[Assemblée nationale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES-1 16 juillet 1791.] 363 Art. 7. « Les droits, privilèges et hypotheques des créanciers passeront sur le domaine acquis, sans novaûon, en conformité de l’article 12 du décret du 30 octobre. » (Ce décret est adopté.) M. le Président fait donner lecture d'une lettre des commissaires de la trésorerie nationale, accompagnée de deux mémoires : l’un relatif à la suppr< ssion des chambres des comptes; l’autre concernant les contributions indirectes de la ville de Paris. (L’Assemblée ordonne le renvoi du premier mémoire au comité central de liquidation et celui du second au comité d’imposition.) M. d’André. Vous avez rendu hier un décret sur un objet important. Personne ne doute que les ennemis de la Constitution ne profitent de ce décret pour exciter du trouble et de la fermentation. Je dis les ennemis de la Constitution, parce que le décret ayant pour base les principes de la Constitution, l’attaquer c’est atiaquer la Constitution, c’est être parjure surtout au dernier serment fait par le peuple de Paris, lors de la fuite du roi. Partout les citoyens de la capitale et du royaume ont juré d’obéir aux décrets de l'Assemblée nationale; il est, Messieurs, de votre dignité de souteniravec fermeté cequevousavez faitavoccou-rage ( Applaudissements à gauche)-, et je dis avec courage parie qu'en effet si jamais l’Assemblée nationale a développé un caractère (ligne d’une Assemblée de représentants d’une nation de 25 millions d’hommes, c’est alors où elle a su se décider contre l’opinion énoncée de qmlques ennemis de la Constitution qui cherchaient à égarer le peuple. Eh ! Messieurs, quelle circonstance donnera à ces puissances étrangères dont on voudrait nous faire peur, une plus haute idée de votre fermeté et de votre sagesse? Ve sera-ce pas dire que puisque vous avez su résister au torrent d’une opinion factice, vous saurez encore mieux résister à des menaces et à des attaques que la nation entière voudrait repousser? Ainsi donc, Messieurs, vous devez tenir àl’exé-cution de votre décret, vous devez tenir surtout à ce que des factieux, à ce que des gens qui cherchent à mettre le trouble et l’anarch e à la place de la Constitution, à ce que des gens qui cherchent à élever leurs personnes, à parvenir à des places dans un moment de troubles et de désord es, ne puissent pas renverser l’ouvrage que vous avez élevé avec tant de soins. Je demande, Monsieur le Président, qu’afin de prévenir les manœuvres perfides des ennemis de ia chose publique, l’Assemblée nationale décrète qu’il sera rédigé sur-le-champ une adresse aux Français, que cette adresse sera rédigée et expédiée, séance tenante, par des courriers, dans tous les départements du royaume. Je demande de plus, que la municipalité de Paris soit mandée, qu’il lui soit enjoint de veiller mieux qu’elle ne l’a fait à la tranquillité p iblique. {Applaudissements à gauche). Il est bien extraordinaire que la municipalité de Paris, que le département, les tribunaux qui sont chargés de veiPer à l’exécution des lois, souffrent que tous les jours ces lois soient enfreintes sous les yeux du Corps législatif; que tous les jours, quand vous avez rendu un décret qui défend les pétitions collectives, on affiche sous vos yeux, sur les portes mêmes de la salle, des pétitions collectives; que tous les jours, quand vous avez défendu ce qui pouvait exciter le trouble, le désord'- e et le meurtre, on souffre dans les places publiques des attroupements, des motions, tendant à exciter l’incendie, le pillage et la désolation. {Vifs applaudissements à gauche.) Je ne parle pas des menaces personnelles qui me sont faites ; nous avons bien su quand nous venions ici que nous y venions pour défendre la liberté et que nous serions en butte à toutes les attaques du despotisme; nous avons bien su que nous sacrifions notre vie, et ce n’est pas cela que nous regretterons. La tranquillité et le bonheur public voilà ce que nous avons à soutenir et à défendre. {Bravo ! bravo!) Voilà ce que nous regretterons. {Applaudissements à gauche.) Je demande que les six accusateurs publics de Paris soient mandés à la barre. {Quelques