[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 juin 1790.] 567 ses membres moins de trois cents mille livres de rente, que le temps diminue chaque jour? Vous trouverez, j'espère, que le traitement que je propose est encore au-dessous de celui que l’humanité, la justice et la reconnaissance sollicitent. Vous vous honoreriez en appliquant à ma méthode une augmentation dont elle est susceptible, et que vous pouvez décréter sans aucune surcharge pour les finances de l’Etat. Statuez ensuite que tous les membres des ci-devant congrégations, qui obtiendront des places auxquelles est attaché un traitement public, ne conserveront que la moitié de leur pension, vous diminuerez, par cette disposition, la dépense; car presque tous les oratoriens sont disposés à seconder vos efforts, à propager vos principes, à consacrer leurs talents et leur vie au service de la patrie. M. Martineau. Je demande l’ajournement de l’article 13 jusqu’à l’époque où l’Assemblée s’occupera des établissements pour l’éducation de la jeunesse. M. Chasset. Je ne m’oppose pas à l’ajournement. (L’ajournement est prononcé.) M. Chasset. L’article 14 du projet, qui deviendra l’article 17 du décret, est ainsi conçu : « Art. 14. Pour parvenir à fixer les divers traitements réglés par les articles précédents, chaque titulaire dressera, d’après les baux actuellement existants, pour les objets tenus à bail ou à ferme, et d’après les comptes de régie et exploitation pour les autres objets, un état de tous les revenus écclésiastiques dont il jouit, ainsi que des charges dont il est grevé ; ledit état sera communiqué aux municipalités des lieux où ces biens sont situés, pour être contreditou approuvé, et le directoire du département dans lequel se trouve le chef-lieu du bénéfice donnera sa décision, après avoir pris l’avis du directoire de district. » M. Chasset ajoute : Les motifs du comité, en présentant cet article, sont fondés sur l’impossibilité de procéder à une estimation exacte, soit précisément d’après les baux, soit même d’après les déclarations des titulaires qui, étant trop faibles ou trop forts, ne pourraient servir de base à la justice de l’Assemblée. M. l’abbé Gouttes. Je propose que pour procéder à l’estimation, on prenne le revenu des titulaires pendant dix années et qu’on forme, de cette façon, une année moyenne. M. Cavie. Vous n’arriverez à la vérité approximative des revenus qu’en prenant quatorze années, dont vous retrancherez les deux plus faibles et les deux plus fortes. M. Martineau. J’estime qu’en adoptant les amendements proposés, vous seriez dans le plus grand embarras pour le traitement des différents bénéfices, et qu’il convient tout simplement d’adopter l’article du comité. M. l’abbé Gtbert. Je demande, à propos de cet article et du suivant, quel sera le sort des curés qui pourront être supprimés dans les villes et dont le revenu ne consiste qu’en casuel? M. Trellhard. Gomme il n’y aura pas de curé supprimé, la supposition n’a pas d’objet. M. l’abbé Gibert. J’insiste sur ma question, et je demande qu’elle soit renvoyée au comité. (Ce renvoi est ordonné.) Plusieurs membres rappellent l’amendement proposé par M. l’abbé Gouttes. D'autres membres demandent la question préalable qui est mise aux voix et prononcée. On demande une nouvelle lecture de l’article qui est enfin adopté ainsi qu’il suit : « Art. 17. Pour parvenir à fixer les divers traitements réglés par les articles précédents, chaque titulaire dressera, d’après les baux en entier actuellement existants, pour les objets tenus à bail ou ferme, et d’après les comptes de régie et exploitation pour les autres objets, un état estimatif de tous les revenus ecclésiastiques dont il jouit, ainsi que des charges dont il est grevé ; ledit état sera communiqué aux municipalités des lieux où les biens sont situés, pour être contredit ou approuvé ; et le directoire du département dans lequel se trouve le chef-lieu du bénéfice, donnera sa décision, après avoir pris l’avis du directoire des districts. M. Chasset, rapporteur , donne lecture de l’article 15 du projet qui deviendra le 