SÉANCE DU 8 THERMIDOR AN II (26 JUILLET 1794) - N',s 42-43 535 été déjà combattus; ce seroit sur-tout, ajoute Thi-rion, porter atteinte à la marche du gouvernement, en diminuant la confiance que la Convention et tous les citoyens ont eu en lui, ce seroit inculper d’avance les comités de salut public et de sûreté générale, lorsqu’un seul homme les accuse, et qu’ils ont pour eux l’estime générale des patriotes] (l). THIRION : Le discours de Robespierre vous présente des accusateurs et des accusés, qui tous sont nos collègues, et auxquels vous devez une justice égale. Si vous envoyiez aux communes le discours qui accuse, vous n’exerceriez pas une impartiale équité, car vous préjugeriez par cela même en faveur de l’accusation. (On applaudit.) Je ne sais comment Robespierre seul prétend avoir raison contre plusieurs. Les présomptions sont en faveur des comités. (Nouveaux applaudissements.) Je demande donc le rapport d’un décret surpris à votre religion (2). [ROBESPIERRE s’élève contre ces demandes; il n’y voit que les moyens de faire triompher ses ennemis, qui depuis si longtems dirigent le poignard sur lui. On ne veut pas vous égorger, s’écrie André Dumont, c’est vous qui égorgez l’opinion publique] (3). ROBESPIERRE : Quoi ! j’aurai eu le courage de venir déposer dans le sein de la Convention des vérités que je crois nécessaires au salut de la patrie, et l’on enverrait mon discours à l’examen des membres que j’accuse ! (On murmure.) CHARLIER : Quand on se vante d’avoir le courage de la vertu, il faut avoir celui de la vérité. Nommez ceux que vous accusez ! (On applaudit.) Plusieurs voix : Oui, oui, nommez-les ! ROBESPIERRE : Je persiste dans ce que j’ai dit, et je déclare que je ne prends aucune part à ce qu’on pourra décider pour empêcher l’envoi de mon discours. AMAR : Le discours de Robespierre inculpe les deux comités. Ou l’opinion qu’il a sur quelques membres est relative à la chose publique, ou c’est une opinion particulière. Si elle est relative à la chose publique, il faut qu’il nomme; l’intérêt public ne comporte aucun ménagement ; mais si ce ne sont que des sentiments particuliers, il ne faut pas qu’un homme se mette à la place de tous, il ne faut pas que la Convention nationale soit troublée par les intérêts d’un amour-propre blessé. S’il a quelques reproches à faire, qu’il les articule; qu’on examine notre vie politique, elle est sans reproche; qu’on consulte les appels nominaux, on verra que nous avons toujours voté dans le sens de la liberté; qu’on se rappelle nos opinions, et l’on s’assurera que nous n’avons jamais parlé que pour le soutien des droits du peuple. C’est d’après cela que nous demandons à être jugés. BARÈRE : Il est temps de terminer cette discussion qui ne peut servir qu’à Pitt et au duc d’York. J’ai proposé l’impression du discours de Robespierre, parce que mon opinion est que dans un pays libre on doit tout publier. Il n’est rien de dangereux pour la liberté, surtout quand on connaît le peuple français. Si, depuis quatre décades, Robespierre eût (l) J. Lois, n° 666. 2 Mon., XXI, 331, Débats, n°676. (3) J. Lois, n° 666. suivi les opérations du comité, il aurait supprimé son discours. Il faut surtout que le mot d’accusé soit effacé de toutes vos pensées. Ce n’est point à nous à paraître dans l’arène. Nous répondrons à cette déclamation par les victoires des armées, par les mesures que nous prendrons contre les conspirateurs, par celles que nous prendrons en faveur des patriotes, et enfin par des écrits polémiques, s’il le faut. BREARD : Si la Convention, en ordonnant l’envoi de ce discours, y mettait son attache, elle lui donnerait une influence qui peut devenir dangereuse. C’est un grand procès à juger par la Convention elle-même. Je demande que la Convention rapporte le décret d’envoi (l). Sur la motion d’un membre [BRÉARD], la Convention nationale rapporte le décret portant envoi à toutes les communes de la République du discours prononcé par Robespierre, et elle en ordonne seulement l’impression et la distribution à tous les membres de la Convention. Un des secrétaires ayant fait demander à Robespierre de remettre son discours, il annonce qu’il le remettra le lendemain (2). 