murmures. — Oui! oui! — Applaudissements) ; qu’il leur soit enjoint de faire informer sur-le-champ contre les perturbateurs du repos public; qu’il soit enjoint à la municipalité de leur prêter toute espèce de main-forte pour faire exécuter fins décrets; qu’ils soient déclarés personnellement responsables de lous les événements ; que le minisire de la justi'-e soit mandé; qu’il lui soit enjoint de veiller à ce que les accusateurs publics fassent leur devoir, qu’il soit déclaré lui-même responsable de toute négligence de la part des accusateurs publics dans le cas où ils ne dénonceraient pas à l’Assemblée nationale; et Je demande que l’As emblée nationale montre enfin, vis-à-vis des ennemis de la Révolution, dans un sens contraire, ce courage qu’elle déploya contre les ennemis de la Révolution, qui étaient les valets du despotisme. M. Legrand. Ce n’est pas par des raisonnements ou vrais ou faux ou métaphysiques, ou meme sensibles qu’on trompe le peuple. On le trompe par des faits faux. 11 est étonnant que les accusateurs des différents tribunaux n’aient pas encore démêlé dans la liberté fie� la presse que vous avez conservée, les plus infâmes et les plus atroces calomnies. {Murmures.) Je répète que l’on connaîtrait bien mal mon avis et mon opinion individuelle, si l’on croyait, en interprétant ce que je viens de dire, que je veux gêner l’opinion de chaque individu : ce n’est fias cela : on ne m’a pas entendu. Je vous ai dit, Messieurs, que l’on égarait le peuple par des faits faux; et en voici un qui a fait la plus grande impression dans le peuple, un que j’ai entendu répéter par tous les rassemblements. C’est qu’on prétend, c’est qu’on a imprimé, et je citerai les auteurs, s’il en est besoin, que vous avez été contre le vœu de la majorité des départements, de 73, dit-on, sur 83, qui tous vous demandaient l’abdication du roi et la République. Or, Messieurs, vous savez, et tout le monde sait de bonne foi qu’il n’y a aucune adresse de vos départements; et d’ailleurs vous tenez assez à la loi... Plusieurs membres : Il n’y a de pétitions que des clubs. M. Legrand. Je dis plus, et je vous le répète, j’ai tenu à la main un pamphlet intitulé : l'orateur du peuple, où précisément l’on vous dit que vous n’êtes plus les représentants de la nation : car comme représentants de la nation... 364 [Assemblée nationale.] M. Fréteau-Saint-Just. Monsieur le Président, il est 11 heureset nous ne sommes ici qu’une poignée alors que l’Assemb'ée devrait être complète, et que nous devrions être tous à notre poste; et même dans ce petit nombre que nous sommes nous ne pouvons pas obtenir de silence lorsqu’il s’agit des intérêts capitaux de la patrie, lorsqu’il s’agit de savoir si nous serons libres ou non : Je demande que le plus grand silence règne, et que quand l’Assemblée sera complète, vous vouliez bien répéter, au nom de l’Assemblée, à tous ses membres qui ont retardé l’exécution de leur service, qu’ils doive; t à la société entière, qu’ils doivent aux corps administratifs et aux tribunaux, l’exemple de cette ponctualité au service, de cette fermeté dans leurs fonctions. {Applaudissements.) M.Ie Président. Quand l’Assemblée sera complète, je l’invitera', par ordre de l’Assemblée elle-même, à être plus exacte à l’heure. Un membre : Il y a un député à l’Assemblée nationale qui s’est principalement rendu coupable dans la circonstance actuelle. M. Boery. Si dans cette circonstance quelque député s’est rendu coupable, c’est sur lui premièrement que doit s’appesantir le glaive de la loi. J’ai appris, messieurs, et des députés de l’Assemblée nationale ont été témoins qu’hier, au s ortir de la séance, dans une certaine société, présidée par un membre de l’Assemblée nationale, il a été fait la motion de ne pas reconnaître le roi et que cette motion avait été adoptée. On m’a dit aussi, que ceux des membres de l’Assemblée présents à cette réunion n’avaient pas voulu prendre part à la délibération. Je demande que les différents membres de l’Assembh e qui étaient présents à cette séance soient tenus, en leur honneur, de rendre hommage à la vérité et de donner connaissance des faits qui s’y sont passés. {Mouvement.) M. Prieur. Je