[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ?8 brimée an H 447 1 ï 18 novembre 1793 qu’il place auprès d’une tour; il se bat pendant quatre heures, sans vouloir se rendre, quoique les coups du canon ennemi fissent crouler la tour de tous côtés. Un boulet renversa le pavil¬ lon national; Oletta en veut soutenir l’honneur; il le relève, et en l’assurant, il est atteint d’un coup mortel dans la poitrine. Citoyens ! voilà les traits qui distinguent le brave marin que la République a perdu. Oletta est mort au champ de la gloire; il nous laisse sa mémoire à honorer, une fille infirme et malade, au besoin de laquelle la nation française doit pourvoir. Oletta avait une fabrique de tuiles à peu de distance de Bastia; il était l’ennemi dé¬ claré du traître Paoli. Paoli a fait détruire et dévaster cette propriété par ses satellites. Déjà, la Convention a consacré la reconnais¬ sance nationale envers ce patriote malheureux; il s’agit de pourvoir au sort de sa fille, dont l’état languissant et faible est aggravé par la perte d’un père si digne de ses regrets. Le comité a pensé que la nation devait lui assurer le maximum des pensions accordées aux veuves des militaires qui versent leur sang pour la patrie. Les actions éclatantes d’un père, son intrépidité et l’état douloureux de la fille : voilà les premiers motifs qui ont déterminé le comité. Une considération non moins puissante a fixé son attention. Vous connaissez, citoyens, l’état actuel de la Corse; vous savez combien la malveillance a fait d’efforts pour y pervertir l’opinion publique. On n’a cessé d’y répandre que la Convention nationale perdait de vue cette île précieuse; qu’elle ne s’intéressait plus à son sort; qu’elle l’abandonnait. Il est intéressant de confondre les malveil¬ lants et les traîtres par un exemple frappant; il importe de convaincre les insulaires de Corse que les représentants du peuple ont les yeux fixés sur eux; qu’ils font partie de la grande famille; que les patriotes sont nos amis et nos frères. Il importe de soutenir leur énergie, d’en¬ courager le généreux dévouement des marins, en-leur présentant et les honneurs rendus à la bra¬ voure et les indemnités accordées au malheur. Honorons la vertu, récompensons le courage et la République française n’aura que des hommes vertueux et courageux. Décret. ( Suit le texte du décret que nous avons inséré ci-dessus d'après le procès-verbal.) « La Convention nationale décrète (1) que tous les citoyens ci-devant décorés de la croix de Saint-Louis ou autres décorations, qui ne les auront pas déposées à leur municipalité, avec les titres de ces ci-devant décorations, dans le délai de huit jours après la publication du présent décret, seront suspects par le Sait; et les municipalités, comités révolutionnaires et autres autorités sont chargées, Sous leur responsabilité, de les faire arrêter (2). » (1) Ce décret a été rendu sur la motion de Merlin (de Thionville), d’après la minute qui existe aux Archives nationales, carton C 277. (2) Procès-verbaux de là Convention, t. 25, p. 310. Compte rendu du Mercure universel (I). Rühl dépose sur le bureau plusieurs croix de Saint-Louis et annonce qu’il n’a rien négligé dans sa mission pour faire démolir tous les ch⬠teaux, en exécution d’un décret. Il demande que les ci-devant chevaliers et nobles soient tenus sous un mois, de déposer à leurs municipalités respectives leurs croix de Saint-Louis. Merlin, en joignant son vœu à cette motion, demande que les chevaliers et ci-devant nobles soient tenus, en même temps, de déposer leurs lettres et titres. Ces deux propositions sont décrétées. « La Convention nationale décrète (2) : Art. 1er. « La pièce d’un décime aura pour empreinte, d’un côté, l’arche de la Constitution et le fais¬ ceau surmonté du bonnet; au-dessous de la ligne de terre, on lira : 10 août; et plus bas le diffé¬ rent de l’atelier