée, et jamais on n’auroit vu cette foule d’assassinats connus sous le nom de jugement du tribunal révolutionnaire ». Vous les connoissez donc les auteurs de ces calomnies : ce sont en première ligne le duc d’York, monsieur Pitt, et ses émissaires. Qui ensuite ?... Je n’ose me résoudre à lever le voile qui couvre tant d’iniquités, mais sachez qu’on y compte sur-tout ces hommes qui se sont opposés au décret qui terrasse l’athéisme, efface des tombeaux cette inscription placée par Chaumette, le désespoir de l’homme de bien : la mort est un sommeil éternel et y substitue ces mots consolateurs : la mort est le commencement de l’immortalité. De ses plaintes contre ceux qui le calomnient, Robespierre passe au développement des vérités qu’il a recueillies, et dont il déclare que la publicité peut sauver la patrie : depuis 4 décades au moins dit-il, je me suis vu forcé de renoncer aux fonctions que vous m’avez confiées; mais toujours mes yeux ont été ouverts sur la chose publique; j’ai vu que l’anglois, si maltraité dans nos discours, ne l’étoit point autant sur les frontières, et que votre décret contre eux restoit presque sans exécution; je me suis étonné de la légèreté académique avec laquelle on vous parloit quelquefois de nos victoires, comme si elles n’avoient rien coûté à nos défenseurs; du ridicule qu’on s’étoit seulement attaché à répandre sur la mère de Dieu, lorsque la conspiration dont elle est l’ame est liée à toutes les autres, et je vous avertis qu’on s’amuse à planter dans la Belgique des arbres stériles de la liberté, au lieu d’y cueillir les fruits de la victoire. Sans doute les comités renferment les plus fortes colonnes de la liberté; mais la majorité est paralysée : on se cache, on dissimule, on conspire donc. Le commissaire du mouvement des armées de terre s’enveloppe d’obscurité; on éloigne de Paris les canonniers; on cherche à s’emparer de tout : donc on conspire. 532 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Robespierre termine en protestant de nouveau qu’en publiant ces vérités, il n’a voulu que servir la patrie (l). Un membre [LECOINTRE (de Versailles)] demande l’impression du discours; un autre [BOURDON (de l’oise)] demande le renvoi au comité de sûreté générale et de salut public, pour l’examiner avant de le livrer à l’impression, attendu qu’il s’y est glissé des erreurs, et que la malveillance pourroit en tirer de mauvaises inductions. Robespierre et un autre membre [BARÈRE] s’opposent à ce renvoi (2). BOURDON (de l’Oise) : Je m’oppose à l’impression ; ce discours contient des matières assez graves pour être examinées; il peut y avoir des erreurs comme des vérités, et il est de la prudence de la Convention de le renvoyer à l’examen des deux comités de salut public et de sûreté générale avant d’en ordonner l’impression. BARERE : Et moi aussi j’estime avant tout la qualité d’homme et celle de citoyen français; je parle ici comme individu et non comme membre du comité; j’insiste pour l’impression du discours, parce que dans un pays libre il n’est aucune vérité qui doive être cachée; la lumière ne doit pas être sous le boisseau, et il n’est aucune assertion qui ne (l) Rép., n°219; C. Univ., n° 938 (dans l’analyse du discours présentée par cette gazette, on relève, entre autres « attaques » reprochées par Robespierre à « ses ennemis », des « projets de finances propres à augmenter le nombre de mécontens », « l’épouvante jetée dans l’âme des nobles et des prêtres », « un arrêté surpris au comité de salut public pour faire arrêter les membres de la commune du 10 août, sous prétexte de non-reddition de comptes », un « projet qu’on lui prête (à Robespierre) de vouloir immoler la Montagne, les députés détenus et de soutenir le Marais ». « Il s’est plaint, continue