742 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (13 septembre 1790.] vous êtes eu pleine contradiction avec vous-mêmes. Qui surveillera vos défenses? vous n’avez plus de gardes dans l’intérieur. Vous attendez-vous à beaucoup de rigueur de la part des officiers municipaux des lieux ? intéressez-les pour leur propre compte ou pour leur sûreté. Rendrez-vous le voisin l’espion et le dénonciateur de son voisin ? vous donneriez une belle leçon pour les mœurs! et d’ailleurs vous ne pouvez faire aucun fonds sur ce moyen; sans des précautions rigoureuses le régime prohibitif n’aurait jamais une exécution productive, et la rigueur des lois prohibitives fiscales donne des fers. Une compagnie financière, expirante et se débattant dans son naufrage contre le torrent qui l’entraîne, se ménage encore cette ressource, et veut persuader à la nation, que, puisque cette proscription l’a enrichie, il faut la conserver entre ses mains. Je défie à tout bon citoyen, qui, mettant à part toute idée de fiscalité, voudra être vrai, de ne pas convenir qu’il serait inconséquent, dans l’état des choses, de défendre une culture quelconque à l’industrie agricole, et de lui donner des entraves. Mais, dit-on, si vous supprimez l’impôt sur le tabac, il faut en retrouver le produit, et vous surchargez les terres si vous les en affectez/ Je réponds : 1° que, plus la terre produira, et moins l’impôt sera sensible au cultivateur, et que c’est précisément par ce motif, qu’il faut donner une grande latitude à son industrie; 2° qu’il n’est. plus question aujourd’hui de remplacer un impôt par un autre, mais de répartir sur tous les citoyens, les besoins de l’Etat, de manière qu’ils affectent tous les individus dans une égalité proportionnelle; 3° que les mêmes motifs qui ont déterminé la suppression des aides etdelagabel'e sont applicables au tabac; 4° qu’un droit de traite, assis sur le tabac étranger à importer (et je ne serais pas embarrassé de démontrer que cette importation s’élèvera à la moitié de votre consommation) un droit à prélever sur la fabrication, et enfin un troisième sur le débit s’il est rigoureusement nécessaire, vous donneront encore une masse de contribution considérable qui sera supportée en entier par le consommateur; 5° que si vous avez supprimé des impôts indirects, vous les avez remplacés par d’autres, dont le produit et nommément celui du timbre, s’élèvera au-dessus de vos espérances; 6° que si l’imposition foncière paraît dans son calcul en musse vous effrayer, vous ne comparez pas les charges étrangères" à l’impôt, que la terre avait à supporter et qui ne subsistent plus. Telles sont les dîmes, objet immense pour les propriétaires, la destruction des capitaineries et chasses et plusieurs autres suppressions prononcées ; 7° que vous servirait de ne payer que deux vingtièmes de vos biens, si sous des dénominations différentes, comme sous l’ancien régime, on les imposait encore à la taille et à ses accessoires nombreux; si n’ayant pas l’air d’imposer vos fonds, on vous assujettissait à la contribution d’une capitation aussi honteuse et de ses accessoires multipliés; si malgré toute cette encyclopédie fiscale, vous étiez encore comme ci-devant, arrêtés, fouillés, versés, à chaque journée de route, et si, par-dessus toutes ces gênes, vous étiez encore obligés d’employer vos bras, vos valets et vos chevaux à l’entretien des routes? Peut-être pourriez-vous encore au besoin faire d’autres combinaisons pour cet entretien. Revenons donc, Messieurs, à vos principes, la liberté des personnes et des propriétés : à la première répugnent les visites domiciliaires, et toute inquisition fiscale, sans lesquelles votre impôt sur le tabac ne sera que d’un très mince produit; à la seconde résiste le droit naturel que vous né pouvez méconnaître. Je demande donc la priorité pour le projet de décret du comité de l’imposition, et je me réserve d’y proposer des amendements qui concilient l’intérêt général avec l’intérêt particulier et avec nos relations étrangères. Telles sont la réduction à 25 livres du tabac sur l’importation du quintal de tabac étranger en feuilles, une contribution équitable sur la fabrication, et des modifications à la concurrence de la régie nationale à qui vous attribueriez un privilège exclusif et destructif même de l’avantage de la culture et de la fabrication, si vous adoptiez à cet égard en son entier le projet du comité. P. S. — J’ajoute, Messieurs, une réflexion de prudence aux observations ci-dessus. Voyez les départements des frontières, jouissant de la culture et de la fabrication du tabac, inquiets, alarmés, en se voyant ou se croyant ruinés par la prohibition ; voyez-les vivement affectés, et considérez l’embarras des circonstances. TROISIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE Dü 13 SEPTEMBRE 1790. Mémoire et projet de décret sur le remboursement de la dette exigible de l'Etat , par M. ToüSARD. On est généralement convenu qu’il était impos sible de rembourser la dette exigible de l’Etat, autrement que par la vente des biens nationaux ; mais on a senti que cette vente ne pouvait s’opérer dans un terme aussi court qu’il conviendrait pour la libération de l’Etat; et l’on s’est accordé à penser qu’il était nécessaire de distribuer à ses créanciers des valeurs représentatives de ces biens, et d’opérer ainsi fictivement et à l’avance la liquidation de la dette exigible, afin qu’elle pût se consommer promptement et simplement, à mesure que l’aliénation des domaines s’effectuerait. Mais on ne s’est pas également accordé sur le mode de cette liquidation fictive, et sur la nature des valeurs représentatives qui doivent en être l’intermède. Quelles que soient ces valeurs, quelque nom qu’on leur donne, il est certain qu’elles seront une monnaie de convention entre l’Etat et ses créanciers, au moyen de