BAILLIAGE DE CAMBRAI. CAHIER des remontrances et. doléances des ecclésiastiques attachés au service de la métropole de Cambrai (1). (Nota. Ce document et celui qui le suit nous ont été communiqués par M. Blin, conservateur de la bibliothèque de Cambrai.) Jusqu’ici il avait été interdit, pendant des siècles, à des millions de Français, de communiquer avec leur roi, et de lui donner des preuves éclatantes de leur fidélité et de leur patriotisme; Louis XVI, le bienfaisant, rapproche aujourd’hui de son trône une partie immense de ses peuples qui semblait en être éloignée ; c’est pour s’assurer de leurs besoins, c’est pour entendre leurs vœux sur ce qui peut contribuer à l’administration invariablemënt sage de son royaume : les bénéficiers du bas-chœur et ecclésiastiques attachés au service du chapitre (2) de l’Église métropolitaine de Cambrai, vont donc, avec cette franchise impartiale et innée aux habitants de la Gaule Belgique, développer les remontrances et doléances qu’ils ont arrêté de porter en l’Assemblée de bailliage de la province du Gambrésis, qui se tiendra le 14 avril 1789. 1. Les remontrants s’assurent que Sa Majesté ne permettra jamais qu’il soit porté atteinte, ni à la liberté des personnes, ni à aucune propriété particulière de ses sujets; et qu’elle daignera recevoir avec bonté les réclamations qui lui seront adressées contre les surprises faites à sa religion, par l’obtention des lettres de cachet ou des arrêts du propre mouvement. Si le bien public demandait que quelqu’un fût privé d’une propriété, il lui serait donné un dédommagement juste. 2. Le montant actuel de la dette nationale ayant été préalablement constaté dans les Etats généraux (3) (il serait à désirer que l'ordre du clergé donnât au bas sa souscription d’en acquitter la moitié ), d’après les rapports qui en seront faits et vérifiés, il sera pourvu à son extinction par l’établissement d’une Caisse d’amortissement consentie par la nation assemblée, et répartie sur chaque province pour la durée d’un terme limité (4 ).Les ordres de la Noblesse et du Tiers donneraient leur soumission d’en payer également l’autre moitié; le tout dans un terme limité, à époques fixes , et par le moyen de l’ établissement autorisé d’une Caisse d'amortissement répartie sur les trois ordres en la proportion ci-dessus, et indépendante de la somme totale d'impôts ci-après. (1) Manuscrit n® 990 de ïa bibliothèque de Cambrai. (2) Le clergé de Cambrai se composait : 1° d’un archevêque, ayant 310,000 livres de revenu ; d’un chapitre métropolitain, composé de cinquante chanoines ayant, chacun, 10,400 livres de revenu ; un chapitre de Saint-Aubert, de l’ordre de Saint-Augustin, et celui de Sainte-Croix, etc., dont les titulaires n’avaient que 1,200 livres de revenu ; un grand nombre de maisons religieuses étaient établies dans la ville et dans le diocèse. (3-4) Les parties soulignées sont biffées dans le manuscrit. 3. L’acquit de la dette nationale, une fois assuré, les Etats généraux s’occuperont de reconnaître et fixer l’étendue des domaines fonciers de la Couronne, c’est-à-dire le produit des bois, le revenu des domaines réels, les cens et les droits seigneuriaux casuels (l), lesquels _ objets sont estimés se monter de onze à douze millions; ils jetteront un regard attentif sur les nouveaux échanges , les aliénations et les engagères pour les réunir au domaine de Sa Majesté, selon les circonstances et l’exigence des cas : tous ces domaines seront régis en bon père de famille et au profit du roi, par les généralités, provinces et pays d’Etats dans lesquels ils sont situés ou perçus : il en sera rendu un compte exact chaque année au conseil des finances : cette manière de régie adoptée emportera nécessairement la suppression des maîtrises des eaux et forêts et de tous les autres officiers actuellement employés aux recouvrements de ces objets, et produira un accroissement sensible dans le revenu de ces domaines. 