[Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 août 1790.1 499 96 millions. Comment se fjjit-il qu’on ait dès [ors pour 10 à 15 millions d’jnterêts à payer? M. Camus. La raison en est fort simple. Il est d’usage de payer aux fournisseurs de fonds les intérêts une année à l’avance, attendu l’engagement qu’ils contractent de les délivrer à la première réquisition. Je crois qu’il n’y a aucun motif de faire mention des anticipations, si l’Assemblée ordonne l’impression du rapport. M. Vernier. Je dois déclarer que je ne tiens nullement à l’impression de mon rapport. M. le Président. Si personne n’insiste sur la demande d’impression, l’Assemblée va passer àson ordre du jour. (Cette proposition est adoptée.) M. d’Ambly. Vous avez chargé une députation d’aller à Saint-Cloud prendre des nouvelles de la santé du roi. Lorsque l’huissier nous a annoncé, le roi est sorti de son cabinet et nous a dit : « Vous voyez mon état. Vous direz à l’Assemblée nationale que je la remercie de son attention. » Le roi a la lèvre supérieure enflée jusqu’au nez, mais il n’a plus de lièvre : il nous a parlé très honnêtement. Nous n’avons pu voir M. le Dauphin. Mme de Tourzel nous a dit qu’il avait pris de la casse et qu’il venait de prendre un remède. Un de MM. les secrétaires annonce que le résultat du scrutin pour V adjonction de six membres au comité des pensions a donné le résultat suivant ; MM. de Jessé ................ 204 voix. Berthereau (de Paris) ..... 189 l’abbé Julien ............ 123 de Cr“cy ................ 107 Pilastre ................ . 101 Chaillon ................ 93 L'ordre du jour est la sMite de la discussion du projet de décret sur l1 organisation dé l'armée, article 4, M. de�îfiéty, qui ouvre la discussion, trouvede grands inconvénients dans le système dn doublement des régiments. Il rappelle qu’un des motifs qui avaient déterminé le maréchal De Muy à se déterminer pour les régiments à deux bataillons était la facilité de mieux connaître l’esprit des individus et de porter à un point d’unité qui rendait le commandement plus facile. 11 a pensé que l'opinion de ce ministre devait être d’un grand poids dans celte délibération : il a dit que les incorporations feraient des mécontents de tous ceux qui perdraient inévitablement leurs grades, et qui, par cette opération, se verraient frustrés de l’espoir de leur prochain avancement, en appelant de nouveaux concurrents à ce roulement et a cité les difficultés qui avaient eu lieu dans le doublement de la cavalerie sous le ministère de M. de Ghoiseul. Il n’a pas approuvé la création de quatre lieutenants-colonels, proposée par le comité, non plus ue la suppression des majors dont il a soutenu a grande utilité. A l’égard des bataillons en garnison, il a pensé qu’en n’adoptant pas les doublements, il serait facile d’y pourvoir, en formant une compagnie de garnison, composée die 80 hommes, pris sur chaque compagnie du régiment, laquelle sprait cpmm�udee par un capitîùue, lieutenant, pt sous-lieutenant et un sergent-major. Le capitaine aurait 3,000 livres d’appointements; les lieutenant, sous-lieutenant et sergent-major, les mêmes que ceux des autres compagnies� L’opinant conclut contre le doublement des régiments qu’il propose de composer de deux bataillons ; de dix compagnies, chacun de 50 hommes; il ne veut qq’un seul lieutenant-colonel et réclame la conservation des majors. M. de Rogtaing. J’observe que, pour le moment, la seule question à décider est celle de savoir si, oui ou non, il y aura un doublement des régiments. ' M. de Reynand combat le système de l’incorporation à cause du défaut d’emplacement pour recevoir de grands corps, du sacrifice des habitudes prises et 4e l’inopportunité des circonstances. M. d’flpambHre. Je dois rappeler à l’Assemblée que le comité militaire a consulté des officiers de tout grade, et qu’il a été jugé que le doublement était nécessaire afin d’avoir une armée prête à entrer en campagne un mois après sa formation. Ce qui fait la force d’une armée ce n’est point la composition des régiments par tel ou M nombre de bataillons ou