42 Un adjudant général est admis à la barre ; il dépose 11 guidons et 5 drapeaux, trophées de la garnison de Nieuport; il est vivement applaudi et admis à la séance (3). [COLLOT D’HERBOIS : « Il est doux pour la convention de consacrer à la reconnoissance nationale les hauts-faits des défenseurs de la patrie. Nous sommes tous devant l’ennemi : le courage que nous déployons ici, les soldats de la liberté le déploient aux frontières » (4).] 43 Insertion au bulletin d’un hommage fait par le comité révolutionnaire de l’Aigle (5), d’un pied de bled portant 50 épis (6). [Le Comité révolutionnaire de la commune de l’Aigle envoie 57 épis portés sur le même pied, et qui ont été produits sur son sol. Il conclut de cette fertilité de la terre que l’être suprême jette des regards de complaisance sur la nature, pour récompenser les hommes libres qui remplissent si dignement leurs devoirs envers lui. Il applaudit au renversement heureux de cette coutume odieuse, qui (1) Mon., XXI, 330-331; Débats, n° 676. (2) P.V., XLII, 196. Minute de la main de Bréard. Décret n° 10096. (3) P.V., XLII, 196. J. Paris, n° 573; M.U., XLII, 136; Ann. R.F., n°237; F.S.P., n°387; Mess. Soir, n°706; J. Mont., n° 91 ; Ann. patr., n° DLXXII; J.S. Culottes, n° 527 ; J. Fr., n° 670 ; J. Lois, n°666; Rép., nos 219, 220; J. Sablier, n°1461; C. Eg., n° 707 ; Audit, nat., n°671. (4) J. Perlet, n° 672. (5) Orne. (6) P.V., XLII, 196. SÉANCE DU 8 THERMIDOR AN II (26 JUILLET 1794) - N',s 42-43 535 été déjà combattus; ce seroit sur-tout, ajoute Thi-rion, porter atteinte à la marche du gouvernement, en diminuant la confiance que la Convention et tous les citoyens ont eu en lui, ce seroit inculper d’avance les comités de salut public et de sûreté générale, lorsqu’un seul homme les accuse, et qu’ils ont pour eux l’estime générale des patriotes] (l). THIRION : Le discours de Robespierre vous présente des accusateurs et des accusés, qui tous sont nos collègues, et auxquels vous devez une justice égale. Si vous envoyiez aux communes le discours qui accuse, vous n’exerceriez pas une impartiale équité, car vous préjugeriez par cela même en faveur de l’accusation. (On applaudit.) Je ne sais comment Robespierre seul prétend avoir raison contre plusieurs. Les présomptions sont en faveur des comités. (Nouveaux applaudissements.) Je demande donc le rapport d’un décret surpris à votre religion (2). [ROBESPIERRE s’élève contre ces demandes; il n’y voit que les moyens de faire triompher ses ennemis, qui depuis si longtems dirigent le poignard sur lui. On ne veut pas vous égorger, s’écrie André Dumont, c’est vous qui égorgez l’opinion publique] (3). ROBESPIERRE : Quoi ! j’aurai eu le courage de venir déposer dans le sein de la Convention des vérités que je crois nécessaires au salut de la patrie, et l’on enverrait mon discours à l’examen des membres que j’accuse ! (On murmure.) CHARLIER : Quand on se vante d’avoir le courage de la vertu, il faut avoir celui de la vérité. Nommez ceux que vous accusez ! (On applaudit.) Plusieurs voix : Oui, oui, nommez-les ! ROBESPIERRE : Je persiste dans ce que j’ai dit, et je déclare que je ne prends aucune part à ce qu’on pourra décider pour empêcher l’envoi de mon discours. AMAR : Le discours de Robespierre inculpe les deux comités. Ou l’opinion