4. Les revenus des domaines fixes et fonciers de Sa Majesté étant connus, elle est suppliée de concerter avec les Etats généraux une somme totale d’impôts, nécessaire pour soutenir avec éclat la magnificence de la couronne et la conservation du royaume entier : cette somme totale d’impôts ou de contributions des peuples représenterait tous les vingtièmes, taille, capitations, impositions locales, fermes générales, régie générale, l’administration des domaines, qui comprend les droits sur le contrôle, papier timbré, l’insinuation des actes, les droits de greffe, d’hypothèque, centième denier sur la vente des immeubles, franc-fief, les droits sur les immeubles vendus aux corps et communautés, les droits de péage appartenant au roi, etc.; elle représenterait encore les droits perçus par les pays d’Etats, les octrois des villes, les corvées ou impositions qui en tiennent lieu; en un mot tous les articles repris dans la récapitulation imprimée, pages 35 et 36, tome 4er, de l’administration des finances par M. de Necker, sans y comprendre les articles 10, 11, 12 et 13, c’est-à-dire l’administration des postes, la ferme des messageries, la fabrication-des monnaies et la régie des poudres qui resteraient au compte et profit du roi. On réglera la contribution que chaque généralité, province ou pays d’Etats devra respectivement fournir pour verser dans le trésor royal la totalité convenue et consentie des impôts. 5. La totalité des impôts consentie par la nation réunie, pour fournir à toutes les dépenses de l’Etat, ne pourra durer que pendant l’espace d’une assemblée d’Etats généraux à la suivante, qui se tiendra au bout de cinq ans, et dans laquelle les administrateurs des finances, ou leurs ayants-cause, ayant mis sous les yeux de la nation, envers laquelle ils seront responsables; il sera, en proportion des besoins de l’Etat, fixé et con-(1) Les parties soulignées sont biffées dans le manuscrit. [États gén. 1789, Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage do Cambrai.] 751 senti une somme totale d’impôts pour les cinq années suivantes et ainsi de suite. (6. I�gs seuls impôts qui resteraient à percevoir au profit du roi, et comme faisant partie de ses domaines, outre l’administration des postes, la ferme des messageries, la fabrication de la monnaie et la régie des poudres, seraient ceux qui sont réglés pour l’entrée et la sortie du royaume; en conséquence, Sa Majesté est suppliée de fixer les barrières ou les douanes aux extrémités du royaume, et de faire détruire le mur actuel de séparation odieuse qui existe entre l’ancienne France et les fidèles sujets des pays conquis, tels que là Flandre, le Hainaut, le Cambrésis, etc. 7. Sa Majesté ne voulant être qu’un dispensateur scrupuleux de la fortune publique, et d’un autre côté ne connaissant point de bornes à mettre à ses grâces et ses bienfaits, sera très humblement suppliée de limiter elle-même la somme des pensions et récompenses pécuniaires qu’elle pourra accorder chaque année; il ne serait admis dans les comptes du garde du Trésor royal aucun article au delà du capital fixé pour les grâces annuelles. 8. tà contribution aux impôts en général étant réglée pour chaque généralité, province ou pays d’Etats, ce serait à son administration particulière Ji prendre tels moyens sûrs, que lui suggérerait sa sagesse, pour se mettre en état de porter par quartier et tous les ans le montant net de sa contribution au trésor du roi: (1) elle aurait ‘particulièrement égard aux différentes qualités de son sol, de ses productions, et des branches de commerce qui en font la richesse . De cette masse d’impôts réunis, représentative de tous ceux qui existent, résulterait Davantage important de rendre le commerce intérieur du royaume libre pour.le sel, le tabac et toutes espèces de marchandises, de là résulterait l'anéantissement dep fermiers généraux, de tous les régisseurs et commis subalternes ; de là, moins de frais dans les recouvrements ; chaque administration; cependant, nécessitée d’avoir quelques régisseurs pour les repouvrements de ses impôts, serait obligée dé doniier la préférence aux personnes méritantes qui habitent actuellement sa province et tri sont chargées du recouvrement des impôts U fisc royal. 