d’escadrons, mais c’est leur bonne organisation et leur exacte discipline. M. de Jessé (1). Je ne cherche point à atténuer les raisons que peut vous présenter votre comité, par le doublement des différents corps de troupes : Il est certain que les gros corps rendent un service plus efficace en temps de guerre; il est certain que, lorsque les gardes du camp, les soldats en détachement, ceux qui sont employés à convoyer les équipages, lorsque les malades se trouvent prélevés, souvent il ne reste oint, dans les régiments composés du nombre es nôtres, une assez grande agglomération d’hommes, pour se présenter isolément devant l’ennemi, et que l’on est souvent obligé d’en réunir deux, pour présenter uu front suffisant et une force respectable. Je sais que l’usage des gros corps de troupes est adopté dans toute l'Allemagne, dans ce pays qui, depuis Gustave-Adolphe jusqu’à Frédéric et'Laudon , n’a cessé d’être une immense école de guerre, où l’on a vu les premières armées manœuvrières et un de ces rois, inventeur d’une tactique qui eût fait l'étonnement et peut être l’admiration de la Grèce et de Rome. Certainement, si nous étions placés dans d’autres circonstances intérieures et extérieures, j’adopterais le doublement proposé; l’autorité de ces grands maîtres me déterminerait; mais, Messieurs, s’il est prouvé que tout ne convient pas également dans tous les temps et qu’il faut souvent se défendre de la dangereuse séduction du mieux possible, je crois que nous sommes précisément dans le cas défaire rapplica-tion de ce principe. Le doublement et l’incorporation des troupes a toujours été même, en temps de paix ét dans les circonstances les plus tranquilles, unje des opérations les plus délicates à faire sur elles. J’ai vu longtemps dans l’incorporation même des (1) Nous empruntons l’opinion de M. de Jessé au Journal le Point du Jour , tome XII, p. 398. Cette version est beaucoup plus complète que celle du Ma»t- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 août 1790.] 500 petites fractions dans de grandes masses, l’amalgame de ces différentes parties n’ètre point encore entier, parce que chaque corps a son esprit différent, et que, du choc de ces différents esprits, naissent les livalités, les haines et quelquefois les dissensions-, par ces incorporations, les habitudes se trouvent déconcertées, rompues, et vous n’ignorez pas combien les habitudes, si puissantes sur les hommes en général, acquièrent encore plus d’énergie sur les soldats. . Quelqu’un a dit que l’amitié était plus vive dans 1rs camps parce qu’on y connaissait plus l’honneur; j ignore si c’en est te vrai ou l’unique motif; ce qui me paraît indubitable, c’est qu’il est dans le cœur de l’homme de s’attacher fortement à ceux avec lesquels il a couru des dangers; et j’en appelle à vous, Messieurs, quelle qu’ait pu être la différence de vos opinions dans le cours de la législature. Jamais, j’en suis sûr, aucun de vous ne pourra voir, sans un véritable intérêt, un de ces patriotes qui jurèrent, àla vue du palais des rois, de ne point se séparer que la Constitution ne fut fai'e, ou de se réunir partout pour la tracer. ( Des applaudissements interrompent l’oratetir). Q .’ou ne me réponde pas qu’incorporer deux régunems, par exemple, ce n’est puint briser les habitudes, pui.-que chaque corps se trouve en totalité dans cette réunion : car je dirai que c’est vraiment briser les habitudes des hommes que de les multiplier. Vous ail<-z d ne imposer cette peine à ces vieux compagnons d’armes, accoutumes à vivre et à combattre ensemble, et à voir souvent dans les autres corps des rivaux, auxquels un orgueil mai calcule, mais utile, les pot te à se préleier. Iodé endamment de ces considérations qui, je l’avoue, ne seraient pas suffisantes, il est facile de vous en présenter d’une tout autre importance ; vous n’ignorez pas, Messh urs, que nos différents corps de troupes ont, comme les autres classes de citoyens, prononcé leur opinion sur les affaires politiques que nous agitons; vous avez vu les funestes effets de leur diversité à Lille et dans d’autres lieux. A