[4 novembre 41�9.] «74 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. « Le Roi a accepté le décret qui concerne les biens ecclésiastiques et la dotation des cures, et a ordonné de le faire publier dans tout son royaume; il sera envoyé aux tribunaux et aux municipalités. « Signé : L’Archevêque de Bordeaux (Champion de Cicé). » M. Grelet de Deauregard, membre du comité de vérification des pouvoirs, a fait le rapport des difficultés élevées sur la députation de la noblesse de l’ile de Corse. Le comité a proposé de décréter qu’il n’y avait pas lieu de réformer l’élection, du député noble de Me de Corse, mais de permettre au sieur Guibega d’assister à ses séances dans la tribune des suppléants, sans qu’il puisse néanmoins être considéré comme suppléant. On a demandé la division. M. le Président a pris les voix, la division a été accordée ; les deux parties de la proposition du comité ont été mises successivement aux voix, et elles ont été adoptées par l’Assemblée. M. le baron de Winipfen. Il existe en Normandie un usage établi sans doute par des magistrats mauvais payeurs; mes commettants, très-intéressés à ce qu’il soit réformé, me chargent de demander que l’Assemblée nationale décrète que désormais les intérêts des sommes dues seront payés après la condamnation du débiteur , à compter du jour de la demande en justice. Cette proposition est ajournée. M. ***, député du Havre, présente premièrement 4,940 livres de la part des officiers et capitaines de navire de ce port; secondement 34,000 livres en argenterie et bijoux de la part des habitants, et l’engagement de payer comptant, au 1er avril prochain , la contribution patriotique. Il rend compte ensuite d’une circonstance qui donne des inquiétudes à cette ville. Une milice nationale y était établie; une compagnie de volontaires, indépendante de ce corps, paraît vouloir s’y former une seconde fois, après s’être déjà détruite elle-même. On Craint qu’il n’existe entre ces deux corps une mésintelligence qui pourrait produire des effets très-fâcheux, et ta ville du Havre demande que l’Assemblée nationale empêche cet établissement. M. *** fait la même observation pour la ville de Meaux. Plusieurs membres proposent d’étendre à tout le royaume le décret qui doit être rendu à ce sujet. M. Farget. Dans l’état âctiiel de la France, et dans l’ignorance où nous sommes des circonstances de l’élection des volontaires des différentes villes, nous devons nous borner à prononcer pour le Havre. Get avis est adopté, et le décret suivant est rendu : « L’Assemblée nationale décrète qu’il sera sursis à l’exécution de l’établissement d’aucun corps de volontaires au Havre, autre que la garde nationale bourgeoise qui y existe, jusqu’à cé qu’elle ait organisé toutes les municipalités et milices nationales du royaume. * M. le Présldèüt fait lecture d’une lettre de M. le garde des sceaux, accompagnant l’envoi de la note dont voici l'objet : Ce ministre est consulté par un grand nombre e magistrats sur l’exécution des décrets relatifs à l’exportation et à la circulation des grains. La liberté, entièrement rendue aux vendeurs, paraît autoriser la vente des grains dans les greniers-cependant il était ordonné, par des règlements qui ne sont pas révoqués, que quiconque aurait des blés en magasin, serait tenu de les porter au marché. D’après cette espèce d’opposition entre les décrets et les règlements, les magistrats ne savent quel parti ils doivent prendre. M. le garde des sceaux n’a pas voulu leur répondre sans s’informer des intentions de l’Assemblée. Il pense toutefois que les circonstances qui ont décidé à faire ces règlements, étant les mêmes, peuvent déterminer à les conserver. M. Fréteau. Le comité des recherchés est chargé de beaucoup de pièces relatives aux subsistances; il en rendra incessamment un compte qui peut éclairer l’Assemblée sur l’objet du mémoire du ministre. Je propose de renvoyer cette note au comité des recherches, et d’ajourner à jeudi. M. Ce Chapelier est chargé par sa province de demander que les débiteurs dés rentes en