[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 27 fnmaire art » I 17 décembre 1793 « La Convention nationale, après avoir en¬ tendu la lecture de la pétition du conseil général de la commune d’Aigueperse, département du Puy-de-Dôme (1), tendant à obtenir un secours pour Marie Ducher, femme de Jean Bony, cultivateur de la commune d’Aigueperse, qui a retiré, nourri et élevé à ses frais dans le cours de sa vie plus de 80 enfants abandonnés, a décrété que Marie Ducher a bien mérité de la patrie et de l’humanité; ordonne qu’elle jouira, à compter de ce jour, d’une pension annuelle et viagère de la somme de 600 livres payable par semestre et d’avance, sur la présentation du présent décret, par le receveur du district de sa rési¬ dence; décrète en outre, que la pétition du con¬ seil général de la commune d’Aigueperse sera insérée en entier au « Bulletin » et remise ensuite au comité d’instruction publique, pour être consignée dans le recueil des annales de civisme et de vertu qu’il est chargé de présenter (2). » Compte rendu du Journal des Débats et des Décrets (3). Couthon fait lecture d’une adresse envoyée à la Convention par le conseil général d’une commune du département du Puy-de-Dôme. Il sollicite des secours pour Marie Ducher, femme Bony, âgée de 60 ans. Cette citoyenne, femme d’un cultivateur, mère de 6 enfants, peu fortunée depuis sa jeu¬ nesse; et dans un temps ou un préjugé odieux tachait d’infamie la mère d’un enfant illégitime, s’est attachée, avec un soin particulier, à élever, nourrir et éduquer jusqu’à 80 de ces infortunés. Tant qu’elle fut féconde, elle partagea ses soins et son lait entre ses propres enfants et son en¬ fant adoptif. Quand l’âge eut tari les sources de cet aliment, elle y substitua la lait de ses vaches et de ses brebis ; et tous les enfants mâles qu’elle a élevés sont devenus des hommes vigoureux : 6 d’entre eux sont aux frontières; neuf sont encore avec elle; 8 sont des pères de famille; tous l’appellent leur mère, et chacun d’eux a conservé pour elle les soins et la ten¬ dresse d’un fils. Au reste, cette femme est excellente républicaine. Couthon demande que cette femme respectable et précieuse jouisse toute sa vie d’une pension (1) Le député qui fit lecture à la Convention de la pétition du conseil général de la commune d’Aigueperse est Couthon, d’après les divers jour¬ naux de l’époque. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 268. (3) Journal des Débals el des Décrets (frimaire an II, n° 455, p. 380). D’autre part le Mercure universel du 28 frimaire an II (mercredi 18 décembre 1793), p. 446, col. 2, rend compte de la motion de Couthon dans les termes suivants : Couthon donne lecture d’une adresse de la com¬ mune d’Aigueperse, département du Puy-de-Dôme, relative à la citoyenne Marie Ducher, femme du la¬ boureur Jean Bony. Depuis quarante ans son hu¬ manité, son patriotisme la porte à se livrer à l’ édu¬ cation des enfants. Elle en a six aux frontières et lors¬ que l’immoralité forçait des filles malheureuses d’a¬ bandonner les fruits de leurs amours, elle les recueil¬ lait. Elle en a ainsi élevé plus de quatre-vingts; elle a maintenant soixante ans. L’assemblée décrète que Marie Ducher a bien mé¬ rité de la patrie et qu’il est accordé à cette citoyenne une pension de 600 livres. de 600 livres; que l’adresse du conseil général soit insérée au Bulletin avec mention honorable et renvoyée au comité d’instruction publique pour être insérée dans les Annales de la Vertu. On demande que cette pension soit payée d’avance. Toutes ces propositions sont décrétées. « La Convention nationale, après avoir en¬ tendu le rapport de son comité des finances [Forestier, rapporteur (1)], décrète : Art. 1er. « La pétition du citoyen Desmercières, ten¬ dant à la cassation de l’arrêté du comité révolu¬ tionnaire de