18e du décret. Il est adopté ainsi qu’il suit : « Art. 18. Seront compris dans la masse des revenus ecclésiastiques, dont jouit chaque corps ou chaque individu, les pensions sur bénéfices, les dîmes, les dépôts qui formaient l’unique dotation des archidiacres et archiprêtres ; mais le casuel, ainsi que le produit des droits supprimés sans indemnité, ne pourra y entrer. » M. Chasset, rapporteur. L’article 16 du projet, qui deviendra le 19e du décret, est ainsi conçu : « Art. 16. Les charges réelles ordinaires, celles des impositions de la présente année, des portions congrues, y compris leur augmentation, ainsi que des pensions dont le titulaire est grevé à l’égard des chapitres, celles des bas-chœurs, des musiciens, seront déduites sur ladite masse ; le traitement sera ensuite fixé sur ce qui restera, d’après la proportion réglée par les articles précédents. » M. de Jessé. Le désir de l’Assemblée est d’être juste, et elle manquerait certainement son but, si elle adoptait l’article tel qu’il lui est présenté. Il porte que les charges réelles ordinaires, celles des impositions sur le pied de la présente année, des portions congrues, y compris leur augmentation, seront déduites sur la masse du revenu et que le traitement sera ensuite fixé sur ce qui restera. Je ne veux faire sur cet article que trois observations bien simples et que je crois frappantes. La première est que la dotation des congrues ayant été fixée par vos décrets à 1,200 livres, il arrivera très fréquemment que des décimaleurs ayant payé cette dotation, ainsi augmentée, se trouveront n’avoir presque rien de revenu net : revenu qui essuiera encore des réductions proportionnelles, réglées dans les articles précédents. Cet article leur est si prodigieusement défavorable, qu’on ne peut pas même y placer comme amendement que, lorsque toutes ces déductions faites, le revenu qui leur restera n’excédera pas le maximum que vous avez établi, ce revenu leur sera laissé en entier; car 568 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 juin 1790.] il doit arriver que beaucoup de décimateurs, après avoir payé les congrues à 1,200 livres, quelques-unes à un taux plus élevé, ainsi que vous les avez établies pour les grandes villes, se trouveront posséder précisément râw, ou même moins que rien, et ce n’est sûrement pas, Messieurs, votre intention. La seconde objection est qu’il y a ici manifestement un double emploi; car pourquoi auriez-vous supprimé une partie du revenu des ecclésiastiques dont les biens excédaient une honnête médiocrité? C’est certainement pour être en état d’augmenter le salaire des ministres de la religion les plus journalièrement utiles ; c’est pour augmenter ceiui des curés jusqu’à la somme de 1,200 livres et au delà, et voilà que votre comité, par la disposition de son article, fait payer une seconde fois à celui qui avait ses revenus en dîmes, cette augmentation de congrues, puisqu’il ne règle son traitement sur les bases assignées pour tous les autres titulaires, qu’après la défalcation de ces congrues avec leur augmentation. La troisième observation est que les principes de la raison, ceux de la justice et ceux de l’Assemblée la conduisent invinciblement à établir une égalité de sollicitude de sa part et de traitement pécuniaire, envers tous ceux qui, acquittant un même service public, une. fonction honorable, ont droit à une entière égalité de récompense. Or, voyez, Messieurs, la différence barbare qui serait établie dans le sort de deux ministres (les autels, dont le revenu précédent aurait été, je le suppose, pour chacun, de 12,000 livres de rente, et dont l’un maintenant, pour avoir été fortuitement doté en propriété foncière, se trouverait conserver la moitié de son revenu, tandis que l’autre, coupable du seul malheur de l’avoir été en dîmes, se trouverait réduit à rien, ou du moins à la plus hideuse pauvreté. D’après ces considérations, je demande que l’article soit amendé et qu’au lieu de ces mots : des portions congrues y compris leur augmentation, il soit substitué ceux-ci : des portions congrues, non compris leur