264 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j mes à la République par sa nouvelle levée, mais, par l’impossibilité de leur fournir des subsis¬ tances, de les armer et équiper, il vient d’être arrêté que l’adjudant général Lomet, présent à un conseil de guerre, envoyé par le général Sépher dans le district de Domfront pour y organiser ces nouveaux défenseurs, dont 300 seulement nous sont restés des débris de l’ar¬ mée de Mayence, se rendrait avec eux à Dom¬ front pour former cette organisation. Mais comme le général Chabot, qui arrive de Dom¬ front avec le citoyen Lomet, nous observe que le rassemblement y est impossible faute de subsistances, et que nous sommes également dans l’impossibilité d’y satisfaire, nous l’au¬ rions autorisé à les organiser par canton et à réunir plusieurs cantons le même jour pour les former en bataillons et ensuite les renvoyer chez eux pour partir au premier ordre. Il résulte de cette mesure forcée par les circonstances, une difficulté que la loi n’a pas prévue, celle que les jeunes gens, quoique renvoyés chez eux, prétendent devoir être payés du jour de leur rassemblement, et continuer à l’être, quoique dans leurs foyers. Je prie la Convention de déci¬ der cette question d’autant plus urgente qu’il est intéressant de laisser dans leurs campagnes ces jeunes citoyens pour travailler à l’agriculture singulièrement retardée depuis la malheureuse prise de Laval, les hommes, les chevaux, tout ayant été mis en réquisitions pour les rassem¬ blements qui ont eu lieu et pour celui que nous avons encore de 9 à 10 mille hommes. Autre difficulté. « Ce département renferme beaucoup de forges et d’ouvriers en fer, boulets, biscayens, mouleurs, etc. « La loi du 18 septembre (vieux style) auto¬ rise les représentants du peuple à leur accorder 15 jours à 3 semaines pour continuer leurs travaux; mais j’observe que nous sommes actuellement en état de guerre et que ce temps est écoulé; je ne crois pas néanmoins qu’on puisse se dispenser d’excepter de la réquisition toute espèce d’ouvriers en fer, même les maré¬ chaux, car sans cela les chefs d’ateliers, maîtres de forges, les forgerons, les charbonniers, etc., ne pourront trouver d’ouvriers propres à les seconder dans leurs travaux. Cette dernière qu.es ion est de la plus haute importance dans ce département. « Je prie encore la Convention de prendre en considération la demande que forment les amis de l’humanité de ce département et de celui de la Sarthe : celle de contraindre tous les pro¬ priétaires qui, depuis 1789, ont changé de nature les meilleures terres, particulièrement les acqué¬ reurs de biens nationaux. Il n’est pas rare de voir des c-mmunes entières les plus fertiles en grains avant la Révolution, n’offrir actuelle¬ ment que de vastes pâturages; et l’on peut compter dans ces départements plus d’un quart des terres qui ont subi cette métamorphose. « Salut et fraternité. « Le Tourneur, représentant du peuple. » VII. Merlin (de Douai), axs nom des comités de LÉGISLATION, D’ALIÉNATION ET D’ AGRICUL¬ TURE, PRÉSENTE UN PROJET DE DÉCRET SUR LES BAUX A FERME ET A LOYER DES BIENS NATIONAUX (1). Compte rendu du Moniteur universel (2). Le même rapporteur (Merlin (de Douai) au nom des comités de législation, d’aliénation et d' agriculture, fait adopter un projet de décret sur les baux à ferme et à loyer des biens natio¬ naux (3). En voici les dispositions les plus essentielles. (Suit un résumé du projet de décret que nous reproduisons ci-dessous d’après un document imprimé par ordre de la Convention.) Texte du projet de décret présenté par Merlin (de Douai) d’après un document imprimé par ordre de la Convention. Projet de décret sur les baux a ferme et A LOYER DES BIENS NATIONAUX, PRÉSENTÉ AU NOM DES COMITÉS DE LÉGISLATION, D’A-LIÉNATION ET D’AGRICULTURE, PAR Ph. Ant. Merlin (de Douai) (4). La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités de législation, d’alié¬ nation des domaines nationaux et d’agriculture, décrète ce qui suit ; Art. 