(19 février 1791.] 293 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (Assemblée nationale.] lages seront supprimés, à compter du 1" mai prochain; <. Charge son comité des impositions de lui présenter, sous 8 jours au plus tard, les projets d’imposition? qui compléteront le remplacement des impôts supprimés, et qui étaient perçus au profit île la nation, des hôpitaux ou des villes, de manière à assurer les fonds nécessaires pour faire face aux dépenses publiques de l’année 1791. » (Ce décret est adopté.) M. le Président annonce l’ordre du jour de la séance de ce soir. La séance est levée à trois heures et demie. ANNEXE À LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 19 FÉVRIER 1791, AU MATIN. Lettre de M. l'évêque de Clermont à MM. les électeurs du département du Puy-de-Dôme. Messieurs, si je pouvais cesser d’être votre pasteur et votre jière en Jésus-Christ, j’en conserverais toujours dans mon cœur tous les sentiments ; et quand même, ne voulant plus être rien pour moi, vous me réduiriez à n’être plus rien pour vous, je vous dirais, comme Samuel aux Hébreux, lorsqu’ils le repoussèrent : « A Dieu ne plaise que <• je cesse jamais de vous avoir présents à mon « cœur devant lui, et de solliciter pour vous ses « grâces! »> Dans d’autres temps, et dans celui-ci même, si le sacrifice d’uu homme pouvait devenir le salut du peuple, je me dévouerais avec empressement; et je m’estimerais trop heureux que mon naufrage personnel pût, comme celui de Jonas, apaiser la tempête qui agite si cruellement l’Eglise de France. A l’exemple de saint Grégoire de Nazianze, je demanderais un successeur, je le solliciterais avec instance ; je saluerais ma chère église, j’adresserais aux fidèles qui la composent une dernière exhortation, pour les engager à vivre dans la fidélité à la loi du Seigneur et à marcher dans des voies toujours meilleures; je supplierais les anges du ciel, à qui elle est confiée, de redoubler pour elle de zèle et de charité, et je m’occuperais du choix d’une retraite où je pusse oublier les agitations du monde, expier mes fautes, et jouir, avec Dieu seul, de cette paix qu’on ne peut plus espérer de trouver au milieu des hommes. Voilà, Messieurs, quelles seraient mon inclination et ma conduite, dans des circonstances où il ne s’agirait pas de votre salut et du mien, mais seulement de notre tranquillité commune. Mais, dans le moment où le vaisseau de l’Église de France est plus violemment agité par la tempête qu’il ne le fut depuis plus de 14 siècles, le devoir des évêques est de tenir plus que jamais la main au gouvernail. Ils ont été établis premières sentinelles dans Israël, pour veiller sur lui le jour et la nuit. Ils l’ont été bien plus pour le moment de l’orage que pour celui du calme; et quand même les habitants, faussement rassurés, s’obstineraient à croire qu’ils ne courent aucun danger, ces sentinelles devraient toujours crier et ne cesser de se faire entendre. Ah ! Messieurs, si l'épiscopat pouvait n’être envisagé que dans l’ordre humain ; s’il m’était permis d’oublier un instant que c’est pour vous, et non pour moi, que je soi? évêque, qu’est-ce qui pourrait me tenir désormais attaché à mes fonctions? Une sensibilité bien permise me ferait, sans doute, éviter la douleur amère que me promet le premier regard que je porterai sur mon diocèse. Je suis effrayé, quand je considère la différence que je trouverai entre l’état où sera mon église, et celui où elle était lorsque je l’ai quitiée ; j’y trouverai la maison de Dieu, la maison du silence et de la prière, ne retentissant plus du chant des saints cantiques, mais du tumulte bruyant des assemblées politiques ; le service divin interrompu; les pieuses fondations de vos pères, délaissées; les vierges consacrées à Dieu, dans la désolation ; le jeune clergé déconcerté dans les premières voies de sa vocation ; le* pierres du sanctuaire, les memb es du sénat épiscopal, arrachés de leur place et di persés. J’y serai reçu par un troupeau, dont une portion verra en moi un ennemi, au lieu d’y voir un père, tandis que l’autre portion, affligée, redoublera d’attendris ement à ma première vue, et en se hâtant de venir me rendre dépositaire de sa douleur, et témoin de ses larmes, rendra les miennes plu? abondantes et plus amères. C’est pour les temps difficiles que l’esprit de