9. Chaque généralité, élection, province ou pays d’Etats serait autorisée de porter dans son rôle annuel un cinquième au-dessus de sa contribution fixée par les Etats généraux, afin de former une caisse d’amortissement pour subvenir aux besoins , de la province, et aux nécessités urgentes et imprévues de la nation : ce qui n’aurait pas été employé, et qui resterait de cette caisse, cf’amprtissement au bout de cinq années, servirait à faire dans la sixième une diminution proportionnée sur tous les contribuables. 10. Chaque administration de généralité, province ojl pays d’Etats, sera chargée des constructions et entretiens .des turcies, grandes routes, canaux et rivières de navigation, nécessaires dans toute l’étendue de son département ; pour quoi les ingénieurs, directeurs, entrepreneurs et tout le, corps des ponts et chaussées, qui sont présentement à la. charge du roi, seront révoqués, sans néanmoins toucher à l’institution louable de l’école des ponts , et chaussées. 11. Quoique lés ecclésiastiques du Cambrésis né jouissent de presque aucune exception d’im-(1) Les mots soulignés sont biffés dans l’original. ôts, puisqu’ils payent les vingtièmés pour leà iens de leurs bénéfices, et à peu près les mêmes droits de consommation que le tiers-ordre, les bénéficiers de la métropole de Cambrai renoncent volontiers à tous abonnements, toutes espèces d’exemptions d'impôts ou de droits, déclarant qu’ils sont disposés à supporter une contribution égale et proportionnelle à celle des membres des trois ordres ; suppliant très humblement Sa Majesté de déclarer qu’aucuns biens, et qu’aucunes personnes de quelque qualité que cé soit, ne seront exempts des charges et impôts publics, et ne jouiront d’aucun abonnement ou immunité pécuniaire ; et d’ordonner respectivement daiis chaque province et chaque communauté qu’il n’y ait qu’un seul rôle d’impositions commun àux trois ordres, et dont il sera donné connaissance à tous les individus contribuables. 12. Que tous privilèges exclusifs accordés pour des exploitations, fabrications, transport de marchandises quelconques, par terre ou par eau, soient abolis; et s’il y eh avait quelques-uns qui eussent été acquis à titre onéreux, ils seront remboursés sur l’Etat, et feront partie de la dette nationale : il en sera de même des péages et pontonnages appartenant à des seigneurs ou telle personne que ce puisse être ; le remboursement des charges ou offices publics qui seront supprimés, et dont la finance, lors de leur création, a contourné au profit du trésor royal, fera également partie du tableau de la dette nationale. 13. Pour asseoir avec une juste proportion les impôts d’une province, il est nécessaire que son administration connaisse toutes les richesses et productions susceptibles de contributions ; il est également et indispensablement nécessaire qu’elle ait une notion certaine des ressources offertes aux indigents inconnus, qui, sans elle, seraient soumis à l’impôt ; elle est encore nécessaire cette connaissance pour supprimer la mendicité même, s’il est possible ; il est donc du bon ordre et du bien public que les différentes fondations d’aumônes d’une commune soient réunies sous une seule administration à dénommer par la commune, et que toutes ces administrations rendent à l’assemblée générale de la province le compte détaillé de leur gestion; cette précaution est essentiellement intéressante pour le Cambrésis. 