677 [Assemblée nationale J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 février 1790.| l’on sait combien cet objet est important ; mais, en publiant une loi aussi rigoureuse, nous devons à nos commettants de nous occuper des moyens de détruire un impôt qui est la cause de presque tous les désordres. Je demande qu’inces-samment la suppression de la gabelle fasse la matière de nos délibérations. M. Démeunier. Il faut d’abord examiner ce qui doit entrer dans le décret que vous allez rendre. Dans ce moment-ci, moment de crise, il faut le dire, deux maux nous affligent : les désastres de quelques provinces et le défaut de perception des impôts. La constitution ne peut s’ébranler qne par des désordres tels que ceux qui régnent dans quelques provinces, et d’où pourrait naître une anarchie, que vos lois, que la contiance que vous inspirez auraient peine à détruire. La constitution peut s’écrouler par une privation de recette pour le trésor royal. Vous trouverez peut-être nécessaire d’annoncer au peuple que vous vous occupez des impôts indirects et des moyens de les supprimer ; que, déjà condamnée par vous, la gabelle n’existera plus à la lin de cette année, mais que cet impôt doit être payé jusqu’au moment de la suppression . Je demande que l’Assemblée décide d’abord si les désordres des provinces, et les obstacles apportés à la perception de l’impôt, doivent être les objets de votre décret. Il me semble que, dans cette occasion, les divisions qui partagent quelquefois l’Assemblée doivent disparaître ; que tous les amis de la liberté publique se rallient pour chercher de bonne foi à prévenir ou à réparer nos maux : ces maux sont certains ; peu nous importe d’en connaître en cet instant la cause : arrêtons-les ; voilà notre devoir. Que l'Assemblée adopte, soit le projet du comité, soit celui M. de Mirabeau, soit tout autre ; mais qu’elle en adopte un, et qu’elle juge sur-le-champ si ce décret doit renfermer des dispositions sur la perception de l’impôt. M. l’abbé Cfouttes. Le comité des finances m’a chargé de vous demander de semblables dispositions. Il croit qu’il faut indiquer nominativement les impôts directs et indirects, afin que le peuple comprenne facilement ce dont on lui parlera. Les désordres dont on vous a entretenus sont très réels; ils existent dans ma province; le peuple est trompé, il est égaré. Le premier article du projet de Al. de Mirabeau me paraît très propre à réprimer lesinsurrections et je pense qu’il doit être admis. M. d’Harambure fait lecture d’un projet de décret par lequel il propose de demander à chacune des quarante mille municipalités, et l’une dans l’autre, une somme de 500 livres en argent, sur les impositions de 1790. Le produit de cette avance serait consacré à augmenter les payements de la caisse d’escompte. On observe que cette proposition est hors de l’ordre du jour. La priorité est demandée pour un projet de décret présenté par M. Boussion, député de l’Agénois. Une partie de l’Assemblée témoigne le désir d’aller aux voix sur cette priorité. Les membres qui avaient proposé des décrets sollicitent la parole pour attaquer cette priorité. La discussion est fermée sur cet objet. La priorité est accordée au projet de M. Bous-sion. Ce projet est conçu dans ces termes : « L’Assemblée nationale, considérant que les ennemis du bien public ont trompé le peuple, en distribuant de faux décrets, au moyen desquels il s’est cru autorisé à commettre des violences contre les propriétés et même contre les personnes dans quelques provinces, a décrété ce qui suit : « 1° A l’avenir, nul citoyen, sans distinction, ne pourra, dans aucun cas, s’autoriser des décrets de l’Assemblé nationale, s’ils ne sont sanctionnés par le Roi, publiés par ordre des municipalités et lus au prône des messes paroissiales ; « 2° Le pouvoir exécutif enverra incessamment l’Adresse de l’Assemblée nationale aux Français, et tous les décrets acceptés, sanctionnés ou approuvés par le Roi, à mesure qu’ils auront été rendus, aux diverses municipalités du royaume, avec ordre aux curés et vicaires desservant les paroisses de les lire au prône ; * 3° Dans les cas d’insurrection et de violences contre les propriétés ou les personnes, ou de résistance à la perception des impôts, les municipalités seront tenues d’employer tous les moyens que leur donne la confiance des peuples, avant de passer à la