conseil et de force a été mis par la sagesse divine au nombre des dons sacrés qu’elle répand sur un évêque; et il en faut, Messieurs, de la force, pour soutenir l’épreuve que votre as?embiée semble me préparer. Des sentiments réciproques d’affection et de confiance nous avaient unis jusqu’à ces derniers temps, et sans que je sois devenu coupable q m de la seule volonté de ne pas l’être aux yeux de Di* u, vous allez travailler à vou? donner un autre évêque ! Ici, Messieurs, se présente à moi le devoir le plus impérieux de vois instruire. Préposé à votre conduite spirituelle, chargé de répondre de vos âmes à celui par qui j’ai été établi votre pontife — car ce nVst, vous dirai-je, comme saint Paul, et au même titre que lui : « Ni au nom des « hommes, ni par un homme que je suis consti-« tué apôtre, mais par Jésus-Christ et par Dieu *. son père qui l’a ressuscité des morts (i) » — je ne puis me dispenser de vous représenter que vous allez entreprendre sur les droits sacrés du pontife éternel et de son Eglise; porter un coup mortel à la religion, établir un schisme des plus déplorables, vous préparer les regrets et les remords les plus accablants. Je dois vous inviter à considérer que nous ne sommes pas seulement, vous et moi, citoyens et sujets de César, mais que nous sommes marqués d’un autre sceau plus glorieux encore, d’un sceau que nous ne laisserons pas ici-bas avec celui de citoyen, mais qui nous suivra au tribunal du souverain j* ge, du sceau du christianisme. Nous avons, outre la puissance et les lois civiles, une autre puissance à reconnaître, celle de Jésus-Christ et de l’Eglise, et leurs lois à remplir. En vertu de l’autorité de Jésus-Christ et de l’Eglise, je suis devenu votre premier pasteur ; l’Eglise, par le ministère de son chef visible, m’a donné ma mission : elle a établi, par l’organe de mes prédécesseurs ou par le mien, les pasteurs secondaires de mon diocèse; eux i, un lien sacré, un lien semblable à c elui qui unit le fils de Dieu à l’Eglise universelle; comme ce divin sauveur est appelé, dans les Ecritures, l’époux de celle-ci, l’évêque est appelé, dans les conciles et par les saints docteurs, l’époux de son église; et vous n’ignorez pas, Messieurs, que la vacance du siège épiscopal est regardée, par les saints canons, comme une viduité. Ce lien, qui est entre vous et moi, n’est ni votre ouvrage ni le mien; c’est l’ouvrage de Jésus-Christ. Quand nous éiions encore séparés, il ne dépendait pas de nous de nous unir ; aujourd’hui il n’est pas en notre pouvoir de nous séparer. Si ce lien doit être rompu, c’est à l’Eglise seule, dépositaire des droits et des pouvoirs sacrés de Jésus-Christ, quM appartient de le rompre ; jusqu’à ce qu’elle l’ait fait* il existera, même indépendant! ent de notre volonté; et, puisqu’elle n’a point parié, mon titre et nms devoirs de votre pasteur, vos devoirs de mes brebis et de mes enfants spirituels sont entiers. Votre refus même d’écouter ma voix ne me dispenserait doue pas de chercher tous les moyens de vous la faire entendre, et votre volonté de vous séparer de moi ne vous rendrait pas libres. Vos efforts, pour ouvrir à un autre la porte de la bergerie, ne m’imposeraient d’autre loi que celle de ranimer mon courage pour vous exprimer, même malgré vous; mon inviolable fidélité et pour dire avec énergie, à celui que vous auriez choisi, qu’il n’ést qu’un étranger; qu’il pourra sans doute occuper ma place, par la force ; mais que, envoyé par les hommes et non par Jésus-Christ, il sera sans mission, sans juridiction et sans pouvoir pour en remplir les fonctions et les devoirs; que tous les actes qu’il fera, dans ce genre, seront autant de crimes. Le fait seul de mon union, toujours existante avec mon église, résiste de lui-même à toutes les entreprises contraires. Quand je ne parlerais pas, quand je laisserais procéder, sans réclamation, à l’élection d’un autre évêque; cet évêque ne pourrait être le vôtre par cette seule raison que je n’aurais pas cessé de l’être; il rie serait pas le successeur des Austremoines, des Sidoines et de tous les saints pontifes qui o f t occupé la chaire sur laquelle l’Eglise m'a placé ; il ne serait pas le successeur des apôtres; parte que la succession ne peut être établie que lorsque le siège est vacant. Ce sera un homme marqué; sans doute* du caractère