grains soient autorisés, pour cette année seulement, à payer ces rentes en argent. M. *** propose de supprimer avec indemnité tous les droits perçus sur les grains dans les marchés. L’Assemblée ajourne toutes ces motions à vendredi, et les renvoie au comité des recherches. M. de ttonnal, évêque de Clermont, dénonce un livre intitulé : Catéchisme du genre humain, qui a été adressé à tous les députés, comme rempli de blasphèmes contre la religion. Le prélat en cite quelques passages : « Qu’entendez-vous par les religions ? J’entends ce qui a été établi par les plus forts et les plus rusés pour commander par la force au nom d’une idole qu’ils se sont créée. — Qu’est-ce que le lien conjugal? C’est la propriété que l’homme a de la femme. » L’auteur trouve cette propriété, aussi injuste que celle d-s terres, et ne voit d’autre moyen de détruire cette injustice que le partage des terres et la communauté des femmes. Dans une pièce de vers qui termine le volume, et qui est intitulé : Extrait des minutes du Vatican , l’auteur attaque les trois personnes de la Trinité. Il les introduit sur la scène comme des êtres insensés, et les charge de ridicules. M. l’évêque de Clermont demande que ce livre soit remis au comité des recherches, qui s’occupera d’en connaître l’auteur et l’imprimeur, et qu’il soit ordonné au procureur du roi du Châtelet de faire sur cet objet ce que son devoir lui prescrit. M. Ce Chapelier. Ce livre ne nous est pas assez connu pour statuer en ce moment sur la dénonciation. Je propose de le renvoyer au comité a es rapports, en se conformant ainsi à ce qui a été fait au sujet de M. l’évêque de Tréguier, qui, sous un autre sens, était plus dangereux encore. L’Assemblée adopte cette opinion. M. *** rend compte, au nom du comité des rapports, d’une demande de M. de Renaud, géhtil-liomme lyonnais. ' Le comité permanent de Valenciennes et celui du Pont-de-Beauvoisin ont arrêté, l’un une grande quantité d’argenterie qui passait à Bruxelles pour M. le comte de Duras ; l’autre, 400 marcs qui étaient envoyés à M. de Renaud en Savoie. Ce gentilhomme demande que cette saisie-arrêt soit levée. [Assemblée nationale.] ARCHIVÉS PARLEMENTAIRES. [4 novembre 1789.] 675 M. Dupont de Nemours. Une nation n’a pas le droit d'empêcher un propriétaire de transporter son argenterie qui est un mobilier qui suit Ja personne. M. Glëzen. Dans les circonstances actuelles, il faut distinguer les ouvrages envoyés par les artistes et ceux emportés par les particuliers. Le comité des recherches a reçu des dénonciations de plusieurs envois d'or et d’argent chez l’étranger, et des particuliers réfugiés ne peuvent pas ainsi nuire à leur patrie. M. Garat aîné, se fonde sur la déclaration des droits pour autoriser le transport à l’étranger de l’argenterie qui a été arrêtée, M. Emmery, se fondant sur les circonstances particulières, différentes des intérêts commerciaux et de la déclaration des droits de l’homme, demande le renvoi de Cette affaire au comité des recherches. Cette motion est adoptée. M. le Président lève la séance après avoir indiqué celle de demain pour neuf heures et demie du matin. ANNEXE à la séance de V Assemblée nationale du 4 novembre 1789. MOTION DE M. lé marquis de Châteaüneuf Randon, député du Gévaudan , SUR LA DIVISION DU ROYAUME (1). Messieurs, votre opinion, sans doute déjà fixée sur la grande et importante question de diviser le royaume et les provinces en plus ou moins de départements, me dispensera de passer trop d’instants à discuter les différents moyens que les honorables préopinants ont suffisamment développés, pour vous démontrer la nécessité de Je diviser sur des bases de localité, de population et des proportions plus justes et plus relatives aux changements heureux que viennent d’opérer votre énergie et votre courageux patriotisme : mais je crois que pour y parvenir, il est des préalables nécessaires sans lesquels votre détermination à opérer et jeter les fondements de cette juste répartition de l’empire français, deviendrait infructueuse, s’ils n’étaient pas remplis. Cinq plans vous sont donc proposés pour cette juste et nécessaire répartition ; savoir: 1° Celui de votre comité, en 80 ou 81 départements, composés chacun de 720 communes, et de 6,480 cantons. 