laquelle ceux-ci pourront s’approprier des immeubles de valeur égale à leur créance aussitôt qu’ils auront fixé leur convenance. Mais cette monnaie n’aura-t-elle cours qu’entre l’Etat et ses créanciers ? Aura-t-elle un cours forcé entre tous les sujets de l’Etat ? Portera-t-elle, ou non, un intérêt? Telles sont les questions importantes sur lesquelles l’Assemblée nationale a à se prononcer. Si les valeurs représentatives des domaines nationaux ont le cours de monnaie entre les sujets de l’Etat, ce seront des assignats-monnaie , à l’instar de ceux qui existent déjà. Si ces valeurs n’ont cours forcément qu’entre l’Etat et ses créanciers, ce seront des quittances de finance, ou des assignations sur les domaines nationaux, comme je préférerais les nommer, [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. parce que ce nom convient mieux à une sorte de délégation comme le sont ces valeurs, et parce qu’il exprime le rapprochement qui doit exister entre elles et les assignats-monnaie. La question des intérêts à leur attribuer n’est qu’une question secondaire, et qui tient néces-sairementà la nature des valeursqui serontcréées. Ainsi c’est la forme et la nature de ces valeurs qu’il faut déterminer avant tout. Je ne ferai point ici l’énumération de tous les inconvénients des assignats-monnaie , et surtout multipliés au point d’effectuer avec cette monnaie le remboursement d’une dette de 1,300 ou de 1,800 millions, suivant que l’on en étendra l’obligation. Assez d’autres ont combattu les assignats-monnaie par leurs inconvénients, et leurs partisans les plus éloquents ne les ont pas dissimulés; mais il ont affaibli l’impression du danger d’une pareille opération par le détail effrayant des embarras présents; ils ont balancé l’idée de tous les malheurs particuliers par le tableau flatté du bien général; enfin ils ont presque entraîné les esprits par Je motif impérieux de la nécessité, en nous montrant ce qui nous reste de ressources comme susceptible de moins grands effets et de non moins de risques. Il n’est donc qu’une manière de se défendre de l’émission des assignats-monnaie , c’est de présenter en comparaison un moyen qui réunisse tous les avantages qu’ils promettent, qui satisfasse aussi efficacement, aussi promptement, à tous les intérêts divers qui seraient le but de leur création, et qui ne fasse craindre aucun des malheurs qui les accompagneraient. Cette manière de traiter une grande question d’intérêt public éloigne toute personnalité et toute apparence de prévention particulière, et je me suis flatté de l’espoir d'obtenir la faveur générale, si mes recherches pouvaient me conduire à un mode satisfaisant de liquidation, différent de celui que la plupart de ses partisans même paraissent redouter. Quel est l’objet de l'émission des assignats-monnaie ? Quels sont les intérêts que l’on fait concourir avec le remboursement de la dette exigible, pour motiver leur création ? Si je ne me trompe, on s’est proposé: 1° D’accélérer la vente des domaines nationaux, afin d’exproprier, le plus promptement possible, cet antique corps du clergé, dont l’ombre peut effrayer encore, et en même temps de ne pas compromettre l’utilité que l’on peut retirer de ces biens, dont les revenus pourraient s’évanouir entre les mains d’administrateurs municipaux; 2° De libérer en entier et au même moment l’Etat du poids immense de sa dette exigible; d’éteindre surtout la trace de l’origine d’une partie de cette dette, suite nécessaire des suppressions ordonnées par l’Assemblée nationale, et qui retarde l’édifice de la Constitution encombrée par les ruines de l’ancien régime ; 3° D’affranchir la nation, sans faire tort à ses créanciers, de près de 100 millions d’impositions, qu’il serait nécessaire d’établir si la dette exigible était convertie en effets à intérêt; 4° Enfin, non seulement d’acquitter l’Etat envers ses créanciers directs, mais encore de donner à ceux-ci la faculté de se libérer envers leurs bailleurs de fonds. Il faut en convenir, l’émission de 2 milliards d 'assignats-monnaie remplit parfaitement ces divers objets. Il tranche, avec une simplicité extrême, toutes les difficultés de détail. Mais cette marche si simple, qui séduit au pre-[13 septembre 1790.] 743 mier coup d’œil, est précisément celle qui ne ménage pas toujours les conventions sociales et les intérêts particuliers, dont la complication est difficilement respectée, sans des dispositions minutieuses qui s’étendent à tous les détails ; et c’est le côté défavorable d’un plan dans lequel on cherchera à appuyer, sur les principes de la morale et de la justice distributive la plus exacte, une opération immense qui peut atteindre jusqu’aux plus pauvres sujets de l’Etat. C’est en multipliant les valeurs d’échange pour les domaines nationaux, qu’on se propose d’accélérer leur aliénation. C’est en créant ces valeurs de telle nature, que leur porteur ait, en les recevant, un droit certain sur ces domaines; qu’il ait un très grand intérêt à en prendre une portion le plus promptement possible en échange de ces valeurs, et à se mettre en possession des biens qui lui sont délégués, qu’on se propose d’exproprier, dans le plus court terme et presqu’au même instant, les anciens détenteurs de ces biens. C’est en substituant des valeurs uniformes aux titres des créanciers de l’Etat que l’on veut effacer jusqu’à la trace de tous ces offices qui pourraient se trouver recréés en un jour, s’il ne s’agissait que d’une réintégration de quittances de finance en nouvelles provisions. Jusqu’ici il n’est aucun de ces avantages que l’on ne puisse obtenir avec des valeurs qui n’auraient point le cours de monnaie. Il suffit que les assignations sur les domaines nationaux soient une monnaie reçue au payement de leur prix, pour qu’à leur égard le numéraire actuel se trouve doublé, comme il le serait