646 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 septembre 1791.] M. Chabroud. La proposition de M. Duport est claire; on voit comment elle s’exécuterait. Celle de M. Lanjuinais, au contraire, est telle que je doute que l’Assemblée voie comment elle pourrait s’exécuter. Je crois, pour ma part, que l’acte de bienfaisance proposé doit véritablement être exercé par la nation elle-même. Je demande donc que, dès l’instant, on adopte la proposition de M. Duport, et qu’à l’égard de celle de M. Lanjuinais, on charge les comités des finances et de mendicité de nous proposer les moyens de faire participer à cette faveur toutes les communes du royaume. M. Regnaud (de Saint-Jean-d’Angêly).Je viens, Messieurs, de réunir toutes les propositions qui ont été faites dans la rédaction suivante : « L’Assemblée nationale décrète que ses commissaires, pour porter les décrets à la sanction, se retireront à l’instant par devers le roi, pour prier Sa Majesté de donner des ordres pour que dimanche prochain, dans la capitale, la Constitution soit solennellement proclamée par les officiers municipaux, et qu’il soit fait des réjouissances publiques pour célébrer son heureux achèvement; « Et que la même publication solennelle et les mêmes réjouissances aient lieu dans tous les chefs-lieux de département, le dimanche qui suivra le jour où la Constitution sera parvenue officiellement aux administrations de département, et, dans les autres municipalités, le jour qui sera fixé par un arrêté du directoire du département. « L’Assemblée nationale décrète que les prisonniers détenus à Paris pour dettes de mois de nourrice, seront mis en liberté, et que la dette pour laquelle ils étaient détenus sera acquittée des fonds du' Trésor public. « Renvoie aux comités des finances et de mendicité, pour présenter à l’Assemblée un projet our faire participer les départements à cet acte e bienfaisance. » (Ce décret est mis aux voix et adopté.) M. Regnaud (de Saint-Jean-dAngèly). Comme l.es commissaires , pour porter les décrets à la sanction du roi , aux termes de la Constitution, ne sont pas nommés, je demande que M. le Pré-sidentsoitautoriséà les nommer. (Marques d'assentiment.) M. le Président nomme commissaires : MM.Gou-pil-Préfeln, Martineau, Boutteville-Dumetz et Mou-gins de Roquefort, M. Fréteau-Saint-Just, au nom du comité diplomatique. Vous vous rappelez, Messieurs, qu’il a été adressé à l’Assemblée nationale, par le ministre des affaires étrangères, une lettre de M. d’Affry, qui témoigne de la sollicitude bien naturelle que lui inspire le sort du régiment des gardes suisses, qu’il commande depuis si longtemps. Celte lettre a été renvoyée aux comités militaire et diplomatique; mais il n’y a pas encore de travail prêt à Cet égard.Je prie l’Assemblée, avant de se séparer, de fixer son attention sur le sort de ce régiment, qui, au moyen de la nouvelle garde constitutionnellement donnée au roi, va se trouver sans emploi; je la prie de considérer combien ce corps, composé de 2,600 hommes, mérite d’égards par les services qu’il a rendus pendant la Révolution, et par son inviolable attachement à la discipline militaire. Il est d’autant plus essentiel de s’en occuper promptement, que les capitulations de la France avec les cantons, pour les 11 régiments qu’elle tient à son service, sont expirées depuis 1788, et qu’il est important de les renouveler; et comme, par la Constitution, tout ce qui concerne les traités avec lespuissancesétrangères, doit être proposé par le roi. Je pense que, sans s’écarter entièrement du décret de renvoi aux comités militaire et diplomatique, ori pourrait ordonner que le comité militaire s’entendra avec le ministre de la guerre et qu’il sera incessamment proposé à la délibération de l’Assemblée un mode pour faire passer dans les troupes de ligne les officiers et soldats des gardes suisses. M. Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély). Je ne crois pas que nous puissions adopter sur-le-champ la mesure de M. Fréteau, quelque sage qu’elle soit. Nous ne pouvons pas décréter que le comité militaire se concertera avec le ministre; c’est là une forme qu’il faut abroger et dont il faut bien se garder de donner l’exemple. Je demande que l’Assemblée suive la forme que la Constitution lui prescrit et qu’elle prie le roi de donner ordre au ministre de la guerre de présenter à l’Assemblée nationale ses vues sur cet objet. M. d’André. En appuyant la proposition de M. Fréteau, je demande qu’afin d’éviter tout inconvénient, l’Assemblée décrète que provisoirement et jusqu’à ce qu’elle ait statué sur l’organisation des gardes suisses, ils continueront leur service. M. Fréteau-Saint-Jnst. J’adopte la proposition de M. Regnaud et l’amendement de M. d’André; je prie M. le Président de les mettre aux voix. Un membre propose que l’Assemblée témoigne au régiment des gardes suisses sa satisfaction sur la bonne conduite qu’il a tenue pendant tout le cours de la Révolution. (La discussion est fermée.) M. le Président met aux voix le projet de décret dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale décrète que le roi sera prié de faire présenter incessamment au Corps législatif une nouvelle formation du ci-devant régiment des gardes suisses, d’après les conventions et capitulations qui auront été agréées par le corps helvétique. « Et cependant l’Assemblée nationale, considérant que ce régiment s’est comporté de la manière la plus satisfaisante, et a bien mérité de la nation par sa conduite, décrète qu’il sera entretenu sur l’ancien pied, jusqu’à ce qu’il ait été statué autrement sur sa destination et sur le mode de son service. » (Ce décret est adopté.) M. 'Vieillard (de Coutances). Un courrier extraordinaire du département de la Manche vient d’apporter plusieurs pièces qui annoncent que les désordres sont portés au plus haut degré par les prêtres non assermentés. Les administrations et municipalités de ce département sollicitent avec instance une loi qui mette les prêtres assermentés à l’abri des persécutions que leur suscitent, les prêtres réfractaires. Dans plusieurs districts, en effet, les prêtres constitutionnels sont [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 septembre 4 “791.] gAT obligés de fuir. On a cherché à en assassiner plusieurs ; quelques-uns ont été pendus en effigie. Messieurs, lorsque, dernièrement, il vous a été présenté un projet de décret par le comité ecclésiastique, vous avez trouvé les mesures indiquées trop sévères, en ce qu’elles confondaient les innocents avec les coupables. M. Le Chapelier demanda alors que le projet présenté par le comité ecclésiastique fût renvoyé aux comités de jurisprudence criminelle, de Constitution, des rapports et ecclésiastique, que j’appellerai maintenant de jurisprudence criminelle, de législation, des rapports et ecclésiastique réunis, pour proposer un projet de loi, qui mette les tribunaux dans le cas a’agir et d’appliquer cette même loi. Je demande qu’il soit indiqué un jour pour le rapport des comités, et que les pièces dont je ne puis faire lecture et que je dépose sur le bureau, soient renvoyées aux 4 comités. M. Gaultier-Biauzat. Dans le département du Puy-du-Dôme, il y a les mêmes difficultés que dans le département de la Manche : vous connaissez le mal, vous êtes les seuls qui puissiez y remédier. Il faut nécessairement nous en occuper une bonne fois. Remarquez bien qu’il ne s’agit pas de décider ici une amnistie, comme nous l’avons fait pour la partie politique, parce que cela tient à une erreur, à un fanatisme. Tous les pauvres gens sont dupes ; si vous ne prenez un parti, vous pourrez courir de grands dangers. Je dépose 7 pièces sur le bureau qui sont relatives à des troubles occasionnés par des prêtres non assermentés. Je demande le renvoi aux comités, et que le rapport en soit fait dimanche prochain. Un membre annonce que les mêmes désordres ont lieu dans le département de la Vendée. M. Fréteau -Saint-Just. J’ajoute à la proposition de M. Vieillard la demande que le pouvoir exécutif soit chargé de l’exécution des mesures provisoires. M. Eianjuinais. Je demande que cela soit renvoyé purement et simplement au pouvoir exécutif. Les lois décrétées lui donnent le pouvoir de veiller à la sûreté des citoyens. M. Chapelier. Nous devons croire que désormais ceux qui ont fait jouer les ressorts de l’intrigoe contre une Constitution naissante, sentiront l’inutilité de leurs efforts contre uDe Constitution affermie et sanctionnée par l’opinion générale. 