quelles commotions n’expose-riez-vous pas deux corps ainsi disposés que vous voudriez fondre ensemble ? A toutes les causes d’opposition, inévitables dans une opération semblable, vous ajouteriez l’intérêt le plus chaud, celui de l’opinion ; et cela entre des hommes les plus susceptibles et des hommes armés, ne vous ex poseriez-vous pas à fait e de Français et de frères autant d’ennemis, et de la place d’armes un champ de bataille? Sans même supposer, ce qui me paraît évident, que chaque régiment ait maintenu son opinion politique, l’on ne peut nier que chacun d’eux n’ait différemment employé les circonstances actuelles ; les uns ont maintenu la plus sévère discipline ; les autres en out relâché ou brisé tous les liens. Qu’arrivera-t-il si vous faites doubler ensemble deux troupes qui se trouvent dans un état si différent? Il arrivera que ceux qui seront restés fidèles à la discipline ne ramèneront pas les -autres à leurs devoirs, mais que ceux-ci désorganiseront absolument les premiers ; il n’est même point nécessaire qu’ils se trouvent à force égale; il suffirait, pour produire cet effort, que les insubordonnés composassent le moindre nombre. Je regarde donc comme très dangereux dans ce momeut-ci une incorporation quelconque et je ne suis pas plus, eu cela, de l’avis du ministre; de la guerre que de celui de votre comité. Eu laissant exister les régiments, veux-je prétendre par là qu’il ne faut rien changer dans la manière d’être de l’armée? Non, certainement : Il y existait des abus intolérables, qui peuvent être détruits, sans entraîner de fâcheuses conséquences; de ce nombre étaient la multiplicité des officiers généraux, une discipline avilissante et tant d’autres choses que je ne détaillerai pas; mais je crois que ce n’est nullement le moment de faire un changement aussi majeur, aussi radical que celui qui vous est proposé : diminuez, Messieurs, les inconvénients; si vous réussissez, vous aurez perfectionné de quelque choœ votre système militaire. On peut dire que la terre tremble autour de nous : or, lorsque la terre tremble, l’on peut bien encore orner un édifice, réparer son faîte, faire des changements même dans la distribution intérieure, mais il est dangereux, cerne semble, de le fouiller dans les plus intimes fondements. Je conclus donc à ce que sans adopter l’espèce de traitement prooosépar le ministre de la guerre, ni le doublement proposé par le comité, les corps soient conservés dans leur forme actuelle, en les renforçant, si on le jugea propos, par la voie des recrues (ne voulant rien préjuger, par là, sur les bataillons, sur les escadrons en garnison) que je regarde comme une mesure très utile. Si vous jUiœz, Messieurs, que ces considérations méritent une attention sérieuse, si elles vous paraissent aœsi grav-s, aus-i majeures qu’elles me le paraissent, je m’arrêterai ici -ans vous faiigœ r par des observations subsidiaires sur nos casernes, nos hôpitaux, nos autres établissements militaires, qui sont presque tous formés pour des corps de la force de nos corps actuels ; sur les changements de manœuvres qui deviennent indispensables si vous doublez le front de vos régiments, changements de manœuvre qui, faits dans les années qui précédèrent la guerre de 1756, furent une des principales causes de la perte de la bataille de Rosbatk et des infortunes de toute cette guerre. Ges raisons ont certainement leur importance et il serait possible de leur donner de grands développements; mais, je crois, Messieurs, qu’il suffit de les présenter aux militaires : les précédentes que j’ai eu l’honneur de vous exposer sont de nature à éveiller le patriotisme prudent de ceux qui ne le sont pas. C’est en pesant ces différents motifs dans toute leur importance, que je me plais à croire que quelle que soit votre juste sollicitude pour diminuer autant qu’il est possible les dépenses de l’Etat, vous ne serez pas arrêtés par l’objection qui sera peut-être faite, qu’ayant déjà décrété que les appointements seraient pour chaque colonel de 6,000 livres, cette dépense se trouverait renfermée dans des bornes plus