augmentation. M. Delley-d’Agier. Je trouve qu’il serait injuste de faire payer aux résignataires les pensions qu’ils ont accordées à leurs résignants, ce serait les priver réellement d’une partie de leur revenu. Ou doit observer, d’ailleurs, que l’on ne résigne surtout les bénéfices de cure que lorsqu’on est très avancé en âge ou incapable, par infirmité, de remplir les fonctions curiales. Le résignataire, en accordant la pension aux curés retirés, a calculé les chances de l’événement ; il pouvait cesser à chaque instant d’être grevé du paiement de la pension qu’il a accordée et par la disposition de votre décret, vous lui imposez cette charge pour toujours. M de Crlllon le jeune. J’appuie l’amendement de M. de Jessé, parce qu’adopter l’article du comité c’est réduire plusieurs décimateurs à la misère. M. Treilhard. Je combats l’amendement de M. de Jessé, parce que, quand même la nation n’au-ràit pas pris l’administration des biens ecclésiastiques et se serait bornée à augmenter les portions congrues, les possesseurs des dîmes en auraient été nécessairement grevés dès le moment même de l’augmentation. Je conclus à l’adoption de l’article du comité. (On demande à aller aux voix.) Plusieurs membres demandent la question préalable. On revient à l’amendement de M. de Delley-d’Agier. M. Thibault, curé de Souppes. Il n’est pas juste de faire supporter aux bénéficiers, chargés anciennement de payer les portions congrues, le surcroît de dotation que la justice avait accordé aux congruistes. Je suis d’autant mieux fondé à me récrier contre cette disposition que je connais des bénéficiers qui, n’ont que 2,400 livres de revenu et qui sont tenus de payer deux portions congrues ce qui, dans l’ancien régime, faisait une charge de 1,400 livres. Si ces bénéficiers sont obligés de payer en sus 500 livres à chaque congruiste, leur bénéficiée devient nul pour eux et ils sont réduits à zéro. Je demande que l’article du comité soit rédigé de façon à ce que les résignataires ne soient pas spoliés entièrement. M. Martineau. Vous avez repoussé l’amendement de M. de Jessé et vous repousserez celui de M. de Delley-d’Agier, parce que ce serait rompre toutes les mesures de votre comité et dépasser de plusde 10 à 12 millions l’équilibre qu’il a établi entre les dépenses nécessitées par les frais du culte et l’entretien des ministres et les revenus ecclésiastiques. Vous seriez donc obligés d’imposer d’autant les peuples, ce qui ne peut être dans l’intention de l’Assemblée. On demande la question préalable sur cet amendement. Après plusieurs épreuves il est rejeté. M. Grandin, curé d’Ernée. Je propose d’ajouter à l’article la disposition suivante : « Après la mort des pensionnaires, la moitié de la pension retournera aux titulaires, pourvu qu’elle n’excède pas le maximum décrété. » M. Chasset. Cet amendement, comme les précédents, aurait pour résultat de rejeter sur le peuple une part des charges que nous avons voulu faire supporter aux seuls décimateurs. Si vous voulez agir autrement, vous en êtes les maîtres, mais le devoir du comité était de vous avertir. On passe au vote. Quatre épreuves successives ont lieu sans donner de majorité décisive. On allait procéder à l’appel nominal lorsqu’une dernière épreuve fait rejeter l’amendement. M. Canins. Je propose d’insérer dans l’article une disposition par laquelle seraient déduites de la dite masse les frais du bas-chœur et musiciens, et les frais du culte divin, lorsque les chapitres en seront chargés. Cet amendement est adopté. L’article 16, qui devient l’article 19 du décret, est ensuite mis aux voix et adopté ainsi qu’il suit: « Art. 19. Les charges réelles ordinaires, les portions congrues, y compris leur augmentation, ainsi que les pensions dont le titulaire est grevé ; et, à l’égard des chapitres, les frais du bas-chœur et musiciens, et les frais du culte divin, lorsque les chapitres en seront chargés, seront déduites sur ladite masse; le traitement sera ensuite fixé sur ce qui restera, d’après les portions réglées par les articles précédents. » M. Arthur lltllon, membre de l’Assemblée et