990 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 janvier 1790.] graduellement jusqu’à la frjiitième classe, qui était composée des congruistes, des hôpitaux, des bénéficiers et des collégiales de 3 ou 400 livres de rente. Il n’y a pas de chambre ecclésiastique qui n’ait montré les principes sur lesquels elle répartissait. Je propose, pour amendement, qu’on lèvera les décimes nécessaires pour les créanciers du clergé et les actes de bienfaisance usités dans l’ancienne administration du clergé. M. Anson. Cet amendement n’est pas nécessaire; le décret, en ordonnant que les décimes des six derniers mois seraient payés, a tout prévu, et ces décimes suffiront aux dépenses du clergé. M. de Custine. Je demande que l’article II du projet de décret soit supprimé. Un membre. La portion congrue n’étant qu’une pensjon alimentaire, on ne peut pas y asseoir une imposition ; il faut la décharger de cette imposition. Plusieurs membres, curés congruistes, réclament contre cet amendement déjà rejeté par un décret antérieur. Ils veulent payer l’impôt comme citoyens, et être éligibles aux assemblées nationales. M. Granger propose un autre amendement ; mais la question préalable est admise, ils sont tous rejetés. Le projet donné par le comité est mis aux voix et décrété en ces termes : « Sur les représentations qui ont été faites à l’Assemblée nationale par le receveur général, chargé ci-devant du recouvrement des décimes et autres impositions du clergé de France, qu’un grand nombre d’ecclésiastiques se refusent au paiement des six derniers mois de leurs décimes de 1789, sur le fondement qu’ils sont compris pour les six derniers mois de ladite année dans les rôles de supplément des impositions ordinaires, en vertu du décret du 26 septembre der-dier, et des décrets subséquents, l’Assemblée nationale, voulant faire cesser toutes difficultés à cet égard, a décrété et décrète ce qui suit : « Art. Ier. Les contribuables aux décimes, pour l’année 1789, les acquitteront en entier entre les mains des receveurs des décimes. « 2. Les collecteurs ou autres préposés à la perception des impositions ordinaires de 1789 seront tenus de recevoir pour comptant les quittances des sommes payées par les contribuables aux décimes, pour la moitié desdits décimes de l’année 1789. « 3. Si le montant de la moitié des décimes de 1789 excédait le montant de l’imposition ordinaire des six derniers mois de ladite année, les quittances de cette moitié desdits décimes ne seront reçues que jusqu’à concurrence dudit montant de l’imposition. » M. Ànson demande à faire un deuxième rapport. M. Anson. Les assignats sur les immeubles domaniaux et ecclésiastiques commencent à être demandés ; c’est sur leur succès, sur le crédit tout neuf, et qui peut devenir si important pour la France, que reposent dans le moment le service de l’année 1790, le paiement des créanciers de l’Etat, et la Constitution elle-même, dont l'édifice serait ébranlé si les finances éprouvaient une grande secousse ; il est à désirer qu’une des premières opérations des assemblées de département soit d’afficher des ventes des domaines de la couronne et de ceux des domaines ecclésiastiques qu’elles regarderont comme devant être aliénés les premiers. On vous a parlé des immeubles des réguliers situés dans les villes, et on n’a donné aucune suite à cette idée ; quelque doive être le sort de cette proposition, il est instant de la discuter ; et pour y parvenir promptement, il faut que le comité des domaines et le comité ecclésiastique vous remettent incessamment le résultat des travaux qu’ils ont sans doute préparés d’après les décrets du mois de décembre dernier. M. Anson propose ensuite un projet de décret. M. Dupont (de Nemours ). Je demande l’impression et la distribution des rapports du comité des finances et de celui des domaines avant qu’ils soient discutés. Cet amendement est adopté, et l’Assemblée rend le décret suivant : « L’Assemblée nationale a décrété et décrète qu’à l’avenir le jeudi de chaque semaine sera consacré à entendre le résultat des travaux du comité des domaines et du comité ecclésiastique ; que ces deux comités présenteront les moyens les plus prompts d’exécuter les décrets des 19 et 21 décembre 1789, sanctionnés par le Roi, concernant la vente des domaines de la couronne et des domaines ecclésiastiques ; que jeudi prochain, l’un et l’autre comité présenteront un tableau tant des domaines de la courçnne qui peuvent être mis en vente dès à présent, que de ceux des domaines ecclésiastiques qui pourront être aliénés aussitôt que les assemblées de département seront en activité ; et que le comité féodal remettra également son travail sur le taux auquel pourront être rachetés les droits ou rentes dus au domaine de la couronne, et ceux dus aux domaines ecclésiastiques, et que les rapports à faire par les comités seront imprimés et distribués avant la séance dans laquelle ils devront être faits. » M. Anson demande de nouveau la parole et, au nom du comité des finances, fait .'un rapport sur la perception des impositions de 1790. Ce rapport est ainsi conçu (1) : Messieurs, nous ne cessons de remettre sous vos yeux la nécessité de seconder de toutes manières la marche de l’année 1790, dont les besoins sont si grands et les ressources si incertaines. Ge n’est point sur la perception des droits que nous fixerons aujourd’hui vos regards ; c’est sur la perception des impositions directes, c’est-à-dire de celles dénommées ci-devant tailles et capitations, ainsi que des vingtièmes, confiée jusqu’à présent aux receveurs généraux et particuliers. 