201 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [S septempre 1791.] « En attendant qu’il ait été pourvu à de nouvelles régies d’administration, l’ordonnance de 1669 et les règlements postérieures continueront à être exécutés en tout ce à quoi il n’est pas dérogé par le présent décret; et, néanmoins, les formes prescrites pour l’adju iication des baux nationaux seront substituées, dans la vente des bois, à celles ci-devant usitées. » Après quelques observations, l’article est mis aux voix dans les termes suivants : Art. 4. « Il sera incessamment fait une loi sur les aménagements, ainsi que pour fixer les règles de l’administration forestière; et jusqu’à ce, l’ordonnance de 1669 et les autres règlements en vigueur, continueront à être exécutés en tout ce à quoi il n’est pas dérogé par les décrets de l’Assemblée nationale ; et néanmoins les formes prescrites pour l’adjudication des biens nationaux seront substituées, dans la vente des bois, à celles ci-devant usitées. » (Adopté.) M. le Président lève la séance à trois heures. ASSEMBLÉE NATIONALE PRÉSIDENCE DE M. VERNIER. Séance du lundi 5 septembre 1791, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. M. le Président fait donner lecture, par un de MM. les secrétaires, d'une pétition du sieur Raymond d'Espaulx, principal émérite de l'Ecole militaire de Sorèze, âgé de 65 ans, qui expose les services qu’il a rendus à la nation pendant 32 ans. (L’Assemblée renvoie cette pétition aux comités de Constitution et des pensions.) M. Camus. Messieurs, par décret du 26 mai dernier, vous avez nommé des commissaires pour procéder à l’inventaire des effets précieux du garde-meuble de la couronne; il conviendrait aussi d’ordonner au département de Paris de nommer des commissaires pour faire transporter du trésor de Saint-Denis au cabinet national les monuments d’arts et de sciences qui s’y trouvent. En conséquence, voici le décret que je propose à l’Assemblée de rendre : » L’Assemblée nationale décrète ce qui suit : Art. 1er. « Les commissaires nommés en exécution du décret du 26 mai dernier, pour procéder à l'inventaire des diamants et autres effets précieux du garde-meuble de la couronne, présenteront, à la suite de leur rapport sur cet objet, ie rapport de l’admininistration dudit garde-meuble, depuis le 10 mai 1774 jusqu’à ce jour, ordonné par le décret du 22 avril 1790. Art. 2. « Le département de Paris nommera incessamment 2 commissaires à l’effet de se transporter, avec MM. Le Blond et Mongez, de l’Académie des belles-lettres, au trésor de la ci-devant abbaye de Saint-Denis, et de faire transporter dudit trésor au Cabinet national des médailles et antiques, rue de Richelieu, les monuments d’arts et de sciences lesquels seront déposés provisoirement audit cabinet, sous le récépissé des préposés audit établissement. » « Le présent décret sera adressé seulement au département de Paris. » (Ce décret est mis aux voix et adopté.) Un membre représente que, par un décret du 4 juillet dernier, l’Assemblée a fixé à Belley, département de l’Ain, le séminaire, dans une maison de capucins, mais que cet emplacement ne convient pas ; il observe qu’il conviendrait beaucoup mieux dans la maison des cordeliers ; en conséquence, il propose à l’Assemblée ce changement de local. Un membre représente que cette pétition est du ressort du ministre de l’intérieur, et qu’il faut la lui renvoyer. (L’Assemblée décrète que cette pétition sera renvoyée au ministre de l’intérieur.) M. d’André rappelle à l’Assemblée la lettre qui lui fut adressée, il y a quelque temps, par le ministre de la marine relativement à la fourniture des vivres de la marine; il observe qu’il a entre les mains un travail de quelques pages contenant les réflexions manuscrites du ministre sur cette question. Il demande l’impression et la distribution de ce document, avant que l’Assemblée soit appelée à statuer sur un objet aussi important. (Cette motion est décrétée.) Suit ce document : Réflexions sur la fourniture des vivres de la marine. « La fourniture des vivres de la marine, soit pour la subsistance des rationnaires dans les ports, soit pour la nourriture des équipages des batiments de guerre à la mer, avait toujours été donnée à l’entreprise et adjugée au rabais, lorsqu’en 1785, elle fut mise en régie pour le compte du roi. Il est difficile d’imaginer les motifs qui ont fait adopter ce changement dispendieux, et d’une comptabilité plus difficile. « Quatre régisseurs, domiciliés à Paris, ayant des appointements fixes, dirigent, du sein de la capitale, toutes les opérations de cette branche importante du service de la marine. Les achats de comesiibles et de boissons, leur transport des lieux où ils