loi martiale. Toutes les municipalités se prêteront mutuellement main-forte réciproque. Si elles s’y refusaient, elles seraient responsables des suites de leur refus ; « 4° Les officiers municipaux seront responsables des dommages occasionnés par une émeute, s’il était prouvé que leur négligence en fut la cause ; « 5° On s’occupera incessamment d’organiser les milices nationales, auxquelles il est ordonné de prêter main-forte, dans tous les cas d’insurrec ¬ tion, à toute réquisition des officiers municipaux ; « 6° De décréter notamment quels sont les droits féodaux abolis sans indemnité; a 7° D’organiser le plus promptement possible les départements et les districts. » M. de Cazalès. Il est certain que le décret auquel le priorité est accordée affaiblit sensiblement la loi martiale. Cependant la loi martiale n’a pas suffi. J’ai reçu encore hier des nouvelles de ma province ; elles sont affligeantes. M. le vicomte de Mirabeau vous dira que la municipalité de Rennes a défendu à la milice nationale de sortir de cette ville. Les désordres ne peuvent être réprimés que par le pouvoir exécutif. Je propose en amendement au décret la disposition suivante : « Le Roi sera supplié de prendre toute les mesures nécessaires, et sera autorisé à faire tous actes à cet effet, sous la responsabilité seule des ministres. » On observe que les amendements doivent être présentés successivement sur chaque article, sauf à proposer les additions à la fin de la délibération. On lit l’article premier. M. de llontlosier (1). Messieurs, de grands troubles se sont élevés dans le royaume; la force et la violence semblent avoir pris partout la place des lois. Ce ne sont plus des erreurs qu’il faut excuser, ce sont des brigands qu’il faut S unir et des brigandages qu'il faut réprimer. ms cette force réprimante doit-elle être remise au monarque, ou, comme on vous le propose, à des corporations particulières ? Dilemme absurde (1) Le discours de M. de Montlosier est incomplet au Moniteur. 678 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 février 1790.] dans sa propre exposition, et que je suis pourtant réduit en ce moment à la honte d’examiner. Quel est donc l’égarement d’opinion qui règne dans cette Assemblée? De toute part on nous présente des projets de loi, et partout on a soin d’écarter l’influence royale , comme si cette influence était constitutionnellement vicieuse ou malfaisante. A-t-on oublié que c’est en vain que nous créons des lois tant que la puissance commise à leur exécution sera tenue dans un état d’inertie ou d’anéantissement? A-t-on oublié que le peuple n’a des officiers publics que pour qu’ils lui soient utiles ; que le Roi est le chef de ces officiers, et que, par conséquent, c’est lui qu’on doit toujours voir à la tête de l’œuvre publique? A-t-on oublié que nos plus grands publicistes, et Jean-Jacques Rousseau lui-même, ont été forcés de confesser cette vérité ? A-t-on oublié enfin que la fin de chacune de nos dynasties a toujours été marquée par le règne de princes qui n’en eurent que le nom, parce que des chefs militaires, ou des maires qui les tenaient enfermés dans leur palais , avaient intérêt à régner à leur place ? Non la nation française, qui honore son Roi, la nation française, qui le payerait de tout son or, comme elle le paye de son respect et de son amour, a le droit de vouloir que ce Roi fasse quelque chose pour elle et que ses soins et ses sollicitudes paternelles ne soient pas tout à fait inutiles à sa félicité. Mais dans le projet de loi qu’on vous propose, ce sont les municipalités qui sont tout et qui font tout ; le Roi semble effacé de la constitution ; tout son royaume serait en combustion; des hordes licenciées le rempliraient de confusion et de désordre; il ne faut plus aux auteurs des projets qu’on vous présente que des municipalités et des troupes ; et quoi encore?... des troupes et des municipalités. Du moins, Messieurs, dans le projet du comité de constitution, il y a un article où le Roi est supplié de faire passer des forces, quand les municipalités le jugeront nécessaire (1). Mais, Messieurs, cet article même évidemment nul et insignifiant, ce rôle de remplissage qu’on veut faire jouer au chef de la monarchie est un scandale de plus pour les amis de la constitution, parce qu’il offre dans la puissance royale tous les caractères d’une puissance qu’on a l’intention