1er. « La faculté que l’article 34 de la quatrième section de la loi du 25 juillet 1793 laisse aux acquéreurs des biens nationaux provenant des émigrés, de résilier les baux en vertu desquels les fermiers et locataires des ci-devant posses¬ seurs de ces biens, les occupent ou exploitent, et les dispositions des articles 36 et 37 de la même section, sont déclarées communes aux (1) Le projet de décret présenté par Merlin (de Douai) n’est pas mentionné au procès-verbal de la séance du 7 frimaire an II; mais on en trouve des extraits dans les comptes rendus de cette séance publiés par les divers journaux de l’époque. (2) Moniteur universel [n° 69 du 9 frimaire an II (vendredi 29 novembre 1793), p. 279, col. 2]. On trouve également un résumé du projet de décret présenté par Merlin (de Douai ) dans le Journal de la Montagne [n° 15 du 8e jour du 3e mois de l’an II (jeudi 28 novembre 1793), p. 120, col. 1]; dans les Annales patriotiques et littéraires [n° 331 du 8 fri¬ maire an II (jeudi 28 novembre 1793), p. 1532, col. 1], dans le Journal de Perlel [n° 433 du 9 fri¬ maire an II (vendredi 29 novembre 1793), p. 473] et dans V Auditeur national [n° 432 du 8 frimaire an II (jeudi 28 novembre 1793), p. 3]. D’autre part, ce projet de décret est reproduit intégralement dans le Mercure universel [8 frimaire an II (jeudi 28 no¬ vembre 1793), p. 121, col. 1]. (3) Un projet de décret sur le même objet avait été présenté par Merlin (de Douai), dans la séance du 8 brumaire an II (mardi 29 octobre 1793) (Voy. Archives parlementaires, lre série, t. LXXVIII, séance du 8 brumaire an II, p. 19, col. I]. (4) Bibliothèque Nationale : 7 pages in-8°. Le38, n° 585. Bibliothèque de la Chambre des Députés i Collection �Portiez (de l'Oise)t t, 140, n° 30. [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. { 27“�“ 1793 265 acquéreurs des biens que la nation a retirés des main a du ci-devant clergé, des corporations laïques supprimées et du tyran, ou qu’elle a confisqués sur les personnes mises hors de la lçi ou condamnées pour crimes contre-révolu¬ tionnaires. Art. 2. « Ces acquéreurs ne pourront néanmoins exercer cette faculté contre les fermiers ou loca¬ taires d’usines, soit qu’elles se trouvent louées seules, ou qu’elles le soient conjointement avec des bois, prés ou terres à labour (1). Art. 3. « Ils ne pourront pas non plus l’exercer contre les locataires de maisons, à moins qu’ils ne les aient acquises après la publication du présent décret. Art. 4. « Les acquéreurs des usines et maisons con¬ fisquées sur les personnes émigrées, mises hors de la loi ou condamnées, dont les adjudications seront antérieures à la publication du présent décret, ne seront pas soumis aux exceptions établies par les deux articles précédents (2). Art. 5. « A l’égard des fermiers de biens ruraux non loués conjointement avec des usines, confis¬ qués sur les personnes émigrées, mises hors de la loi ou condamnées, la résiliation pourra être exercée contre eux, soi t que ces biens aient été vendus avant la publication du présent décret, ou qu’ils ne le soient qu’après ; et ce nonobstant toutes clauses d’adjudication, jugements et actes qui seraient fondés sur l’article 9 du titre 1er du décret du 14 mai 1790, auquel il est dérogé, en ce qu’il privait les acquéreurs de cette faculté. Art. 6. « Pour être admis à résilier les baux des fer¬ miers et locataires mentionnés dans les deux articles précédents, les acquéreurs, même ceux qui sont compris dans la loi du 25 juillet 1793, seront tenus de payer aux fermiers ou loca¬ taires qu’ils congédieront l’indemnité qui se trouvera réglée par ces baux. Art. 7. « Si les baux ne règlent pas cette indemnité, elle demeure fixée, pour les maisons, à une demie-année de loyer, et pour les biens ruraux à une somme égale au quart des fermages qui auraient couru depuis la résiliation effectuée jusqu’à la fin des baux, si les baux avaient eu leur entière exécution. (I) D’après V Auditeur national [n° 432 du 8 fri¬ maire an II (jeudi 28 