21g [Assemblée nationale.] intérêts», toutes les volontés s’uniront pour le rétablissement de l’ordre. Si j’attachais quelque importance à ces observations qui ne m’ont coûté que la peine de les écrire, je pourrais aussi les rendre plus concises; mais je me hâte de présenter quelques considérations sur le projet de décret proposé par M. Anson. J’ai dit, dans ma lettre adressée au comité des finances le 10 de ce mois, qu’en accordant l’option entre des quittances ou obligations nationales, auxquelles on attribuerait 2 0/0 à titre d’intérêt ou de prime, et des assignats ne produisant aucun intérêt, avec faculté d’échanger les assignats contre desobligations etcelles-ci contredes assignats, l’Assemblée national étoufiferaittoutes les plaintes, préviendrait la surabondance de numéraire, et remplirait entièrement tous les objets qu’elle se propose. Quel peut donc être le motif de refuser aux seuls porteurs de quittances de tinance ou obligations nationales la faculté de les échanger contre des assignats ? Le comité ou M. Anson penseront-il qu’un intérêt de 3 1/2 0/0 est suffisant pour déterminer les créanciers de l’Etat à préférer cet effet aux assignats? non, sans doute. Je répéterai à cet égard ce que j’ai déjà dit au sujet d’un emprunt de 500 millions, à 3 0/0, qu’il n’est personne qui ne soit disposé au sacrifice d’un 0/0 sur les intérêts, pour avoir la faculté d’échaoger à volonté sa quittance de finance contredes assignats, et j’ajouterai que si cette faculté est refusée, l’on doit s’attendre à une émission de papier-monnaie beaucoup plus considérable; parce que les créanciers de l’Etat craindront d’engager leurs capitaux et de se mettre dans la nécessité absolue d’acheter un bien national. Ainsi je persiste à penser que l’échange réciproque proposé dans tous mes écrits est indispensable, si l’on veut prévenir !a surabondance de numéraire-, gu’il est utile en ce qu’il épargne 1 0/0 sur les intérêts affectés aux obligations nationales; qu’il est juste enfin et agréable aux créanciers de l’Etat, parce qu’il leur conserve la liberté de disposer de leurs fonds; s’ils ne s’empressent point à acquérir des biens nationaux et qu’ils se contentent de 2 1/2 0/0 d’intérêt, il faudra s’en féliciter. Je ne conçois pas davantage pourquoi M. An-son propose de décréter que les assignats seront reçus dans un emprunt à 4 0/0 s’il en reste en circulation après la vente des biens. Sa sollicitude à cet égard, loin de rassurer les esprits sur la valeur des biens nationaux, ne sert qu’à éveiller la défiance, et ce n’est pas certainement l’ef fet que M-Anson s’est proposé. Il me semble donc que pour concilier tous les intérêts, il suffit des changements ci-après aux articles de décret que j’ai pris la liberté de proposer au comité des finances, sauf les détails réglementaires. Art. 1er. Les titres de créance exigibles sur l'Etat seront vérifiés et remboursés, et les porteurs de ces titres recevront à leur choix des assignats sur les biens nationaux, ayant cours de monnaie forcée, mais ne produisant aucun intérêt, ou des quittances de finance aux porteurs auxquelles seront attribués 21/2 0/0 chaque année, à titre d’intérêt ou de prime, ou des obligations nationales produisants 1/2 0/0 tous les ans. Art. 2. Tous ces effets seront reçus concurremment avec l’argent en payement des biens nationaux. Art. 3. Les porteurs d’assignats, soit qu’ils les aient reçus en payement de leurs créances sur l’Etat, soit qu’ils les aient eu autrement, auront toujours la faculté de les échanger contre des [24 septembre 1790.] quittances de finance ou contre des obligations nationales. Art. 4. Ceux qui, dans le principe, auraient reçu en remboursement de leurs créances sur l’Etat des quittances de finance pourront également les échanger contre des assignats, et il leur sera tenu compte des intérêts échus; mais cette facilité d’échange ne sera aceordée qu’aux seuls créanciers directs de L’Etat (1). Art. 5. Les obligations nationales portant 3 1/2 0/0 d’intérêt chaque année, et dont il sera tenu compte aux propriétaires lorsqu’ils les donneront en payement des biens nationaux qui leur auront été adjugés, ne seront pas susceptibles d’être converties ni en assignats, ni en quittances de finance. Art. 6. Les intérêts attribués aux 400 millions etc., cesseront à compter du 1er avril 1791, et le coupon de l’intérêt échu sera payé à bureau ouvert; mais comme cette opération exige beaucoup de temps, ledit coupon aura cours de monnaie forcée pour sa valeur réelle jusqu’à ce qu’il soit remboursé. Art. 7. Les assignats seront de 60, 100, 125, 200, 300 livres, jusqu’à 1,000 