[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j }?r jànvIeM 7M 529 CONVENTION NATIONALE Séance du 12 nivôse, l’an II de la République française, une et indivisible. (Mardi 1" Janvier 1794.) Un secrétaire fait lecture de la correspon¬ dance (1). Le représentant du peuple André Dumont écrit de Boulogne-sur-Mer, le 8 nivôse, qu’il vient en¬ core de déjouer de nouveaux complots dans le département du Pas-de-Calais, où l’on avait répandu des imprimés qui provoquaient au sou¬ lèvement; où, sous prétexte de manquer de pain, l’on criait aux armes; où les prêtres déprêtrisés reprenaient hardiment leur métier; où une émis¬ sion effrayante de faux assignats était encore un des mobiles de la nouvelle trame. Il a porté l’œil de la surveillance dans les autres com¬ munes des départements çpi’il est chargé de par¬ courir, et partout il a déjoué les complots des malveillants et fait triompher le républicanisme. Insertion au « Bulletin » (2). Suit la lettre d’André Dumont (3). André Dumont, représentant du peuple dans les départements de la Somme, du Pas-de-Calais et de l’Oise, à la Convention nationale. « Boulogne-sur-Mer, le 8 nivôse, l’an II de la République française, une et indivisible, à minuit. « Citoyens collègues, « Depuis un mois je voyais s’élever autour de moi un nuage épais de calomnies et d’atro¬ cités contre tous le3 républicains; j’ai bien senti d’où partait le coup; l’aristocratie terrassée et le fanatisme expirant semblaient, à l’aide de quelques malveillants, vouloir secouer les bran¬ dons d’une nouvelle guerre civile. Des impri¬ més horribles furent affichés près d’ Auras; ils contenaient des provocations au soulèvement. Une pluie de lettres anonymes tombait par¬ tout, on avait recours au prétexte de manque de subsistance pour crier aux armes, les prêtres mêmes, qui s’étaient déprêtrisés, reprirent hardiment leur métier; ils se fondaient, disaient-ils, sur le décret qui avait été rendu avant la vigoureuse et salutaire réponse qu’a faite depuis le président; une émission effrayante de faux assignats était encore un des mobiles de la nouvelle trame. Dans le même jour, et pour (1 Procès-verbaux de la Convention, t. 28, p. 200. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 28, p 200. (3) Archives nationales, carton Fn 1008*, dos¬ sier 1653. Bulletin de la Convention du 3e jour de la 2° décade du 4' mois de l’an II de la République une et indivisible (jeudi 2 janvier 1794). Aulard : Recueil des actes et de la correspondance du comité de Salut public, t. 9, p. 727. lr« SÉRIE. T. LXXXII. ainsi dire au même instant, j’attaquai tous les traîtres, et, en ce moment, je crois pouvoir vous dire et assurer que le département de la Somme et les districts de Montagne-sur-Mer (1) et Boulogne sont sauvés. Une nouvelle lumière a éclairé tout ce pays, et tous les projets des scélérats ont été déjoués. Des intrigants jetés ça et là vexaient tous les républicains ; tous ou grande partie sont montés en charrette, et l’union générale des patriotes a été l’heureux résultat de l’arrestation de ceux qui avaient voulu les diviser. « 8,000 Belges bien armés sont, depuis un mois ou cinq semaines à Amiens; ils avaient à leur suite environ 800 femmes qu’ils faisaient loger avec eux et à cause desquelles il arrivait chaque jour des scènes; lé grand émétique national a balayé ces corps, qu’il est instant de retirer d’Amiens; mes quatre collègues ont dû vous l’écrire. « A Abbeville les subsistances avaient agité; j’y ai ramené le calme et la gaieté. « A Montagne-sur-Mer la Société républicaine était de 200 membres, elle n’est plus que de 30. Il n’y a plus d’église et les citoyens n’ont qu’un seul vœu : la République ou la mort. Les saints et saintes y ont été brûlés en réjouissance de la reprise du Port-de-la-Montagne (2). A Boulogne, 4 individus avaient tout boule¬ versé et s’étaient permis mille horreurs; j’en ai saisi la trame, et la charrette en amena deux qui avaient malversé; l’imbécilité des deux autres fut cause de leur pardon. Cette opération faite au milieu de 6,000 Boulonnais que je haranguai deux fois, rallia tous ceux que la malveillance avait divisés au banquet donné par la Société populaire, à la plantation d’un arbre de l’union. « La célèbre et très incompréhensible, la très sainte Vierge noire, que les Anglais n’avaient pu brûler, fut, dans la plus belle fête qui se peut célébrer, jetée dans le bûcher et réduite en cendres sans miracle; tout Boulogne, hors les détenus, hommes, femmes et enfants, tous crièrent ; Vive la Montagne! et se jurèrent union éternelle; l’allégresse fut telle que la nuit se passa en bals où se trouvèrent tous les citoyens. On me demanda le changement du nom de Boulogne-sur-Mer en celui de Port-de l’Union. Les vieillards et les jeunes gens, tous me regardant comme leur sauveur, m’assurèrent que c’était le plus beau jour de leur vie, en effet jamais le républicanisme ne se prononça mieux et jamais l’allégresse ne fut portée à un plus haut point. Boulogne fut il y a sept mois le repaire de l’aristocratie; il est aujourd’hui le temple de la liberté; si toutes les oommunes étaient à la même hauteur que Boulogne, je dirais : il n’y a plus d’ennemis de la République. « Je vais retourner d’ici à Noyon; je suis comme un missionnaire républicain, je prêche partout l’amour de la patrie, et, à quelques intrigants près, et tous les prêtres et nobles, je crois avoir tout converti. « Salut. N’oubliez pas la nouvelle nomination (sic) de Boulogne en Port-de-l’Union. « Dumont. » (1) C’est le nom révolutionnaire de la ville de Montreuil-sur-Mer. (2) C’est le nom révolutiondaire de la ville de Toulon. 34