monétaire, la légende : le Peuple souverain; de l’autre côté, la valeur de la pièce; l’encadrement et le millésime seront comme dans le revers de la pièce de 5 décimes. Art. 2. « Les comités d’instruction publique et des monnaies, réunis, sont chargés de rassembler (1) Mercure universel [29 brumaire an II (mardi 19 novembre 1793), p. 298, col. 2]. D’autre part, Y Auditeur national [n° 423 du 29 brumaire an II (mardi 19 novembre 1793), p. 3] et le Journal de la Montagne [n° 5 du 29e jour du 2e mois de l’an II (mardi 19 novembre 1793), p. 46, col. 2] rendent compte de la proposition qui donna lieu à ce décret dans les termes suivants : I. Compte rendu de Y Auditeur national. Rühl, en rendant compte de sa mission dans le département de la Haute-Marne, annonce qu’il est chargé de déposer sur le bureau deux croix dites de Saint-Louis, que lui ont remises d’anciens mili¬ taires. 11 observe, à cet égard, qu’il a remarqué que c’était avec peine que les militaires se dépouillaient ainsi de leurs croix et qu’ils semblaient mettre un grand prix à leur offrande. Il a, en conséquence, demandé qu’il fût rendu un décret portant que les militaires qui, dans le délai de huit jours, à compter de la publication du décret, n’auraient pas remis leurs croix, seraient regardés comme suspects et mis en état d’arrestation. Cette proposition a été décrétée. Compte rendu du Journal de la Montagne. Rühl remet quelques croix qui lui ont été en¬ voyées. Quoiqu’à l’époque de la Révolution ces sortes de décorations fussent déjà dégradées dans l’opinion et qu’il fût presque aussi humiliant de les obtenir que de ne pas les obtenir, il observe que quelques hommes y tiennent encore et croient beau¬ coup abandonner en sacrifiant un hochet qui leur était commun avec des espions de police et des proxénètes. Il demande que ceux qui ne s’en seront pas défaits sous huitaine soient déclarés suspects et traités comme tels. (Adopté.) (2) C’est Romme qui a été le rapporteur du pro¬ jet, d’après la minute du décret qui se trouve aux Archives nationales, carton G 277. 448 f Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ! ?f Sov�mbre T793 dans une seule loi tous les décrets rendus jusqu’à ce jour sur les monnaies (1). » Compte rendu du Moniteur universel (2). Romme, au nom du comité d’instruction pu¬ blique, présente un projet de décret, relatif à la nouvelle fabrication de la monnaie. Hamel. Je demande par amendement qu’au lieu de l’exergue proposée par le comité, le Peuple souverain, on mette celle-ci : Le Peuple seul est souverain. Robespierre. L’amendement de Ramel n’est qu’un commentaire de l’expression énergique et précise du comité. Il n’y a pas deux souverains, le souverain est un, c’est le peuple; je demande le maintien de la rédaction du comité. Thuriot. Je soutiens que l’amendement de Ramel est préférable à la rédaction du comité. Il explique mieux la vérité de cette maxime : Que la souveraineté réside dans le peuple seul. Je demande la priorité pour l’amendement. Barère. Puisqu’on est entré dans une discus¬ sion sur un objet aussi simple, on peut être le quatrième à demander la parole. En style moné¬ taire comme en style lapidaire, il faut être court ; en politique, il faut être pur. Il n’y a pas deux peuples français, il n’y a parmi les peuples que le Français qui soit souverain; ne donnons pas, par une expression, matière à un doute très dangereux dans ses conséquences. Je demande que l’on mette aux voix la rédaction du comité. Richard. Je ne pense pas comme Barère; je sais qu’en style lapidaire il faut être court, mais il faut être clair. Je soutiens que ces mots : le peuple souverain, ne suffisent pas. Cela dit bien que la souveraineté réside actuellement dans le peuple : cela explique bien le fait, mais ne dit pas le droit ; au lieu que l’amendement exprime tout. Il faut qu’on ne puisse jamais révoquer en