m (Asserablée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 août 1790.] partiels pouvaient influer sur des objets généraux. Quand l’Assemblée décidaque les justiciables nommeraient leurs juges, elle n’entra point dans le détail de savoir quelles en seraient les fonctions. Il en fut de même quand elle décréta que les officiers publics seraient nommés par le roi, et sûrement elle n’a pas entendu s’interdire de revenir sur l’organisation du ministère public puisqu’elle est revenue sur toutes les parties de l’administration. Je n’ai nul besoin d’user du style offensif de M. Chabroud pour lui répondre que le comité n’est point dans un état d’insurrection. Le préopinant ne peut pas conclure, de ce qu’il a fait passer presque sans discussion ce qui lui appartient en propre concernant les appels, que le reste du travail du comité n’est pas bon. Lorsqu’il n’y a pas de décret précis, le comité a pour devoir d’exa miner la matière et de la disposer selon qu’elle peut servir davantage au maintien de la Constitution. M. Duquesnoy. Je demande la discussion successive des articles proposés par le comité. M. Pison Du Galland. Il me semble qu’un peu plus de méditation sur cet objet serait nécessaire ; j’ai d’abord deux remarques à faire : 1° 11 doit y avoir incompatibilité entre les fonctions d’accusateur public et celles de juge : les juges doivent s’armer de défiance contre toute espèce d’accusation; or, si les deux fonctions se trouvaient réunies, cette défiance n’existerait plus parce que personne n’ignore que les hommes emportent mutuellement les opinions les uns des autres, lorsqu’ils tendent ensemble vers le même but; 2° une conséquence du système proposé est que l’accusateur public serait pris parmi les juges; or, cet accusateur est un fonctionnaire de rigueur, il s’exposera à des inimitiés personnelles ; et comment croire que, ne devant remplir son devoir que pendant un an, il n’aime pas mieux laisser le crime impuni ou n’ait pas assez d’énergie pour le poursuivre ? M. Chabroud. Il me semble que la question doit être ainsi posée : y a-t-il lieu à délibérer sur la délégation proposée par le comité, oui ou non? M. ISarnave. Je m’oppose à ce mode de délibération parce que la question préalable ne peut porter que sur l’article 4, puisque c’est le seul qui traite la question sur laquelle a parlé M.Ghabruud. Si l’article 4 était la base du titre entier, alors il faudrait évidemment mettre aux voix la question préalable sur le tilre entier ; si, au contraire, cet article peut-être détaché du titre, il faut suivre la marche naturelle et délibérer d’abord sur les trois premiers articles. M. Carat l’aîné. L’article 4 tient tellement aux autres que si les trois premiers étaient adoptés, on ne pourrait se dispenser de l’adopter aussi. En Angleterre, une des deux classes de jurés décide si l’accusation d’un crime doit être admise. Si l’on admettait unétablissement pareil en France les fonctions du ministère public se trouveraient confondues avec celles des jurés; d'où je conclus à l'ajournement de la question proposée jusqu’au moment où l’on traitera de celle des jurés. M. le Président met aux voix l’ajournement proposé par M. Carat. 11 est rejeté. M. de Mirabeau l’aîné. Je propose un ajournement plus juste. C’est celui qui aura pour terme le moment ou l’Assembléessera instruite, car elle ne l’est pas. M. Thouret, Je demande que la question soit ainsi posée : L’accusation publique sera-t-elle déléguée aux officiers nommés par le roi, oui ou non? M. l’abbé Afaury. Cette question est très importante; elle doit être traitée avec la plus grande solennité. Je reconnais, comme le préopinant, qu’elle n'est pas instruite, et qu’elle mérite de l’être. J’appuie donc l’ajournement jusqu’au moment où l’on établira les jurés. (Il s’élève des murmures.) Vous pouvez ajournera demain, si vous voulez, car la question n’est pas nouvelle. C’est saint Louis qui ainstitué le ministère public pour poursuivre les crimes publics. Dans mon opinion, il est certain que le juge ne peut être accusateur. En effet, si un juge ouvre son avis avant le jugement, il est récusé. Ce n’est pas le cas d’appliquer les distinctions d’ofticier national. Les officiers, exerçant le ministère public, sont vraiment des officiers nationaux. Le roi n’est point étranger à la Constitution. L’exécution de la loi est un ministère vraiment national. Quand l’officier public refuserait d’exercer son ministère, on en nommerait un d’office; il ne pourrait pas en être de même du juge : la moindre connivence entre lui et les criminels assurerait l’impunité du crime. Ces premières vues subsistent pour faire sentir quelle peut être la question, et combien il est important de l’ajourner. Je demande donc l’ajournement à lundi. M. le Président met aux voix la motion de M. l’abbé Maury : Elle est adoptée et l’ajournement à lundi prononcé. M. Grulnebaud de Saint-llesme, député de Nantes , demande et obtient un congé d’un mois, pour affaires importantes et urgentes résultant de la mort de son épouse. L’Assemblée reprend la suite de la division du nouveau projet de décret présenté par le comité de Constitution sur l’ordre judiciaire. Titre VIII, DES GREFFIERS. M. Thouret, rapporteur, lit l’article 1er ainsi conçu. « Art. 1er. Les greffiers seront nommés par les juges qui leur délivreront une commission, et recevront leur serment. » M. Lanjuinais. Les juges regarderaient les offices de greffiers comme des bénéfices à leur nomination : s’ils pouvaient les donuer, ils pourraient les vendre. G’est au corps électoral qu’il appartient de les nommer; autrement il faudrait attribuer aux juges le droit de nommer celui d’en tre eux qui viendrait à quitter avant l’expiratio