novembre 1793), p. 3] et d’après le Mercure universel (8 frimaire an II, (jeudi 28 novembre 1793), p. 121, col. 2] cet article fut renvoyé au comité pour un nouvel examen. (2) D’après le Mercure universel [8 frimaire an II (jeudi 28 novembre 1793), p. 121, col. 2], cet ar¬ ticle fut ajourné. Art. 8. « La résiliation n’aura son effet, à l’égard des maisons, que six mois après la notification qûe l’acquéreur aura faite au locataire, de la volonté qu’il a de l’exercer. Art. 9. « Quant aux biens ruraux, la résiliation ne pourra être exécutée qu’après la récolte de l’année qui suivra celle dans le courant de la¬ quelle la notification aura été faite. Art. 10. « Les fermiers et locataires, dont les articles ci-dessus permettent aux acquéreurs de résilier les baux, seront également reçus à les résilier, sous la seule condition d’en avertir les acqué¬ reurs dans les délais fixés par les articles 8 et 9. Art. 11. « Il n’est point dérogé, par les articles ci-des¬ sus, aux droits des acquéreurs contre les fermiers et locataires dont les baux sont, ou originaire¬ ment nuis, ou destitués des conditions requises par les décrets des 14 mai 1790 et 25 juillet 1793, ou annulés par l’article 38 du décret des 6 et 11 août 1790. Les acquéreurs ne sont tenus, envers ces fermiers ou locataires, ni à l’indem¬ nité déterminée par les articles 6 et 7, ni aux délais fixés par les articles 8 et 9 ci-dessus. Art. 12. « Les fermages et loyers qui se trouveront dus lors de l’expulsion des fermiers ou loca¬ taires mentionnés dans l’article précédent, seront réglés sur le pied de la dernière année qui aura été payée, soit aux anciens posses¬ seurs des biens, soit aux agents de la République, soit aux acquéreurs eux-mêmes. Art. 13. « Il sera tenu compte à ceux de ces fermiers qui seront congédiés avant la récolte, de leurs frais de labour et de semence; et s’il s’élève des difficultés sur l’estimation de ces frais, elles seront terminées, en dernier ressort, par les arbi¬ tres qui seront choisis par les parties, ou nom¬ més par le juge de paix du lieu de la situation de la ferme. Art. 14. « La Convention nationale déclare nuis et comme non avenus tous les jugements des tri¬ bunaux de district, qui, nonobstant l’article 38 du décret des 6 et 11 août 1790, ont maintenu dans leur jouissance les fermiers et locataires des biens nationaux qui n’avaient pas déclaré, représenté et fait parapher leurs baux aux secrétariats de district, de la manière et dans le délai�prescrits par l’article 37 du même décret. 266 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. { Açt. 16. * Sont compris dans l’article précédent, même les jugements qui auraient pu être confir¬ més par le tribunal de cassation, sous prétexte que la disposition de l’article 38 du décret des 6 et 11 août 1790, n’était que comminatoire, ou que les fermiers ou locataires n’avaient pas été constitués en état de refus par les inter¬ pellations individuelles, ou que les acquéreurs étaient soumis par leurs adjudications à entre¬ tenir les baux en exécution du déoret du 14 mai 1790. Sont seuls exceptés les jugements qui seraient fondés sur les conventions par lesquelles les acquéreurs auraient renoncé expressément à la déchéance acquise à‘ leur profit. Art. 16. « Les administrateurs de district feront pro¬ céder, dans les trois mois de la publication du présent décret, au renouvellement des baux des biens nationaux non encore vendus et non soumissionnés, qui se trouveront annulés par l’article 38 du décret des 6 et 11 août 1790. Art. 17. « Il sera stipulé, lors du renouvellement de ceux des baux mentionnés dans l’article pré¬ cédent, qui ont pour objet des biens ruraux, que les fermiers n’entreront en jouissance qu’après la récolte prochaine. « En conséquence, les détenteurs actuels de ces biens seront tenus d’en continuer la cul¬ ture et exploitation pendant la présente année, sous les charges et conditions portées par leurs baux ci-dessus annulés. Art. 18. « Tout fermier ou locataire de domaine