Montmaraud [Montmarault], à la suppression de la taxe faite sur ce citoyen, et à la restitution des 3,750 livres qu’il a payées à compte, sera, ainsi que les pièces justifica¬ tives y annexées, envoyée sans délai par le ministre de la justice à Noël Pointe, représen¬ tant du peuple, commissaire dans les dépar¬ tements de la Nièvre, de l’Ailier et du Che?. Art. 2. « Le représentant du peuple Noël Pointe se transportera le plus tôt qu’il lui sera possible dans le district de Montmaraud [Montmarault], pour y prendre connaissance des faits énoncés en la pétition du citoyen Desmercières, sur la¬ quelle il est autorisé à statuer définitivement ainsi qu’il avisera, et à prendre, relativement à la formation du comité révolutionnaire de ce district, telles mesures qu’il croira convenables, à la charge d’en instruire dans les 24 heures le comité de sûreté générale de la Conven¬ tion nationale. Art. 3. « Toute exécution ultérieure de l’arrêté du comité révolutionnaire de Montmaraud [Mont¬ marault] demeure suspendue à l’égard du ci¬ toyen Desmercières. « Le présent décret ne sera point imprimé (2). » Compte rendu du Moniteur universel (3). Forestier fait, au nom du comité des finances, un rapport dont l’objet est de décharger le procureur-syndic d’un district du département de l’Ailier, d’une taxe révolutionnaire qui lui avait été imposée. Il observe que le comité qui la lui a imposée est infecté de ci-devant privilégiés, qui mécon¬ naissant les vrais caractères de la révolution, (1) D’après la minute du décret qui existe aux Archives nationales, carton C 282, dossier ,n° 795 et d’après les divers journaux de l’époque. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 269. (3) Moniteur universel [n° 89 du 29 frimaire an II (jeudi 19 décembre 1793), p. 358, col. 3]. D’autre part, le Journal de la Montagne [n° 35 du 28 fri¬ maire an II (mercredi 18 décembre 1793), p. 279, col. 2] et le Mercure universel [28 frimaire an II (mer¬ credi 18 décembre 1793), p. 441, col. 1], rendent 564 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. | \] 1793 la devancent pour montrer qu’ils ne sont pas en arrière, lorsqu’il ne faut qu’aller ensemble. Le décret est adopté. Monmayou. Toutes les fois qu’il s’est élevé des plaintes contre un comité révolutionnaire, on a trouvé parmi ses membres des ci-devant nobles ou des prêtres. Je demande qu’il soit décrété que les ci-devant privilégiés ne pour¬ ront être admis dans les comités révolutionnaires Merlin (de Douai). La loi du 21 mars ren¬ ferme cette disposition. Je demande l’ordre du jour. TJn membre. En créant un gouvernement révolutionnaire, un des principaux moyens que vous avez mis en usage, a été les comités révo¬ lutionnaires. Qu’est -il arrivé? les gens suspects voyant qu’il ne leur restait plus de moyens d’é-ohapper à la surveillance publique, ont pris un caractère et des mesures ultra -révolutionnaires. Craignant d’être atteints, ils ont outrepassé les vraies bornes du patriotisme. Saisissez-les par là, vous profiterez de toutes les découvertes et des observations faites jusqu’à ce jour. L’ordre du jour, motivé sur la loi du 21 mars, proposé par Merlin, est adopté. compte du projet présenté par Forestier dans les termes suivants : I. Compte rendu du Journal de la Monlagne. Forestier, au nom du comité de législation, fait un rapport sur la pétition de Desmercières, citoyen de Montmarault, département de l’Ailier, taxé révo-lutionnairement à une taxe de 15,000 livres, quoique son revenu net ne fût que de 1,500 livres, et deman¬ dant la restitution du quart de cette taxe, qu’on lui a extorquée en le menaçant du pilori. Le rapporteur propose de renvoyer le tout à Noël Pointe, représentant du peuple dans les départe¬ ments de l’Ailier et du Cher. (Adopté.) Monmayou observe que la vexation dont le préo¬ pinant vient de