11 existe d’ailleurs déjà des lois pénales contre les perturbateurs de l’ordre public. Gardons-nous de laire des lois qui fassent croire que la Révolution n’est pas finie, et qu’il faut encore les moyens de la violence. Le fanatisme ne s’éteint pas par des lois rigoureuses ; c’est au contraire par des lois rigoureuses que le fanatisme s’allume. Ce qui le détruit, c’est la douceur, c’est une administration sage et paternelle. C’est à nos juges, c’est à tous les dépositaires des pouvoirs publics à éteindre le flambeau du fanatisme qui doit disparaître devant une Constitution acceptée. Je demande donc qu’il n’y ait aucun autre renvoi qu’au pouvoir exécutif. C’est à lui seul qu’il appartient de faire exécuter toutes les lois, c’est à lui d’employer le pouvoir que la Constitution lui défère pour réprimer les mouvements qui se manifestent dans quelques parties du royaume. Je sollicite la sagesse et l’humanité de l’Assemblée de ne pas rendre une loi plus sévère que celle qui se trouve dans le code pénal, qui doit frapper tous les perturbateurs du repos public. M. Vieillard (de Coûtâmes). J’observe que le Code pénal n’est pas complet à cet égard. M. Tronchet. Vous n’avez qu’à faire la relue du Code pénal. Ou vous trouverez une loi qui s’applique à ces sortes de délits, en ce cas il n’v aura rien à faire; ou vous ne trouverez pas une loi sur cet objet-là, et alors vous en ferez une. Ainsi renvoyez au code pénal. (L’Assemblée, consultée, ordonne le renvoi des différentes pièces au pouvoir exécutif et décrète l’ajournement de la loi proposée à l’époque de la révision du code pénal.) M. Regnaud (de Saint-Jean-d’ Angêly) fait observer à l’Assemblée qu’une infinité de décrets pressants pour finir les travaux commencés restent à faire; il demande que les séances du soir soient rétablies. M. Te Chapelier appuie la motion de M. Regnaud (de Saiat-Jeau-d’Angély) et demande que, pour ne pas iuterrompre le cours des travaux, on n’admette plus aucune députation. (L’Assemblée, consultée, adopte les motions de M. Regnaud (de Saint-Jean-d’Angély) et de M. Le Chapelier.) L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret du comité féodal concernant les difficultés qui se sont élevées sur V exécution ou V interprétation des divers articles des décrets des 3 mai et 18 décembre 1790 relativement au rachat des droits ci-devant seigneuriaux (1). M. Tronchet, rapporteur, soumet à la délibération deux articles nouveaux qui sont successivement mis aux voix dans les termes suivants : Art. 4 (nouveau). « Dans les coutumes de Berry et Bourbonnais, ou autres semblables, dans lesquelles le douaire coutumier n’a lieu que sur les immeubles que le mari laisse au jour de son décès, l’emploi prescrit par l’article 1er n’aura lieu qu’à l’égard du douaire couventionnel, et lorsque l’affectation de ce douaire n’aura point été restreinte aux biens que le mari aura au jour de son décès. » (Adopté.) Art. 5 (nouveau). « Dans tous les cas où le remploi du prix du rachat des droits ci-devant seigneuriaux ou des rentes foncières est prescrit, soit par le présent décret, soit par les décrets des 3 mai et 18 décembre 1790, et 13 avril 1791, le redevable qui ne voudra point demeurer grevé du remploi, pourra consigner les deniers par lui offerts, sans autorisation de justice; mais il ne pourra faire cette consignation qu’un mois après la date des offres, et dans le cas où il ne lui aurait point été justifié d’un fjugement contenant reconnaissance (1) Voir ci-dessus séance du 14 septembre n91# p. 634.