qu’il a sur quelques membres est relative à la chose publique, ou c’est une opinion particulière. Si elle est relative à la chose publique, il faut qu’il nomme; l’intérêt public ne comporte aucun ménagement ; mais si ce ne sont que des sentiments particuliers, il ne faut pas qu’un homme se mette à la place de tous, il ne faut pas que la Convention nationale soit troublée par les intérêts d’un amour-propre blessé. S’il a quelques reproches à faire, qu’il les articule; qu’on examine notre vie politique, elle est sans reproche; qu’on consulte les appels nominaux, on verra que nous avons toujours voté dans le sens de la liberté; qu’on se rappelle nos opinions, et l’on s’assurera que nous n’avons jamais parlé que pour le soutien des droits du peuple. C’est d’après cela que nous demandons à être jugés. BARÈRE : Il est temps de terminer cette discussion qui ne peut servir qu’à Pitt et au duc d’York. J’ai proposé l’impression du discours de Robespierre, parce que mon opinion est que dans un pays libre on doit tout publier. Il n’est rien de dangereux pour la liberté, surtout quand on connaît le peuple français. Si, depuis quatre décades, Robespierre eût (l) J. Lois, n° 666. 2 Mon., XXI, 331, Débats, n°676. (3) J. Lois, n° 666. suivi les opérations du comité, il aurait supprimé son discours. Il faut surtout que le mot d’accusé soit effacé de toutes vos pensées. Ce n’est point à nous à paraître dans l’arène. Nous répondrons à cette déclamation par les victoires des armées, par les mesures que nous prendrons contre les conspirateurs, par celles que nous prendrons en faveur des patriotes, et enfin par des écrits polémiques, s’il le faut. BREARD : Si la Convention, en ordonnant l’envoi de ce discours, y mettait son attache, elle lui donnerait une influence qui peut devenir dangereuse. C’est un grand procès à juger par la Convention elle-même. Je demande que la Convention rapporte le décret d’envoi (l). Sur la motion d’un membre [BRÉARD], la Convention nationale rapporte le décret portant envoi à toutes les communes de la République du discours prononcé par Robespierre, et elle en ordonne seulement l’impression et la distribution à tous les membres de la Convention. Un des secrétaires ayant fait demander à Robespierre de remettre son discours, il annonce qu’il le remettra le lendemain (2). 42 Un adjudant général est admis à la barre ; il dépose 11 guidons et 5 drapeaux, trophées de la garnison de Nieuport; il est vivement applaudi et admis à la séance (3). [COLLOT D’HERBOIS : « Il est doux pour la convention de consacrer à la reconnoissance nationale les hauts-faits des défenseurs de la patrie. Nous sommes tous devant l’ennemi : le courage que nous déployons ici, les soldats de la liberté le déploient aux frontières » (4).] 43 Insertion au bulletin d’un hommage fait par le comité révolutionnaire de l’Aigle (5), d’un pied de bled portant 50 épis (6). [Le Comité révolutionnaire de la commune de l’Aigle envoie 57 épis portés sur le même pied, et qui ont été produits sur son sol. Il conclut de cette fertilité de la terre que l’être suprême jette des regards de complaisance sur la nature, pour récompenser les hommes libres qui remplissent si dignement leurs devoirs envers lui. Il applaudit au renversement heureux de cette coutume odieuse, qui (1) Mon., XXI, 330-331; Débats, n° 676. (2) P.V., XLII, 196. Minute de la main de Bréard. Décret n° 10096. (3) P.V., XLII, 196. J. Paris, n° 573; M.U., XLII, 136; Ann. R.F., n°237; F.S.P., n°387; Mess. Soir, n°706; J. Mont., n° 91 ; Ann. patr., n° DLXXII; J.S. Culottes, n° 527 ; J. Fr., n° 670 ; J. Lois, n°666; Rép., nos 219, 220; J. Sablier, n°1461; C. Eg., n° 707 ; Audit, nat., n°671. (4) J. Perlet, n° 672. (5) Orne. (6) P.V., XLII, 196.