avec des assignats-monnaie. Il suffit que ces assignations aient le caractère de délégation ; qu’elles soient un titre translatif de propriété, pour que l’expropriation du clergé soit opérée, autant qu’elle le serait avec les assignats-monnaie . Il suffit que ces assignations dépérissent de valeur dans des termes déterminés, pour que leurs propriétaires aient le plus grand intérêt à les échanger dans un court délai, et cette dégradation peut être calculée de manière à remplir la mesure de justice qu’on doit aux créanciers de l’Etal, en les indemnisant des retards que doit nécessairement entraîner leur mise en possession d’une portion d’immeubles; et les assignats -monnaie n’ont point cet avantage. Enfin, les assignations "ne conservant aucun motif de la dette, étant divisées en sommes pareilles, ne restant plus dans leur totalité originelle et dans les mêmes mains, les porteurs n’ont plus qu’un titre uniforme qui ne laisse aucune trace des anciennes corporations et de l’ancienne composition de la dette liquidée. Il ne s’agit donc plus que d’affranchir les peuples du poids des intérêts de la dette et de donner aux créanciers de l’Etat des moyens faciles de se libérer envers leurs prêteurs. En remboursant les créanciers de l’Etat en assignats-monnaie, il semble, au premier coup d’œil, qu’il ne leur soit dû aucun intérêt, et c’est ainsi qu’on parvient à éteindre, en un instant, cette masse de 100 millions d’intérêts dont on s’effraie ; et, en effet, tout créancier qui est remboursé en valeur égale aux espèces, disons plus, en espèces, ne doit pas prétendre d’intérêts; mais approfondissons les résultats de cette opération. Que faites-vous en créant 1,400 millions de numéraire, et en remboursant pareille somme de 744 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 septembre 1790. créances sur l’Etat? Vous anéantissez, en un instant, 1,400 millions de valeurs fictives, il est vrai, mais de valeurs commerciales néanmoins, et productives d’un revenu en argent, au moment où vous doublez le numéraire du total du royaume, où vous le tiercez au moins. — Jusqu’au placement de ce nouveau numéraire en domaines nationaux, il y a donc une perte réelle pour les sujets de l’Etat de 70 millions de revenus annuels: et sur qui cette perte s’effectue-t-elle ? Ce n’est point sur les capitalistes que vous remboursez, ce n’est point sur ceux qui ont gagné avec l’Etat, et dont la fortune peut comporter cette privation momentanée; c’est sur l’individu pauvre, à qui, en dernier lieu, de remboursements en remboursements, votre numéraire superflu restera dans les mains en stagnation. Il est vrai qu’au même moment vous mettez dans le commerce deux milliards au moins de biens-fonds, de valeurs réelles et productives ; mais les 1,400 millions de valeurs que vous avez détruites prêtaient à une circulation active, parce qu’elles pouvaient changer de mains tous les 'ours, et il faut au moins une année pour que a totalité de vos domaines ait été aliénée suivant les formes indispensables. Le remboursement en valeurs ne portant point intérêt n’est donc qu’une grande injustice déguisée, et déguisée en ce qu’on n’aperçoit pas ceux sur qui elle va retomber; et si le remboursement de la dette exigible ne doit pas être fait en valeurs sans intérêt, voilà un des grands avantages des assignats évanoui. Je suis loin cependant de proposer un intérêt perpétuel ni même prolongé ; je ne suis pas moins éloigné d’aggraver le fardeau des peuples ; mais avant de traiter cette question, suivons encore les effets du remboursement en assignats-monnaie et sans intérêt. Du moment que les assignats auront été répandus avec profussion, le besoin de placer ses fonds, la méfiance, peut-être assez fondée, sur la valeur d’un papier aussi multiplié, va porter en foule les propriétaires d 'assignats à acquérir des domaines nationaux ; chacun voudra, chacun croira sauver, à quelque prix que ce soit, un lambeau de sa fortune ; les ventes ne seront guère plus promptes, parce que les formes sont Tes mêmes, et que la foule n’accélère pas les enchères ; mais les prix seront exagérées. Est-ce là le but qu’on se propose avec les assignats-monnaie ? Je ne le pense pas. Il serait contre l’équité, contre la loyauté française, qui a mis les créanciers de la nation sous sa sauvegarde, de réduire indirectement leurs créances à moitié, en les forçant à mettre un prix peut-être double aux biens qu’ils recevraient en payement, et tel serait cependant le résultat de leur remboursement en assignats-monnaie. La valeur ues biens-fonds est sans doute variable ; elle a dép> ndu dans tous les temps de l’abondance ou de la rareté du numéraire, de la concurrence et de l’opinion. Mais ces variations ont des bornes en plus et en moins ; et s’il n’est pas permis d’ordonner telle disposition qui force à élever le prix des domaines nationaux hors de toute mesure, il est légitime de se défendre de toutes les causes qui pourraient les avilir, et de seconder toutes celles qui peuvent les porter à une valeur modérément élevée, et tel doit être l’effet des assignations que je vais proposer. Ces assignations ne porteraient d’intérêt que pendant deux ans : 5 0/0 la première, et 3 0/0 la seconde. Ces intérêts ne seraient payables que sur les fonds mêmes des domaines nationaux, et seraient reçus en payement avec le capital, lors du placement des assignations en acquisitions. Cette sorte de valeur satisfait à toutes les conditions de justice et d’intérêt. Le créancier de l’Etat est indemnisé de l’intérêt qu’il paye à son bailleur de fonds pendant une année, et ce terme peut suffire pour le placement de ses assignations , soit en remboursement à ses créanciers, soit en acquisition de domaines. Mais ce terme ne peut être plus court. L’indemnité est même prolongée en partie la seconde année pour ceux qui n’auraient