n de six années. M. Chabroud. Les greffiers ne doivent pas être dans la dépendance des juges; ils doivent être leurs surveillants, et pour ainsi dire leurs juges. S’ils ne sont pas à la nomination des électeurs, vous aurez pour greffiers les secrétaires des juges. M. Thouret. Les greffiers sont les officiers ministériels du tribunal ; ils n’exercent pas un [5 août 1790.) [Assemblée nationale.J véritable pouvoir public. Les électeurs ne mettraient pas autant de soin à cette nomination. Il a paru que c’était le cas de confier cette élection aux tribunaux plutôt qu’au corps électoral. Il faudra nécessairement, à chaque greffier, un commis pour lequel il ne sera sûrement pas nécessaire d’une élection nationale. (On demande la priorité pour l’avis du comité.) M. Chabrond. Si l’article du comité est adopté, je demande qu’alors le greffier soit inamovible. M. Prieur. La priorité doit appartenir à l’élection par le peuple. M. Gar at l'aîné. Si vous consultez l’utilité des juges, il faut que les greffiers soient nommés par eux; si vous consultez l’utilité de la justice, il faut qu’ils soient nommés par le peuple.’ On dit que leurs fonctions ne sont pas des fonctions publiques : c’est, sans doute, une fonction publique, ue le pouvoir de relever un juge prévaricateur ans ses fonctions. Naurait-on pas àcraindre qu’un greffier qui ne serait point nommé par le peuple, n’eût pas la force nécessaire pour réprimer la conduite du juge auquel il devrait son état? (L’avis du comité est mis aux voix. — La première épreuve paraît douteuse; à la seconde, le décret est prononcé en faveur du comité. — On réclame le doute. — On demande l’appel nominal.) (L’Assemblée, consultée, décide qu’il n’y a pas de doute.) M. Thévenot. On ne fixe pas la manière dont les juges feront cette élection. Je pense qu’elle doit être faite au scrutin et à la majorité absolue des voix. (Cette disposition est adoptée.) M. Rewbell. Je propose de décider que le corps électoral présentera trois sujets, parmi lesquels les juges choisiront. (On demande la question préalable.) M. Duport. Pour exclure le corps électoral de la nomination des juges, il faudrait dire que le déparlement n’est point intéressé à cette élection. Les greffiers des municipalités sont nommés par les municipalités, parce qu’ils n’existent que pour les affaires de la municipalité : les greffiers des tribunaux ont, au contraire, en leur garde des actes, des papiers, qui intéressent l’universalité des citoyens. Ils doivent avoir assez de force pour empêcher les falsifications de pièces et les autres prévarications qu’un juge pourrait se permettre ou exiger d’eux, s’il avait droit d’en attendre d’aussi funestes complaisances. Le corps électoral doit donc contribuer à l’élection d’officiers dont l’intégrité importe aussi essentiellement à l’universalité du peuple. M. Coroller. Je demande que, préalablement, on décide quelle sera la durée des fonctions des greffiers. (La proposition de M. Coroller est adoptée.) M. Thouret. L’article 5 est ainsi conçu : «Les greffiers seront nommés à vie; ils ne pourront être destitués que pour cause de prévarications jugées. » Il résulte de cet article une réponse à l’objection tirée de la dépendance dans laquelle les greffiers se trouveraient des juges. Etant ina-613 movibles, il est certain qu’ils n’auraient nul motif de complaisance pour les juges qui, après six ans, succéderont à ceux par lesquels ils auront été nommés. On demande pourquoi ils sont à vie, quand les juges sont amovibles. Il faut faire une distinction très simple. Les pouvoirs publics ne doivent être un état pour personne. Mais les offices ministériels sont des états sur lesquels des citoyens fonderont la subsistance de leurs familles. Il serait impossible d’avoir de bons greffiers, s’ils n’étaient pas à vie. (L’avis du comité est adopté.) M. Monglns de Roquefort propose et l’Assemblée décrète « que les greffiers ne pourront être choisis parmi les parents ou alliés de l’un des juges au troisième degré. » (L’amendement de M. Rewbell est écarté par la question préalable.) M. Thouret réunit, en un seul article, les propositions décrétées. L’article est mis aux voix et décrété en ces termes : Art. 1er. « Les greffiers seront nommés à vie au scrutin, à la pluralité absolue des voix, par les juges, qui leur délivreront une commission et recevront leur serment ; mais les juges, qui auront droit de nommer, ne pourront choisir de parent ou allié d’aucun d’eux, jusqu’au troisième degré inclusivement. » (La séance est levée à quatre heures du soir.) ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. D’ANDRÉ. Séance du jeudi 5 août 1790, au matin (1). M. le Président ouvre la séance à neuf heures précises. Il y a à peine quelques membres dans la salle. M. Goupil. Il y a, chez un grand nombre de membres, un relâchement fâcheux dans leur exactitude aux séances. Je crois qu’il serait utile de supprimer la lecture des adresses et de nommer six commissaires chargés de présenter nécessairement des moyens de ramener tous les députés à l’exactitude ancienne. M. Rewbell. Je crois que la lecture des adresses n'emporte pas assez de temps pour qu’on la supprime, mais on pourrait annoncer la séance à sept heures pour neuf et décider que l’Assemblée décrétera, quand bien même il n’v aurait que trois membres. M. Gérard. Je fais une autre proposition : c’est qu’on ne paye que ceux qui viendront de bonne heure. M. l'abbé Gouttes. Vraisemblablement, il est très facile à M. Gérard de se coucher de bonne heure, tandis que la moitié des membres de l’Assemblée, occupés dans les comités, travaillent ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (1) Cette séance est incomplète au Moniteur,