étroites, si deux régiments étaient employés sous le même colonel. Vous en conviendrez, en y réfléchissant, il est des dépenses qui sont économiques. Les régiments tels qu’ils sont aujourd’hui, en les renforçant simplement par la voie des recrues, satisfont, selon moi, aux vraies mesures de la prudence. Les corps dans lesquels la discipline est demeurée intacte continueront à la garder; ceux qui l’ont abandonnée, y seront ramenés par un sentiment de reconnaissance d’une organisation sage et douce et par celui de leur bien-être que vous avez sensiblement augmenté et porté au-dessus de celui d’aucune armée de l’Europe; et, par la réflexion, le soldat indiscipliné, au lieu d’être le protecteur et l’ami de sou pays, devient à la fois et le jouet de l’ennemi elle fléau du citoyen. Vous auriez peut-être pu tenter ce dou- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 août 1790.] blement de régiment, il y a six mois; alors ces différentes opinions politiques ne s’étaient pas encore si fortement implantées dans les corps; mais, j’ose le croire, maintenant la tentative est hasardeuse et impolitique. Est-ce, Messieurs, au moment où vous vous prémunissez sagement contre une guerre possible et qui paraît prochaine, que vous devez essayer de fondre ensemble les esprits différents, de contrarier les habitudes les plus chéries, de mêler l’ordre et l’indiscipline, et de former, d’éléments aussi discordants, un tout qui ne saurait être trop homogène? Messieurs, il est une différence bien essentielle entre un corps fait pour la conception et un corps fait pour l’action ; dans le premier, la différence des sentiments et des intérêts, loin de nuire à la chose publique, la sert bien souvent. Les sentiments, les intérêts divers se neutralisent, pour ainsi dire, dans cette grande fermentation. Lassés d’un long conflit, les hommes sont obligés de prendre la raison pour arbitre; c’est un roi que les passions élisent dans leur anarchie ; mais dans un corps dont la nature est d’exécuter passivement, tout est perdu, lorsque ces mouvements se font sentir, parce que l’union et l'ensemble de direction constituent son essence et que, n’ayant pas de voies pour délibérer, il en appelle à” la force qui lui est familière ou du moins lui présente une scission destructive de tout emploi relatif à sa destination. Je ne crois pas, Messieurs, que l’Assemblée nationale doive tenter un essai d’un succès aussi douteux à l’approche pout-êtie de la guerre et il serait funeste de fournir un pareil prétexte aux inculpations de ses ennemis. Le grand Frédéric sera à jamais cité en exemple à tout militaire. Eh bion 1 Messieurs, Frédéric a changé très peu de chose à la formation de sou armée, telle qu’elle avait été ordonnée par son père et il se plaisait à le faire remarquer. Qui cependant mieux que lui voyait les défauts qui y étaient encore ! Qui plus aisément que lui, dont la volonté despotique faisait la loi de son Empire et de son armée, aurait pu les corriger? Mais il savait combien le soldat est homme d’habitude; combien les changements le fatiguent et que les petites améliorations sont rarement compensées par les avantages qu’elles entraînent. M. de Noailles ( ci-devant le vicomte ). Je me présente, ni pour défendre le plan du comité, ni pour appuyer celui du ministre : j’éviterai toujours de changer une question d’utilité générale en discussion d’amour-propre. Je chercherai à présenter les motifs qui ont déterminé le comité et le ministre. J’inviterai l’Assemblée à considérer que la question du doublement et celle des maréchaux de camp attachés aux régiments, sont intimement liées. Si le doublement n’a pas lieu, je m’opposerai à ce que les officiers généraux soient placés à la tête des corps... M. Du Châtelet (i ci-devant le duc). Répondez aux objections. M. de Noailles. L’opinant a toujours commandé un régiment de quatre bataillons ; il était officier général : il a senti que cette qualité était liée à ce commandement. Je m’autoriserai de son exemple et de son opinion. La dépense de l’armée était de 106 millions : vous avez augmenté la paye des