pu placer leurs assignations dans le cours de la première. Ici la justice est satisfaite : et, au delà de deux ans, il ne faut plus considérer que les obstacles, que la mauvaise volonté pourrait apporter à la liquidation de la dette nationale. Dans cet intervalle de deux ans, d’après la proportion présumable des ventes, l’Etat ne doit jamais supporter plus de 6 0/0 de la somme totale de sa dette. Je fais porter cet intérêt sur le fonds des domaines ; et je crois les assignataires assez intéressés à se presser d’acquérir, pour que l’on doive retrouver, parla concurrence, cette plus-value de 6 0/0 sur le taux des ventes ; et cette plus-value n’excède pas celle que l’on peut se permettre de rechercher et de favoriser. Je ne fais pas entrer en considération le produit des domaines nationaux jusqu’à leur aliénation, et néamoins il est clair que les peuples ne seront point chargés de l’intérêt des assignations; et que l’Etat ne perdra sur le prix de ses domaines que les bénéfices illégitimes qu’auraient pu lui procurer les assignats-monnaie. Il ne nous reste plus à considérer les valeurs qui seront assignées sur les domaines nationaux, que relativement à la libération secondaire des créanciers de l’Etat envers leurs bailleurs de fonds, et dans leur passage de main en main, jusqu’à celles où elles doivent s’arrêter. Quels sont les propriétaires actuels des créances exigibles sur l’Etat ? Ce sont : 1° des entrepreneurs et fournisseurs, par lesquels les retards et les risques de leurs entreprises ont été calculés et mis en compte ; 2° Des porteurs d’effets royaux la plupart achetés au-dessous de leur valeur, mais qui, du moins, en les considérant sous le point de vue le plus favorable, ont placé leurs fonds à des conditions avantageuses, et ont toujours eu en vue des hasards de hausse et de baisse dans la valeur de ces effets ; 3° Des financiers, qui ont occupé des places lucratives, qui en ont emprunté les fonds, et qui ont fait des deniers de leurs prêteurs, les instruments de leur fortune ; 4° Enfin, les titulaires d’offices, les plus maltraités de tous du côté pécuniaire, ceux de magistrature surtout, à qui l’on ne peut imputer que d’avoir acheté des privilèges et des honneurs; mais enfin, qui avaient spéculé sur ces avantages, et qui peuvent avoir emprunté pour les acquérir. Sans doute, l’Etat ne doit pas seulement à ses créanciers de les rembourser, mais encore de leur donner les moyens de rembourser leurs prêteurs. Cependant, si par une nécessité fatale, à laquelle je suis loin de croire, l’Etat était obligé de donner des valeurs susceptibles de perte, serait-ce sur les bailleurs de fonds que cette perte devrait être dirigée plutôt que sur les créanciers de l’Etat ? [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 septembrel790.] Non, sans doute, ce serait contre tout principe de justice. Les uns n’ont retiré de leur argent qu’un intérêt ordinaire, sans aucune chance d’accroissement possible ; les autres ont spéculé sur des bénéfices pécuniaires ou sur des prérogatives ; presque toutes les chances même étaient à leur avantage : la chance contraire arrive, c’est à eux à la supporter. S’il était une injustice nécessaire à faire par l’Etat, dans le mode du remboursement de sa dette, elle devrait tomber sur ceux qui ont traité avec lui; et, sans cela, où s’arrêterait-elle? De quel front le législateur fixerait-il le rang qu’elle devrait frapper ? Du moins tout est dans l’ordre des conventions humaines, lorsque chacun supporte les hasards de la fortune de celui avec qui il a traité. Et c’est sous ce point de vue que les assignats-monnaie sont essentiellement défectueux. On ne peut se dissimuler qu’ils ont un désavantage actuel de 6 1/2 0/0 contre les espèces; que ce désavantage s’accroît d’autant plus qu’ils seraient plus multipliés; et c’est surtout pour celui qui a peu, et qui vit de peu, que la condition de l’échange est inévitable; et quand même vous les diviseriez jusqu’en sommes de 6 livres, vous ne feriez qu’étendre leur circulation, jusqu’à ceux qui n’ont jamais dépensé 6 livres à la fois; cependant, du financier ou du magistrat à son bailleur de fonds, de celui-ci à d’autres, et successivement chacun obligeant son créancier à prendre au pair une valeur qui périrait dans sa main, vous verriez à la fin de cette cascade d’iniquités, l’assignat arriver au malheureux qui vit de son travail, et ruiner celui qui a toujours été opprimé par les privilèges et l’autorité, et qui a payé son denier dans ces fortunes qui resteraient intactes. Mais écartons, avec les assignats-monnaie, toute idée d’injustice. L’État sera juste envers ses créanciers, il le sera envers leurs prêteurs, il le sera envers tous ses sujets. Que doit l’Etat à ses créanciers? Il leur devrait, sans doute, leur remboursement en espèces ; mais lorsqu’on acquitte une dette immense, est-ce en numéraire qu’on, peut le faire? Et si l’État faisait ainsi le remboursement de la sienne, ne ferait-il pas un tort réel à ses sujets ? Si l’Etat avait à sa disposition une somme réelle de 1,400 millions en écus, qu’il la répandit sur-le-champ dans la circulation, en remboursant une dette de pareille somme, sans offrir à ses créanciers, ou à ceux qui sont derrière eux, de nouveaux placements, la prospérité du royaume pourrait résulter un jour de cette abondance de numéraire; mais en attendant, les propriétaires actuels se trouveraient singulièrement lésés par la privation présente et de longue durée des retenus qu’ils tiraient des placements existants ; ainsi, quand l’État peut substituer à ceux-ci une somme égale de nouveaux placements, il vient réellement au secours de ceux qui sont intéressés dans sa dette, et on peut regarder comme indifférent qu’il offre à ses créanciers l’échange d’un placement contre un autre, sans l’intermède du numéraire. L’Etat est