natio¬ nal, qui, s’étant conformé dans le temps de l’article 37 du décret des 6 et 11 août 1790, refuserait de communiquer, soit à l’acquéreur, si le bien est vendu, soit aux administrations et aux agents de la République, si le bien est encore invendu, le bail qui fait le titre de la jouissance, sera et demeurera, de plein droit, déchu de son bail après les deux décades qui suivront le jour où il en aura été sommé par acte signifié à la personne ou à son domicile par un officier public. Art. 19. « Tout ci-deVant fermier ou locataire d’un do¬ maine national vendu, ou non Vendu, qui, à l’expiration ou après la résiliation ou l’annula¬ tion de son bail, troublerait ou inquiéterait par voie de fait, soit l’acquéreur, soit le nouveau fermier ou locataire, dans la jouissance de ce domaine, sera, outre la réparation du dom¬ mage qu’il aura causé, condamné, par voie de police correctionnelle, à une amende égale à la valeur de ce dommage et à deux années d’em¬ prisonnement. Art. 20. « Tout ci-devant fermier ou locataire d’un domaine national, vendu ou non vendu, qui, 7 fritnairo an II 27 novembre 1793 après en avoir été dépossédé, s’y serait rétabli ou s’y rétablirait, à la faveur de l’invasion des ennemis extérieurs de la République, ou des mouvements contre-révolutionnaires des re¬ belles de l’intérieur, est déclaré traître à la patrie et mis hors de la loi. » VIII. Admission a la barri: du citoyen Poupinet, SECRÉTAIRE DU CITOYEN Le CARPENTIER, REPRÉSENTANT DU PEUPLE DANS LE DÉPAR¬ TEMENT de la Manche (1). Compte rendu du Bulletin de la Convention (2). Le secrétaire du citoyen Le Carpentier, représentant du peuple dans le département de la Manche, est admis à la barre et dit : « Citoyens représentants, « Vous témoignâtes dernièrement la satis¬ faction que vous avait causée la nouvelle du siège et de la résistance victorieuse de Gran¬ ville, en décrétant que les citoyens et la gar¬ nison de cette place avaient bien mérité de la patrie. Cependant, vous ne connaissiez encore que le résultat d’une bravoure générale; quelles douces impressions n’allez-vous pas ressentir, en apprenant les détails connus depuis! « Un même volume a suffi pour contenir les traits fameux qui illustrèrent jadis Athènes, Sparte et la République romaine. Ce recueil, stérile objet de respect pour les siècles suivants, semblait même avoir compris les bornes de l’héroïsme des générations futures. La Répu¬ blique française s’élève sur l’horizon de l’uni¬ vers; l’antiquité disparaît; le monde contemple, et l’histoire étonnée doute si la postérité pourra croire à ses annales. C’est pour grossir encore les fastes glorieux de la France régénérée, que je viens, au nom de votre collègue Le Carpen¬ tier, vous présenter un recueil des actes de valeur, de sang-froid et d’héroïsme qui ont rendu fameux le siège de Granville. « Vous y verrez, citoyens représentants, un magistrat du peuple tomber la main sur son écharpe au pied des canons où il portait la mèche; des canonniers tirer à boulets rouges sur leurs propres maisons, pour y consumer les brigands; des femmes, tranquilles au milieu des flammes, crier : « Qu’on tue V ennemi, et le feu s’éteindra après »; des enfants ramasser et se disputer entre eux des boulets encore chauds qu’ils réservent pour leurs jeux; des vieillards rajeunis, remercier le ciel d’avoir prolongé leur vie jusqu’au moment où ils vont vaincre ou périr pour la liberté; des soldats emportés mourants, dire à leurs camarades : « Il y a des places vacantes là-bas ; allez vite » ; d’autres désirer, et se priver eux -mêmes d’étancher leur soif dans les paniers qui contenaient l’eau pré¬ cieuse destinée à éteindre l’incendie; ceux-ci (1) L’admission à la barre du citoyen Poupinet n’est pas mentionnée au procès-verbal de la séance du 7 frimaire an II; mais il en est rendu compte dans le Bulletin de la Convention de cette séance. (2) Supplément au Bulletin de la Convention du 7e jour de la lre décade du 3e mois de l’an II (mer¬ credi 27 novembre 1793).