livres, etc. Art. 8. L’Assemblée nationale désirant accélérer la rentrée des assignats et procurer en même temps aux particuliers qui ne peuveutdisposer que de sommes modiques, les moyens de les prêter, avec privilège, aux acquéreurs des biens nationaux, a jugé convenable de réduire à six ans le délai qui avait été accordé d’abord. Nota. — On assure que M. l’évêque d’Autun a reconnu combien, ses raisonnements sont erronés. Législateurs, vous qui avez applaudi ces mêmes raisonnements, songez que les palliatifs impuissants sont la ressource des femmes, et que le sort de l’Empire dépend de votre décision . Paris, le 24 septembre 1790 (2). Mémoire pour la ville de Lille contre le projet de liquidation de la dette nationale exigible par assignats forcés (3). L’Assemblée nationale désire acquitter, sans délai, la dette exigible. La justice lui impose une obligation, et elle peut la remplir. On lui propose à cet effet de payer les créanciers de l’Etat, ou avec des assignats forcés, ou avec des quittances de finance. Partagée entre ces deux opérations, dont l’événement doit perdre ou sauver la France, l’Assem-lée nationale parait attendre le vœu de la nation pour prononcer. (I) Celte opération pour l’cchange, et pour prévenir toute surprise, peut être fort simple. (2) M. de Talleyrand lit imprimer et distribuer la note suivante, en réponse aux allégations de M. Mi-coud : « Je viens de lire dans une brochure qui a pour titre : « Encore un mot sur les assignats , et signé Charles « Micoud, ci-devant d’Umons, que j’avais reconnu corn « bien mes raisonnements étaient erronés. Je déclare « aujourd’hui, 24 septembre, que, même après la lec-« ture de l’ouvrage de M. d'Vmons , mon opinion sur « les assignats forcés est restée la même, et qu’aucune « des raisons que j’ai employées pour la soutenir ne « me paraissent, jusqu’à présent, avoir été détruites. « Je persiste dans le projet de décret que j’ai soumis « à l’Assemblée. a Signé : l’Évêque d’Autün. » (3) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 septembre 1790.J m La ville de Lille ne peut pas se condamner au silence dans une occasion si importante. Elle observera d’abord que, peut-être, plusieurs villes, ainsi que les grands capitalistes., demanderont des assignats, parce qui ils ont à payer. Et, au contraire, que les villes de fabrique, ainsi que l’honnête citoyen à qui il est dû regardent commeun arrêté de mort une nouvelle émission d’assignats forcés. Des assignats forcés. La ville de Lille doit s’opposer autant qu’il est en elle à ce mode de libération. Tel est son vœu, hâtons-nous de le justifier. Qu’est-ce qu’un assignat forcé? M. de Mirabeau l’aîné nous l’a dit : C'est un emprunt à main armée ; nous pourrions dire plus eucore ..... Il n’y a, quant à présent, que pour quatre cents millions d'assignats en circulation, et ils perdent déjà 6 0/0, malgré qu’ils produisent 3 0/0 d'intérêt. Peut-on se flatter que, lorsqu’il y aura pour deux milliards trois cents millions d’assignats forcés, la perte ne sera pas infiniment plus grande encore principalement sur ceux qui ne produiront pas d’intérêts ? Personne ne le croira. * N’est-il pas certain, en effet, que l’on doive avoir plus de confiance dans un empruntdeguatfre cents millions, lorsque c’est le même gage qui en répond? Il faut donc s’attendre que si l’on décrète encore pour dix-neuf cents millions d'assignats forcés ce papier éprouvera nécessairement une baisse considérable. On craindra alors que le gage ne soit infiniment au-dessous de la somme énorme qu’il doit garantir. On dira d’abord que l’estimation faite des biens nationaux est exagérée, parce que ces biens ont été portés à plus haut prix que ne sont vendus les biens des particuliers; et qu’a prix égal ces derniers seront toujours préférés. On dira, de plus, que l’estimation a été faite sur la valeur des fonds ruraux, avant la Révolution ; et qu’il est possible que cette valeur tombe de moitié, et même au delà , soit par une augmentation d'impôt sur les terres ; soit par une baisse dans le prix des denrées ; soit enfin par les craintes que pourraient nous donner les puissances étrangères. Ce ne sera donc pas sans raison que l’on regardera comme insuffisant le gage de cette grande masse d’assignats : et cette défiance dont les meilleurs amis de la Constitution ne pourront se garantir, jettera nécessairement ce papier dans le plus grand discrédit: de là, une baisse incalculable. Il ne sera plus possible, alors, que les fabricants fassent travailler. Déjà ils réduisent chaque jour le nombre de leurs ouvriers, quoiqu’ils ne IDcrdent encore que six pour cent sur le