donc réellement quitte envers ses créanciers en leur transmettant des biens-fonds jusqu’à la concurrence de leurs créances, et l’intermède de cet échange, quel qu’il soit, n’influe en aucune manière sur la légitimité et la validité du remboursement. Que doit l’Etat aux bailleurs de fonds de ses créanciers ? leur doit-il leur remboursement? C’est à eux-mêmes à le décider. S’ils regardent leurs 745 débiteurs comme remboursés, ils doivent prendre d’eux les valeurs que ceux-ci ont reçues. S’ils ne voient qu’un changement de placement de leurs fonds, ils doivent conserver leurs droits sur leurs débiteurs, et leur privilège sur ces fonds. Ainsi l’Etat leur doit de ne point gêner leur choix, de leur assurer la transmission des valeurs qu’il donne à ses créanciers, ou de veiller sur leurs droits, s’ils n’y veulent point de mutation. Mais, dans ce dernier cas, l’État doit-il à ses propres créanciers de les libérer de leurs engagements, et de les garantir des différences d’intérêts qui pourraient les grever, après les avoir remboursés en biens-fonds? Ce n’est pas une obligation de justice rigoureuse, mais un de ces engagements qui sont dans l’ordre de la justice relative de l’Etat envers ses sujets, et qu’il peut ne prendre que dans la proportion de ses facultés. Tels sont les principes qui ont motivé toutes les dispositions législatives qui vont être présentées sur les assignations sur les domaines nationaux. Je ne m’étendrai pas sur les dispositions d’ordre et qui ont pour objet d’assurer aux bailleurs de fonds, ou la transmission des valeurs qui leur appartiennent, ou la conservation de leur privilège. Je passerai tout de suite aux dispositions qui ont pour objet de faciliter la libération des créanciers de l’Etat envers leurs prêteurs, soit par le concours de ceux-ci, soit par le secours de l’Etat lui-même. Je propose d’accorder aux bailleurs de fonds, qui prendront des assignations sur les domaines en remboursement, la faculté d’acquérir, avec ces assignations , un bien de valeur double, et de ne payer qu’à 3 0/0 l’intérêt de la somme, dont l’Etat leur fera le crédit. C’est un grand attrait pour les bailleurs de fonds, et ce n’est pas un trop grand avantage de la part de l’Etat ; car cette somme de crédit, dont il ne retirera que 3 0/0, est au-dessous de la somme de la dette de l’Etat, payée en assignats-monnaie, portant pareil intérêt , et qui en seront probablement dépouillés, et cet intérêt, d’un autre côté, n’est pas au-dessous du produit net que l’Etat pouvait retirer de ses domaines. Je propose, à l’égard des créanciers de l’Etat qui ne seront pas libérés par leurs prêteurs, de leur prêter, au nom de l’Etat, des sommes équivalentes à leurs engagements à l’effet de les acquitter et de les leur prêter à dix ans de terme, à 3 1/2 0/0 d’intérêt; pourvu qu’ils aient placé leurs assignations en acquisitions de domaines, et payé 20 0/0 comptant. Cette disposition est un moyen d’émulation entre les créanciers de l’Etat, qui seront d’autant plus assurés de jouir des avantages et des secours qui leur sont promis, qu’ils se seront rendus plus tôt acquéreurs. Elle est en même temps un véhicule de plus, donné aux bailleurs de fonds, pour recevoir leur remboursement en assignations; car leur perspective, en le refusant, serait de conserver pendant deux ans la jouissance d’un intérêt, qu’ils ne peuvent pas espérer de retrouver au bout de ce terme ; d’être remboursé en assignats, et d’avoir perdu la faculté de les placer en domaines, lorsqu’ils auront été prévenus par les assignataires et acquéreurs à terme. Enfin, les uns et les autres auront la faculté de transmettre ces avantages à ceux qui y trouveraient mieux leur convenance qu’eux-mêmes. 746 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ]13 septembre 1790.] L’effet de ces dispositions doit donc être de déterminer, le plus grand nombre des bailleurs de fonds, à accepter les assignations sur les domaines en remboursement, ou d’assurer la libération des créanciers de l’Etat par les secours qu’il leur donnera. La somme des offices, fonds de finance et cautionnement remboursables, est de 862 millions. On ne peut pas évaluer qu’il en appartienne plus de 600 millions aux bailleurs de fonds : et l’on préjuge que les assignats-monnaie, que doit retirer l’aliénation des domaines, seront portés à cette somme. Cependant si les bailleurs de fonds se refusaient tous à recevoir leur remboursement en assignations; si les domaines nationaux qui excéderont la somme des assignations n’étaient vendus qu’à terme et à long terme, si leur valeur enfin n’excédait pas 6 à 700 millions, il serait possible que les payements exigés comptant, et les annuités échéant dans les deux premières années, ne produisissent que 200 à 240 millions, qu’il restât encore 400 millions d’engagement à la charge des créanciers actuels de l’État, et qu’ils fussent forcés, pour s’acquitter, de revendre les terres qu’ils auraient reçues en payement. Mais ce serait au moment où la vente des domaines nationaux serait achevée, ou 1,300 millions de placements en créances sur l’Etat auraient été détruits, et où le numéraire serait cependant accru de 600 millions. Dans de pareilles circonstances, les terres doivent se vendre à un denier plus avantageux que dans le moment présent, et le créancier de l’Etat n’aurait rien à perdre. On pourrait même aller plus loin. S’il était possible que les terres éprouvassent, dans deux ans, une défaveur, la perte qui pourrait en résulter, pour le revendeur, serait de beaucoup au-dessus de celles que subissent les créanciers de l’Etat non remboursables. Les créanciers de la dette exigible seraient donc encore infiniment mieux traités que tuus les autres créanciers de l’Etat, et c'est une comparaison qu’il est bon de ne pas perdre de vue, sans prétendre mesurer rigoureusement d’après elle les égards que l’on doit avoir pour eux. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de justifier le retour des assignats dans la circulation tel que je le suppose : c’est une opération non moins solide que leur première émission. Ils ne sont reproduits que garantis par une obligation privilégiée sur une terre dont la valeur excédera de 20 0/0 de l’obligation. L’Assemblée nationale a déjà ainsi converti indirectement le gage des assignats-monnaie de la propriété des domaines en obligations privilégiées sur leurs fonds, lorsqu’elle a décrété l’aliéDation des domaines nationaux à terme. Il ne résultera de cette opération qu’une prolongation de la circulation des assignats-monnaie . Mais lorsque cette monnaie aura été prise pour comptant dans la vente des domaines nationaux, lorsqu’elle ne rentrera dans le commerce qu’après l’épreuve de la solidité de son gage, et de la possibilitédeleur extinction annuelle par dixiéme, au moment où ils seront inutiles, cette somme d’assignats si effrayante, si mal jugée peut-être, jouira de toute la plénitude de la confiance publique. L’intérêt général sollicitera peut-être alors la conservation d’un numéraire fictif, dont le crédit sera assuré, et qui multipliera les moyens de féconder l’agriculture et l’industrie; et ce qui ne semble dans ce moment qu’une ressource extraordinaire pour l’acquittement de l’Etat, établit en même temps à son profit un revenu assuré, fondé sur le crédit de son papier et sur la prospérité générale. Tels sont les moyens par lesquels l’aliénation des biens nationaux et le remboursement de la dette exigible peuvent s’effectuer, sans recourir aune création d'assignats-monnaie. On a pu voir que si l’on combattait leur création dans ce plan, ce n’était pas par une prévention absolument opposée à cette espèce de papier-monnaie. Ce numéraire fictif offre certainement de bien grands avantages, lorsqu’il a une valeur aussi solidement et aussi évidemment garantie que les assignats sur les domaines nationaux, mais ce qui n’est qu’autant que sa multiplication sera contenue dans de justes bornes. Ce papier-monnaie est plus solide que celui d’aucune banque connue, et il a néanmoins besoin de gagner l’opinion et de la ménager. L’Assemblée nationale nepourra pas suffire au déficit des fonds ordinaires du service des finances sans une nouvelle émission d'assignats-monnaie , déjà évaluée à 200 millions. C’est la nécessité qui le commande, mais elle doit borner là ses efforts contre l’opinion publique. Elle peut suffire par d’autres moyens au remboursement de la dette exigible ; elle doit donc se réserver seulement la faculté de créer encore au besoin , jusqu’à la concurrence de 200 millions d'assignats-monnaie , et je proposerai d’en faire le premier article de son décret ; mais ne créer, pour l’aliénation des domaines de la nation et le remboursement de sa dette exigible, que des assignations non-monnaie, dans la forme qui va être présentée. PROJET DE DÉCRET. Art. lervLa somme de 400 millions d'assignats-monnaie, hypothéqués sur les domaines nationaux, créés par le décret du 16 avril dernier, ne sera augmentée que : 1° pour les dépenses du service courant ; 2° et pour les causes qui seront énoncées en l’article 23 du présent décret, et ce à mesure des besoins seulement; et dans aucun cas elle ne pourra être portée au delà de 600 millions. A l’égard de la dette arriérée et exigible, il sera pourvu à son remboursement par les moyens ci-après décrétés. Art. 2. Il sera présenté dans quinze jours delà date du présent décret, par le comité de liquidation, un tableau de toutes les classes de dettes de l’Etat, qui seront de nature exigibles et remboursables actuellement. Ce tableau sera arrêté par l’Assemblée nationale et sanctionné par le roi. Art. 3. Avec le tableau de la dette exigible, le comité de liquidation présentera à l’Assemblée nationale un règlement sur les formalités qui devront être observées par les propriétaires de ces créances, pou r j ustifier de leur pro priété.la faire liquider, et connaître leur titre, ainsi qu’il sera dit ci-après. Ce règlement sera arrêté par l’Assemblée nationale et sanctionné par le roi. Art. 4. Tout propriétaire de créance, classée par l’Assemblée nationale dans l’état de la dette exigible, sera tenu, d’iciau 1er février 1791, défaire liquider sa créance dans les formes prescrites par les règlements à intervenir, et d’en faire convertir le titre, conformément aux articles suivants. Art. 5. Les propriétaires de créances exigibles liquidées recevront, au bureau de liquidation, une reconnaissance de liquidation portant qu'ils sont propriétaires de telle somme de créance sur [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. l'Etat , exigible et remboursable par la caisse de l’extraordinaire. Art. 6. Dans lesdites reconnaissances seront mentionnées les mêmes déclarations au profit de tous bailleurs de fonds, qui seront énoncées dans les contrats d’acquisition, quittances de finance, brevets de retenue, récépissés de caisse et autres titres de propriété qui auront été présentées à la liquidation. Pourront même les bailleurs de fonds, pour la conservation de leurs droits, mettre opposition d’ici au 1er février 1791, au bureau deliquidation, entre les mains d’un conservateur d’hypothèques, qui y sera établi pour cet objet, à l’effet de faire insérer lesdites déclarations à leur profit dans les reconnaissances. Art. 7. Les titulaires d’offices ou de concessions comptables, ayant finance ou cautionnement du nombre de ceux supprimés par les décrets précédents, et remboursables, pourront même faire liquider leurs créances, et recevoir leur reconnaissance de liquidation. Mais dans cette reconnaissance seront réservés les droits du Trésor public, et de toutes autres administrations publiques jusqu’à apurement de compte. Art. 8. Les reconnaissances de liquidation seront au porteur, pour les créanciers d’effets au porteur, et pour ceux dont les créances ne seront grevées d’aucun privilège. Elles seront au nom du propriétaire pour les créances grevées de privilège ou de garantie de comptabilité. Art. 9. A compter du 1er février 1791 , les reconnaissances de liquidation seront échangées à la caisse de l’extraordinaire contre des assignations sur les domaines nationaux, lesquelles seront de deux sortes : 1° Des assignations libres au porteur de 1,000 livres, de 300 livres et de 200 livres ; 2° Des assignations chargées de 1,000 livres et sommes d’appoint, à l’ordre du propriétaire. Art. 10. Les assignations libres seront délivrées en échange des reconnaissances de liquidation au porteur. 