680 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 novembre 1700. J n’a été appuyée que par des assassinats, et que des rebelles ont souscrite au milieu des échafauds, avec b1 sang de leurs concitoyens; si vous protégiez les crimes d’une faction qui ne peut se plaindre d’aucun grief, ni même d’aucune innovation dans le gouvernement; si vous réclamiez des titres illusoires pour assurer l’impunité à des forfaits malheureusement trop réels, si la cupidité vous aveuglait assez pour vous faire oublier, que, n’étant pas héritiers des comtes de Provence à titre universel, mais uniquement à titre singulier, vous n’avez pas le droit de rentrer dans une portion de leur héritage qu’ils ne vous ont pas donnée ; enfin si, vous constituant juges quand vous êtes parties, vous osiez dépouiller un souverain par un décret, vous lui assureriez autant de vengeurs, qu’il y aurait en Europe de rois justes et prévoyants, et j’oserai le dire, Messieurs, avpe le courage d’un fidèle sujet qui défend devant vous sou prince et son pays, les moyens et les faits que je viens d’exposer dans cette tribune, légitimeraient assez leurs hostilités, pour les dispenser d’un manifeste. D’après ces considérations, je conclus que l’Assemblée nationale doit décréter aujourd’hui qu’elle rejette la prétendue pétition des habitants d’Avignon ; qu’elle supplie le roi d’envoyer dans cette ville, sur la demande du pape, des forces suffisantes pour y rétablir l’ordre et la tranquillité, de concert avec le représentant du souverain fiontife ; et qu’elle déclare, au surplus, qu’il n’y a ieu à délibérer sur tous les autres articles de la motion. Divers membres demandent la clôture. (La discussion est fermée.) M.de Mirabeau. Voici la rédaction de l’avis du comité diplomatique : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité diplomatique, ajourne la délibération sur la pétition du peuple avignonais, et décrète que le roi sera prié de faire passera Avignon des troupes françaises, pour protéger, sous ses ordres, les établissements français, et pour y maintenir, de concert avec les officiers municipaux, la paix publique. » M. Du Châtelet. Je m’inscris en faux contre M. de Mirabeau; le comité diplomatique n’a point pris de délibération. M. l’abbé Maury demande la parole. (On observe que la discussion est fermée.) M. l’abbé Maury. La rédaction que je propose ne diffère de celle du comité que par un amendement. Il faut que je vous expose les motifs de cet amendement. M. Lucas. Vous les avez déjà longuement exposés. M. l’abbé Maury. La seconde considération est que vous envoytz des troupes pour protéger des établissements qui n’exishnl pas. Je demande à faire connaître... Si vous ne m’interrompiez pas j’aurais déjà dit trois fois ce que j’ai à dire... Vous n’avez que la ferme du tabac, régie par des Français, mais sous l’autorité du pape... Ehbieul puisque vous ne voulez pas m’entendre, voilà mon projet de décret; « L’Assemblée nationale décrète qu’elle ajourne indéfiniment lapétition d’Avignon, que le roi sera supplié d’envoyer à Avignon, conformément à la demande du pape, des troupes françaises pour y rétablir l’ordre et la tranquillité publique, sous l’autorité immédiate de ce prince. » M. de Montlosier. On n’a point d’exemple d’un tel fanatisme... Envoyer des troupes sous l’autoriié de la municipalité, c’est commander des Français pour aller assassiner les peuples... Il est de l’intérêt et de la dignité de l’Assemblée de ne pasautoriser les soupçons. Je demande que le projet de M. l’abbé Maury obtienne la priorité. (On demande à aller aux voix.) M. de Mirabean. J’observe, sur l’amendement du préopinant, que son système est de décider provisoirement la question en faveur des droits du pape. J’observe de plus que la distinction entreles établissements de souveraineté et les établissements purs et simples est une distinction futile ; car là où il y a des établissements quelconques, là il y a un intérêt à les protéger. Les troupes que vous enverrez ne doivent être ni sous l’autorité du pape, ni sous celle des officiers municipaux, mais sous celle du roi ; elles ne doivent que se concerter avec l’autorité existante : or, la seule autorité existante actuellement à Avignon est celle des officiers municipaux ; ce sont les seuls officiers publics avec lesquels les commandants de nos troupes puissent se concerter, pour la protection efficace de nos établissements. Pour se concerter avec le pape, il faudrait commencer par rétablir son autorité, c’est-à-dire décider provisoirement la question. Quant à l’imputation qu’on a prétendu faire à l’Assemblée nationale d’envoyer des Français pour assassiner, qui ? des peuples, je ne vois pas qu’elle soit assez inquiétante pour que nous nous en occupions., Enfin, quant à l’objection de M. Du Châtelet* elle est réelle. Sur six membres dont est composé le comité diplomatique, cinq sont de l’avis que je vous ai présenté ; M. Du Châtelet seul n’en est pas. M. d’André. Je demande par amendement la suppression de ces mots : .« de concert avec les officiers municipaux. » M. de Mirabeau. Pouvez-vous, sans mettre Avignon sous l’oppression, y envoyer des forces militaires qui agissent sans le concert des magistrats quelconques du peuple? (On décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur les amendements proposés.) M. de Clermont-Lodève. Je demande qu’à la même époque les prisonniers avignonais détenus dans les prisons d’Orange soient mis en liberté. Ce dernier amendement est adopté et le décret est rendu en ces termes : <> L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité diplomatique, ajourne la délibération sur lapétition du peuple avignonais, et décrète que le roi sera prié de faire passer incessamment des troupes françaises à Avignon, pour y protéger, sous ses ordres, les établissements français, et pour y maintenir, de concert avec les officiers municipaux, la paix et la tranquillité publique ; « Décrète aussi, qu’à cette époque, les prisonniers d’Avignon, détenus à Orange, seront mis en liberté.» La séance est levée à 10 heures.