14. La répartition des impôts ne' pouvant être portée sur les biens-fonds seulement; mais devant aussi s’étendre sur les charges lucratives, sur le commerce des marchandises et sur les effets publics ou portefeuilles des banquiers ; les deux premiers objets seront aisés à apprécier : mais pour connaître la richesse des négociants et des banquiers, il paraît nécessaire d’ordonner que tous marchands en gros ou en détail, tous les fabricants de tous genrés de métiers, tous les artistes, tous les banquiers, indépendamment de leur journal et grand-livre, auront un livre de nos sur la page duquel seront portés à gauche l’entrée des marchandises en magasin, leurs, valeurs, les payements faits en argent comptant ou en lettres de change, les payements des ouvriers, les montants des effets en portefeuilles. Lès négociants, fabricants, artistes, hommes de métiers ët les banquiers cjui n’âuront pas ces registres cotés, paraphés et la note de leur présentation au greffe du siège enregistrée, seront j)iinis selon là rigueur des lois, en cas de faillite frauduleuse; laquelle se découvrirait aisément au moyeh de ces registres. 15. Comme les charges onéreuses d’une province seront acquittées par les seuls habitants, il pa- 752 (États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (Bailliage de Cambrai.] raît de justice que les dignités, les canonicats, les bénéfices, les grades militaires, les places honorables dans la magistrature, et toutes les grâces quelconques dont les revenus sont situés dans l’étendue de cette même province, soient préférablement conférés aux sujets qui auront donné des preuves de leur mérite par les services qu’ils y auront rendus dans l’un ou l’autre des trois ordres. En conséquence, toutes les lois et usages qui tendent à priver des cilovens méritants de quelques-unes de ces grâces seront abrogées. L’on ne peut voir d’un bon œil, et sans amertume que, dans certaius chapitres, ce soit un titre d’exclusion pour y obtenir des prébendes, que d’y être attachés par des services continuels et im-poriants. 16. Les monts de piété étant spécialement établis pour donner des secours d’argent, à un intérêt très modique, aux emprunteurs dénués d’autres ressources, et soulager leur misère, il serait avantageux d’ordonner que l’administration générale des fondations de charité d’une commune soit également chargée de l’administration du mont de piété, s’il y en avait dans la commune; le bénéfice résultant de cet établissement du mont de piété, après avoir servi au remboursement des charges ou offices, seraitappUqoéexclusiveuientau soulagement des pauvres de la commune ou de la province, et il en serait rendu compte à rassemblée générale de la même province. 17. L’éducaiion publique étant un des objets les plus essentiels au bonheur de 1 Etat, Sa Majesté est très humbl. ment suppliée d’ordonner qu’il soit formé pour le royaume un plan général des principes de dogme, de morale religieuse et de morale politique; que tous les maîtres, pédagogues et précepteurs seront obligés de suivre. Et pour que cette éducation publique ne soit confiée qu’à des instituteurs vertueux et éclairés, ils seront choisis par concours dans une assemblée provinciale qui sera désignée par la voie des affiches, et où pourront assister tous les zélateurs du bien public. 18. La religion, les lois, le bien public, tout exige que les bénéficiers à charge d’âmes, de quelque qualité et condition qu’ils soient, fassent leur résidence dans le chef-lieu de leur bénéfice; Sa Majesté voudra bien l’ordonner ainsi, avec défense de s’absenter plus de trois mois chaque année, à moins que des causes graves et canoniques ne les en empêchent. 19. L’on ne peut voir avec indifférence certains bénéficiers et ecclésiastiques, attachés au service de quelques cathédrales et collégiales, et au service des diocèses, dénués du strict nécessaire pour vivre dans une décence conforme à leur état; il sera donc enjoint aux supérieurs ecclésiastiques de veiller et prendre les mesures convenables pour qu’il soit pourvu à cette subsistance décente par le moyen dés unions ou suppressions des titres de bénéfices. 20. La régale et les économats seraient également révoltants et contraires au droit de propriété des bénéfices consistoriaux et autres qui font partie du clergé de France; leur exemption n’entraîne aucun abus dans les provinces de Flandres, du Hainaut et du Gambrésis où ils n’ont pas lieu; il n’y a pas plus d’inconvénients de les supprimer dans toute la France, moyennant d’y faire observer ce qui se pratique à cet égard dans ces trois provinces. 