de tenir oisive, et qu’on voudrait pourtant avoir l’air d’occuper, parce que la puissance du monarque ne présenterait bientôt qu’un membre parasite placé en dehors de la constitution, une véritable superfétation politique. Et cependant, Messieurs, dans un grand empire, il est constant que le roi, qu’on a très-bien appelé la loi agissante , doit être le centre de toutes les forces et comme le pivot sur lequel doivent tourner tous les mouvements. Nulle puissance sans lui n’a le droit de disposer de la force publique. Et les individus quels qu’ils soient, et les municipalités, et les départements, et toutes les corporations, sous quelque dénomination qu’elles puissent être, ne peuvent être regardés que comme ses mandataires dans Remploi qu’ils en font. Le prince seul, et nul autre n’a donc le droit de dispenser la protection publique, parce qu’au prince seul et à nul autre a été donnée la puissance pour l’exécution de la loi, faite elle-même pour la protection de tous. La loi, voilà sa règle. La loi, voilà son maître. Mais s’il ne respectait pas (1) Cet article n'a pas été même adopté par l’Assemblée. (Note de M. de Montlosier.) la loi? S’il ne respectait pas la loi ... oh! sans doute la loi le respecterait encore : mais elle irait demander, jusque sur les marches du trône, le ministre prévaricateur qui n’aurait pas su désobéir lorsque l’honneur et le devoir lui commandaient la désobéissance. Et où en serions-nous, si des municipalités, si des corporations particulières prétendaient au droit de disposer de la puissance publique sans la participation de son chef? Employées d’abord pour une légitime défense, tournées bientôt contre elles-mêmes pour leurs querelles extérieures ou intestines, quel désordre,. quelle confusion extrême n’offriraient pas de toute part les lambeaux du plus beau royaume de l’Europe! Nous avons éprouvé de grands malheurs, hélas! peut-être de plus grands nous attendent. Craignons de tomber de chute en chute dans la plus ténébreuse anarchie ; elle ne nous laisserait bientôt plus que l’espoir d’une fédération plus ou moins vicieuse. Mais j’entends dire assez souvent que ce n’est pas encore le moment de s’occuper de la régénération du pouvoir exécutif ; que cet article viendra tout naturellement à la suite du complément de la constitution. Je ne sais, Messieurs, mais peut-être à cet égard doit-on me pardonner une grande inquiétude : c’est que de cette manière on accou-tumelespeuplesetquenous nenous accoutumions nous-mêmes à nous passer de roi. Soyons francs : si, dans un moment de convulsion et de crise, l’action royale ne nous est pas nécessaire, elle nous le sera encore moins dans les temps de calme et de paix. Ah! si la démocratie, à laquelle nous tendons, était le seul asile de la liberté et que nous pussions y arriver sans un crime, je serais le premier à vous le conseiller, et j’ai cette opinion du prince qui est encore à notre tête que s’il ne fallait que ce nouveau sacifice au bonheur de son peuple, il le ferait... oui il le ferait... Mais quand je considère votre luxe, votre corruption, vos arts, vos grandes villes, votre éloignement des mœurs antiques et patriarcales, et, plus que tout, vos vingt-quatre millions d’hommes; quand je considère que la liberté peut avoir autant d’énergie dans une monarchie que dans une république, lorsque cette liberté est ménagée par une sage constitution ; quand je considère enfin que ni vous ni moi ne sommes plus les maîtres du parti que nous avous à prendre, puisque nous avons fait un serment, puisque nous avons fait le serment solennel de maintenir de tout notre pouvoir une constitution dont un des articles porte expressément que le pouvoir exécutif suprême réside exclusivement dans les mains du monarque; dès lors il n’est plus possible de délibérer : il faut absolument que nous ayions une monarchie, ou que tout ce qui existe encore de bons Français aille mourir avec moi sous ses ruines. M. Démeunier. Le préopinant aurait composé d’une autre manière le beau discours qu’il vient de vous lire s’il se fût rappelé deux articles de la constitution, qu’il n’a pas lus peut-être, et qu’il a du moins oubliés complètement. Par le premier, les municipalités sont subordonnées au Roi; le second porte la même disposition à l’égard des assemblées de district et de département, non seulement pour ce qui regarde les propriétés, mais