[1er décembre 1789.] [Assemblée nationale.] publique, un exemplaire de l’Histoire universelle de tous les peuples, traduite de l’anglais par une société de gens de lettres, en 44 vol. in-4°, pour obtenir l’honneur d’être placé dans vos archives. La tenue de vos assemblées sera l’époque la plus mémorable dont les continuateurs de cet ouvrage puissent faire un jour mention, et vous servirez de modèles à tous les peuples des monarchies qui voudront fonder la liberté civile sur des bases inébranlables. Je suis avec la plus profonde vénération, Nosseigneurs, Votre très-humble et très-obéissant serviteur, Signé : MÉRIGOT jeune, libraire. Paris, 1er décembre 1789. L’Assemblée applaudit à ce don ; elle ordonne l’impression de la lettre et permet à M. Mérigot d’assister à la séance. M. le Président lit uhe lettre de M. Necker par laquelle il déclare avoir signé l’état financier présenté dernièrement àl’Assernblée par M. Anson, rapporteur, pour les besoins de l’Etat jusqu’au 31 décembre. L’ordre du jour appelle la discussion de la motion de M. de Curt, au nom des colonies réunies pour la nomination d'un comité dès colonies. M. Salomon de la Sangerie, secrétaire donne d’abord lecture d’une adresse de Saint-Domingue. Cette adresse témoigne des craintes de cette colonie, de voir se propager dans son sein, les scènes sanglantes dont la Martinique est en ce moment le théâtre. Les signataires disent: a Nous sommes vos frères et vos concitoyens, et nous sommes sur le point d’être égorgés. Si Saint-Domingue est soulevé, si les noirs se mettent en insurrection, votre commerce est anéanti et vos manufactures seront abandonnées ». M. de Curt prend la parole et sans nommer qui que ce soit il dénonce une compagnie compatissante (1), qui dans l'ombre fait jouer les ressorts de la séduction pour briser le joug de la subordination. 11 conclut en demandant: 1° Que M. le président se retire par-devers le Roi, pour lui exposer l’état de Saint-Domingue; 2° Que l’Assemblée nomme huit députés qui aviseront aux moyens de ramener le calme; 3e Que les assemblées coloniales restent en activité jusqu’à la lin des troubles. M. Salomon de la Saugerïe lit ensuite une lettre des députés du commerce qui après un exposé affligeant de l’état du commerce supplient l’Assemblée" nationale d’autoriser le pouvoir exécutif à déployer toutes ses forces pour sauver les établissements coloniaux qui nous restent. Les députés du commerce s’expriment ainsi: « Nosseigneurs, nous venons déposer notre douleur et nos alarmes dans le sein’de l’Assemblée nationale; nous venons confirmer les sinistres nouvelles du soulèvement de la Martinique dont vous avez déjà connaissance; effrayés des avis relatifs à la Guadeloupe, nous craignons le même sort pour Saint-Domingue et nous n’envisagerons qu’avec désespoir les suites funestes de l’incendie qui bientôt embrasera toutes vos colonies. « Représentants de la nation, notre cause est la 347 cause de la nation, nous sommes vos frères et vos concitoyens ; à ce double titre vous nous devez secours et protection. « Députés des provinces maritimes, le sort de vos provinces est lié au sort des colonies; si vos frères sont égorgés, si la France perd ses colonies, votre ruine est inévitable; que deviennent alors les classes si nombreuses de citoyens utiles que nourrissait l'activité de vos fabriques et de votre commerce? « Nosseigneurs, nous ne nous permettons aucune autre réflexion, nous nous reprocherions de retarder un moment vos délibérations sur un sujet aussi grave. « Il s’agit de préserver vos colonies d’une dissolution prochaine; de sauver la vie de cent mille Français.... il en est peut-être temps encore ..... mais le moindre délai peut être fatal à vos concitoyens. Ils se mettent sous la sauvegarde de l’Assemblée nationale, ils n’invoqueront pas en vain le zèle, l’humanité et l’active sollicitude des représentants de la plus généreuse nation de l’univers. » M. Malouet appuie la formation d’un comité des colonies et conclut : 1° A supplier le Roi de pourvoir à la sûreté, à à la défense et à l’administration des colonies, d’après les lois anciennes jusqu’à ce que les assemblées coloniales aient produit leur représentations et les différentes réformes et améliorations dans le régime et la police dont ces établissements sont susceptibles; 2° A former un comité des colonies composé par tiers de députés coloniaux, de députés commerçants, dé députés non-commerçants ; lequel comité sera chargé de préparer la discussion de toutes les affaires coloniales et de leurs relations avec la métropole, ainsi que du rapportée toutes les adresses et questions incidentes sur lesquelles l’Assemblée ne prendrait de résolution définitive qu’après avoir reçu tous les renseignements et informations exigibles des assemblées coloniales. M. Moreau de Salnt-Méry, député de la Martinique, lit le discours suivant (1) : Messieurs, des doutes raisonnables ont donné lieu à une question, contenue dans le mémoire des ministres du 27 octobre dernier : ces doutes ont pour principe les différences frappantes que la nature a mises entre le physique des différentes parties du globe, et la dissemblance qui se trouve entre le climat et les productions des colonies et ceux de la France. Cette dissemblance, qui n’est pas moins évidente lorsqu’on observe les objets moraux, tels que les lois, les mœurs, les opinions, amène naturellement la question que les ministres ont cru indispensable de vous soumettre. Je crois qu’onpeut avancer, sans témérité, que l’Assemblée nationale, en rendant les décrets destinés à assuivr la prospérité de ce vaste empire et le bonheur de ses habitants, n’a pas eu l’intention directe et précise d’y soumettre les Français qui peuplent les diverses colonies. La preuve s’en tire du silence même qu’elle a gardé à leur égard ; elle se fortifie par ce fait, que l’Assemblée nationale n’a jamais prescrit au ministre qui aies colonies dans sou département, d’y faire parvenir ses décrets, et de leur assurer l’exécution qu’ils ontdans l’iutérieur du royaume. A cette preuve on peut ajouter que l’Assemblée ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (1) La Société des amis des noirs. (1) Ce discours n’a pas été inséré au Moniteur.