soldats et le traitement des officiers. L’une de ces augmentations est de 8 millions, l’autre de 2 millions 500 mille livres ; aiDsi l’armée 501 conservée dans l’état où elle est, coûterait 10 millions 500 mille livres de plus. Vous avez cependant fixé la dépense à 84 millions. Il fallait donc réformer 30 mille soldats et officiers. Toutes les proportions étant détruites, une nouvelle organisation devenait indispensable. Le résultat de la première réduction n’étant que de 6 millions, le besoin de l’économie vous commandait une plus grande réforme. Vous avez recherché quelle armée vous était nécessaire pour vous opposer aux attaques de l’ennemi, soit en France, soit dans les colonies. Ainsi, il y avait deux dispositions à prendre : assurer les manœuvres gt avoir des bataillons pour vos garnisons et pour vos vaisseaux. Le ministre a ait : Il faut faire une opération indispensable, puisque toutes les proportions sont rompues; il faut procéder à une incorporation, élever les corps à une hauteur suffisante et nécessaire. Il avait cru, en liant à deux bataillons un bataillon de garnison, faire ce que demandait la paix, pour les manœuvres de ligne et la guerre, pour fournir aux besoins des colonies et de l’armée. Il répondait à l’objection de cet homme de guerre, le prince Henri , qui, en examinant vos bataillons et vos escadrons, disait : « Vous avez des hommes et point d’armée ; vous présentez un front et point de ma�se. » Je passe à d’autres observations. Si le nombre des officiers est trop grand, la discipline sera pénible et difficile à établir. Ce n’est .pas par une surveillance continuelle, mais par l’intérêt qui lie les officiers aux soldats et les soldais aux officiers, qu’on fait de bon-soldats. Obligés d’ob ir à des intentions, à des manières de voir, à des idées différentes, ils ne sont pas heureux. L’armée la plus parfaite serait peut-être celle où il n’v aurait qu’un chef et des subalternes qui pourraient obéir à un seul ordre, à un seul chef, à un seul coup d’œil. Ainsi la discipline et l’économie ex gent également la diminution du nombre des officiers. Quant à l’incorporation, si c’est une chose décidément bonne, le patriotisme l’adoptera ; et les officiers, quand ils verront l’intérêt général, feront taire l’intérêt particulier. Dans le plan que propose le ministre, on ménage un intérêt bien cher, on ne sépare pas des individus qui composaient la même famille. Si l’on blesse quelque intérêt d’amour-propre on d’argent, ne sont-ils pas, pour des Français, au nombre de ceux qu’on abandonne saus regret, quand la patrie est en danger? On sait qu’on va avec plus de courage contre l’ennemi, quand on marche avec son frère, avec son ami. Voilà le but de notre système. Il est calqué sur les idées d’un grand nombre de ministres recommandables, sur ce qu’avait fait le conseil de guerre, sur ce qu’auraient accompli les ministres, sans ces ménagements de cour qui obligaient à maintenir un grand nombre de régiments pour avoir plus de grâces à donner. Enfin, c’est ce qu’avait en vue le maréchal de Muy, qu’on a cité, et dont j’honore la mémoire. 11 avait conservé des régiments de quatre bataillons; ces bataillons sacrés et grands par le souvenir de leurs actions devaient, présentés à l’ennemi, renverser tout ce qui leur ferait front. M. de Muy ne les a pas conservés pour les donner à des jeunes gens sans expérience. Le doublement réunit les corps sans déchirement ; il rassemble ceux qui doivent marcher ensemble à la guerre. Ce que j’ai dû dire, ce que j’ai dû établir et ce que j’ai établi, c’est que le plan du .ministre, appuyé par le comité, est bon. On dit que le roi de Prusse n’a rien changé dans l’organisation de [Assemblée nation âfë.f ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 août 1790.1 son armée, parce! qû’il sentait qu’il était dangereux de rompre d’anciennes .habitudes. Mais pourquoi créez-vous un nouveau système? C’est parce qu’en supprimant 30 mille soldats et 10 officiers par régiment, vous avez rompu toutes les proportions établies ; vous devez donc oublier ces usages que le temps semblait