[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 décembre 1789.J ternes ..... ainsi vous trouverez au moins de quoi suffire à vos besoins, sans exciter ni heurter l’intérêt de personne. On ferait un tableau de la nature de ces biens et de leur situation ; on en publierait la vente, et alors on donnerait à chaque prêteur une hypothèque sur le fonds qui lui conviendrait davantage. M. l’abbé Maury . J’ai deux observations à faire. Quand vous avez voté la contribution patriotique, vous avez cru vous tirer d’un grand embarras, et vous en avez à présent deux au lieu d’un. Vous n’avez jamais entendu consentir un emprunt remboursable dans six semaines, et c’est ce qui est arrivé lorsque, sans prévenir et consulter l’Assemblée, on a, malgré votre décret, traité avec la caisse d’escompte. J’ai examiné le tableau des dépenses extraordinaires de 1790 : je croyais y voir des dettes exigibles, et je n’ai rien vu de cela. Il ne m’appartient pas de prévenir les observations de l’Assemblée sur ce tableau; mais j’en demande l’impression, afin que demain vous puissiez le discuter. La question préalable est invoquée sur cette demande. L’Assemblée décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer, quant à présent. M. Duport. J’observe que dans le mémoire envoyé hier par le ministre, M. Necker fait entendre que ce plan ne lui a pas été communiqué ; il serait important, cependant qu’il eût été concerté avec celui qui doit être chargé de son exécution. MM. I�ecouteulx et Anson répondent que M. Necker a eu la connaissance la plus entière du plan, mais non du rapport, qu’il n’eût point été convenable que les commissaires communiquassent. On lit la phrase du mémoire du ministre : elle est absolument conforme à cette explication. La séance est levée à quatre heures. lre ANNEXE à la séance de l’Assemblée nationale du 18 décembre 1789. Rapport au comité ecclésiastique (1) contenant l’examen de la motion de M. Treilhard sur l'aliénation de quelques portions de possessions dites ecclésiastiques et sur l’ administration de toutes , par M. Lanjuinais, membre du comité (2). Messieurs, on avait agité, dans votre comité ecclésiastique, la question de savoir s’il conve-> Q) Ce rapport, qui n’a pas été lu en séance publique, n’a pas été inséré au Moniteur . 12) Aussitôt que la motion de M. Treilhard, du 18 décembre, a paru, j’ai proposé au comité ecclésiastique mes idées sur cette motion ; il les a goûtées et m’a chargé de rédiger un rapport qui serait lu à l’Assemblée national o au nom du comité. — J’ai fait ce rapport; il a été lu à uqe assemblée du comité, peu nombreuse, où nait de retirer aux bénéficiers et aux établissements ecclésiastiques l’administration des biens qu’ils ont eue jusqu’à présent. Cette proposition fut discutée sans prendre un parti définitif. M. Treilhard parlant, le 18 décembre, à l’occasion de la caisse d’escompte, sur l’aliénation de quelques biens ecclésiastiques, fit venir son projet d’ôler absolument au clergé toute administration de ses biens, et proposa dix articles à discuter. L’un de ces articles, c’est le dernier, concerne la désignation des biens ecclésiastiques à aliéner pour les pressants besoins de l’Etat. Les six premiers contiennent les dispositions qui doivent changer l’ancien régime des fonds et des revenus ecclésiastiques. Les trois autres indiquent l’emploi de ce même revenu. La motion de M. Treilhard a été Imprimée par ordre de l’Assemblée, qui a résolu de la délibérer. Votre comité ecclésiastique comptait vous offrir, sur ces trois objets, une série d’articles qui auraient été discutés préalablement par les membres que vous avez choisis peur préparer vos travaux sur les matières de ce genre. M. Treilhard a cru qu’il était utile de prévenir leur zèle; ils ne se croient pas dispensés, pour cela, de vous communiquer leurs réflexions sur les objets de la motion de leur collègue; c’est en sa présence qu’elles ont été proposées et arrêtées. Quant à la désignation des biens ecclésiastiques à vendre préférablement, pour contribuer à l’acquit de la dette nationale, cette aliénation a été ordonnée par votre décret du 19 décembre; mais la quotité en est demeurée incertaine, et jusqu’à ce que vous l’ayez fixée, vous ne pouvez prendre qu’une détermination vague sur la désignation de ces