sont achetés, dans les ports où ils doivent être délivrés aux consommateurs, se font par leurs ordres. Directeurs, employés, préposés, agents, comptables, tous, dans cette partie, leur sont subordonnés. C’est à eux que sont rendus tous les comptes particuliers. Ils ont un caissier général, sur lequel sont tirées, des colonies ou des pays étrangers, les traites pour les achats de vivres qu’y font les vaisseaux. C’était en leur nom qu’ils faisaient les emprunts que ci-devant on jugeait nécessaires pour faire face aux dépenses urgentes. Ils en payaient les intérêts, donton leur remettait le montant. Ils ne reçoivent les ordres du ministre, que pour les quantités et les époques des approvisionnements. Les avaries, les reventes à perte sont pour le compte de (l) Cette séance est incomplète au Moniteur. 202 [Assemblée nationale.] ARCHIVAS PARLEMENTAIRES . [5 septembre 1791. J l’Etat : cette branche du service de la marine, fait une administration particulière dans l’administration générale. ôr, ces régisseurs peuvent se procurer et ont, en effet, tous bs agréments des ordonnateurs, tous les avantages de l’entreprise, sans craindre les inconvénients, sans courir de risques. La ration doit monter à un prix beaucoup plus haut que si elle é ait fournie par des adjudicataires au rabais. On ne peut pas dire à combien s'élève cette augmentation ; la ration n’a pu qncore être évaluée ; les régisseurs n’ont rendu aucun compte depuis que cette régie leur a été confiée. « Il existe encore, dans la partie des vivres de la marine un usage très favorable aux malversations, par conséquent très préjudiciable aux intérêts de l’Etat, et qui aura toujours lieu avec le mode actuel de ce service, soit qu’on mette la fourniture des vivres en régie, soit qu’on la confie à des entrepreneurs. Cet objet est d’une conséquence à fixer l’attention de l’Assemblée nationale. « Les entrepreneurs ou les régisseurs des vivres placent, sur chaque bâtiment de guerre, un commis qui, moyennant une remise de 10 à 12 0/0 pour les avaries et coulages, est responsable, mais envers eux seulement, de la quantité de comestibles et de boissons qui sont embarqués pour la nourriture des équipages. Cet employé, subordonnément aux commis aux revues, "et sous l’inspection de l’officier militaire chargé du détail, fait chaque jour la délivrance des vivres pour la subsistance de chaque ration-naire. A la fin de la campagne, le commis aux revues dresse un rôle des rations délivrées, d’après lequel celui des munitionnaires compte avec eux. S’il est redevable, il leur rembourse le montant de son débet, mais les prix sont réglés sur ceux des denrées en Europe. « Or, dans les colonies, où nos bâtiments font des séjours souvent prolongés de plus d’une année, les comestibles, les boissons coûtent beaucoup plus cher qu’en France. Quelque attention que le lieutenant en pied et le commis aux revues d’un bâtiment apportent à surveiller la conduite, à suivre les opérations du commis aux vivres, il leur est très difficile, pour ne pas dire impossible, d’empêcher qu’il ne s’entende avec les fournisseurs, et qu’il ne leur donne des reçus de denrées, dont il reçoit d’eux, au moyen d’u i bénéfice, la valeur en espèces. Si, à l’apurement de ses comptes, les bénéfices qu’il sait se procurer sur les distributions, ceux sur la remise qui lui est attribuée, ne remplissent pas les quantités qu’il paraît avoir prises dans nos îles, et qui ne lui ont pas été délivrées, en ayant touché la valeur, il paye sans difficulté le montant du reliquat, mais à un prix très modique, pendant qu’il a reçu, pour le même objet, de fortes sommes. Les entrepreneurs, les régisseurs n’ont aucun intérêt à s’opposer à cette fraude, parce que la plus-value des vivres hors du royaume est supportée par l’Etat, et n’est jamais à la charge m des uns ni des autres. Ce qu’on avance ici est une observation fondée sur une longue expérience, et l’on ne craint pas d'assurer qu’on tenterait inutilement d’empêcher ces malversations. La cupidité aura toujours l’adresse de se soustraire aux précautions qui seraient établies pour en empêcher les effets. On pense donc que le seul moyen d’y parvenir serait d’établir dans cette partie un régime qui en simplifierait la comptabilité, la rendrait plus claire, accélérerait la reddition des comptes; et voici celui qu’on proposerait à e t < ffet ; « Nos trois principaux ports de mer sont à une dûtance immense l’un de l’autre. Ils sont situés dans des provinces qui produisent des vivres de differentes espèces. Les marins qui s’y embarquent habituellement sont accoutumés à une subsistance qui n’est pas partout la même. Dans la Méditerranée, le matelot recevrait avec plaisir