746 [Assemblée nationale.J ARCHIVES PARLE31ENTAIRES. [4 février 1791.] demain, il doit être en état de vous présenter le tableau des besoins publics pour l’année 1791. Il a bien voulu communiquer son travail à votre comité d’imposition, qui pourra vous soumettre de nouveau les moyens de pourvoir aux dépenses de cette même année, aussitôt que vous en aurez arrêté la somme. Il est prêt à vous donner aussi le reste de son travail et les projets de décret vous seront distribués sous deux jours. Vous ne trouverez entre le nouveau tableau et celui du 6 décembre dernier d’autres différences que celles nécessitées par les décrets que vous avez rendus depuis cette époque, pour les secours i répandre dans les départements, et celles résultant de dispositions nouvelles adoptées par votre comité sur les parties dont il ne vous avait pas encore soumis les détails, et de la révision au calcul de quelques autres. Mais il me charge de vous annoncer que la liberté de la culture et de la fabrication du tabac subsiste toujours dans son plan ; que le revenu à tirer de cette marchandise consistera dans les droits de douane, dans ceux sur le débit et la fabrication, et dans le produit que procureront les fabriques nationales sans privilège exclusif. Il combinera ces différents droits de manière à présenter au commerce des Etats-Unis d’Amérique un attrait qui le détermine à faire des ports de France l’entrepôt de ses tabacs en Europe. Ainsi, restituant aux habitants du royaume une liberté dont la plus grande partie était privée, vous trouverez encore une occasion de resserrer les liens qui unissent les Américains aux Français. Mais quelque désir qu’ait votre comité d’accélérer votre marche sur les objets de son travail, il ne pense pourtant pas que vous deviez vous occuper aujourd’hui de la question ajournée sur le tabac, puisque sous peu de jours, ayant sous les yeux d’un côté les besoins de la nation, et de l’autre ses ressources, vous pourrez vous décider eu pleine connaissance. Aussitôt donc que le comité des finances vous aura fait son rapport, vous vous livrerez sans interruption aux discussions importantes dont le résultat heureux fondera la confiance publique sur des bases solides. Votre comité d’imposition vous annonce avec satisfaction qu’il règne dans tous les départements la plus louable activité pour toutes les opérations relatives à l’établissement des contributions. Nous demandons donc, Messieurs, d’ajourner la question du tabac à un jour prochain, après celui où le comité des finances aura fait son rapport. M. de Delley (ci-devant Delley d’Agier). Je demande qu’on ajourne après qu’on aura traité toutes les parties de l’impôt. M. de Folleville. J’appuie la motion de M. de La Rochefoucauld, et je demande que le décret qui sera rendu aujourd’hui soit irrévocable -, car, Messieurs, déjà nous avions décrété que, après avoir connu nos dépenses et les moyens d’v subvenir, nous nous occuperions de cet objet. Le comité a fait de l’Assemblée une navette de tisserand, et l’a fait aller de gauche à droite, et de droite à gauche. Je demande donc qu’on adopte ce qui a été proposé par M. de Delley, et je demande encore qu’on ne statue sur aucun impôt qu’après avoir considéré le système de l’impôt en général. M. ÏHalouet. Nous ne pouvons pas nous refuser à ajourner, lorsque notre comité, chargé de cette délibération, s’y réfère et demande lui-même l’ajournement; mais cependant nous connaissons assez les différentes propositions faites par le comité de Constitution pour voir avec effroi que l’on se propose de retrancher de la recette publique un impôt indirect de 30 millions qui doit porter sur les gens riches. Plusieurs membres. Aux voix! aux voix! M. le Président : Sur l’heureux espoir et même sur la certitude qui nous est présentée par le comité de l’imposition, que nous pourrons nous passer du régime prohibitif, je mets aux voix l’ajournement, jusqu’à ce que le comité des finances ait donné à l'Assemblée la connaissance du tableau de recette et de dépense. (L’ajournement est décrété.) M. Vernier, au nom du comité des finances. L’objet dont j’ai à vous entretenir, Messieurs, est très intéressant. Vous connaissez les insurrections qui ont eu lieu dans différentes villes du royaume, que la fatalité des circonstances a entraînées et nécessitées, pour ainsi dire. Vous aviez pour percepteurs, dans les pays d’Etats, les receveurs ordinaires de ces même pays; vous aviez nommé fermiers delà nation tous ceux qui étaient chargés de correspondre, soit à la régie, soit aux fermes générales, soit aux traites. De cette position, messieurs, naît une infinité de comptes entre ces mêmes fermiers et le Trésor public. Tous ces fermiers vous demandent aujourd’hui une indemnité, et on ne peut se dissimuler que leur demande est juste. Les uns ne veulent compter que de clerc à maître, les autres prétendent n’avoir rien perçu, et refusent franchement de payer. Dans ces circonstances l’opinion de votre comité, Messieurs, était de vous proposer un projet de décret en plusieurs articles. Le premier serait d’attribuer provisoirement aux départements la faculté de régler l’indemnité due à chaque fermier. Le second article serait de permettre qu’il vous en soit référé, ou d’autoriser encore vos comités provisoirement à adopter l’opinion des corps administratifs. M. de Folleville. Messieurs, il paraît que M. le rapporteur n’a pas considéré la question dans toute son étendue; le rapport le plus essentiel à présenter était celui du remplacement de ces impositions ; car j’ai l’honneur de vous observer que le mode d’imposition n’étant point uniforme, il y avait une grande partie des provinces qui ne payaient une partie de leur contribution financière qu’en contributions indirectes, telles que l’Artois et autres. Mon opinion serait donc que chaque département donnât son avis sur ta compensation à accorder aux fermiers et qu’il vous présentât, d’une manière additionnelle aux impôts directs, le remplacement de cette contribution à faire sur lui-même. M. Vernier, rapporteur. Les réflexions de M. de Folleville sont extrêmement justes; je demande le renvoi de la question au comité des finances afin que, d’après un nouveau rapport et l’avis du comité, l’Assemblée puisse statuer en connaissance de cause. 