11 ne faut pas perdre de vue que ces impositions ont été consommées d’avance par anticipation ; que des rescriptions équivalentes au montant de chaque mois d’impositions, ont été données en paiement dans le courant de l’année dernière ; que leurs échéances arrivent de mois en mois, et que, sans le paiement exact des impositions dans les provinces, sans le versement des provinces au Trésor public, il serait impossible de soutenir Je fardeau, qui retomberait sur (I) Le Moniteur se borne à mentionner le rapport de M. Anson. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 janvier 1790.] 291 Jui, si les caisses des receveurs restaient plus longtemps vides, comme elles le sont en commençant cette périlleuse année. Les versements à époques déterminées, si avantageux dans les temps de calme, deviennent la source des plus grands embarras, à chaque échéance, lorsque les termes des impositions ne sont point payés, et lorsque l’on a compté sur ces rentrées pour acquitter des engagements à époques fixes. Vous sentez, Messieurs, combien il est important que vos décrets soutiennent tout à la fois les efforts des contribuables et le courage des receveurs, qui voient arriver dans leur état une révolution prochaine et inévitable. D’un autre côté, la nouvelle division du royaume, cet ouvrage si imposant, dont le succès paraît assuré, dont les effets seront si décisifs pour l'affermissement de la Constitution, dont le vaste tableau a suivi de si près l’ingénieuse esquisse; cette nouvelle division pourrait, par quelques difficultés de détail, occasionner, dans la perception des impositions directes, une interruption inquiétante, une stagnation dangereuse, si vous ne preniez d’avance, pour y pourvoir, les précautions que la prudence paraît indiquer. Tout annonce que c’est l’année 1791 qui est destinée à recevoir les heureux essais de vos projets sur les impositions directes; les assemblées de départements ne seront en activité que dans quelques mois ; lorsqu’elles commenceront à exécuter vos réformes, ou à vous proposer les leurs, l’année 1790 s’avancera à grands pas : elles auront à peine le temps de préparer et de rassembler les matériaux de leur nouvelle administration; ainsi il paraît digne de votre sagesse d’ordonner ue les revenus de l’année 1790 arriveront au résor public par l’ancienne route ; c’est même en suivant cette marche que vous pourrez réserver l’année 1791 entièrement intacte, et digne de recevoir sans embarras un régime absolument neuf et constitutionnel. Il résulte de ces réflexions que la perception de 1790 doit être maintenue dans ses anciennes formes, afin d’éviter toute secousse dangereuse, toute interruption au milieu d’un exercice, et enfin toute lacune dans les recettes. Ne perdez point de vue, Messieurs, qu’il ne s’agit que des impositions directes, et que ceci n’a aucun rapport aux droits, aux impôts indirects, dont vous pouvez avoir le dessein d’accélérer la conversion en impôts moins onéreux. L’ancienne perception des impositions directes, des vingtièmes, de la capitation, et autres de cette nature, s’éloigne beaucoup moins que toute autre des principes de notre Constitution. Les réformes en cette partie seront plus faciles après l’organisation totale et effective du royaume ; elles seront même moins apparentes, pour ainsi dire ; car enfin il faudra toujours un préposé quelconque dans chaque municipalité, qui représentera l’ancien collecteur ; il faudra des receveurs de districts ou de départements; et l’ancien régime offre en ce moment, auprès de quelques abus, des établissements très supportables, surtout lorsqu’il ne s’agit que d’une prorogation de si courte durée, lorsque les circonstances exigent de ne point s’en priver trop brusquement. Et d’abord, il n’est point question de perpétuer les anciens collecteurs des com munautés dan s leurs perceptions ; aucun inconvénient que les nouvelles municipalités se choisissent d’autres préposés dès le moment de leur organisation, si elles le jugent à propos; il ne s’agit que des receveurs auxquels ils verseront. Les receveurs particuliers ne perçoivent point du contribuable lui-même : ils ne reçoivent que du préposé nommé