avoir consacrés. .11 reste à reconnaître ùïi principe incontestable : non, vous ne pensez pas confier â de jeunes officiers, sans expérience, le succès des bâtâmes, donnerez-vous le commandement dé corps nombreux à des militaires inexpérimentés comme moi, et qui n’ont que du zèle, plutôt qu’à des officiers généraux consommés comme M. d’Ambty? Le régiment du roi, la gendarmerie, les carabiniers Ont dû fa gloire qu’ils ont acquise, à leur nombre, à leur force, à leur capacité inattaquable, et aux talents des anciens militaires, qui les commandaient. Le comité a donc dû penser qu’il fallait faire une organisation militaire nouvelle. Le ministre à senti qu’il devait diminuer les corps, et sacrifier l’avantage d’attacher tin grand nombre de personnes à son sort; il a senti que l’intérêt public devait ici l’emporter sur les intérêts particuliers, et sur les circonstances dont on tite les Seuls arguments contre une organisation constitutionnelle, et sur lesquels je ne me permettrai aucune réflexion. Je me résume, et je dis qu’il est avantageux., en cas dé guerre, comme en cas de paix, de mettre, à la tête des corps, des hommes qui soient d’un âgé entre 40 et 60 ; qu’on donne ces corps à des capitaines, Si l’on veut, mais non à des colonels de 23 ans : 5n a nommé dernièrement au-dessous de cet âge. La question nette à poser, sauf, à revenir sur les détails, est celle-ci : Y auCa-t-il une incorporation ? Oui, ou non. {Une partie de V Assemblée applaudit.) M. d’Èlfehecq. Plusieurs officiers généraux, qui ont blanchi sous les armes et qdi jouissent, à juste titre, de l’estime de l’armée, vous ont indiqué quelques imperfections dans le plan d’organisation de l’armée arrête par le roi, et qui vous est présenté par votre comité militaire. Je suis de leur avis sur, l’article 4 du projet de décret, et je pense qu’il serait impolitique et contraire à tous les bons principes militaires de ne point laisser les régiments à deux bataillons ; mais je crois, eu même temps, qu’on pourrait ajouter à chacun de ces régiments un bataillon de garnison, composé comme le propose votre comité. Je ne vous répéterai pas, Messieurs, toutes les raisons qui militent pour mon opinion; les honorables membres qui ont pris la parole pvant-hier, vous les ont assez détaillées. Je demande donc que les régimeriis restent à deux bataillons, et qu’on ajoüte à chacun d’eux un bataillon de garnison. M. Üu Châtelet. Je n’ouvre mon opinion contre l’incorporation qu’avec défiance, quand je vois qu’elle a contre elieun ministre dont les talents sont connus, des militaires expérimentés, un comité recommandable pour la longue expérience, de ses membres, et dont l’avis est unanime. bien de plus mauvais en générai et pour les circonstances, que le doublement qu’on vous propose : il n’y a jamais eu;,en France des régi-ipents de quatre bataillons. Ën Prusse, ils ne sont que de deux et trois. Tous les, militai res, quiont de l'expérience, vous dirQptquedes régiments de dejûx bataillons sont bien plus commodes dans toutes les occasions, pour les colonies et pour les vaisseaux: il faudrait deux bataillons, alors les régiments ne seraient plus entiers ; on devrait les réunir.Il vaut bien mieux envoyer dans tes colonies des corps eoffipletsquedes corps morcelés.Si vous laissez les régiments à deux bataillons, cela fera 4,000 hommes de plus et L ,200 officiers, cela ne doit pas l’emporter sur de grands avantages. Le ministre, dit-on, est d’avis de 4 bataillons, mais c’est par complaisance, ou vaincu par les raisons du comité. Peu importe qu’ils soient de la façon du comité ou du ministre. Quant à M. le maréchal de Muy, il avait trouvé les régiments de quatre bataillons établis ; il m’a dit qu’il ne les aurait pas formés. Quant à la cavalerie, je conviens que les régiments de trois escadrons sont trop faibles ; le nombre carré esHe meilleur; on pourrait les mettre à quatre, mais pointa six, Au reste, il ne faut point d’incorporation, cè seul mot fait frémir. J’en ai vu faire; elles ont occasionné, dans les corps six ans d’agitation. Pouvez-vous les adopter quand la