même pour ce qui concerna la sûreté et la tranquillité générale. Il est étonnant que ceux qui ont voulu l’établissement de quarante mille municipalités, veuillent aujourd’hui que vous abandonniez l’organisation des pouvoirs judiciaire et militaire, pour vous occu- / [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 février 1790.] per du complément du pouvoir exécutif. Certes, nous serions des insensés si, après avoir fait la constitution, nous laissions le pouvoir exécutif sans force, comme il l’est maintenant. Si quelque chose peut faire commettre à l’Assemblée une pareille faute, ce serait ces motions que, depuis six semaines, on reproduit chaque jour, tantôt pour ralentir nos travaux, tantôt pour nous égarer dans la route que nous voulons tenir. — Je propose à l’article premier un seul amendement : il consiste à ajouter au mot sanctionnés, ceux-ci, acceptés ou approuvé s par le Roi. M. de Monllosler. Je demande que M. Démeunier soit rappelé à l’ordre. M. le comte de Toustain de Viray (1). Messieurs, permettez-moi de vous développer succinctement mes idées sur l’objet important, soumis en ce moment à la délibération. Je le considère comme la hase et le pivot de la constitution que vous voulez établir. Je saisis avec empressement cette circonstance, pour faire publiquement ma profession de foi et déclarer, comme bon citoyen et attaché à mon Roi, que je regarde cette constitution comme devant faire le bonheur des peuples et de l’auguste monarque qui les gouverne. Mais, Messieurs, si nous désirons efficacement le succès de nos travaux, ne nous égarons pas ; j’aime à croire que tout le monde est animé par le désir du bien ; chacun veut y arriver par des voies différentes, et du choc des opinions naît le tumulte qui, souvent, s’élève dans cette salle et qui présente, malheureusement, le tableau de la discorde. Oui, Messieurs, si vous voulez maintenir votre constitution, comme je n’en doute pas, si vous voulez l’affermir sur des bases inébranlables, rendez au Roi le vrai pouvoir qui lui est dû : ne nous dissimulons pas que la raison, l’habitude, l’amour du Français pour son Roi et la nécessité d’une force active et réunie dans une seule main, peuvent seuls opérer le bien général, trop souvent contrarié par les intérêts particuliers : j’ajouterai que la constitution même donne au Roi la plénitude du pouvoir exécutif. Ces considérations méritent d’être pesées sagement; sans cela, je le dis avec courage, point de constitution. En heurtant de front le vrai principe de la monarchie, vous prêtez les armes aux ennemis de cette constitution ; vous inquiétez l’attachement que le Français a toujours eu pour son Roi, et peut-être provoquez-vous un ressentiment qui ne sera jamais dans le cœur de Louis XVI, mais sur lequel nul de nous ne peut répondre de ses successeurs. Ce n’est pas que je pense qu’on doive accorder au Roi un pouvoir illimité ; votre constitution y a sagement mis des bornes; mais songez qu’il serait impolitique de trop les restreindre. Votre projet de décret donne exclusivement aux municipalités le droit de disposer dans le royaume, de la force active. Je conviens qu’en meme temps, on a cherché à parer au danger d’un pareil ordre de chose, en rendant les municipalités responsables ; mais je crois que ce moyen nuit à la fois et à la dignité royale et au calme que vous voulez rétablir dans le royaume: 1° C’est une infraction à la loi constitutionnelle que vous avez établie ; (1) La motion de M. de Toustain de Viray n’a pas été insérée au Moniteur. 679 2° Je vois dans cette forme une lenteur indispensable et funeste ; 3° Les jalousies et les intérêts particuliers d’une municipalité qui la rendront rivale de celle qui l’avoisine : il en sera de même d’un district à un autre district, d’un département à un autre; les prétentions se croisant et se multipliant, personne n’ira au bien général ; l’intérêt particulier dirigera tout et de là le désordre. Si les ressorts d’une grande machine sont mus en sens contraires et s’ils ne sont pas dirigés par une seule puissance, il est constant que, dès lors, sa marche est interrompue ou vicieuse. Je me résume et demande qu’on laisse au Roi la plénitude du pouvoir exécutif, d’après l’exprimé formel de la constitution et les motifs déterminants que j’ai essayé de développer. M. le comte de Mirabeau. Tous les amendements proposés, excepté un