747 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 février 1791.] M. d’Ailly. Je demande le renvoi au pouvoir exécutif qui consultera les départements ; et sur l’avis du pouvoir exécutif le comité des finances proposera des décrets. (Le renvoi au comité des finances est décrété.) L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret sur les jurés (1). M. Duport, rapporteur. Messieurs, nous en sommes restés hier à l’article 6 (ancien) du titre VIII ; cet article est ainsi conçu : « Les 'juges prononceront ensuite et sans désemparer la peine établie par la loi, ou acquitteront l’accusé, dans le cas où le fait dont il est convaincu n’est pas défendu par elle. » Plusieurs membres 'proposent des amendements tendant: les uns, à ce que les juges ne prononcent qu’après trois jours ;| les autres, vingt-quatre heures après. (Ces amendements sont rejetés par la question préalable.) Plusieurs membres demandent des éclaircissements qui sont fournis par M. le rapporteur. M. I�e Chapelier. Je demande que la délibération soit prise dans la chambre du conseil et que l’article contienne la disposition suivante : « Les juges pourront se retirer dans la chambre du conseil pour délibérer. » M. Duport, rapporteur. J’accepte l’amendement. (L’amendement est adopté.) L’article 6 du projet primitif est décrété comme suit (2) : Art. 6. « Les juges prononceront ensuite, et sans désemparer, la peine établie par la loi, ou acquitteront l’accusé, dans le cas où le fait dont il est convaincu n’est pas défendu par elle. Il sera libre aux juges de se retirer dans la chambre du conseil pour y délibérer. » Art. 7. « Les juges donneront leur avis à haute voix en présence du public, en commençant par le plus jeune, et finissant par le président. » (Adopté.) Art. 8. « Si les juges sont partagés pour l’application de la loi, l’avis le plus doux passera; s’il y a plus de deux avis ouverts, ou si deux juges sont réunis à l’avis le plus sévère, ils appelleront des juges du tribunal de district pour les départager, à commencer par le premier après le président, et ainsi de suite, par ordre du tableau. » Un membre demande la suppression des mots : « Si les juges sont partagés pour l’application de la loi l’avis le plus doux passera, » en alléguant que si le Code pénal exprimait la peine du délit, les juges ne devraient pas être divisés d’opinion sur l’application de la loi. (Cet amendement n’est pas adopté.) (1) Nous empruntons cette discussion au Journal lo-gographique, t. XXI, p. 97. (2) Voyez le projet primitif, Archives parlementaires , t. XXI, p. 68. Un membre observe que les jurés n’étant désignés ni par nom ni par ordre, il faudrait ajouter un article additionnel qui puisse l’expliquer d’une manière précise. M. Duport, rapporteur , fait observer que ce n’est pas ici le cas de faire entrer des articles de détail, mais qu’il adopte néanmoins la réflexion du préopinant. (L’article 8 est décrété.) Les articles 9, 10, 11, 12 et 13 sont décrétés ainsi qu’il suit : Art. 9. « Le président, après avoir recueilli les voix, et avant de prononcer le jugement, lira le texte de la loi sur laquelle il est fondé. » Art. 10. « Le greffier écrira le jugement, dans lequel sera inséré le texte de la loi lu par le président. » Art. 11. « Lorsque le jugement aura été prononcé à l’accusé, il sera sursis pendant trois jours à son exécution. » Art. 12. « Le condamné aura le droit de se pourvoir en cassation contre le jugement du tribunal ; à cet effet il sera tenu, dans le susdit délai de trois jours, de remettre sa requête en cassation au greffier, lequel lui en délivrera reconnaissance. Celui-ci remettra la requête au commissaire du roi, qui sera tenu de l’envoyer aussitôt au ministre de la justice, après en avoir délivré reconnaissance au Igreffier. » Art. 13. « Le commissaire du roi pourra également demander, au nom de la loi, la cassation du jugement; il sera tenu, dans le même délai de trois jours, d’en passer sa déclaration au greffe. » M. Duport, rapporteur. L’article 14 est ainsi conçu : « Les demandes en cassation ne pourront être fondées que sur la violation des formes prescrites, à peine de nullité, soit dans l’instruction, soit dans le jugement, ou sur la fausse application de la loi. » Un membre propose de remplacer le mot fondées par le mot admises. (Cet amendement est décrété.) L’article 14 est adopté comme suit : Art. 14. « Les demandes en cassation ne pourront être admises que sur la violation des formes prescrites, à peine de nullité, soit dans l’instruction, soit dans le jugement, ou sur la fausse application de la loi. « M. Duport, rapporteur, donne lecture de l’article 15 : « Les requêtes en cassation seront adressées directement au ministre de la justice, lequel sera tenu, dans les trois mois, d’en donner avis au président, et d’en accuser la réception au commissaire du roi, qui en donnera connaissance au condamné. » Un membre propose d’ajouter à la fin de l’article ces mots : et à son conseil.