312 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. les ministres soient averlis par les commissaires aux décrets de se conformer à ceux desdits jours 21 et 25 juin dernier. (Cette motion est adoptée.) M. le Président. Messieurs, vous avez décrété hier qu’il vous serait lu à l’ouverture de la séance une pétition signée de cent personnes habitant la ville de Paris; M. Vadier va yous en donner lecture. M. Vadier, secrétaire , donne lecture de cette pétition, qui est ainsi conçue : « Messieurs, « C’est pour leur donner une Constitution que les Français ont nommé des représentants, et non pour établir sur le trône un chef parjure à ses serments les plus sacrés, un chef qui a manifesté les intentions les plus destructives du grand œuvre auquel ils ont tous concouru. « Justement alarmés des dangereuses dispositions qui vous sont présentées par vos comités, nous venons déposer dans votre sein notre juste crainte, et vous demander au nom de la patrie, au nom de cette sainte liberté qu’elle a conquise, de travailler promptement à la dissiper. « Lorsque les Romains, le premier peuple libre, voyaient la patrie en danger, et qu’il s’agissaitde stipuler les intérêts de tous, ils se rassemblaient comme peuple; les sénateurs venaient prendre dans leurs assemblées l’esprit des délibérations qu’ils dictaient, et jamais le Sénat ne prononçait seul sur des objets aussi importants. Les citoyens présents viennent donc avec le caractère des Romains, avec le caractère de la liberté, qu’ils conserveront jusqu’à la mort, demander aux représentants de la nation de ne rien statuer en définitif sur le sort de Louis XYI avant que le vœu des communes de France se soit manifesté, avant que la voix de la masse du peuple se soit fait entendre. « Prenez l’engagement de recevoir le vœu des citoyens pour prononcer sur un objet qui intéresse la nation entière, et sur lequel les pouvoirs que vous avez reçus d’elle ne s’étendent point. Craignez de couronner vous-mêmes cette perfidie atroce de nos ennemis, en livrant cette patrie à toutes les horreurs d’une guerre civile; songez enfin que vous ne pouvez ni ne devez préjuger rien sur une question de cette nature, et que tout décret qui ne se renfermerait pas dans les bornes qui vous sont prescrites serait frappé de nullité, et aurait en même temps le caractèie le plus attentatoire aux droits du peuple. « Paris, ce 14 juillet 1791. « Signé : Le Peuple. » Suivent cent signatures. (On entend quelques applaudissements dans une partie des tribunes.) M. le Président. Ce n’est point pour que l’on vienne influencer les délibérations de l’Assemblée par des murmures ou des applaudissements que les séances sont publiques. Aussi j’ordonne aux tribunes de se tenir dans le plus profond et le plus respectueux silence. MM. d’André et Duquesnoy. Les signatures! M. Vadier, secrétaire , lit les signatures de la 115 juillet 1791.] pétition parmi lesquelles se trouvent les noms de quelques veuves et demoiselles. {Rires.) (L’Assemblée passe à l’ordre du jour.) M. le Président fait donner lecture d’une lettre du ministre de la guerre relative à la situation des places frontières du département des Ardennes , de la Meuse et de la Moselle et à leurs approvisionnements . Cette lettre est ainsi conçue : « A Paris, le 14 juillet 1791. « Monsieur le Président, « Il a été rendu hier à l’Assemblée nationale un compte sur la situation des places des départements des Ardennes et de la Meuse, duquel il résulterait que ces places sont totalement dégarnies de vivres et de fourrages. Messieurs les commissaires ont sans doute été induits en erreur à cet égard; et dans la crainte qu’elle n’influe sur l’opinion de l’Assemblée nationale, je m’empresse de lui adresser l’état de situation des magasins de subsistances dans ces deux départements à l’époque du 1er juin. « L’Assemblée nationale y verra que le département des Ardennes, dont les places de guerre ne peuvent contenir que 9,500 hommes et 1,900 chevaux, peut, avec ses approvisionnements, nourrir 19,000 hommes pendant 6 mois, et 3,800 chevaux pendant 4 mois. « Quant au département de la Meuse, ses places ne peuvent contenir que 5,000 hommes et 3,000 chevaux, et ses approvisionnements peuvent nourrir 20,000 hommes pendant 6 mois, et 3,800 chevaux pendant 4 mois. «' 11 en résulte donc bien