21. Les abbayes et maisons religieuses rentées, devant à l’avenir supporter sans aucun exemption les charges de l’Etat, ainsi que les autres membres du clergé, de la noblesse et du tiers, Sa Majesté est très humblememt suppliée de mettre toutes les abbayes et maisons religieuses en i èg le, de renoncer à accorder par la suite aucunes commendes ni pensions sur les archevêchés, évêchés, bénéfices, abbayes et maisons religieuses quelconques, n’étant pas juste qu’ils supportent d’autres impôts que les membres des trois ordres, ce qui arriverait cependant si on laissait subsister l’abus actuel et énorme des commendes et des pensions. 22. Il serait avantageux, pour maintenir la régularité dont les moines ont fait profession, de réunir aux abbayes, dont ils dépendent, les religieux desservant les celles, hospices, prévôtés et prieurés, auxquels il n’y a point de charge d ame attachée, avec obligation d’acquitter dans les abbayes les fondations inhérentes à ces établissements réunis. L’on pourrait aussi unir aux abbayes et couvents d’un même ordre les abbayes et petits couvents qui ne sont point composés de douze religieux, non compris le supérieur. 23. Sans entrer dans le trouble qui règne dans les Etats du Gambrésis depuis peu d’années, et qui a surpris à la religion du roi et de son conseil le règlement de 1786, et pour rapprocher l’administration permanente des Etats de cette province à celle des Etats généraux du royaume, Sa Majesté sera suppliée deconserver au seigneur archevêque de Gambrai la présidence, tant aux assemblées générales qu’intermédiaires des Etats de ladite province, et, en son absence, d’ordonner qu’il soit remplacé par tel chanoine de la métropole q'i’il plaira au chapitre, coseigneur de ladite ville, et codonataire du cointé de Gambrésis, de désigner : que l’assemblée générale des Etats de ladite province se tiendra chaque année dans le mois de novembre ou décembre, et en la manière qui a été édictée par les règlements des 24 janvier et 19 février derniers pour l’assemblée de bailliage, observant néanmoins qu’il a été accordé une trop grande influence aux curés dans ces assemblées; pourquoi il paraît juste de régler qu’à l’avenir, pour les assemblées de bailliage ou d’Etats généraux de la province, les curés devront se rendre en personne, ou par procureur, avant lesdites assemblées, chez le doyen ou arclii prêtre du district, et là, choisir des députés, à raison d’un sur 10 présents et au-dessous, deux, au-dessus de 10 jusqu à 20, et ainsi de suite, pour comparaître au nom du district aux dites assemblées de bailliage ou d’Etats généraux de la province. 24. Sa Majesté sera encore suppliée de statuer que 1e bureau permanent, ou la commission intermédiaire des Etats de cette province, sera composé à l’avenir de huit députés : Jeux, pris dans l’ordre du clergé, deux, dans celui de la noblesse, et quatre, dans celui du tiers : qu’il en sortira chaque année un des deux premiers ordres, et deux du tiers ; enfin que l’élection de ces députés sera faite tous les ans en l’assemblée générale desdits Etats, et conformément au règlement du 24 janvier dernier émané pour la députation aux Etats généraux du royaume. 25. Le bien public d’une province contribuable semble exiger que la répartition des impôts sur chaque commune soit connue des individus pour en vérifier la justice distributive, que cette répartition se fasse par un seul rôle dans rassemblée générale de la province sur les renseignements donnés par chaque commune, que les huit députés aux bureaux intermédiaires des Etats ren- 753 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (Bailliage de Cambrai.] dent compte à l’Assemblée générale de toute leur gestion de l’année; qu’ils fassent connaître à toute la province quinze jours avant la tenue des Etats les matières qui doivent y être proposées; qu’enfin le cahier de l’Assemblée générale soit étendu et non rédigé sommairement, comme il se pratique et que le tout ait une publicité certaine par la voie de l’impression. 