parler est l’ouvrage d’un comité ré¬ volutionnaire composé de prêtres et de ci-devant privilégiés. Il demande que les comités révolution¬ naires soient purgés de ces sortes d’hommes, qui ne peuvent que nuire à la chose publique. Gamboulas appuie fortement la proposition. « Ces hommes tarés, pour la plupart, dit-il, croient faire oublier leur ancien incivisme en exagérant toutes les mesures : comme si des mesures ultra-révolution¬ naires n’étaient pas des mesures contre-révolution¬ naires. » La Convention passe à l’ordre du jour motivé. II. Compte rendu du Mercure universel. Camboulas, par motion d’ordre, expose, d’après quelques faits, que ceux qui s’étaient montrés contre-révolutionnaires avant les précédents événements, se sont maintenant introduits dans les comités de surveillance et s’y sont montrés ultra-révolution¬ naires. Ce sont ces hommes, dit-il, qui jettent partout la stupeur par des mesures oppressives, qui égarent les représentants envoyés en commission et les por¬ tent à des mesures fausses et exagérées. Je demande qu’aucun ci-devant noble ne puisse être admis dans les comités de surveillance. L’assemblée passe à l’ordre du jour motivé sur la loi du mois de mars dernier. Le citoyen Derecq père, dont l’âge et les forces privent de combattre les ennemis, fait don, pour les frais de la guerre, d’une recon¬ naissance de liquidation de la somme de 938 liv. 5 s. provenant de la lettre de maîtrise de Jacques-Cristophe Derecq son fils, mort depuis peu en Amérique. La mention honorable, l’insertion au « Bulle¬ tin » et le renvoi au comité de liquidation sont décrétés (1). Le citoyen Bonnet, sculpteur menuisier à Beaune, département de la Côte-d’Or, renonce, au profit de la nation, à la liquidation de ses lettres de maîtrise de menuisier, montant à 75 livres. Mention honorable, insertion au « Bulletin » (2). Les administrateurs du district de Verdun man¬ dent que le fanatisme et la superstition sont ébranlés, anéantis de toutes parts par la saine raison; que déjà, dans toutes les communes de ce district, les citoyens ont renoncé à l’idole, en substituant le culte de la raison, de la liberté et de l’égalité; qu’ils ont fait à la patrie l’oifrande des ci-devant vases et saints d’argent, qui ne seront vraiment purifiés qu’en passant par le creuset national, des ci-devant ornements de luxe qui ne servaient qu’à mieux cacher l’hypo¬ crisie; que des temples d’erreur et de mensonge, ils en ont déjà fait ceux de la raison, où chaque décade ils s’empressent de fêter la liberté. Ils invitent la Montagne à continuer ses travaux et à rester à son poste jusqu’à ce que les fondements de la République soient parfaitement consoli¬ dés. Mention honorable, insertion au « Bulletin » (8). Compte rendu du Bulletin de la Convention (4). Les administrateurs du district de Verdun écrivent que toutes les communes de leur ressort, les citoyens de tout sexe et de tout âge, ont substitué le culte de la raison, de la liberté et de l’égalité à cette institution hypocrite, sans laquelle le despotisme ne pouvait régner. Déjà, à l’exemple des autres communes de la Répu¬ blique, ils ont fait à leur patrie l’offrande des vases et saints d’argent; et des temples de l’er¬ reur et du mensonge, ils ont déjà fait celui de la raison, où chaque décade ils s’empressent de fêter avec enthousiasme l’heureux jour qui nous a appelés à la liberté. Ces administrateurs terminent en invitant la Convention à rester à son poste jusqu’à la paix. Mention honorable. Les citoyens Lefèvre et Cardon déposent dans le sein de la Convention nationale, au nom de la Société populaire de Noyon, et des autorités (I) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 270. (2) Ibid. (3) Ibid. (4) Second supplément au Bulletin de la Convention de la séance du 28 frimaire an II (mercredi 18 dé¬ cembre 1793.)