la gazette, d’un système continu de persécutions contre le plus pur civisme. Il s’est plaint aussi, mais en général, des comités de salut public et de sûreté générale, et surtout de ce que des professeurs de royalisme, des intrigans, des émigrés même, ont eu l’art d’entrer dans le dernier de ces comités et d’exercer des actes tyranniques ». Il a fini par dire, conclut la gazette, que si l’on ne remédioit aux maux présens, tout étoit perdu, et que si l’on repoussoit encore la lumière, il savoit mourir ». Autres gazettes à présenter une analyse assez détaillée et, semble-t-il, objective du discours : J. Perlet, n° 672; -J. Sablier, n° 1461 (dans cette dernière, l’analyse du discours occupe 70 lignes, la discussion 4 lignes et la décision est escamotée); Audit, nat., n° 671 ; J. Lois, n° 666 (9 lignes d’analyse vague, puis bons extraits du discours. Assez favorable. L’une des 2 gazettes à signaler des applaudissements pour Robespierre); Ann. patr., n° DL XXII (très opportuniste, compliments pour Robespierre, signale des applaudissements); Ann. R.F., n°238; J. Fr., n°670; J. Paris, n° 573; J. S. Culottes, nos 527 et 528; M.U., XLII, 137-138 ; Mess. Soir, n° 706 ; F.S.P., n° 387 ; C. Eg., n° 707. (les dernières gazettes citées se compromettent peu, se bornant à résumer la discussion au maximum ou ménageant l’avenir au point d’annoncer pour les jours suivants la parution intégrale du discours de Robespierre) ; J. Univ., n° 1706 (résumé très partiel, assorti de commentaires violemment anti-robespierristes). D’après plusieurs Gazettes, la lecture du discours de Robespierre a duré environ deux heures. Voir ce discours Contre les factions nouvelles et les députés corrompus dans Oeuvres de Maximilien Robespierre, tome X, p. 542 à 576, Paris, P.U.F., 1967. (2) P.V., XLII, 195. puisse être attaquée et examinée; c’est pour cela que vous êtes Convention nationale, et je ne doute pas que tous nos collègues n’insistent pour l’impression (l). Un autre membre [COUTHON], en appuyant la motion de l’impression, demande en outre qu’il soit envoyé à toutes les communes de la République et aux armées, afin de détruire le système de calomnie qui existe contre les anciens athlètes de la révolution (2). COUTHON : J’ajoute à la proposition de l’impression un amendement qui a l’air très-faible, et que je regarde comme très-sérieux; il faut que la France entière, que la plus petite commune, sache qu’il est ici des hommes qui ont le courage de dire la vérité tout entière; il faut que l’on sache que la grande majorité de la Convention sait l’entendre et la prendre en considération. Je demande non-seulement que ce discours soit imprimé, mais aussi qu’il soit envoyé à toutes les communes de la république; et quand on a osé demander qu’il fût renvoyé à l’examen des deux comités, c’était faire un outrage à la Convention nationale : car elle sait sentir, elle sait juger. Je suis bien aise de trouver cette occasion d’épancher mon âme. Depuis quelque temps, au système de calomnie contre les représentants les plus fidèles à la cause du peuple, les plus vieux serviteurs de la révolution, on joint cette manœuvre abominable de faire circuler que quelques membres du comité de salut public cherchent à l’entraver; je suis un de ceux qui ont parlé contre quelques hommes, parce que je les ai regardés comme immoraux et indignes de siéger dans cette enceinte. Je répéterai ici ce que j’ai dit ailleurs; et si je croyais avoir contribué à la perte d’un seul innocent, je m’immolerais moi-même de douleur (3). La Convention nationale, après avoir fermé la discussion, décrète que le discours de Robespierre sera imprimé, distribué aux membres de la Convention, envoyé à toutes les communes, et aux armées de la République. Un autre [VADIER] se plaint de ce que le discours de Robespierre attaque le rapport fait sur Catherine Théos et ses complices, et annonce que de nouveaux complices sont découverts, et qu’il ne tardera pas à faire un autre rapport à cet égard (4). VADIER : J’ai entendu avec douleur Robespierre dire que le rapport concernant une fille nommée Catherine Théos ne semblait se rattacher qu’à une farce ridicule de mysticité, que c’était une femme à mépriser. ROBESPIERRE : Je n’ai pas dit cela. CAMBON : Je demande la parole aussi... (il s’élance à la tribune.) Avant d’être déshonoré, je parlerai à la France... Le PRÉSIDENT : Vadier a la parole. VADIER : Je parlerai avec le calme qui convient à la vertu. Robespierre a dit que ce rapport, ayant donné lieu à un travestissement ridicule, a pu nuire à la chose publique. Ce rapport a été fait avec le ton (l) Mon., XXI, 329; Débats, n° 676. 2 P.V., XLII, 195. (3) Mon., XXI, 329; Débats, n°676. (4) P.V., XLII, 195. 532 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Robespierre termine en protestant de nouveau qu’en publiant ces vérités, il n’a voulu que servir la patrie (l). Un membre [LECOINTRE (de Versailles)] demande l’impression du discours; un autre [BOURDON (de l’oise)] demande le renvoi au comité de sûreté générale et de salut public, pour l’examiner avant de le livrer à l’impression, attendu qu’il s’y est glissé des erreurs, et que la malveillance pourroit en tirer de mauvaises inductions. Robespierre et un autre membre [BARÈRE] s’opposent à ce renvoi (2). BOURDON (de l’Oise) : Je m’oppose à l’impression ; ce discours contient des matières assez graves pour être examinées; il peut y avoir des erreurs comme des vérités, et il est de la prudence de la Convention de le renvoyer à l’examen des deux comités de salut public et de sûreté générale avant d’en ordonner l’impression. BARERE : Et moi aussi j’estime avant tout la qualité d’homme et celle de citoyen français; je parle ici comme individu et non comme membre du comité; j’insiste pour l’impression du discours, parce que dans un pays libre il n’est aucune vérité qui doive être cachée; la lumière ne doit pas être sous le boisseau, et il n’est aucune assertion qui ne (l) Rép., n°219; C. Univ., n° 938 (dans l’analyse du discours présentée par cette gazette, on relève, entre autres « attaques » reprochées par Robespierre à « ses ennemis », des « projets de finances propres à augmenter le nombre de mécontens », « l’épouvante jetée dans l’âme des nobles et des prêtres », « un arrêté surpris au comité de salut public pour faire arrêter les membres de la commune du 10 août, sous prétexte de non-reddition de comptes », un « projet qu’on lui prête (à Robespierre) de vouloir immoler la Montagne, les députés détenus et de soutenir le Marais ». « Il s’est plaint, continue la gazette, d’un système continu de persécutions contre le plus pur civisme. Il s’est plaint aussi, mais en général, des comités de salut public et de sûreté générale, et surtout de ce que des professeurs de royalisme, des intrigans, des émigrés même, ont eu l’art d’entrer dans le dernier de ces comités et d’exercer des actes tyranniques ». Il a fini par dire, conclut la gazette, que si l’on ne remédioit aux maux présens, tout étoit perdu, et que si l’on repoussoit encore la lumière, il savoit mourir ». Autres gazettes à présenter une analyse assez détaillée et, semble-t-il, objective du discours : J. Perlet, n° 672; -J. Sablier, n° 1461 (dans cette dernière, l’analyse du discours occupe 70 lignes, la discussion 4 lignes et la décision est escamotée); Audit, nat., n° 671 ; J. Lois, n° 666 (9 lignes d’analyse vague, puis bons extraits du discours. Assez favorable. L’une des 2 gazettes à signaler des applaudissements pour