26. La disette des bois se faisant particulièrement sentir dans le Cambrésis, il serait à désirer qu’il plût à Sa Majesté d’ordonner que tous les chemins vicomliers de cette province seront plantés dans le terme de deux années prochaines. Ces plantations, utiles au public, faisant un tort particulier à chaque propriétaire-tenancier auxdils chemins, il paraît de justice que ce soit à ce propriétaire à qui appartienne le droit de planter, afin qu’il puisse, parles coupes, être dédommagé des pertes qu’il fait sur la récolte de son champ. Il est d’autant plus nécessaire encore de permettre et même d’ordonner aux propriétaires particuliers-tenanciers aux chemins de faire les plantations, que si cette faculté est laissée aux seigneurs, elle n’aura qu’un effet très lent, attendu qu’un même corps ecclésiastique ou laïc est propriétaire de plusieurs seigneuries qu’il ne pourrait faire planter tout d’un coup. 27. Pour encourager l’industrieux cultivateur, il lui sera permis de payer en argent, selon l’estimation qui en sera faite amiablement entre les parties, ou à dire d’experts nommés par les Etats de la province, les droits de dîmes, terrages, champarts, soyetés ( société du propriétaire et du fermier pour partager les fruits de la terre ) et autres droits quelconques qui se perçoivent en nature sur la production et les fruits de la terre ; de cette facilité résulterait l’avantage de la circulation des grains qui souvent est interrompue par les magasins qu’en font les propriétaires de ces droits, perçus en nature. 28. Afin d’éviter tout l’odieux qu’il y aurait pour les habitants d’une commune de s’adresser aux juges contre son seigneur ou ayant-droit de chasse, à l’effet de constater le dégât occasionné par la trop grande quantité de gibier, il sera permis auxdits habitants de chasser pendant le mois de novembre sur tout leur terroir, excepté dans les parcs fermés. 29. Les banalités des fours, moulins, pressoirs et autres usines qui seront prouvées par titres synallagmatiques entre les propriétaires de ces droits et les communautés (communes), ou par une possession immémoriale équivalente à un titre, pourront être rédimées à prix d’argent par les mêmes communautés, suivant l’estimation qui en sera faite amiablement, ou par les experts dénommés par la province : il en sera de même des droits perçus par qui que ce soit dans les villes, sur le poisson, le bois, le charbon, et autres denrées, soit dans leur transport, soit dans leur débit. Enfin s’il existait des places, charges ou offices qui attribuassent à leurs propriétaires quelques; droits sur les comestibles, ils seront supprimés avec remboursement, s’il y échut. 30. S’il est généralement reconnu que dans le royaume, il est un abus intolérable occasionné par la longueur des procédures qui entraîne la ruine de plusieurs milliers de familles, cet abus se fait spécialement sentir parmi les habitants du Cambrésis, qui, dans certains endroits, sont obligés de plaider leurs droits devant cinq sièges de justice différents, avant de parvenir au tribunal du dernier ressort ; Sa Majesté sera donc suppliée d’anéantir le pouvoir des mairies et des cours lre Série. T. VI. échevinales des villages du Cambrésis ; ordonner que l’appel des sentences des échevins du Cateau se portera directement au parlement de Flandres, ainsi que celui des sentences des juges délégués par les chapitres, de l’official, des échevins et magistrat de Cambrai, et des sièges de justice des seigneurs ; que ces derniers sièges seront composés d’un bailly ou prévôt et de quatre assesseurs reçus dans le tableau des avocats, d’un procureur d’office et d’un greffier ; qu’ils connaîtront en première instance de toutes les matières mercantiles, civiles, personnelles, réelles, criminelles et mixtes sous le ressort immédiat de la cour du parlement de Flandres, auquel il sera permis d’appeler de la sentence de ces premiers juges, avec faculté de demander la révision au besoin ; mais avec défense aussi de recourir au conseil du Roi pour obtenir des arrêts de cassation. 