/Convention nationale./ ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Q J'.1'1131™ 639 lorsque Paris ne soutiendra plus les intérêts du peuple, on lui donnera des repas pendant deux jours, le troisième des fers. Vous devez faire un grand acte pour écarter une division dangereuse, pour empêcher que Paris se sectionnise. Je suis las de gémir et de souffrir. Il faut un acte de vertu républicaine; il faut que la justice règne, et que l’arbitraire cesse. Demain, peut-être, pour «e que je dis ici, je serai calomnié. On dira, cer¬ tains journaux diront : Il a parlé de l’arbitraire, il a plaint les contre-révolutionnaires. Moi plaindre les contre-révolutionnaires ! moi, qui ai sollicité leur arrestation ! Non ; mais ce n’est pas seulement aux contre-révolutionnaires qu’on en veut, c’est encore aux patriotes; et cette in¬ justice est d’autant plus funeste, qu’elle arrête l’élan du génie qui pourrait sauver la patrie. Rallions-nous, je le répète, autour de la Con¬ vention; et si nos ennemis osaient lever la tête, qu’ils sachent qu’il nous reste encore une cloche, qu’elle sera sonnée par le peuple lui-même. Oh ! que peut -on craindre quand le peuple exprime sa volonté? « Je requiers que les comités révolutionnaires communiquent avec le conseil pour tout ce qui tient aux mesures de police et de sûreté. « Ces comités doivent être composés d’hommes révolutionnaires. J’entends par révolutionnaire l’homme pur et vertueux qui sacrifie tous les intérêts particuliers au bien de son pays, qui verrait d’un œil sec périr ses plus proches pa¬ rents s’ils avaient trahi la patrie; mais qui, n’étant point en proie aux idées de vengeance, ne voit que la chose publique et jamais son avantage particulier; qui ne suit que la justice et non ses passions. Que les comités soient con¬ voqués à jour fixe, que la loi qui les a créés soit apportée et lue en leur présence, qu’on leur dise : « Vous n’existez que par le peuple, ne vous sé-« parez pas du peuple; les comités révolution-« naires sont une émanation de la commune, « il ne faut pas qu’ils s’en séparent. » Déclarons surtout que nous ne voulons pas d’arbitraire; que nous ne souffrirons pas que le pouvoir qui a été confié en leurs mains, devienne pour eux un moyen de vengeances personnelles, un moyen de persécution, tel que les tyrans les plus féroces n’oseraient en exercer de semblables : qu’il faut que le père soit rendu à ses enfants, et les enfants à leur père; le mari à son épouse, et l’épouse à sou mari; et lorsque les circonstances exigeront la séparation de quelques-uns de ces individus, il faut qu’on sache respecter jusqu’aux soupirs d’une épouse éplorée. Nous leur apprendrons enfin que tous les hommes, même nos ennemis, appartiennent à la patrie, et non à l’arbitraire; et dussions-nous tous porter la tête sur l’écha¬ faud, nous ferons encore un grand acte de jus¬ tice et d’humanité. » Le réquisitoire est adopté à l’unanimité, en ces termes : « Le conseil arrête : « 1° Que, quartidi prochain, tous les membres des comités révolutionnaires de Paris seront convoqués, pour se rendre dans le sein du con¬ seil général; « 2° Que deux membres seulement resteront dans chaque section pour y faire le service; « 3° Que cette convocation sera faite pour six heures, et que, toutes affaires cessantes, le con¬ seil s’en occupera; « 4° Que le public sera invité à céder, à sept heures précises, pour ce jour, l’un des angles dans chaque tribune publique; « 5° Enfin, que demain il sera écrit une circu¬ laire à tous les comités révolutionnaires pour cette convocation, et que l’on retirera des reçus de ceux à qui la circulaire sera parvenue. » Billaud-Varenne reprend : Vous voyez que c’est absolument contraire aux dispositions de la loi du 17 septembre, et à son exécution. Donc le réquisitoire et l’arrêté tendent à établir l’ar¬ bitraire à la place de la loi; car l’arbitraire com¬ mence là où l’on agit en opposition avec la loi. Et remarquez dans quel piège cet acte a placé la commune. Ce soir, par exemple, il pourrait s’engager au conseil une discussion sur des détentions légitimes, et mettre en question des choses décidées. Plus le conseil est composé de bons patriotes, plus il faut vous occuper de les garantir des pièges qu’on leur tend; c’est pour¬ quoi je vous propose d’annuler l’arrêté que je vous ai lu. Barère. Ce n’est pas assez de casser l’arrêté qui vous est dénoncé, et de découvrir ainsi le piège où serait tombée, sans vous, la commune de Paris, dont l’esprit est d’ailleurs excellent pour la Révolution. Le premier danger que je vois dans l’arrêté de la commune est d’opérer le rassemblement de tous les comités révolutionnaires dans un même lieu où la loi ne les appelle pas, et d’y former ainsi la réunion d’une immense autorité, qui ne peut être séparée de la Convention natio¬ nale. Un autre danger est dans l’affranchissement des bornes qui sont prescrites aux assemblées administratives. Les conseils généraux des com¬ munes sont administratifs par essence. Il faut donc qu’ils ne sortent pas de là; et même pour leur faciliter l’exercice de leurs fonctions, vous devez leur laisser la correspondance avec les comités révolutionnaires, pour ce qui regarde ces mêmes fonctions. Les mesures révolutionnaires deviendront né¬ cessairement contre-révolutionnaires, dès lors que leur exécution passera dans d’autres mains que celles de la Convention. Vous l’avez par¬ faitement senti quand vous avez rendu la loi du 17 septembre. Si vous autorisiez les autorités constituées à réunir, en tout ou en partie, sous leurs ailes les comités révolutionnaires, dès lors vous placeriez les mesures révolutionnaires dans des mains qui pourraient les paralyser. Quand vous avez décrété l’arrestation de tous les gens suspects, vous avez pris une mesure sévère, mais salutaire à la chose, publique; sans elle, nous n’aurions pas compté des victoires sur nos frontières; sans elle, nous n’aurions pas décou¬ vert et déjoué des trahisons. Dans tout ce qu’on a dit, on s’est mépris sur le sens de l’arbitraire : l’arbitraire serait à lais¬ ser les malveillants libres et sans surveillance; l’arbitraire serait à agir en opposition avec la loi; et remarquez que l’on a cherché à se popu¬ lariser aux dépens de la Convention, et à lui laisser l’ odieux des mesures rigoureuses, mais nécessaires, qu’elle a prises. Je demande donc, en appuyant la proposition de vos comités, que vous défendiez aux autorités constituées de réu¬ nir : en tout ou en partie, les comités révolutio-naires en un même lieu, sauf à les laisser cor¬ respondre ensemble pour les objets d’adminis¬ tration. La proposition principale et l’article addi¬ tionnel sont adoptés.