guerre est prête à éclater? Un officier incorporé se trouverait à la queue, taudis qu’il était à la tête... Je soutiens, contre l’avis du préopinant, que, circonstances et politique â part, l’incorporation est dangereuse pour l'infanterie et inutile pour la cavalerie; je suis d’avis des brigades propo-; sées par M. de Bouthillier. Il faut quelles soient commandées par un maréchal de camp non inamovible, mais eh ligne. Si le régiment; est bien,, le mérité en reviendra au colonel; si la brigade est bien, le mérite en reviendra, au maréchal de camp; si la division est bien, le mérite en reviendra au lieutenant général. Ainsi, laissant à chacun, le mérite qui lui revient, je conclus à ce qu’il ri’y ait aucune espèce d’incorporation. M. «te Cazatès demande que la discussion soit fermée. M. de Brofclie. Les circonstances qü’on a opposées contiennent deux objets : l’un est relatif aux dispositions qui nous menacent, l’autre à la crainte d’ajouter un nouveau ferment à l’agitation qui existe déjà. Quant à la guerre, il faut opposer aux ennemis des forces égales à celles qu’il met en avant. Eu réformant 30,000 hommes et en ne changeant rien aux bataillons, vous serez obligés de. prendre sur les régiments, et vous les rendrez plus faibles encore qu’il ne sont. Il y a deux ans, lorsqu’on forma un camp, les régiments étaient censés composés de 1,156 hommes ; on ne demanda que 90Û hommes sous les armes par régiment, les autres dévant rester dans les garnisons, et l’on eut avec peine les 900 hommes. Douze régiments ont ëié dédoublés; ainsi* par le doublement, une partie de l’armée reviendra, pour ainsi dire, à sa première famille. Par exemple, le régiment de Blaisois ne craindra pas d’être réuni avec celui de Picardie, Armagnac avec Navarre, etc. Les incorporations pourraient être dangereuses dans les temps ordinaires; mais quand on considère ce qu’a fait l’Assemblée nationale, et les sacrifices auxquels ou s’est soumis sans résistance, ou est convaincu que le patriotisme bien connu de l’armée lèvera tous les obstacles. Je passe aux inconvénients de détail opposés à la formation des régiments de quatre bataillons. On dit que la subordination sera bien (dus difficile; mais il faut considérer que les officiers qui seront à leur tête auront des talents et de longs services; que pour la manœuvre, comme en [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 août 1790.] guerre, le colonel et le général ont à remplir des fonctions semblables. On a objecté que beaucoup de garnisons ne pourraient pas contenir quatre bataillons; mais lorsque la comptabilité sera établie isolément pour chaque bataillon, le régiment ne souffrira pas de sa division; quant au détail d’économie, c’est encore la môme chose, car un officier particulier en sera chargé pour chaque bataillon. (On deman Je à aller aux voix.) M. de tleynaud. Ecoutez donc l’avis d’un officier général qui a servi pendant 30 ans. On a pensé que les circonstances repoussaient l’incorporation. Si elle est bonne, il faut toujours l’adopter. Mais elle est mauvai-e; on a dit que les gros corps font gagner les batailles; ce ne sont pas les corps de quatre bataillons, mais ceux que le général forme pour l’action ; c’est par les jambes et la célérité qu’on prévient l’ennemi et qu’on gagne les batailles. Lé comité s’appuie sur l’avis d’officiers généraux expérimentés qu’il dit avoir appelés à ses séances; mais l’opinion du comité était prise quand ils y ont été introduits; le ministre n’a consenti à l’incorporation que parce qu’il avait cru s’accorder avec le comité. Je demande que ces officiers généraux soient appelés, et qu’il-dé aillent les motifs de leur opinion; quant à moi, j’ai fait mon apprentissage sous les meilleurs maîtres : leurs leçons et mon expérience m’ont appris que deux bataillons suffisent pour Former un régiment. (On demande à aller aux voix.) La discussion est fermée à line grande majorité. On demande à entendre le rapporteur dut comité. M. Ifcegnaud {de Saint-jean-d’Angêly). II est très bon, sans doute, d’entendre le rapporteur d’un comité, quand là discussion n’est