Robespierre); Ann. patr., n° DL XXII (très opportuniste, compliments pour Robespierre, signale des applaudissements); Ann. R.F., n°238; J. Fr., n°670; J. Paris, n° 573; J. S. Culottes, nos 527 et 528; M.U., XLII, 137-138 ; Mess. Soir, n° 706 ; F.S.P., n° 387 ; C. Eg., n° 707. (les dernières gazettes citées se compromettent peu, se bornant à résumer la discussion au maximum ou ménageant l’avenir au point d’annoncer pour les jours suivants la parution intégrale du discours de Robespierre) ; J. Univ., n° 1706 (résumé très partiel, assorti de commentaires violemment anti-robespierristes). D’après plusieurs Gazettes, la lecture du discours de Robespierre a duré environ deux heures. Voir ce discours Contre les factions nouvelles et les députés corrompus dans Oeuvres de Maximilien Robespierre, tome X, p. 542 à 576, Paris, P.U.F., 1967. (2) P.V., XLII, 195. puisse être attaquée et examinée; c’est pour cela que vous êtes Convention nationale, et je ne doute pas que tous nos collègues n’insistent pour l’impression (l). Un autre membre [COUTHON], en appuyant la motion de l’impression, demande en outre qu’il soit envoyé à toutes les communes de la République et aux armées, afin de détruire le système de calomnie qui existe contre les anciens athlètes de la révolution (2). COUTHON : J’ajoute à la proposition de l’impression un amendement qui a l’air très-faible, et que je regarde comme très-sérieux; il faut que la France entière, que la plus petite commune, sache qu’il est ici des hommes qui ont le courage de dire la vérité tout entière; il faut que l’on sache que la grande majorité de la Convention sait l’entendre et la prendre en considération. Je demande non-seulement que ce discours soit imprimé, mais aussi qu’il soit envoyé à toutes les communes de la république; et quand on a osé demander qu’il fût renvoyé à l’examen des deux comités, c’était faire un outrage à la Convention nationale : car elle sait sentir, elle sait juger. Je suis bien aise de trouver cette occasion d’épancher mon âme. Depuis quelque temps, au système de calomnie contre les représentants les plus fidèles à la cause du peuple, les plus vieux serviteurs de la révolution, on joint cette manœuvre abominable de faire circuler que quelques membres du comité de salut public cherchent à l’entraver; je suis un de ceux qui ont parlé contre quelques hommes, parce que je les ai regardés comme immoraux et indignes de siéger dans cette enceinte. Je répéterai ici ce que j’ai dit ailleurs; et si je croyais avoir contribué à la perte d’un seul innocent, je m’immolerais moi-même de douleur (3). La Convention nationale, après avoir fermé la discussion, décrète que le discours de Robespierre sera imprimé, distribué aux membres de la Convention, envoyé à toutes les communes, et aux armées de la République. Un autre [VADIER] se plaint de ce que le discours de Robespierre attaque le rapport fait sur Catherine Théos et ses complices, et annonce que de nouveaux complices sont découverts, et qu’il ne tardera pas à faire un autre rapport à cet égard (4). VADIER : J’ai entendu avec douleur Robespierre dire que le rapport concernant une fille nommée Catherine Théos ne semblait se rattacher qu’à une farce ridicule de mysticité, que c’était une femme à mépriser. ROBESPIERRE : Je n’ai pas dit cela. CAMBON : Je demande la parole aussi... (il s’élance à la tribune.) Avant d’être déshonoré, je parlerai à la France... Le PRÉSIDENT : Vadier a la parole. VADIER : Je parlerai avec le calme qui convient à la vertu. Robespierre a dit que ce rapport, ayant donné lieu à un travestissement ridicule, a pu nuire à la chose publique. Ce rapport a été fait avec le ton (l) Mon., XXI, 329; Débats, n° 676. 2 P.V., XLII, 195. (3) Mon., XXI, 329; Débats, n°676. (4) P.V., XLII, 195.