2° Celui de M. Aubry du Bochet, en 200 et tant de départements. 3° Un autre encore de lui, en 110 départements. 4° Celui de M. le comte de Mirabeau, en 120 départements. 5° Celui de M. Pison du Galand, en 30 départements. Un des plus ingénieux sans doute, est celui de votre comité de constitution, qui a cherché à en établir les principales bases sur l’égalité de (1) Cette motion n’a pas été insérée au Moniteur; elle ii’a pas été prononcée à la tribune, mais elle a été imprimée et distribuée. l’influence qui est essentielle à chaque individu: mais je suis lâché qu’il se soit entièrement enfermé dans la seule et irrévocable opinion, soit des 80 départements, soit en établissant un intermédiaire entre les assemblées primaires de cantons et celles des départements; parce que je trouve : 1° Que par cet intermédiaire, les véritables représentés seront trop loin de leurs représentants et que le peuple n’aura point un intérêt assez direct à l’administration publique; 2° Que par le nombre de ces 80 divisions, le département fera encore une trop grande masse pour pouvoir obtenir l’avantage désiré, et favoriser quantité de villes ou de pays déjà administratifs par eux-mêmes, comme’ le Gévaudan, le Vivarais et le Velay, pays immenses par le séjour de leurs montagnes, et qui tant par cette première raison, que par leurs localités particulières, ont lieu de prétendre à faire chacun un département, tandis que, par le nombre de 80 proposé par le comité, ces trois pays que leurs montagnes rendent immenses, surtout le Gévaudan, qui comprend la plus grande partie des Céven-nes, n’en font que deux, et que ce dernier encore y parait entièrement morcelé. Celui de M. Pison du Galand, en 30 départements seulement, a le même inconvénient de laisser les masses trop grandes. Celui de M. Aubry du Bochet, en 200 et tant (quoique bien plus subdivisé), ne me paraît cependant pas toucher encore au terme moyen nécessaire, tant sous les rapports politiques et économiques, qu’ecclésiastiques et judiciaires, parce que les principes de l’Assemblée étant de diminuer le nombre d’évêchés maintenant existants, et devant nécessairement en établir un dans chaque département, cette diminution ne serait pas exécutée au point où il me paraît qu’elle doit l’être : d’un autre côté, comme je pense aussi qu’il faut une cour de justice supérieure dans chaque département, elles seraient aussi trop multipliées par ce nombre de 200 et tant. Ainsi ce plan ne paraît pas devoir s’adapter aux principes de l’Assemblée ; mais son dernier plan, réduit à 110 départements, aurait plus d’avantage, en ce qu’il se rapproche davantage de celui de M. Mirabeau, qui est celui que, par la nature de mes principes, j’adopterai de préférence, parce que les 120 départements me paraissent beaucoup plus analogues aux principes généraux, et aux avantages que beaucoup de villes et de pays ont lieu d’attendre par leur position locale, que d’ailleurs l’intérêt du peuple est plus direct sans intermédiaire entre les assemblées primaires et lës assembléesde départements; que, de plus, dans chacun desdits départements, il pourra s’établir sans inconvénient un seul diocèse et une cour supérieure. Cependant, je ne vois pas encore l'Assemblée assez pénétrée de la force de tous les différents raisonnements que ces honorables auteurs de projets ont éiablis, pour espérer de lui voir prendre une détermination assez prompte, et Cependant nécessaire pour arriver au travail des assemblées provinciales et des municipalités qui sont attendues avec une si vive impatience dans “tout le royaume, parce qu’elle trouvera toujours un obstacle insurmontable à cette division, tant qu’elle ne se sera pas expliquée Sur les dettes des provinces, dont votre comité vous a fait pressentir la possibilité de lès décréter communes entre tout le royaume. Au seul mot de division dü royaume, et dés