11 en sera pareillement délivré à ceux dont les reconnaissances seront grevées de privilèges , pour les sommes fournies de leurs deniers, excédant lesdits privilèges. Art. 11. Les assignations chargées seront délivrées en échange des reconnaissances de liquidation grevées de privilège. Elles seront à l'ordr du propriétaire de la reconnaissance, et chargées du privilège de bailleur de fonds, en faveur de chacun de ceux qui y auront droit, dont le nom et le titre seront énoncés sur un nombre suffisant d 'assignations, pour compléter la totalité de leur créance, et tels qu’ils seront mentionnés en la reconnaissance de liquidation. Art. 12. Les créanciers comptables ne recevront en échange de leurs reconnaissances de liquidation que des assignations chargées, tant de privilèges de bailleur de fonds, dont lesdites reconnaissances seront grevées, que de la garantie de leur comptabilité, et ce, même pour les sommes qu’ils auraient fournies de leurs deniers. Art. 13. Les assignations sur les domaines nationaux, des deux espèces, porteront 5 0/0 d’intérêt du 1er octobre 1790 au 1er octobre 1791, et 3 0/0 du 1er octobre 1791 au l,r octobre 1792; et ne porteront aucun intérêt au delà de ce terme. Art. 14. Le cours des intérêts n’aura lieu, à compter du 1er octobre 1790, que pour ceux qui se seront fait liquider avant le 1er février 1791 : [13 septembre 1790.] 747 et pour tous autres, ils ne courront que du jour de la liquidation de leurs créances. Art. 15. Lesdits intérêts ne seront payés que sur les fonds des domaines nationaux, et par addition avec le capital, lors du déplacement des assignations en acquisitions de domaines. Art. 16. Les assignations libres ne seront admises pour comptant, dans les payements des domaines nationaux, qu’autant qu’on soldera en entier le prix de l’acquisition, soit avec lesdites assignations , soit en assignats-monnaie ou espèces. Art. 17. Les bailleurs de fonds pourront contraindre leurs débiteurs, autres que les comptables, avant l’apurement de leurs comptes, au remboursement de leurs fonds en assignations chargées en leur nom ; et dans le cas où ils n’useraient pas de cette faculté, ils ne pourront exiger le remboursement de leurs capitaux avant le 1er janvier 1794. Art. 18. Les bailleurs de fonds qui libéreront leurs débiteurs et qui acquerreront des domaines nationaux avec des assignations chargées en leur nom, auront la faculté de ne payer que 50 0/0 de leur acquisition avec lesdits effets; et pour les 50 0/0 restant, ils jouiront d’un crédit qui pourra être de dix années, et sous un intérêt de 3 0/0 seulement. Le capital et les intérêts seront divisés en annuités, qui seront proportionnées au terme de remboursement. Art. 19. La transmission des assignations chargées se fera par l’endossement du propriétaire, au profit de son bailleur de fonds, consenti par celui-ci, et revêtu de la signature des notaires qui auront reçu la quittance du bailleur de fonds, laquelle sera énoncée audit endossement. Art. 20. Les bailleurs de fonds pourront transmettre à un tiers, par un simple endossement, les assignations chargées en leur nom, dont ils seront devenus propriétaires avec les mêmes avantages qui leur sont attribués par l’article 18. Art. 21. Les créanciers de l’Etat, qui n’auront pas été libérés par leurs bailleurs de fonds, pourront placer, pour comptant, leurs assignations chargées, en acquisition de domaines nationaux, jusqu’à la concurrence de 80 0/0 du prix de leur acquisition, en fournissant les 20 0/0 restant, soit comptant, en espèces ou assignats-monnaie, soit en assignats libres. Art. 22. Les créanciers de l’Etat, qui auront ainsi employé leurs assignations chargées, se feront inscrire, après la consommation de leurs acquisitions, au bureau du trésorier de l’extraordinaire, et suivant leur ordre d’inscription; et à mesure de la rentrée des sommes payées comptant, en espèces ou assignats-monnaie, sur les ventes des domaines nationaux, il leur sera prêté, par le trésorier de l’extraordinaire, au nom de l’Etat, des fonds équivalents aux privilèges dont ils sont grevés; à la charge de rembourser les créanciers desdits privilèges et de leur faire substituer le Trésor public. Les assignats-monnaie, qui pourront être retirés avec les annuités contractées sur les ventes à terme, seront pareillement consacrés à cet emploi. Art. 23. Et dans le cas où le service courant n’absorberait pas les 200 millions de nouveaux assignats-monnaie, que l’Assemblée nationale se réserve de créer, il pourra en être employé une partie pour accélérer, s’il est nécessaire, ou compléter la libération des créanciers de l’Etat envers leurs bailleurs de fonds; mais lorsqu’il en 748 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 septembre 1790. aura été ainsi statué par l’Assemblée nationale, sur les comptes qui lui seront rendus. Art. 24. Les fonds ainsi prêtés par l’Etat porteront 3 1/2 0/0 d’intérêts, et lesdits intérêts avec les capitaux seront divisés en annuités, qui ne pourront être en plus grand nombre que dix, pour dix années. Art. 25. Les créanciers