pour sa nourriture, des vivres, de telle espèce, dont on ne parviendrait pas a faire adopter l’usage à ceux qui naviguent sur l'Océan. Il paraîtrait donc convenable de faire trois traités différents pour la fourniture des vivres de la marine, un pour Toulon et les ports des départements méridionaux, un pour Roche-fort et les ports circonvoisins, y compris Nantes; enfin, un troisième, pour Brest, Lorient et les ports de la Manche. On sentira aisément que cette distinction procurerait beaucoup de facilité aux entrepreneurs : elle les mettrait dans lp cas de réduire les prix des fournitures au moindre terme. Ou sentira également que, par ce moyen, la valeur des comestibles et de* boissons aura plusieurs causes de diminution, soit qu’ils doivent être tirés des lieux voisins du département, soit qu’ils doivent y être transportés d’endroits plus éloignés, parce qu’alers tous les objets à prendre en considération dans un marché étant aperçus, les deux parties contractantes seront à meme de traiter avec plus de connaissance, et, par conséquent, avec une confiance réciproque. « En divisant ainsi en trois la fourniture des vivres de la marine, rien ne doit empêcher qu’il n’y ait qu’un seul entrepreneur, si, lors des adjudications faites à des jours différents, les conditions de la même personne sont les plus avantageuses. Mais il faudrait alors astreindre cet entrepreneur unique à se conformer strictement à chacun des traités qu’il aurait souscrit séparément, et l’empêcher, sous aucun prétexte, de mêler un compte avec un autre. Si l’on veut maintenir l’ordre et la clarté dans la reddition des comptes, il est surtout indispensable d’isoler chaque nature de dépenses; c’est le moyen d’en accélérer l’expédition et d’en rendre la vérification facile. « On pourrait mettre ce nouveau moyen en pratique au 1er janvier 1792, et alors on forcerait les régisseurs actuels de rendre leurs comptes de clerc à maître dans le plus court délai. 11 y a lieu de croire que le jour où ces derniers comptes pourraient être rendus publics, on s’applaudirait davantage de la détermination qu’on aurait prise de suivre le p!an proposé. « Ce nouveau régime adopté, j'en proposerais un autre pour faire cesser les malversations dont plusieurs commis des vivres se rendent coupables, soit dans nos colonies, soit dans les pays étrangers où nos vaisseaux font des relâches. « Les traités que l’on passerait avec les entre-neurs, les astreindraient à entretenir dans les ports, des commis pour distribuer journellement la subsistance aux ralionnaires ainsi qu’aux équipages pendant les armements et les désarmements; mais ils ne seraient pas tenus de faire distribuer les vivres pendant le cours des campagnes. Les comestibles, les boissons et les autres objets qu’ils fourniraient à chaque bâliment pour ses consommations à la mer ou dans les rades hors ou royaume, leur seraient payés aux prix convenus par leurs traités, d’apres l’état qui en serait dressé, et leurs obligations à cet égard se [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 septembre 1791.] borneraient à cette livraison. On voit déjà combien il deviendrait facile de régler et de solder chaque aimée le compte général de ces muni-tionn ires. « Quant à la manière d’établir les consommations à la mer, voici celle qui me paraît la plus propre à faire cesser, autant qu’il est possible, tous les abus. « Sur ch ique bâtiment de guerre, il serait embarqué un commis des vivres qui serait au service de l’Etat, et dont les appointements seraient portés sur le rôle d’équipage; cet employé aurait l’état général des vivres embarqués dont il serait responsable. Le commis aux revues sous les ordres du;uel il serait immédiatement, et le lieutenant e i pied qui aurait inspection sur lui, auraient chacun un état semblable. L'ordonnateur du i ort de l’armement, coterait et parapherait quatre registres en blanc, deux pour y inscrire les recettes en vivres et les deux autres pour y porter journellement les dépenses. Deux de ces registres, un de rec ette et un ne dépense seront remis au commis des vivres, les deux autres au commis aux revue*. Chaque jour à bord, lorsque l’on ferait la distribution des rations aux équipages, l’un des officiers de quart et le commis aux revues y s raient présents; aussitôt après la di-tribution, les quantités délivrées seraient inscrites en toutes lettres sur les deux registres de dé ense; l’un et l'aube seraient ensuite signés par le commis aux vivres, celui aux revues, le maître d’équipage de quart ou de garde, l’officier commandant à bord ei le lieutenant en pied. A la fin de chaque nm is la récapitulation de la consommation générale serait faite sur l’un et l’autre