seul, me paraissent tenir à une confusion d’idées que j’ai combattues hier. Et d’abord, je demande si le pouvoir exécutif a besoin des moyens qui ne sont pas en ce moment en sa puissance; je demande comment il en a usé jusqu’à présent ; je demande si l’Assemblée aurait désavoué des proclamations utiles à la tranquillité publique; je demande davantage, je demande si les municipalités sont inutiles dans l’organisation sociale. Ceux qui ont avancé toutes le3 assertions qui tendraieut à le faire penser croient-ils donc que nous sommes au temps des Thésée et des-Hercule, où un seul homme domptait les nations et les monstres? Avons-nous pu croire que le Roi tout seul ferait mouvoir le pouvoir exécutif? Nous aurions fait le sublime du despotisme. Eh ! que sont les municipalités ? des agents du pouvoir exécutif? Non; nul de nous n’a dit cette absurdité. J’ai dit que le pouvoir exécutif est le dernier résultat de l’organisation sociale; j’ai dit que nous ne faisons rien pour la constitution qui ne soit pour le pouvoir exécutif. Voici le dilemme que je propose : ou l’on dira que nous travaillons contre le pouvoir exécutif, et dans ce cas, qu’on indique un décret qui le prouve, l’Assemblée sera reconnaissante et réformera ce décret ; ou l’on nous demandera d’achever sur-le-champ le pouvoir exécutif, et dans ce second cas, qu’on nous indique un décret qui puisse être rendu isolément à cet égard. Vous avez tous entendu parler de ces sauvages qui, confondant dans leurs têtes les idées théologiques, disent, quand une montre ne va pas, qu’elle est morte; quand elle va, qu’elle a une âme : et cependant elle n’est pas morte, et cependant elle n’a point d’âme. Le résultat de l’organisation sociale, le pouvoir exécutif, ne peut être complet que quand la constitution sera achevée. Tous les rouages doivent être disposés, toutes les pièces doivent s’engréner, pour que la machine puisse être mise en mouvement. Le Roi a professé lui-même cette théorie; il a dit : « En achevant votre ouvrage, vous vous occuperez sans doute avec ardeur », non pas de la création du pouvoir exécutif, il aurait dit une absurdité, mais « de l’affermissement du pouvoir exécutif. » Que ce mot, pouvoir exécutif, qui doit être le symbole de la paix sociale, ne soit plus le cri de ralliement des mécontents; que ce mot ne soit plus la base de toutes les défiances, de tous les reproches; nous ne ferons rien de bon dans l’ordre social qui ne tourne au profit du pouvoir exécutif : vouloir que la chose soit faite avant que de l’être, c’est vouloir que la montre aille avant que d’être montée. Cette idée ne fait pas beaucoup d’honneur à la justesse 680 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 février 1790.] de l’esprit de ceux qui l’ont conçue, si elle en fait à leurs intentions. Des observations sur la responsabilité des ministres appartiennent à cette matière comme à toutes les matières environnantes. Les ministres, avec un reu de candeur, si la candeur pouvait exister dans le cœur des ministres, n’auraient pas fait un obstable de cette loi salutaire. Nous hésitons, nous marchons à pas lents depuis quelques semaines, parce que ce dogme terrible de la res-jonsabilité effraie les ministres. Je ne dirai pas es raisons de cet effroi, quoique, si j’étais main, j’eusse quelque plaisir à les développer ; j’en dirais une, selon moi, la principale, qui est fondée, qu’ils me pardonnent cette expression, sur leur ignorance. Us n’ont pas encore pu se figurer que nous n’avons pu ni voulu parler de là responsabilité du succès, mais de l’emploi des moyens. Tout homme qui se respects ne peut pas dire qu’il voudrait se soustraire à cette responsabilité; dans tous les tiraillements entre l’autorité nationale et l’administration, il est entré de cette crainte de la responsabilité du succès. Je conclus à rejeter les amendements qui portent sur cette idée que le pouvoir exécutif n’a pas tous les moyens qu’en ce moment on ne peut pas lui donner. Quand votre constitution sera faite, le pouvoir exécutif, par cela même, sera fait; tous les amendements qui tendraient à donner des moyens excentriques, des moyens hors de la constitution, doivent être absolument écartés. M. Barnave propose une rédaction de l’article 1er; cette rédaction est décrétée dans les termes suivants : « Art. 1er. Nul ne pourra, sous peine d’être puni comme perturbateur du repos