doute, non seulement l’existence de la sou¬ veraineté, mais le droit. Je demande la priorité pour l’amendement de Ramel. Romme. Pour les peuples qui sont encore dans les fers du despotisme, il faut dire sans doute : Le peuple seul est souverain, réveillez-vous, brisez vos fers. Il n’en est pas ainsi du peuple fran¬ çais. Que votre monnaie circule dans l’étranger, on saura bien que la monnaie du peuple sonve-(1) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 310. (2) Moniteur universel [n° 61 du 1er frimaire an II (jeudi 21 novembre 1793), p. 246, col. 2]. D’autre part, les Annales patriotiques et littéraires [n° 322 du 29 brumaire an II (mardi 19 novembre 1793), p. 1493, col. 1] rendent compte du rapport de Romme dans les termes suivants : « Un membre du comité des monnaies fait un rap¬ port sur la devise nouvelle à donner à la monnaie républicaine. Le rapporteur a terminé son discours par un projet de déci*et qui a excité quelques débats, fondés sur ces mots qu’il propose de placer sur chaque pièce : « Le peuple souverain. » « Ramel a demandé cette rédaction : « Le peuple seul est souverain. » « Robespierre, Barere, Rewbell parlent en faveur du projet du comité. La priorité est accordée à l’amendement de Ramel, et l’Assemblée adopte cette rédaction : « Le peuple seul est souverain. » rain est la monnaie du peuple français, puisque lui seul possède la souveraineté. Philippeaux. Je demande la clôture de la dis¬ cussion et la priorité pour l’amendement de Ramel. Barère. Puisqu’on a donné de l’importance à cette question, permettez-moi de dire encore un mot. Ou vous voulez mettre sur vos mon¬ naies une maxime philosophique incontestable, instruire les peuples par vos monnaies, et alors il faut mettre nécessairement : Les peuples sont souverains. Mais si vous voulez seulement annoncer par vos monnaies un fait, celui que la souveraineté réside dans le peuple français, il faut vous borner à l’expression aussi simple que majestueuse : Le peuple souverain. Ici j’in¬ voque le despotisme lui-même. Jamais les tyrans d’Espagne et de France mirent -ils sur leurs monnaies : Charles, seul roi des Espagnes; Louis, seul roi de France? Non. Eh bien ! il serait aussi ridicule de dire, sur les vôtres : Le peuple est seul souverain. Rewbell. Je soutiens que l’amendement s’é¬ carte absolument de ce qui existe; car il n’y a dans l’univers que le peuple français qui soit souverain. La véritable distinction qui puisse faire connaître que les Français ont reconquis leur souveraineté, est de dire : Le peuple souve¬ rain. Cette expression est grande, majestueuse, digne de vous, faite pour enflammer les autres peuples à mériter le même titre. La discussion est fermée. L’amendement de Ramel obtient la priorité. Il est décrété (1), avec le reste du projet du comité, en ces termes : (Suit le texte du décret que nous avons inséré ci-dessus d’après le procès-verbal.) « La Convention nationale décrète (2) : Art. 1er. « La statue qui doit représenter le peuple dans le monument à élever à la pointe occidentale de Pile de Paris, et pour lequel il est ouvert un con¬ cours, sera le sujet du sceau de l’État. Art. 2. « La légende sera : le Peuple seul est souverain ; sous la ligne de terre on lira : République fran¬ çaise, Pan II. Art. 3. « Le comité d’instruction publique présentera un rapport sur l’emploi du sceau de l’Etat et sur les sceaux des autorités constituées (3). » « La Convention nationale, sur l’exposition qui lui a été faite de l’état fâcheux dans lequel se (1) On remarquera que le procès-verbal ne fait nullement mention de l’adoption de l’amendement de Ramel et que le texte du décret n’est autre que celui proposé par Romme. (2) Sur la proposition de Romme, d’après la mi¬ nute du décret qui se trouve aux Archives natio¬ nales, carton G 277, dossier 726. (3) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 311.