épiscopal, parce que le sacrement, s’il trouve quelqu’un qui, au mépris de toutes les règles de l’Eglise et de tous ses principes, ose le lui conférer, imprime nécessairement un caractère; mais ce sera un évêque isolé, sans aucun lien avec la succession apostolique; un étranger introduit dans le bercail; pour la ruine des brebis qui le composent; cè sera un faux dépositaire d ■ la juridiction spirituelle, qui; n’en éiant pas investi lui-même, trompera la religion des peuples, ne communiquera pas aux pasieurs inférieurs l’autorisation nécessaire pour rendre leur ministère valide. Ce prétendu premier pasteur ne sera dès lors qu’un homme entreprenant et téméraire, que je pourrais caractériser des noms odieux que l’Evangile donne aux pasteurs qui n’entrent point par la porte. Vous vous tromperiez, Messieurs, si vous regardiez le refus que j’ai fait de prêter le ser-[19 février 1791.) ment qtie l’on a exigé de moi, sans les réserves expresses que ma conscience me dictait, comme un renoncement volontaire à mon siège. J’ai déclaré à l’Assemblée national, en y référant la profession nlus solennelle comme la plus sincère, de ma fidélité à la nation, à la loi et au roi, que je ne pourrais* d’ap' ès la seule loi de la puissance civile, me reconnaître comme légitimement déchu d’une place que toutes les lois canoniques m’assurent. La puissance civile peut, sans doute, cesser de protéger mon ministère; ma destinée pour tout ce qui est temporel est entre ses mains. Je n’aurai que la patience et la résignation à opposer aux rigueurs qu’elle croira pouvoir se permettre à mon égard, dans ce genre; mais je continuerai à être le pasteur de vos anu s : sans jugement compétent,* je ne puis être exclu, malgré moi, des fonctions que ce caractère m’at'ribue, des devoirs qu’il m’impose, et vous vous abuseriez étrangement, Messieurs, si vous pensiez différemment. Et ou est donc la sentence de ma déposition?Où sont donc les crimes qui l’ont provoquée? L’Eglise, qui m’a placé sur le siège de Clermont, m’en regarder a-t-elle comme déchu-, tant qu’elle n’aura seulement pas été consultée sur ma déposition? Pouvez-vous penser qu’elle me rejette pouf être resté fidèle à s<-s principes, à ses lois et à ma coriscience, au prix de ma fortune et de mon repos, et aux risques de la persécution? Si donc vous établissiez un autre évêqüe, il y en aurait deux dans le mê me diocèse; l’un que î’Eglise y a p'acé, qu’elle n’a pas révoqué, qui ne s’est pas* démis et Un se démettra pas, qui est par conséquent encore, et qui continuera d’être votre évêque, au nom et comme légitime envoyé de Jésus-Chri't, par le ministère de son Eglise ; l’autre, que l’Eglise n’aura pas appelé, dont elle nJaurarti approuvé l’éleetion, ni autorisé l’institution et le sacre, ni reconnu la mission ; qui sera établi en vertu de la seule loi civile. Cet évêque sera l’envoyé, le représentant de ceux qui l’auront choisi. Je ne cesserai d’être l’envoyé, le ministre, le représentant de Jé'Us-Christ; il moissonnera les richesses temporelles de l’autel, il sera revêtu de la décoration extérieure ilel’épiscopat; il sera protégé par la loi ; il aura tout ce que la puissance humaine peut donner à un évêque; les âmes, les consciences, la juridiction spirituelle, héritage invisible et sacré que Jésus-Christ seul peut dispenser, me resteront. Ah 1 Messieurs, avec les sentiments dont vous êtes animés, et les connaissances que vous avez de votre religion; lorsque vous voudrez, un jour, vous assurer de mourir dans la paix du Seigneur, et dans la vraie communion de l’Eglise, vos âmes s’élèveront au-dessus ue l’effervescence du préjugé, de la séduction et de la nouveauté; alors vous souhaiterez d’être déliés par des ministres, dont les pouvoirs ne soient pas équivoques, et vous ne balancerez pas pour vous décider, entre les deux évêques, pour distinguer celui dont la communion sera celle de l’Eglise catholique, apostolique et romaine. La nécessité de celte communion est reconnue et enseignée par cette même constitution du clergé à laquelle j’ai cru, avec presque tous les évêques et la pius grande partie du presbytère deFrànce, ne pouvoir pas me soumeltre. Cette constitution avoue que toutes les églises doivent se rapparier et s’unir à l’Eglise mère, comme à leur centre, et lorsqu’elle prescrit aux évêqués élus d’écrire, après