pas fermée; dans la circonstance présente, uu grand nombre de membres qui, comme moi, n’eut ndeiit rien à la maiière qu’on traite, seront de l’avis du dernier qui a parlé. M. le Président. Je pose ainsi là question : « V aura-t-il incorporation ? » (il s’élève quelques débats.) M. le jp*résident. C’est ainsi que je l’ai posée pour lu discussion, elle doit l'être de même pour la décision. . M. Arthur felillon. Il faut posér séparément la question pour l’infanterie et la cavalerie. Je demande la division. M. de IVoaiÜes. Je ne chercherai jamais, par une manière insidieuse de poser la question, à entraîner l’Assemblée dans une décision qu'elle n’aurait pas voulu prendre; j’étais au commencement de la séance ; on a présenté cette question à ia discussion. « Doit-il y avoir une incorporation dans l'armée? » Il ne peut pas y en avoir d’autre à poser. (La division est rejetée.) L’Assemblée décrète que l’incorporation n’aura lieu ni dans l’infanterie, ni dans la cavalerie française. M. de Çernon, secrétaire , fait lecture du bulletin de ia santé du roi. Le 2 août . — L’abcès formé à la gencive s’est m dégorgé hier au soir, et il s’en est suivi ie dégonflement du visage; il reste encore sous la lèvre quelques duretés qui vont se dégorger insensible neut. L’ardeur des entrailles est aussi diminuée; cependant la bile coule encore difficilement : on commue l’usage du petit lait et des autres remèdes, jusqu’à ce qu’il soit temps d’employer un purgàtif. A Saint-Cloud, le 2 août 1790. Signé : Le Monnier, Vicq-d’Azir, La Servolle. M. le Président. Je viens de recevoir des dépêches importantes de M. de Montmorin, ministre et secrétaire d’Etat au département des affaires étrangères. C -s dépêches se composent ; « 1° D’une lettre d’envoi du ministre; « 2° D’u ie lettre de M. le comte de Fernân Nieriez, ambassadeur d’Espagne en France, à M. de Montmorin, en date du 16 juin 1790; « 3° D’un extrait des faits et pièces relatifs à l'objet de la négociation entamée entre l’Angleterre et l’Espagne, depuis ia prise et la restitution de deux vaisseaux anglais sur la côte de la mer du Sud ati nord de la Californie; « 4° De l’extrait des lettres de M, de Florida— Blanca, ministre du roi d’Espagne, et M. Allègue-Fitzherbert, ambassadeur d’Angleterre à Madrid ». M. Âlqufer, secrétaire , donne lecturë deS pièces. Lettre de M. de Montmorin. « Le roi m’a ordonhé, au milieu du mois dernier, d’informer l’Assemblée nationale des motifs qiii nécessitaient ün armement de 14 vaisseaux; cet armement est à la veille d’être complété. Lé roi me charge de prévenir l’Assemblée que les armements de l’Angleterre continuent, quoique la bonne intelligence subsiste toujours entre, ies deux nations. Sa Majesté pense qu’il est prudent et utile d’augmenter nos armements. Le roi d’Espagne réclame, de la manière la plus positive* l’exécution des traités, dans le cas oü la négociation de la cour de Madrid avec celle de Londres n’aurait pas l’issue qu’ou en espère. Je vous envoie coi ie d’une lettre officielle de M. i’ambassa* deur d’Espagne, en date du 16 juin. Cette lettre établit le dernier état des négociations entre les deüx puissances; c’est dans l’espérance qu’elles parviendraient à s’entendre, que le roi a cru de sa sagesse de différer à provoquer la décision de l’Assemblée nationale; mais la continuation des armements de l'Angleterre ne lui a pas permis d’attendre davantage. Mà lettre a dune deux Objets : le premier de prévenir l’Assemblée de la nécessité d’augtiienter les armements ; le secdhd? de provoquer la délibération de l’Assemblée sur la demande de la codr de Madrid ; le roi pensé qu’il serait convenable de charger ün comité de conférer dvèc le xdinistte desàffaifës étrangères. » Lettre de son excellence M. le ôomte de Fernan Nunez à M. de Montmorin . « J’aiî l’hontïeur de voüs âdrëssëM’ëxtrâit fidèle des démarchés de mà cour, au SÜjet dû différend élevé entée elle et H cour de Lotidres. Vods verrez i Ie que, d’après le traité et les actes de souveraineté exercés depuis Charles II, toute la côtq du nord de la Californie est reconnue appartenir à