clairement que ces deuxdépartements ont eneux-mêmes desapprovisionnements plus que suffisants à leurs besoins. « J’observerai encore que ces deux départements se trouvant enclavés entre celui du Nord et celui de la Moselle, où il existe des approvisionnements pour 160,000 hommes pendantëmois, et 12,000 chevaux pendant 4 mois, il ne peut y avoir aucune inquiétude pour les départements des Ardennes et de la Meuse, qui, outre les ressources de leurs propres magasins, peuvent être sans cesse alimentés par ceux des départements voisins. L’Assemblée nationale sentira sans doute qu’il est de la prudence, après avoir approvisionné chaque place selon ses besoins, de placer les grands magasins d’approvisionnement dans les villes les plus sûtes, et qui laissent le moins d’inquiétude. C’est cette mesure, qui n’échappera sans doute à aucun militaire, qui m’a fait placer les grands magasins dans les villes de guerre des départements du Nord et de la Moselle. J’espère que cette explication ne laissera aucun doute à l’Assemblée nationale sur les approvisionnements annoncés. « Je crois devoir rappeler à l’Assemblée nationale que ce n’est que le 21 avril dernier que j’ai été autorisé à prendre des arrangements définitifs pour le service des vivres et des fourrages, quoique je le sollicitasse depuis mon entrée au ministère. Les approvisionnements seraient bien loin de présenter une masse de 400,000 sacs de blé, et de 3 millions de rations de fourrage, si je n’avais pris sur moi de devancer les décrets de l’Assemblée nationale, en employant tous les moyens qui étaient en mon pouvoir pour remplir les magasins totalement épuisés par la disette de 1789. « Quant aux autres objets dont il a été parle dans le rapport, je suis prêt à donner à l’Assem- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 juillet 1791], 3jg blée tous les éclaircissements qu’elle peut désirer : en attendant, je la prie de se rappeler que c’est sur ma demande que les différents fonds décrétés pour les travaux de l’artillerie et du génie ont été accordés : je puis prouver que les ordres ont été sur-le-champ donnés en conséquence; que s’ils ont rencontré et rencontrent encore des obstacles, soit par le manque de numéraire qui a arrêté les entrepreneurs dans leurs opérations, soit par le défaut de bras, soit par toute autre cause, les lettres que j’ai écrites aux différents comités sont des preuves des efforts que j’ai constamment faits pour les vaincre. « Je suis avec respect, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur. « Signé ; DüPORTAIL. » ÉTAT des approvisionnements en grains et fourrages existant en magasins au 1er juin 1791 dans les départements des Ardennes, de la Meuse et de la Moselle. M. Fréteau-Saint-Jnst. M. le ministre dit que les comités ont des pièces qui prouveront les difficultés qui ont empêché l’exécution des ordres donnés par l’Assemblée soit pour la mise en état des places, soit pour les objets qui intéressaient la sûreté du royaume. Je demande donc que l’on mette à l’ordre du jour de demain le compte qui a été annoncé par ïe comité militaire et qui certainement indiquera quels sont les obstacles. J’observe qu’on effraye les départements sur les emmagasinemenis considérables que l’on fait dans les pays étrangers. Hier, un témoin oculaire, ou qui se donnait comme tel, m’attesta qu’il avait vu sur la route de Namur, de Liège et sur différentes routes qui amènent de Cologne sur nos frontières, des convois, des chariots jinnom-brables ,11 m’a assuré que sur une route seule il en avait compté 1,200. Il est juste de rassurer les départements qui s'effrayent, parce qu’ils ne sont pas fournis, et de veiller à ce que les mesures que nous avons annoncées et que les circonstances rendent si intéressantes à réaliser n’éprouvent aucun retard. Je demande donc que la lettre du ministre de la guerre soit imprimée, ainsique l’état qui l’accompagne, et que le rapport du comité militaire, annoncé par M. de Lameth, soit fait à l’Assemblée dans la séance de demain. (L’Assemblée consultée ordonne l’impression de la lettre du ministre de la guerre et de l’état qui l’accompagne.) L’ordre du jour est un rapport des commissaires envoyés par V Ass emblée dans les départements de l'Ain , de la Haute-Saône, du Jura et du Doubs. M. Regnaud (de Saint-Jean-d’ Angèly), un des