leur consécration, une lettre au souverain ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (19 février 1791.] pontife* en signe d’unité et de communion, c’est parce qu’elle ne se dissimule pas que l’évêque est l'intermédiaire nécessaire, par qui les autres pasteurs et les fidèles de son diocèse en communion immédiate avec lui, le sont aussi avec l’église de Rome. Vous attendez-vous, Messieurs, que le chef de l’Eglise qui, en m’établissant votre premier pasteur, a accepté ma communion, et la vôtre dans la mienne, me désavouera comme intermédiaire entre vous et lui; que, ne pouvant reconnaître deux chefs, deux évêques du même diocèse, je serai celui qu’il repoussera, pour transporter sa communion et la vôtre à celui dont l’institution aura fait Violence à toutes les lois ecclésiastiques? Non, il ne le fera nas, et il ne pourrait le faire. À quelle extrémité ne vous compromettez-vous pas dès lors, en vous donnant un autre évêque? Gomment vous proposez-vous de conserver la communion avec la chaire de saint Pierre? Vous n’auriez jamais connu mon caraclère, Messieurs, ni mes principes, ni mon amour pour la religion, non plus que mon dévouement à vos intérêts spirituels, si vous pouviez croire qu’il est des sacrifices, autres que celui de la conscience, auxquels je pusse me refuser, pour prévenir un schisme capable d’entraîner tant d’âmes dans l’abîme, et de les perdre à jamais. Dieu m’est témoin nue, dans une circonstance aussi grave, sa lot seule est ma loi, et que je me jugerais très coupable, si j’écoutais et si je suivais une autre volonté que la sienne. Oui, je.regrette très sincèrement de ne pouvoir imiter l’exemple de ces évêques catholiques d’Afrique qui, pour rétablir Puniié, en faisant cesser un schisme, offrirent à des évêques donatistes et usurpateurs, de leur résigner leurs sièges, ou de les partager avec eux, après leur conversion. Je ferais d’avantage, Messieurs, je préviendrais par ma retraite, comme j’ai déjà eu l’honneur de vous le dire, l’époque lamentable qui va diviser l’église de France et je m’empresserais de vous annoncer, aujourd’hui même, ma démission ; mais ce qui fut, de la part de ces évêques, une générosité et un bienfait qu’ils offrirent à l’Eg ise, ne serait, de la mienne, qu’une lâcheté et une trahison. Ce fut, sous les yeux d’un concile, qu’ils voulurent se démettre, c’est-à-dire sous les yeux de l’Eglise même, qui aurait accepté ou légitimé leur démarche, et qui aurait transporté à leurs successeurs la mission et la juridiction spirituelles; les diocèses auraient changé de premiers pasteurs ; mais ils n’auraient pas cessé d’en avoir de légitimes. Au contraire, par une fatalité propre aux cruelles circonstances où nous sommes, la démission serait, ou inutile, ou criminelle, et la raison même du schisme, dont nous sommes menacés, fait à un évêque un devoir étroit de se maintenir dans son siège, et de publier sa résolution. La démission t si autant une dispense, qu’on demande des obligations dont on est chargé, qu’une remise des pouvoirs qu’on avait reçus. Je tiens mes pouvoirs de Jésus-Christ et de l’Eglise; ils m’ont été transmis par le saint siège apostolique; je me suis engagé, envers Jésus-Ghrist, à tous les devoirs de la sollicitude épiscopale, c’est dans les mains de celui qui est son vicaiie sur la tene, que j’ai déposé mon engagement; c’est à lui à me dispenser; c’est à lui à me décharger. Cependant, l’autorité du siège apostolique, méconnue daus la démission des évêques, puisqu’elle l’est dans leur institution, ne peut même être invoquée, d’après la constitution civile du clergé, qui ne permet de s’adresser à Rome sous aucun prétexte. Rome ne pourrait donc accepter ma démi-sion, ou cette acceptation manifestée me rendrait coupable, d’après la Constitution elle-même* Je ne puis m’adresser au métropolitain. Je reconnais, sans doute, en lui, un représentant de l’Eglise et un dépositaire de ses pouvoirs, dans toute l’étendue qu’elle leur a donnée; mais, sans discuter ici si celui d’accepter la démission d’un évêque en fait partie ou non, je me borne à vous dire que le métropolitain, auquel la constitution du clergé assujettit mon siège, n’e&t pas celui auquel l’Eglise l’avait soumis. Il ne peut, par conséquent, dans aucun cas, me décharger légitimement de mes engagements au nom de l’Eglise, ni