papier qui leur est donné en payement. Des hommes qui veulent répondre à tout, objecteront, peut-être, que le fabricant peut prévenir celte perte en augmentant le prix de sa marchandise. Ignorent-ils donc que le peuple, dénué de tout moyen de subsistance, ne pourra supporter cette augmentation? Ignorent-ils que nous ne pourrons plus vendre à l’étranger le produit de nos marchandises ? Ignorent-ils enfin que nous aurons la douleur cruelle de voir affluer les marchandises étraii* gères, parce que les droits d’entrée se rouf infiniment au-dessous de la perte que tes assignats causeront à nos manufacturiers? Mais il y a plus encore : qui répondra que les assignats ne perdront pas trente pour cent , et peut-être plus , au jour du payement de3 marchandises, au lieu de six pour cent qu’ils perdaient au moment de la vente? Et dès qu’il n’y a rien de certain à cet égard, tous nos fabricants ne peuvent plus faire travailler. La même raison forcera les capitalistes à retirer les fonds qu’ils ont prêté aux commerçants, parce qu’ils ne peuvent pas placer leur argent à quatre ou cinq pour cent, Lorsqu’ils ont à craindre d’être remboursés avec du papier, qui leur ferait perdre beaucoup au delà de ce bénéfice. On croira nous répondre en vous opposant pour exemple la confiance dont jouit la banque de Londres. Mais la position de l’Angleterre est-elle donc la nôtre? Non... D’ailleurs, les billets de la banque peuvent être échangés à toute heure pour de l’argent, et vos assignats sont loin de cette faveur. Ce n’est pas sur des raisonnements que l’on doit décider une question aussi majeure; if faut un guide sûr, lorsqu’il s'agit de prononcer sur le sort de l’Empire, et ce guide est l’expérience seule. Or, l’expérience prouve que les assignats ne valent pas l’argent. Gomme leur valeur n’est que relative à la confiance qu’on leur accorde, et que cette confiance est dans la sûreté du gage qui en répond, il est donc certain que plus on les multipliera, et plus ils perdront. Concluons, de tous ces faits, que le mode de libération projeté, en consommant la ruine du commerce, jettera dans le désespoir des milliers d’infortunés. Trop heureux si nous n’avons alors à regretter que leur industrie!... Qui oserait répondre que ce n’est pas là où nous attendent Les ennemis de la Révolution? Mais, si l’on peut tout craindre d’une nouvelle émission d’assignats forcés , nous nous plaisons à croire que la dette exigible peut être liquidée par des quittances de finance , sans aucun inconvénient. Des quittances de finance. Il est certain que la nation doit payer, et à défaut d’argent, elle peut se libérer par des quittances de finance (1) avec intérêt du retard quelle se permettra. ' Gela est d’autant plus juste qu’elle jouit des revenus des biens qu’elle doit vendre, pour acquitter cette dette. Voulant être fidèle à ses engagements, elle doit faire ce qu’on est en droit d’exiger de tout débiteur. On ne peut pas dire qu’en accordant un intérêt pour les quittances de finance, on grève la nation, parce que cet intérêt sera toujours au-dessous des revenus des biens nationaux. Il est bon d’observer que les intérêts des quittances de finance ne devraient être liquidés que lorsque ces quittances seraient données en payement d’une acquisition. On en devine la raison : c’est que les porteurs se presseraient d’acquérir. On objectera, sans doute, que les créanciers de l'Etat ne pourront point acquitter leurs dettes, (1) Oa pourra diviser les quittances en autant de cou-pons que les créanciers pourront le désirer. 220 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 septembre 1790.] avec des quittances de finance, comme ils le feraient avec des assignats forcés. Cette objection n’est pas réfléchie. Ces créanciers sont divisés en deux classes : les uns ont à rembourser des contrats de rente, et c’est le plus grand nombre. Ils peuvent donc différer leur libération ; mais beaucoup de leurs crédit-jen tiers accepteront le remboursement de leurs contrats de rente, en quittances de finance ; parcequ’ils pourront, avec ces quittances, acquérir des biens nationaux ; et qu’ils ne le pourraient pas avec des contrats de rente, et c’est le plus grand nombre. Les autres créanciers, qui ont des dettes exigibles, pourront aussi payer une partie avec des quittances de finance ; et, pour le surplus, il leur sera aisé d’en négocier sans perte, parce que les capitalistes, n’ayant plus à craindre une nouvelle émission d’assignats forcés, préféreront ces quittances, qui 'produiront intérêt, à des sacs d’écus qui ne produisent rien. Du reste, ne trouvât-on pas à négocier au pair des