public, se prévaloir d’aucun acte prétendu émané du Roi ou de l’Assemblée nationale, s’il n’est revêtu des formes prescrites par la constitution, et s’il n’a été publié par les officiers chargés de cette fonction. » On fait lecture de l’article 2. M. le comte de Wirieu demande qu’on ajoute à l’envoi de l’adresse celui du discours du Roi. M. le comte de Clermont-Tonnerre. Ce discours est déjà parvenu dans toutes les parties des provinces, il est inutile de l’envoyer encore. M. Lanjuinais. Je demande la question préalable sur la proposition de M. le comte de Virieu ; si on l’exige, j’expliquerai mes motifs. Une très grande partie de l’Assemblée s’élève contre la question préalable, et appuie l’amendement de M. le comte de Virieu. M. Duval d’Fprémesnil. Je voudrais qu’on me dise pourquoi l’on refuse si obstinément d’envoyer le discours du Roi. Je demande que la discussion s’ouvre afin de connaître les motifs de ce refus. L’Assemblée ordonne presque unanimement l’envoi du discours du Roi. L’article 2 est décrété avec les additions dans les ternies suivants : « Art. 2. Le Roi sera supplié de donner des ordres pour faire parvenir incessamment à toutes les municipalités du royaume le discours que Sa Majesté a prononcé dans l’Assemblée nationale le 4 de ce mois, l’adresse de l’Assemblée nationale aux Français, ainsi que tous les décrets, à mesure qu’ils seront acceptés ou sanctionnés, avec ordre aux officiers municipaux de faire publier et afficher les décrets sans frais, et aux curés, ou vicaires desservant les paroisses, d’eu faire lecture au prône. » On lit l’article 3. M. Garat l'aîné. L’article suppose des attroupements armés; car ce n’est guère qu’avec des armes quon sont prévues. . pas dans un é leut commettre les violences qui e demande si les coupables ne sont ;at déclaré de rébellion. Je propose ün amendement qui se trouve parfaitement rédigé dans le premier article du projet de M. de Mirabeau. Vouloir faire agir le pouvoir pacifique municipal dans cette hypothèse, c’est le compromettre, c’est l’exposer à un danger certain. M. le marquis de Foucault. Ces vues doivent plaire à toute l’Assemblée, puisque ce sont des vues de paix et de couciliation. Je propose cependant à l’article un second amendement; c’est que, dès qu’il existera un attroupement, ou qu’on pourra eu redouter un, les officiers municipaux seront autorisés à faire assembler la force militaire pour l’employer dans le cas où les moyens de conciliation auront été mis en usage sans effet. M. de Robespierre. Lorsque le peuple est prêt à se porter contre ses ennemis, un homme qui aurait la confiance du peuple pourrait le ramener à des sentiments pacifiques. {Un côté de l’Assemblée interrompt l’orateur.) Je n’insiste point, puisque ceux qui m’interrompent ne trouvent pas dans leur cœur la vérité de ce que j’avauce. — On demande le secours de la force armée pour le recouvrement des impôts; mais quels sont les impôts que le peuple refuse de payer? Ce sont certains impôts indirects, tels que la gabelle, les aides, etc. (On interrompt encore.) Je ne suis point découragé par ceux qui m’interrompent, et je me propose de dire dans cette séance des vérités qui exciteront bien d’autres murmures. — (Proposez votre amendement ! s'é-crie-t-on à diverses reprises.) Il n’est pas de meilleur moyen d’anéantir la liberté que d’employer la force armée pour recouvrer la gabelle, les aides, etc. (Nouvelle marque d’improbation , et toujours d’un seul et même côté de la salle.) — Je demande qu’on supprime de l’article la partie qui autorise à publier la loi martiale pour le recouvrement des impôts. M. Routteville-Dumetz. Je demande qu’on ajoute au premier article • « L’Assemblée ordonne encore à son comité des finances de lui présenter un projet de décret pour le remplacement de la gabelle et des aides. » M. le due Du Châtelet. Je ne pense pas que l’article qui vous est proposé remplisse absolument votre intention. Je demande donc qu’on y ajoute un article présenté par M. le comte de Mirabeau, relatif au flagrant délit. M. Rœderer. J’observe qu’avant la fin de la semaine on aura peut-être fait droit sur la gabelle; il n’y a donc pas lieu à délibérer sur l’amendement de M. de Robespierre. Le projet de M. de Mirabeau ne me paraît pas plus admissible : il suivrait de ce décret qu’on pourrait déployer la force militaire contre des paysans qui ne se