[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ]24 avril 1790.] 286 pour les faire servir à leurs desseins criminels, en abusant de la misère et de l’ignorance des paisibles habitants des campagnes. L’Assemblée a gémi de ces malheurs ; elle y a remédié par tous les moyens qui étaient compatibles avec la liberté et que les lois nouvelles ou anciennes encore existantes commandaient. Les ministres de la loi ont obéi; mais ont-ils transmis aux peuples ces principes? Ont-ils dit aux peuples que ces moyens étaient les seuls qu'ils puissent invoquer pour rétablir le calme ? G’est-là ce que le comité a cherché en vain dans la lettre du procureur général et dans le discours du président de la chambre des vacations du parlement de Bordeaux. 2° Le comité a pensé queles principes dont vous attendiez la justification, se sont représentés, au comité, non justifiés; il n’a pas pu croire qu’il fût indispensable, pour réprimer les désordres, de s’exposer au danger d’exciter une nouvelle fermentation; qu’il fût indispensable pour puuir la licence de calomnier la liberté; qu’il fût indispensable enfin, pour obéir aux décrets de l’Assemblée nationale, de lui reprocher ceux dont elle s’honore le plus et qui ont proclamés avant la loi (car c’est là un des reproches du réquisitoire), des droits antérieurs en effet à toutes les lois. Votre comité a pensé, au contraire, que de paraître attribuer à une révolution que le peuple a consacrée par son vœu, des maux qu’il ne fallait que réparer, c’était s’exposer à les reproduire en excitant, soit les stériles ou dangereux regrets de ceux qui étaient attachés à l’ancien régime, soit les inquiétudes vives et alarmantes de ceux qui veulent vivre pour la nouvelle constitution ; et si des hommes publics doivent prévoir les conséquences de leur conduite, si des fonctions publiques sont surtout importantes en ce qu’elles font exercer une véritable influence sur l’esprit du peuple à ceux qui en sont chargés et qui en deviennent nécessairement responsables, les faits ne viennent-ils pas ici à l’appui du principe qui a dirigé votre comité? Vous avez été instruits du trouble et de la fermentation qu'ont occasionnés à Bordeaux le réquisitoire et l’arrêt, et qui ont amené la dénonciation qui vous a été adressée par les officiers municipaux, la garde nationale et une foule de citoyens de cette ville : les effets s’en sont étendus plus loin. Les gardes nationales du Bas-Médoc ont suivi l’exemple de celle de Bordeaux et se sont portées de leur côté à une dénonciation, dont la copie a été envoyée à votre comité ; des magistrats inférieurs se sont refusés à publier l’arrêt et vous l’ont adressé pour l’opposer à vos décrets et vousdemander ce qu’ils avaient à faire. Lorsque tant de voix s’élèvent pour solliciter de votre part une décision et invoquer vos propres principes, votre comité s’est convaincu que vous ne pouviez garder un silence qui vous ferait accuser de contradiction ou de faiblesse; il a même pensé que la destruction prochaine et nécessaire des parlements et l’espèce d’intérêt qu’on réclame pour eux à ce titre, ne pourraient rien changer à votre décision, parce que celui qui est. ministre de la loi, ne peut ni la méconnaître ni la compromettre, sous prétexte qu’il va bientôt cesser de l’être, parce qu’un tort public ne saurait être excusé par des regrets et clés mécontentements privés. Mais que vous proposera votre comité? Il eût voulu trouver dans vos décrets précédents un exemple qui lui eût servi de règle et eût fixé sa décision. Celle que vous avez prise relativement à lachambredes vacationsdu parlement deRennes, lui apprend assez qu’il ne doit chercher, dans une pareille affaire, un délit dont la nature n’est pas encore déterminée, ni la peine fixée par aucune loi. L’interdiction civique que vous avez prononcée momentanément contre les magistrats deRennes, ne peut être applicable ici, puisque ceux de Bordeaux ont déjà prêté le serment qui était le terme de l'interdiction des autres. Une interdiction absolue serait trop grave. Votre comité vous propose donc d’exprimer l’improbation que vous devez aux maximes et aux expressions présentées dans le réquisitoire et consacrées par l’arrêt. Cette opinion manifestée par les représentants de la nation, préparée d’avance par celle d’une grande province et bientôt confirmée par le vœu général, sera en même, temps une conséquence nécessaire de vos décrets, une juste satisfaction pour ceux qui les réclament et dont le patriotisme s’était alarmé, la meilleure des punitions pour ceux qui les ont méconnus et qui attachent quelque prix aux suffrages de leurs concitoyens. \otre comité a l’honneur de vous proposer un décret qui tend à improuver le réquisitoire et l’arrêt qui l’a adopté, en ce que, sous prétexte de déplorer des maux dont tous les bons citoyens ont gémi, il semble méconnaître les principes et les intentions de l’Assemblée. M. l’abbé Maury. La dénonciation contre le réquisitoire et l’arrêt de la chambre des vacations du parlement de Bordeaux portait d’abord manifestement le caractère de la passion ; mais aujourd’hui elle paraît avoir changé de nature. Votre comité n’a plus aperçu un délit national, puisqu’il ne vous propose qu’une simple improbation. Examinons premièrement si l’arrêt et le réquisitoire méritent celte improbation; secondement, si le corps législatif peut improuver. D’abord, le parlement de Bordeaux ne peut être inculpé; on vous parle d’improuver des principes, et l’on ne vous cite pas de principes; s’il y en avait de condamnables, ilne faudrait pas seulement les improuver : le dispositif de l’arrêt ne contient aucune maxime, aucun principe; il ne parle que de la conduite à tenir paries officiers pour arrêter les désordres et les brigandages. Quant au réquisitoire, il ne peut égalemeut donner lieuà inculpation ; on n’y trouve que l’expression du sentiment douloureux dont M. le procureur général avait été affecté à la vue des malheurs qui désolaient la Brive, l’Agenais, le Condomois et leQuercy; huit cents meurtres y avaient été commis. (M. l’abbé Maury est interrompu par plusieurs voix qui lui crient : huit cents fermes!) Votresurprisenousapprendcombien vous êtes peu instruits des faits. J’ai vu les procès-verbaux joints au rapport ; ils attestent la vérité de ce que j’avance ; il n’y avait pas encore quinze coupables punis, lorsque le procureur général a fait son réquisitoire. La cessation du brigandage n’étaitpas une amnistie; la chambre des vacations ne pouvait improuver ce réquisitoire; l’homme de la loi qui parie au nom du roi dans les tribunaux n’est pas justiciable de ces tribunaux. (L’orateur est de nouveau interrompu jpar des murmures d’improbation.) Une voix s’élève et dit ; Laissez déraisonner M. l’abbé. M. l’abbé Maury. Votre comité vous propose d’improuver le réquisitoire pour ses principes et ses maximes ; qu’est-ce qu’improuver des maximes et des principes que l’on ne cite pas? c’est prouver qu’il n’y a pas lieu à délibérer que de prouver