par la communauté; ainsi, il y a peu d’inconvénients à redouter vis-à-vis des contribuables. Il est même aisé de démontrer que l’obligation, que votre comité vous propose d’imposer aux anciens receveurs de se charger de l’exercice de 1790, est plutôtune opération de prudence, une chose utile pour la tranquillité générale, qu’elle ne sera agréable ni profitable aux anciens receveurs, dans les circonstances présentes. Il va leur arriver d’avoir affaire à plusieurs districts, et quelquefois même à plusieurs départements, dans la nouvelle division du royaume. Cette multiplicité de correspondances et d’aùtorités jettera quelques embarras dans leurs fonctions ; mais il sont provisoirement préférables à ceux qui naîtraient d’un autre arrangement. Il vaut mieux que ces receveurs éprouvent quelques difficultés: elles ne seront pas insurmontables ; elles le seraient peut-être en prenant un parti différent. En effet, supposons pour un moment que les anciens receveurs cessassent leurs fonctions, lorsqu’un district, ou même un département sera formé. A qui les préposés à la perception dans les municipalité remettront-ils les deniers publics dans ce premier moment? Comment les administrateurs du nouveau département connaîtront-ils en aussi peu de temps le montant et la masse d’impositions du département, pour en suivre la marche? Comment même le directoire du district s’y reconnaîtra-t-il en débutant, lorsque, comme if arrivera souvent, l’ancien arrondissement appartiendra à plusieurs des nouveaux districts? Les établissements les plus simples marchent lentement en commençant, à plus forte raison les petits obstacles de détail occasionneront, dans la nouvelle division, des incertitudes ; et au milieu de ces embarras, peu effrayants sans doute, mais inévitables, le versement au Trésor public, qui, dans les conjonctures actuelles, ne peut se faire avec trop d’exactitude, serait nécessairement arrêté dans des canaux dont la continuité ne serait pas encore assurée. Remarquez, Messieurs, que l’année des impositions commence au 1er octobre, qu’il faudra donc s’occuper, dès le mois d’août ou de septembre au plus tard, dans les différents départements, des réformes qu’il y aura lieu dé faire au plus tard aussi à cette époque, et que par conséquent il sera prudent de ne les opérer que pour 1791, sur tout en matière d’impositions ordinaires. Un avantage de l’ancien régime consistait en ce que les receveurs faisaient des avances, quand cela était nécessaire, sauf# être dédommagés sur les mois suivants; mais pourra-t-on espérer ces efforts d’officiers qui verraient leur suppression si prochaine? Je puis vous attester que, dans le cours de l’année dernière, les efforts des receveurs, soit généraux, soit particuliers, ont été dignes d’éloges; mais les forces s’épuisent plus tôt que le courage. Je mêle ici sans m’en apercevoir, aux réflexions que j’avais à vous faire comme membre du comité des finances, celles que mon expérience particulière me dicte involontairement: mais l’intérêt personnel n’en altère point la sincérité: vous savez qu’il y avait deux receveurs généraux par province, l’ün de l’exercice pair, et l’autre de l’exercice impair. J’étais receveur général en 1789 ; je ne le suis point de l’exercice de 1790, dont il s’agit aujourd’hui. Vous voyez, Messieurs, que je puis vous exposer avec désintéressement ma propre conviction , et j’ajouterai que la perception des impositions directes était la moins dispen- \2 janvier 1790.) «92 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. �ieuse de toutes : vous avez distingué vous-mêmes Mns Ja Constitution, les receveurs des impositions directes de tous les autres, en les déclarant éligibles. Je me plais sans doute à vous le rappeler; mais vons me pardonnerez le souvenir d’une ancienne confraternité, puisqu’il se concilie avec la justice et la vérité. C’est donc avec l’intime persuasion, que partage votre comité, de la nécessité de main tenir l’ancienne perception en 1790, que j’ai l’honneur de vous proposer, en son nom, le décret dont je vais faire la lecture. Projet de décret. L’Assemblée inationale considérant, qu’après avoir prescrit par son décret du 26 septembre dernier, et par ses décrets subséquents, la forme de répartition des impositions ordinaires et directes de l’année 1790, il est indispensable d’en assurer également la perception ; que la forme de cette perception, pour l’exercice entier de 1790 se trouve nécessairement déterminée par les anticipations tirées à époques fixes sur cet exercice; qu’il est important d’acquitter le montant de ces anticipations aux époques de leur échéance, et d’empêcher qu’aucune anticipation nouvelle n’entame les revenus de 1791 ; qu’il est par conséquent utile de bien distinguer l’exercice de 1790 de celui de 1791, dont les futures assemblées de départements ne peuvent, avec trop de maturité et de