[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 octobre 1789.] 469 puisqu’ils savent que la promulgation consiste essentiellement dans l’envoi aux tribunaux. Rien n’empêche donc qu’ils ne soient mandés pour rendre compte d’une conduite qui nuit infiniment à la nation. M. le comte de Mirabeau. 11 semble qu’un très-petit nombre de minutes encore employées à cette discussion serait un temps gratuitement perdu. Les faits sont avérés : il raut se borner à demander aux ministres pourquoi les provinces ne sont pas remplies de vos arrêtés. Tout ce qui a reçu la sanction ou qui a été accepté doit être envoyé dans les tribunaux. La grande question à discuter consiste à savoir si la transcription sur les registres ne heurtera pas les plans sur l’ordre judiciaire. Je demande par amendement, et vu les circonstances particulières, que je ne crois pas prudent d’exposer, que l’Assemblée nomme dans son sein une commission pour s’informer des subsistances, et notamment de celles de la capitale. Quelques membres ne voient pas la connexité de cet amendement avec la question et en demandent la division. M. de Mirabeau offre de prouver la connexité et consent cependant à la division. Plusieurs observations sont encore proposées ; divers amendements sont présentés ; on discute sur l’admission des mots appelé, invité au lieu de mandé. Ce dernier est adopté, et une rédaction de M.Le Chapellier, après quelques changements, est admise en ces termes : « L’Assemblée nationalea décrété que les arrêtés des 4 août et jours suivants, dont le Roiaordon-, né la publication, ainsi que tous les arrêtés et décrets qui ont été acceptés par Sa Majesté, soient sans aucune addition, changement, ni observations, envoyés aux tribunaux, municipalités et autres corps administratifs, pour y être transcrits sur leurs registres, sans modification ni délai, et être lus, publiés et affichés; « Que le garde des sceaux soit mandé pour rendre compte des motifs du retard apporté à la publication et promulgation des différents décrets, ainsi que des additions, modifications et changements qui y ont été faits, et des raisons qui ont déterminé à faire publier les observations envoyées, au nom du Roi, sur les décrets du 4 août et jours suivants. » M. le Président dit que l’ordre du jour ap-elle la discussion sur les règles de la représentation ans les Assemblées municipales, provinciales et nationale. M. de Montlosier, en examinant le projet du comité, attaque l’expression de citoyens actifs et de passifs. Tout citoyen est actif dans l’Etat, quand il s’agit de s’occuper des droits de tous les citoyens. Le comité, dit-il, a été embarrassé du grand nombre de votants aux assemblées primaires. Il serait aisé de se débarrasser de cette extrême po-fiulation, en ne considérant comme citoyens que es chefs de famille. La question de l’âge nécessaire pour être admis aux assemblées primaires déviendrait alors inutile ; tout homme marié serait reconnu chef de famille, et il serait citoyen, puisqu’il donnerait des hommes à l’Etat. Ainsi, les célibataires seraient exclus des assemblées primaires; ainsi... L’opinant développe les avantages politiques de ce système. M. Legrand. Le comité présente cinq qualités nécessaires pour l’éligibilité. Premièrement, être né Français ou devenu Français. Cet article n’est susceptible d’aucune discussion. Secondement, majeur. L’âge de vingt-cinq ans auquel, la majorité est fixée par nos usages est trop éloigné pour qu’un citoyen exerce ses propres droits, il ne l’est point assez pour exercer ceux des autres. Je pense qu’il suffirait d’avoir vingt-cinq ans pour être admis aux assemblées primaires et trente pour les autres assemblées. D’ailleurs cette expression être majeur est vague, parce qu’il est possible que, par de nouvelles institutions, le terme de la majorité varie. Troisièmement, être domicilié. Il devraitêtre permis à chaque citoyen d’avoir un domicile de choix, pourvu que ce domicile fût déclaré un an avant l’élection, et que le citoyen y payât l’imposition directe. Quatrièmement, payer une imposition équivalente auprixde trois journées de travail. Le payement d’une imposition ne doit être exigé dans les assemblées primaires que comme preuve de cité ; la pauvreté est un titre, et quelle que soit l’imposition, elle doit être suffisante pour exercer les droits du citoyen. Cinquièmement, n’être pas de condition servile. Cette disposilioh est trop sage pour être contestée. Je proposerai d’ajouter, pour sixième article, que tout homme engagé à temps au service de la nation ne pourrait être admis au nombre des votants. J’adopterais aussi le principe deM. de Montlosier, en ne l’appliquant toutefois qu’à l’éligibilité pour le Corps législatif. Un député de Bretagne demande avec beaucoup d’instance que la présente discussion soit interrompue, pour que l’on entende le rapport sur le mandement de l’évêque de Tréguier, ajourné à cette séance. M. ie comte de Clermont-Tonnerre rappelle à l’Assemblée qu’elle a consacré deux jours de la semaine aux finances, pour que le reste soit uniquement consacré à la Constitution, et pense qu’afin qu’un travail aussi important ne soit pas continuellement troublé, il faudrait en assigner un aux diverses affaires de la nature de celle de M. de Tréguier, que les malheurs des temps font affluer à chaque séance. M. Robespierre. La motion de M. de Clermont-Tonnerre demande une sérieuse attention. Il s’agit de proscrire un usage salutaire quoiqu’il embarrasse les opérations de l’Assemblée. Il propose de remettre à un jour déterminé des demandes qui sont un besoin de chaque jour. Est-il permis, par exemple, de différer J’examen de l’affaire deTréguier, quand le feude laguerre civile est allumé dans ce diocèse ? Serait-il permis de ne pas s’occuper demain de l’état de la ville de Rouen, quand cette ville est dans le plus grand danger? Il me faut exprimer mes inquiétudes avec franchise : dans le même moment où le désordre règne dans les provinces, les trames d’une conspiration nous enveloppent, et je puis en découvrir les fils. Je demande si, lorsque cette réunion de circonstances légitime nos craintes, nous pouvons nous résoudre, sous prétexte de Constitution, à des délais qui peuvent amener le bouleversement de l’ordre public.