31. Un autre moyen très propre pour remédier à la longueur des procédures serait d’abroger toutes les formes inutiles pour la décision de la chose au fond et de permettre que les avocats des parties seront chargés de la procuration de leurs clients, cela est conforme à l’ordonnance d’Orléans, article 59 : il pourrait aussi être réglé quel nombre d’écrits l’on pourrait servir, tels que réponse, réplique, duplique et tréplique, et déclaré que la cause serait conclue en droit sitôt ce nombre rempli, sans qu’il puisse être surpassé ; l’on fixerait encore l’intervalle permis pour répondre à une écriture avec défense de demander plus d’un délai, lequel serait accordé selon l’exigence des cas ; il serait de plus affiché dans tous les sièges un tarif des vacations et épices. 32. Sa Majesté sera très humblement suppliée de statuer que les offices permanents, héréditaires, et possédés avec finance quelconque, dans les corps municipaux des villes de Cambrai et du Cateau, seront à la mort ou démission périodique des titulaires, supprimés et remboursés par la province au taux delà finance : qu’il sera (s£c), en cas de vacance, trois personnes pour chaque office, alternativement à Sa Majesté ou son commissaire départi, et à M. l’archevêque, ou à son chapitre pendant la vacance du siège, pour y être par eux pourvu. Ces présentations se feront par Jes huit députés du bureau intermédiaire, ou par l’Assemblée générale même de la Province : il sera enjoint auxdits magistrats de rendre, chaque année, un compte public de l’administration des biens de la commune. 33. S’il était possible que tous les individus du royaume fussent rassemblés auprès de leur souverain pour lui offrir le tribut de leur amour, et se priver librement chacun d’une part de sa propriété pour soutenir l’éclat du trône, et acquitter les dépenses nécessaires à la conservation de l’Etat, il est évidemment incontestable que chaque individu n’aurait pu être privé de la gloire de faire éclater son zèle pour son roi et sa patrie, qu’il aurait dû être entendu individuellement sur le sacrifice de la partie de sa propriété qu’il voulait faire pour l’un et l’autre ; mais tous les députés qui auront l’honneur de paraître aux Etats généraux représenteront les individus de la nation ; donc ils devront voter individuellement et sur les preuves de leur hommage enversSa Majesté et sur l’impôt qui est une soustraction de leur propriété. 34. Enfin le vœu unanime et le plus ardent des bénéficiers de la métropole de Cambrai est que le roi soit très instamment supplié par le clergé de protéger de tout son pouvoir à l’exemple des 48 754 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Cambrai.] rois très-chrétiens, ses prédécesseurs, la religion catholique, qui est celle de l’Etat, et de ne jamais permettre qu’elle soit mise en parallèle avec aucunes autres religions nouvelles et étrangères auxquelles il serait accordé quelque espèce de culte extérieur, solennel et public. CAHIER DE REMONTRANCES DE LA COMMUNAUTÉ DES CHAPELAINS DE L’ÉGLISE lre COLLÉGIALE DE SAINT-GÉRY DE CAMBRAI (1). l.La communauté des chapelains de l’église première collégiale de Saint-Géry désire que les Etats généraux, dont l’assemblée a pour but la gloire du roi, la prospérité de l’Etat, le soulagement des peuples et la régénération entière des différentes parties de l’administration se dépouillant de toute passion, se regardant comme ne formant qu’un corps, qu’une famille, et animés d’un esprit de patriotisme, seul capable de produire les plus grandes choses, se réunissent sans perdre un temps précieux dans de longues discussions, et votent par tête, du moins en matière d’impôt. Que le clergé et la noblesse donnent dans une circonstance où toute l’Europe a les yeux tournés sur la France, les preuves les moins équivoques de la sincérité des sentiments de générosité, de zèle et d’amour pour la patrie dont ils ont