précaution régler la perception par des principes simples et des formes économiques, et qu’il est convenable d’in-diquer dès à présent cette distinction des deux exercices aux municipalités qui vont être établies, afin que les recouvrements n’éprouvent aucune interruption, a décrété et décrète ce qui suit : Les préposés aux recouvrements des impositions ordinaires et directes dans les différentes municipalités du royaume seront tenus de verser entre les mains des receveurs ordinaires de l’ancienne division des provinces, chargés dans les années précédentes de la perception de ces impositions. le montant entier desdites impositions de l’exercice de 1790, et des exercices antérieurs, dans la forme et dans les termes précédemment prescrits par les anciens réglements; et, attendu que les contribuables seront soulagés dans l’année présente par la contribution des ci-devant privilégiés, qui tourne à leur décharge, les trésoriers ou receveurs généraux, entre les mains desquels Jesdits receveurs ordinaires verseront le montant de leurs recettes, seront tenus de faire de leur côté toutes diligences pour que les impositions de l’année 1790 et des années antérieures soient acquittées entièrement dans les six premiers mois de 1791 au plus tard. Ils remettront, à cette époque, aux administrateurs des différents départements, un état au vrai de la situation des recouvrements. Quant aux comptes définitifs, tant de l’exercice de 1790 que des années antérieures, ils seront présentés par eux à la vérification, dans le courant de l’année 1792 au plus tard, devant qui, et ainsi qu’il sera ordonné par l’Assemblée nationale. La discussion de ce projet de décret est renvoyée à jeudi prochain. M. le Président indique l’ordre du jour de la séance du soir et invite l’Assemblée à se retirer dans ses bureaux pour y procéder à la nomination : 1°. D’un comité de rapports, composé de quinze membres tirés du sein de l’Assemblée, conformé-I ment audernier décret de l’Assemblée sur cet objet; 2°. D’un comité pour la liquidation de la dette publique, lequel doit être composé de douze membres choisis à cet effet dans le comité des finances. 3° Enfin, d’un comité de quatre membres chargés de recevoir les secours de charité en faveur des pauvres, et de proposer à l’Assemblée des moyens de subvenir à l’indigence. La séance est levée. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. TARGET. Séance du samedi 23 janvier 1790, au soir (1). La séance a commencé par la lecture de plusieurs adresses renfermant des témoignages du patriotisme le plus pur et de l’adhésion la plus entière aux décrets de l’Assemblée nationale, de la part de différentes villes et communautés du royaume, ci-après rapportées : Adresse des chanoines réguliers de l’abbaye d’Autrey en Lorraine, qui expriment la plus vive satisfaction sur le projet de décret du comité ecclésiastique, concernant les religieux dont M. Treilhard a fait le rapport ; ils applaudissent avec transport particulièrement aux articles qui les regardent, et désirent tous les voir mettre à exécution le plus tôt possible. Adresse de demoiselle Scott Godfrez, maîtresse de langue anglaise à Paris, qui, pour sa contribution patriotique, offre de montrer gratuitement la langue anglaise à soixante demoiselles choisies une par district de la capitale. Adresse de renouvellement de félicitation, adhésion et dévouement de la ville de Mées en Provence; elle témoignage principalement la plus grande confiance pour toutes les décisions de l’Assemblée sur la distribution des divers tribunaux de justice. Adresse du même genre de la ville de Sisteron en Provence; elle fait le don patriotique du produit de la contribution sur les ci-devant privilégiés, et sollicite un chef-lieu de district. Adresse de la ville de Lille en Périgord, qui offre le produit du moins imposé en faveur des anciens taillables. Adresse de plusieurs citoyens de la ville de Givray en Poitou, qui font le don patriotique de leurs boucles d’argent, pesant 10 mars 6 onces. Adresse de félicitation, adhésion et dévouement de la communauté de Gréselles en Champagne; elle demande d’être du district de Châ-tillon-sur-Seine. Adresse des dames bouquetières de la rue Neuve-des Bons-Enfants, au nombre de cinq, qui expriment le désir de pouvoir offrir, selon leurs faibles moyens, leur contribution à la patrie. Réunies à toutes les dames de la halle et aux autres bouquetières de Paris, elles mettront toutes ensemble sur l’autel de la patrie une légère offrande, mais ce sera le denier de la veuve, qui profite au centuple; elles supplient l’Assemblée de leur permettre d’établir une caisse patriotique entre leurs mains, qu’elles verseront dans la caisse générale. Adresse des soldats français, en garnison à Valogne et Cherbourg, qui, pour détruire les soupçons injurieux qu’on a voulu inspirer sur (1) Celte séance est incomplète au Moniteur.