rompré le lien spiritüel qiii m’unit à la mienne. Les assemblées électorales formées par le peuple, et qui sont établies pour le choix des administrateurs civils de la chose publique, sont étrangères aü gouvernement du royaume de Jésus-Ghrist. Vous adresser, Messieurs, ma démission, ce serait reconnaître, en vous, Un pouvoir que vous ne vous attribuerez sûrement jamais ; celui d’ôter la juridiction qui suppose celui de la donner. Si l’on me disait, d’après une idée peu juste et une opinion vulgaire, que les évêques donnaient ci-devaht leur démission entre les mains du roi, je répondrais que le roi ne recevaitles démissions que pour les proposer au chef de l’Eglise, qui, seul, les acceptait; et qu’un évêque a toujours conservé sa juridiction jusqu’au moment de l’acceptation du souverain pontife. Que produirait donc aujourd’hui mon désistement? Nul autre effet que les calamités spirituelles les plus déplorables pour mon diocèse, et dont je me rendrais participant. Une pareille démission pallierait, à Vos yeux, sans la détruire, la funeste entreprise d’établir un évêque sur un siège éhcorê rempli; elle voilerait, à ceux des fidèles peu instruits, tous les vices dé la nomination et de l’institution du prétendu successeur que vous me donneriez; elle aplanirait la voie au renversement de la hiérarchie ecclésiastique; elle favoriserait, au lied d’uü ministère dont je resterais toujours chargé, devant Dieu, pour le salut de mes diocésains, un ministère de ruine et de perdition. Je coopérerais, et à l’in validité de tous leS actes de juridiction du nouvel évêqüe, et à l’illégitimité de toutes les fonctions de soü ordre; je me rendrais coupable d’un grand crime, puisque je jetterais les peuples dans une erreur des plus funestes; j’aurais à répondre» au joür du jugement» de la nullité des pouvoirs transmis, par Un pontife sans juridiction, aux ministres inférieurs* de la nullité, par conséquent, de toutes les absolutions prononcées par ces ministres, dans le sacré tribunal, hors les cas de nécessité; de la nullité des mariages, par le défaut de la qualité de propres pasteurs; enfin, de tous les péchés qui seraient les suites nécessaires, pour cet évêque, pour les prêtres, et pour les peuples, d’un ministère sans mission, d’un ministère schismatique. Non, Messieurs, nulle considération humaine ne pourra me déterminer à une autre conduite qu’à celle du bon pasteur, qui, pût-il sans crainte d’encourir la censure des hommes, abandonne? son troupeau* ne l’abandonne jamais au moment du danger. Il est toujours prêt à donner sa Vid pour le salut de ses brebis, et c’est dans le péril qu’il doit surtout faire éclater sa fidélité. La paix* pour laquelle on pourrait désirër fifla 296 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (19 février 1791.! démission, ne serait qu’une fausse paix; elle consommerait le schisme au lieu de l’empêcher; elle le rendrait presque incurable, par la sécurité dans laquelle elle endormirait les âmes. Ah! elle serait à un trop haut prix, s’il fallait ainsi lui sacrifier les fruits inestimables de la Rédemption divine 1 Réfléchissez donc, Messieurs, je vous en conjure au nom de Jésus-Christ, de son Église, au nom de votre salut, sur la démarche que vous allez faire. Ce n’est pas une affaire seulement terrestre que vous allez traiter; ce n’est pas un administrateur de la chose civile qu’on vous propose de nommer. Commencez par peser, à la balance du sanctuaire, la légitimité de vos titres, pour vous donner un évêque. Le peuple vous a-t-il constitués pour lui donner un premier pasteur? Etait-il même instruit, lorsque, par un juste sentiment de confiance, ii vous commit ses destinées temporelles, en vous chargeant de lui nommer des administrateurs que vous seriez dans le cas de vous occuper d?un choix d’un tout autre genre, d’un choix qui a un rapport essentiel à son salut, d’un choix qui peut décider du sort éternel de la plus grande partie des individus qui le composent? Il ne pouvait pas le prévoir, Messieurs ; et, dès lors, comment pouvez-vous vous croire ses représentants pour un objet d'un aussi grand intérêt? Le peuple aurait-il même pu vous commettre pour le remplir? Aurait-il exercé un droit qui fût le sien? On n’a cessé de le dire, et l’on vous a trompés, puisque tous les monuments de l’histoire de l’Eglise