quittances de finance, la perte qu’on éprouverait serait toujours peu sensible. Les créanciers de l’Etat devraient donc eux-mêmes préférer ce second mode de liquidation au premier. Résumons. En payant en assignats forcés la dette nationale exigible, tout l’argent disparaît, — tous les ateliers se ferment. Les ouvriers de toutes les classes se trouvent sans travail et sans pain. — Les denrées et les marchandises augmentent, de manière que toute balance est rompue au dehors comme au dedans. — Enfin, le commerce national est anéanti. — Ce moment fatal arrivé, il va se faire une explosion générale qui, détruisant les travaux de l’auguste Assemblée, livrera le plus bel Empire du monde à toutes les horreurs de la guerre civile. Au contraire, si la nation se libéré par des quittances de finance, tous nos maux sont finis. La confiance renaît, — le capitaliste ouvre ses coffres, — le fabricant rappelle ses ouvriers, — et tous les Français, heureux, béniront la Constitution . Les députés extraordinaires du commerce de la ville de Lille , Braussier-Mathon, Wjart. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. BUREAUX DE PUSY. Séance du samedi 25 septembre 1790, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. M. Dauchy, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du 23 septembre au soir. M. Anthoine, secrétaire , lit le procès-verbal de la séance d’hier. Ces procès-verbaux sont adoptés sans réclamation. (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. M. le Président fait donner lecture d’une note de M. le garde des sceaux, qui annonce que le roi a donné sa sanction, le 18 de ce mois, aux décrets ci-après indiqués : « 1° Au décret de l’Assemblée nationale, du même jour, relatif aux attroupements armés qui se font autour de Versailles, sous le. prétexte de détruire le gibier sur les propriétés particulières. « 2° Le 20 du même mois, au décret du 19, rendu à l’occasion des démarches qui ont été faites à RueiL et à Courbevoie vers le corps des gardes-suisses. « 3° Le 21, au décret du 9 mai, concernant les domaines de la couronne. « 4° Au décret du 5 du présent mois, qui prescrit la forme du bouton uniforme des gardes nationales. « 5° Au décret du 10, concernant diverses renies, indemnités, secours et traitements dont plusieurs sont supprimés par ce décret, ainsi que la commission établie pour le soulagement des maisons religieuses. « 6° Au décret du 11, concernant le logement de l’intendance du Trésor public et de ses bureaux, et portant que les dépenses variables, ainsi que celles relatives aux pensions des comédiens français et italiens et autres, relatives aux spectacles'seront rejetées du Trésor public. « 7° Au décret du 12, relatif à la perception des droits et impositions indirectes. « 8° Au décret du 13, concernant l’élection de la municipalité de la ville de Rocroy. « 9° Au décret du même jour, qui autorise les habitants de Vanoze à faire reconstruire leur maison presbytérale, et imposer le montant du prix de l’adjudication de cette reconstruction sur tous les contribuables de Ja paroisse. « 10° Au décret du même jour, concernant les concessions d’apanages. « 11° Au décret du 14, portant que les conseils de départements ne se rassembleront que le 3 novembre. « 12° Au décret du même jour, relatif aux attentats commis à Angers le 6 de ce mois. « 13° Au décret du même jour, portant que Jes receveurs des décimes verseront à la caisse de l’extraordinaire la totalité des deniers étant en leurs mains pour reliquat des comptes par eux précédemment rendus, et que ces receveurs rendront sans délai, par-devant les directoires, le dernier compte de leur administration. « 14° Au décret du même jour, qui détermine le territoire de chacun des six tribunaux du département de Paris. « 14° Au décret du même jour, portant qu’il sera délivré un fonds extraordinaire de 4,600,000 livres, pour pourvoir, tant aux dépenses de l’escadre de Brest, qu’aux frais du nouvel armement. « 16° Au décret du 15, portant que la muni-cipalilé de Strasbourg prononcera en dernier ressort sur les troubles de Schelestadt. « 17° Au décret du même jour, concernant l’augmentation de solde des gens de mer. « 18° Au décret du même jour, concernant les mouvements qui ont eu lieu parmi les équipages de Brest, lors de la publication du code pénal delà marine. « 19° Au décret du 16, portant qu’il sera payé par le Trésor public, à la caisse des invalides, la somme de 210,000 livres pour la prestation des oblats. « 20° Au décret du même jour, portant que la perception des droits, dont l’hôpital général de Lille jouit actuellement sur les vins, bières et