registre, et cette récapitulaiion serait seulement signée par le commis aux vivres, celui aux revues, 1 lieutenant en pied et visée par le capitaine. A la fin de la campagne on ferait la récapitulation générale de tous les mois; et cette dernière récapitulation, revêtue des mêmes signa' ures que celles qui auraient servi à l’établir servirait à faire compter et à opérer la décharge du commis aux vivres, en comp rarit ses résultats avec ceux des registres de recette. « Si, pendant la campagne, il arrivait des coulages de liquides, ils seraient constatés par un pmcès-verbal revêtu des mêmes signatures que les distributions journalières; mais de tels événements doivent être infiniment rares, si le contre-maître de la cale et le commis aux vivres remplissent leurs obligations. Dans le cas où ces pertes auraient lieu par leur négligence, on doit s’en rapporter au commis aux revues et au lieutenant en pied, du s'in d’en i 'former le capitaine; et à ce dernier des précautions à prendre pour rappeler les coupables à leur devoir. « Si des espèces de vivres s’avariaient pendant les traversées, on en dresserait un procès-verbal comme il a été dit ci-dessus. Ces vivres seraient ensuite jetés à la mer en présence de l’équipage, s’il y avait quelques risques à les garder à bord; car, dans le cas contraire, ils y seraient gardés, soit pour être remis dans les magasins du lieu de l’arrivée, s’il était possible d’en tirer parti, soit pour être alors jetés à la mer en présence du principal administrateur, qui serait tenu d’ajouter sa signature au procès-verbal. «Quant aux vivres à prendre dans les colonies, objet qui jusqu’ici a donné Leu à de nombreuses friponneries, le commis des vivres dresserait, d’après les ordres du capitaine, l’état de ceux nécessaires, soit journellement pour les consommations en comestibles frais, soit de ceux à 203 embarquer pour supplément ou remplacement de vivres de campagne. CI état serait visé par le commis aux revues et le lieutenant en pied; et lorsque les viv es seraient transnortés à bord, la vérification des qualités, quantités, poids ou me-ures en serait faite en présence du maître et de l’officier de garde, et les quantités seraient inscrites sur 1 s registres de recette avec les mêmes formalités que doivent s'inscrire les livraisons pour la subsistance journalière des équipages. « Sans avoir une connaissance profonde des détails de l’administration des vivres de la marine, on doit comprendre facilement que les moyens qui sont proposés, en réduisant les abus au moindre terme, en procurant une éce-nomi# considérable, donneront de grandes facilités pour que les comptes de cette partie importante du service de la marine ne soient jamais arriérés. » M. le Président fait donner lecture d'une, lettre de M. l'abbé Lebreton , à laquelle sont jointes plusieurs pièces et par laquelle il représente qu’en conséquence des services rendus à la patrie par sa famille il a obtenu une pension de 4,000 livres sur une abbaye, laquelle pension a été réduite par le décret à 1,400 livres ; il observe que cette réduction ne doit pas avoir lieu à son égard et demande une indemnité. (L’Assemblée renvoie cette lettre et les pièces qui raccompagnent au comité des pensions.) M. le Président fait part à l’Assemblée que deux députés de la commune de Brest demandent à être entendus à la barre. (L’Assemblée décrète qu’ils seront entendus à la séance du soir.) M. le Président fait lecture d’une lettre de M. Sauton qui, en conséquence d’une dénonciation qu’il a faite à l’Assemblée contre le comité monétaire, la commission des monnaies et le ministre des contributions, d mande à se présenter à la barre pour être entendu. Plusieurs membres présentent diverses observations à cet égard. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’elle passe à l’ordre du jour.) M. Billy, député du département de Seine-et-Marne, demande un congé de quatre jours pour affaires importantes qui exigent sa présence dans son département. (Ce congé est accordé.) M. le Président fait donner lecture, par un de MM. les secrétaires, de la note des décrets sur la minute desquels le ministre de la justice a signé l’ordre d'expédier et sceller , en vertu des décrets des 21 et 25 juin dernier, savoir : Au décret des 3, 4 et 5 août, relatif à la garde nati male soldée parisienne. A celui du 11, relatif à la liquidation de la dette publique. A celui du 15, qui confirme le contrat d’échange passé entre le roi et le sieur Charles Oriot d’Aspremont. A celui dudit jour, portant que la ferme nommée la Métairie, comprise dans la vente faite à la municipalité de Rugles, ne fait point partie des domaines nationaux. A celui du 15 relatif aux pensions.