de l’Etat non comptables pourront transmettre leurs assignations chargées à un tiers, par un simple endossement; mais jusqu’à ce que le bailleur de fonds ait été rem boursé par son débiteur ou le cessionnaire, ou qu’il ait accepté ce dernier pour débiteur, il conservera ses droits sur son premier obligé, sur l'assignation à lui délivrée et chargée à son profit, et sur l’emploi qui en sera fait. Art. 26. Les contrats de vente qui seront passés sur payement en assignations chargées , établiront le privilège de bailleur de fonds réservé par Jesdites assignations , au profit de ceux qui y seront dénommés, et l’acquéreur ne pourra entrer en jouissance qu’en justifiant par lui de la notification par lui faite au bailleur de fonds du placement de son privilège, auquel le domaine demeurera affecté de droit, et avant toute autre créance, en vertu de l’énoncé au contrat d’acquisition, et sans qu’il soit besoin d’oppositions, jusqu’à décharge valable. Art. 27. Les comptables pourront acquérir des domaines nationaux avec leurs assignations chargées, même avant l’apurement de leurs comptes, aux conditions portées en l’article 21 ; mais ils ne pourront transmettre leurs assignations à un tiers, et ils ne pourront jouir des avantages concédés par l’article 22 qu’après l’apurement de leurs comptes. L’Assemblée nationale charge ses comités des finances et de liquidation de lui présenter les moyens qui pourraient accélérer la reddition et l’apurement des comptes, ou opérer la décharge provisoire des comptables. Et dans le cas où les comptables, par des causes indépendantes de leur fait, demeureraient grevés de la garantie de leur comptabilité, et privés des avantages accordés par l’article 22, l’Assemblée nationale se réserve de statuer sur les indemnités qui leur seront dues, pour les intérêts qu’ils auront supportés; mais dans le cas seulement où ils auraient placé leurs assignations en acquisition de domaines nationaux. Art. 28. Les porteurs de reconnaissances de liquidation , qui voudraient acquérir des biens nationaux d’ici au premier février 1791, pourront se rendre adjudicataires, et se pourvoir d’un certificat provisoire du trésorier de l’extraordinaire, sur lequel il leur sera accordé délai suffisant pour le payement. Art. 29. L’aliénation des domaines nationaux continuera d’être faite, soit au comptant, soit à terme, à tous acquéreurs, aux conditions ci-devant décrétées, et les annuités, contractées lors des ventes qui seront faites, ainsi que celles qui pourront l’être en vertu du présent décret, demeureront affectées au remboursement des assignations et des assignats-monnaie , ainsi que l’étaient les domaines aliénés. En conséquence, lors de la consommation de la vente des domaines nationaux, il sera imprimé et publié, par les commissaires chargés d’en suivre l’aliénation, un tableau des domaines vendus à terme, des annuités contractées par les acquéreurs, des assignations qui auront été données en payement et des assignats-monnaie qui auront été retirés de la circulation, de ceux qui y seront rentrés en vertu du présent décret, et de ceux qui auront été annihilés. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. BUREAUX DE PUSY. Séance du mardi 14 septembre 1790, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin, M. Goupilleau, secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier. Le procès-verbal est adopté. Il est fait lecture d’une lettre de la dame de Planazu, adressée à l’Assemblée, à laquelle elle fait hommage d’un ouvrage rédigé par le feu sieur de Planazu, son mari, sur la méthode de cultiver les terres. Cette lettre et l’ouvrage sont renvoyés au comité d’agriculture et de commerce. Il est également fait lecture d’une adresse du collège de pharmacie, par laquelle il présente à l’Assemblée nationale l’hommage de son dévouement pour le bien public; il annonce qu’ayant établi un concours public où les élèves sont examinés, et où ceux qui ont donné plus de preuves de leur application et de leurs travaux sont couronnés par un prix, il prie l’Assemblée d’honorer de sa présence par une députation, la solennité de cet établissement, le jour où les prix seront distribués. L’Assemblée ordonne que mention sera faite de cette adresse dans le procès-verbal, et M. le Président invite quelques-uns de ses membres à assister à la distribution des prix du collège de pharmacie. M. de Ijaroehefoiicauld-Uanconrt. Le comité de mendicité a vu avec peine que l’Assemblée nationale, dans sa séance d’avant-hier, en ordonnant la formation d’un nouveau comité, sous le nom de comité de santé, lui avait attribué une partie des fonctions attribuées déjà au comité de mendicité, et qui lui avait été dévolue, sinon par un décret positif de l’Assemblée, au moins par l’approbation expresse qu’elle avait donnée à son plan de travail, dont elle a, le 15 juillet dernier, ordonné l’impression ; je veux dire la partie des secours à donner aux pauvres malades dans les villes et dans les campagnes. Les membres du comité de mendicité n’ont pas cru devoir présenter à l’Assemblée leur réclamation isolée, le jour de cette motion ; mais ils ont cru devoir attendre la plus prochaine réunion du comité , et elle a eu lieu hier soir. C’est donc au nom du comité entier que j’ai l’honneur de vous porter la parole. Les secours à donner aux pauvres en état de maladie sont nécessairement liés à ceux à leur donner en état de santé, à ceux adonner aux enfants, aux vieillards ; l’établissement des lieux de santé, la grande question du parti à prendre sur la diminution des hôpitaux, sur les secours à domicile, sur l’établissement des chirurgiens de canton, tiennent au grand travail dont est chargé le comité : c’est un travail purement politique, purement de Constitution ; c’est un chaînon de cette (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.