donné d’avance la déclaration, et le tiers-état celles de la conciliation, de concorde et de modération ; 2. Ladite communauté supplie les Etats généraux de prendre en considération si l’on ne pourrait pas mettre un impôt sur le tabac en laissant à chaque cultivateur la liberté d’en semer dans son champ ; 3. Si la gabelle étant supprimée selon la promesse solennelle que Sa Majesté en a faite à ses peuples, il n’y aurait pas de l’inconvénient à mettre sur le sel un impôt léger et général dans tout le royaume ; 4. Si l’impôt établi pour l’acquittement des dettes de l’Etat ne devrait pas être mis d’abord sur des objets de luxe, tels que chevaux de carrosse et de selle, les équipages, les chiens de chasse, le nombre des laquais, les cartes, etc. 5. Ladite communauté désire que les Etats provinciaux soient chargés de l’assiette et du recouvrement des impositions ; 6. Que tout droit de propriété soit inviolable et que nul ne puisse en être privé, même à raison d’intérêt public, qu’il n’en soit dédommagé au plus haut prix et sans délai; 7. Qu’il soit formé un plan d’étude uniforme et plus propre à perfectionner l’éducation de la jeunesse; 8. Que les membres du tiers-état puissent être admis dans les cours souveraines, s’il plaît à Sa Majesté de leur accorder place dans lesdites cours; 9. Qu’ils puissent être admis aux plus hauts grades d’officiers de terre et de mer, lorsque leur mérite personnel les y appelle, et que les lois qui leur en fermaient l’entrée, soient révoquées ; 10. Que nui citoyen ne soit plus puni de mort, et que ceux qui l’auront méritée par leurs forfaits soient employés aux mines et aux travaux publics les plus pénibles et les plus dangereux; 11. Que l’on prenne toutes les précautions nécessaires pour que les criminels jugés tels par sentence définitive, ne puissent nuire à la Société, et que le lieu où ils seront conservés, soit sain, ainsi que les aliments dont ils seront nourris ; 12. Qu’il soit appliqué des ventilateurs à tous les hôpitaux ; 13. Qu’il soit établi des paratonnerres dans toutes les villes du royaume, en nombre proportionnel à leur grandeur, et que l’on mette surtout à l’abri de ce phénomène terrible les magasins à poudre; 14. Que les dettes nationales soient constatées, vérifiées, et regardées comme sacrées, et qu’il soit pris des mesures pour les acquitter, en établissant une caisse d’amortissement ; 15. Qu’il ne soit mis aucun impôt sans le consentement des Etats généraux, et qu’il ne soit prolongé au delà de cinq ans, époque à fixer pour le retour desdits Etats; 16. Que les ministres rendent compte de leur administration aux Etats généraux, et qu’ils puissent être poursuivis par eux en cas de prévarication, et être traduits au parlement ; 17. Que le commerce soit libre dans l’intérieur du royaume, et les douanes reculées aux frontières; 18. Qu’il soit fait un règlement pour abréger les procédures, et que les frais de justice soient fixés d’une manière si claire et si précise que les juges, avocats et autres officiers ne puissent s’en écarter, les étendre et interpréter pour quelque cause que ce soit ; 19. Qu’il soit permis à un chacun de plaider sa cause, sans qu’il soit nécessaire d’avoir recours à un avocat procureur ; 20. Que le ressort des cours souveraines d’une trop grande étendue soit resserré pour y établir d’autres cours souveraines ou des juges royaux, et mettre la justice plus à portée des justiciables; 21. Que les bénéfices et les charges de chaque province soient donnés à mérite égal par préférence aux habitants qui auront bien mérité d'elle; 22. Que les canonicats et bénéfices à la nomination des chapitres soient donnés aux sujets attachés à leurs églises ; 23. Que chaque communauté de bénéficiers attachés par quelque fonction au service des chapitres, ait le droit de se faire représenter par députés aux Etats provinciaux, et qu’un de ces députés puisse, ainsi que tous les autres, être élu pour assister au bureau intermédiaire ou permanent. 1) Manuscrit n° 989 de la Bibliothèque de Cambrai.