demande la parole. Plusieurs membres : Le voilà le président des Jacobins! {Mouvement prolongé.) M. Prieur. Je n’y étals pas, moi, Messieurs. A gauche : 11 faut donc dénoncer les 290. M. d’André. Défendons-nous de toute espèce de chaleur et d’exagération; le véritable courage est calme et tranquille. Aussi, Messieurs, écartons de nous toutes les idées personnelles. Si des membres de cette Assemblée avaient eu le malheur de se laisser aller, hors de cette Assemblée, à des démarches contre les lois, de nature à troubler l’ordre public, ce serait aux tribunaux à informer contre eux, et à nous rendre ensuite compte de leur information; vous feriez ensuite ce que vous devriez faire. Si ces mêmes manoeuvres se pratiquaient dans le sein même de l’Assemblée, ce serait à vous à les punir comme vous le jugeriez convenable. Ainsi donc la motion du préopinant est hors de l’ordre du jour, et je demande qu’on s’en tienne à ce que j’ai eu l’honneur de proposer tout à à l’heure. {Applaudissements.) J’ai d’ailleurs rédigé vos propositions; les voici : « L’Assemblée nationale décrète : 1° Qu’il sera rédigé, séance tenante, une adresse [16 juillet 1791.] aux Français pour leur exposer les principes qui ont dicté le décret rendu hier, et les motifs qui doivent déterminer les amis de la Constitution à se réunir autour des principes constitutionnels. « 2° Que la municipalité sera mandée pour qu’il lui soit enjoint de seconder le zèle de la garde nationale... » Si j’ai mis: pour seconder le zèle de la garde nationale, c’est parce qu’en effet la garde nationale a déployé dans tous les temps et principalement hier et aujourd’hui un courage, une fermeté, une sagesse, une modération digne de tous les éloges ; et qu’hier, lorsque le peuple égaré — j’ai tort de dire le peuple — lorsque quelques personnes, 30 peut-être, allaient se porter pour faire fermer les spectacles, la garde de l'Opéra a présenté une résistance si sagement combinée, que les efforts des malintentionnés ont été vains; et qu’ils ont été obligés de se retirer. J’ai donc cru devoir dire dans mon projet de décret : «... Pour qu’il lui soit enjoint de seconder le zèle de la garde nationale et de donner des ordres pour veiller avec soin à la tranquillité publique ; « 3° Que les 6 accusateurs publics de la ville de Paris seront mandés et qu’il leur sera enjoint, sous leur responsabilité, de faire informer sur-le-champ contre tous les infracteurs des lois et les perturbât urs du repos public; « 4° Que les ministres... » — car les ministres étant le pouvoir exécutif, ce sont eux tous que nous devons mander — «... seront appelés pour leur ordonner de faire observer exactement, et sous peine de responsabilité, le présent décret. » {Applaudissements .) Plusieurs membres: Aux voix ! aux voix ! Un membre : Il faut décréter que l’adresse sera envoyée dans les départements par des courriers extraordinaires. {Oui! oui!) M. d’André. Je le mettrai dans le décret. M. Oiabroud. En ce qui concerne la garde nationale, je sms de l’avis de M. d’André, et je suis persuadé qu’on ne saurait lui décerner trop (déloges ; mais j’observerai que de la façon dont il a rédigé S( n décret, il semble adresser un reproche à la municipalité. Pourquoi lui ferait-on des reproches? je ne crois pas qu’elle les ait mérités. M. Einmery. Nous le croyons tous. {Oui! oui1) M. Chabroud. Mais je suppose que dans l’opinion de l’Assemblée la municipalité ait encouru des reproches, je dis que dans ce cas l’Assemblée nationale doit franchement s’exprimer et ne doit pas avoir recours à une circonlocution. Je crois que si la municipalité de Paris n’a pas rempli son devoir, il faut franchement l’en avertir; mais il ne faut pas dire qu’elle est invitée à seconder le zèle de la garde nationale. Je suis donc d’avis en ce cas que l’on donne à la garde nationale les éloges qu’elle mérite ; je suis d’avis après cela qu’on avertisse la municipalité, si l’Assemblée, la trouve dans son tort; mais il me semble qu’il est contraire à la Constitution même de dire que la municipalité secondera le zèle de la garde nationale. M. d’André. J’adopte l’observation de M. Chabroud. ARCHIVES PARLEMENTAIRES.