déposent contre cette assertion. La forme des élections des ministres de l’Eglise catholique dut toujours être approuvée par elle. Si, dans sa sagesse, elle a autorisé des variations, cette sagesse doit être invoquée lorsqu’il s’agit de changements nouveaux; son autorité doit les consacrer. Jusque-là, au vice essentiel de la nomination à un siège occupé, se joindrait celui du défaut de qualité d3ns ceux qui y procéderaient. Il faut vous le dire, Messieurs, les principes qui attribuent au peuple le droit d’élire ses pasteurs, comme celui de les déposer à son gré, sont ceux des hérétiques des derniers siècles. Les trop fameux ministres, Claude et Jurieu, les ont consacrés; l’immortel Bossuet (1) a com-baitu cette doctrine avec le zèle qu’exigeaient d’un évêque l’amour de la vérité et l’attachement à la sainte Eglise catholique, apostolique et romaine. On vous tromperait encore si on vous disait, comme on s’est permis de l’avancer et de le répéter plusieurs fois, que les évêques de France tiennent obstinément à la forme de nomination établie par le concordat. Non, Messieurs, les évêques de France n’ont d’autres vues que celles du plus grand bien de la religion, ni d’autre désir que celui de voir établir un ordre canonique, qui concilie les intérêts du peuple avec les principes de l’Eglise catholique. Ce serait les calomnier que de leur attribuer d’autres sentiments. Je finis, Messieurs, en vous assurant que nul sentiment d’intérêt personnel n’a influé dans la démarche que je fais. Je crois la devoir à mon zèle pour mon diocèse et à ma conscience, ainsi qu’à, votre religion que je suis obligé d’éclairer : J'ai délivré mon âme ; je vous exhorte à délivrer la vôtre. Je suis avec respect, Messieurs, votre très humble et très obéissant serviteur. Signé : + François, évêque de Clermont. Paris, le l*r février 1791. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DUPORT. Séance du samedi 19 février 1791, au soir (1). La séance est ouverte à six heures et demie du soir. Un de MM. les secrétaires fait lecture des adresses suivantes ; Adresse de félicitation, adhésion et dévouement de la société des amis delà Constitution d’Agen: elle demande que les séances des corps administratifs soient rendues publiques. Adresse des officiers municipaux de la ville d’Épernay, qui expriment à l’Assemblée leur vive reconnaissance sur la suppression des aides. Adresse des administrateurs composant le directoire du district de Loudun, contenant une déclaration de M. Branchen, prieur-curé de Notre-Dame des Trois-Moutiers, portant que, pour faciliter la vente de son prieuré-cure, et en augmenter le prix à partir du premier janvier prochain, il vuidera de corps et de biens sa maison prieurale et son jardin; objets que les décrets l’autorisaient à conserver. Adresse des officiers du tribunal du district de Toulon, qui consacrent les premiers moments de leur existence à présenter à l’Assemblée nationale le tribut de leur admiration et de leur dévouement. Adresse du sieur Naoux, prêtre dans le district d’Uzès, qui prête entre les mains de l’Assemblée nationale le serment civique. Adresse d’un officier de la garde nationale du canton de Yillette, district de Vienne, qui présente à l’Assemblée le discours patriotique prononcé par M. Beaurain, ci-devant chanoine et archidiacre delà ville de Vienne, dans l’église paroissiale du dit Villette, lors de la prestation de son serment civique. Adresse des officiers municipaux d’Issoudun, qui annoncent que tous les ecclésiastiques fonctionnaires publics de cette ville ont prêté le serment civique selon les formes prescrites. Adresse du maire de la ville de Serre, contenant le discours patriotique prononcé par le sieur Girarde, vicaire, lors de la prestation de son serment civique, dont la commune a ordonné l’impression. Adresse de M. Pontié, curé de S. Géry, paroisse de Cahors, qui fait hommage à l’Assemblée du discours qu’il a prononcé lors de la prestation de son serment civique, dans lequel il a fait éclater les sentiments d’une piété éclairée et du patriotisme le plus pur. Adresse du procureur général syndic du district de Lectoure. Lettre et adresse de la société des amis de la Constitution de Lille, département du Nord. (1) Histoire des variations, édit. in-4° de 1743, p. 680. fl) Cette séance est incomplète au Moniteur.