biens. C’est aussi tout ce que vous offre l’article 10 de M. Treilhard, et l’on ne peut pas exiger davantage quant à présent. Cet article est conforme aux vues qui ont été approuvées par votre comité. Il doit faire la base du décret que vous rendrez sur cette aliénation; mais ce décret, pour être utile et susceptible d’exécution, présuppose les avis des districts et départements; car il doit contenir l’état des maisons et terrains qui seront aliénés, désigner le temps, les formes et les conditions de la vente. Vous ne pouvez donc pas dire que ces biens seront incessamment vendus ; il faut d’abord prononcer les suppressions des maisons; il faut d’abord pourvoir au sort des individus qui les composent, Il a semblé à votre comité qu’il y a lieu d’ajourner cet article. Mais si vous le décrétez dès à présent, le mot incessamment doit en être retranché et l’article serait peut-être plus exact dans cette forme : « Il sera désigné par l’Assemblée nationale , dans les grandes villes du royaume, un certain nombre de maisons et d’enclos, ci-devant appartenant à des établissements ecclésiastiques qui auront été supprimés; ces maisons et enclos seront vendus dans le temps et avec les formes et conditions qui seront fixées par un règlement particulier; et le prix en provenant, sera versé dans la manquaient les deux prélats qui en sont membres: MM. de Bonnal, évêque de Clermont, et de Mercy, évêque de Luçon. — On n’a pu s’en occuper plus longtemps, pour s’arrêter au style et aux expressions ; mais les résultats en ont été votés et adoptés par le comité. — La motion que je propose à la fin n’a pas été lue à mes collègues. {Note de M. Lanjuinais.) [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 décembre 1789.] QQÿ caisse nationale pour être employé aux besoins publics, ainsi qu’il sera ordonné. » Les six premiers articles font naître bien des réflexions : les uns concernent le fond même des dispositions; les autres ont pour objet des négligences de rédaction qui peuvent être facilement réparées. Avant de présenter ces réflexions, il faut examiner la question principale; elle s’offre sous plusieurs aspects différents : 1° Par rapport aux biens maintenant en économat ou en régie séculière, comme la régie des biens des Jésuites, celle des Gélestins, des Antonins de l’ancien ordre de Gluny, des Chapelles royales; 2° Par rapport aux biens des bénéfices qui ne tombent pas en économat, et dont la nomination est suspendue par le décret du 27 novembre; 3° Par rapport aux biens des autres bénéfices ou établissements qu’il est dans votre intention de supprimer; 4° Par rapport aux biens des bénéfices ou établissements nécessaires ou utiles, que vous avez sûrement la volonté de conserver. Sur la première classe, il ne doit pas y avoir diversité d’avis ; la régie des économats comprend les fruits de la vacance des bénéfices jusqu’ici réservés à la nomination du Roi, et les fruits de certains bénéfices opulents auxquels le Roi s’abstient de nommer. Cette régie très-coûteuse, et dont les revenus sont consacrés à des destinations presque absolument arbitraires, doit cesser avec les autres vices de l’ancien régime; elle tire son origine de la régale : l’une et l’autre de leurs extensions énormes, ne sont que des inventions fiscales, ouvrage d’une politique faible, cupide et astucieuse, indigne des temps heureux que vos travaux nous préparent. Cependant, il convient de s’exprimer positivement sur cet objet; et avant de décider, il vous paraîtra peut-être utile de vous faire un compte détaillé de la régie des économats, et des autres régies indiquées, ne fût-ce que pour connaître les pensions abusives que vous devez retrancher, les dépenses dont vous devrez ordonner la continuation, et pour prescrire, en connaissance de cause, les règles à suivre dans l’attribution à chaque district des biens d’un seul établissement, situés en divers ressorts. Il faudra de même fixer la compétence de chaque district pour les biens des bénéfices dont la disposition est suspendue par votre décret du 27 novembre. Mais vous ne balancerez pas à attribuer au plus tôt leur administration aux districts. Il y a plus de difficultés relativement aux biens des bénéfices et des autres établissements qu’il conviendra de supprimer : outre que vous n’avez pas encore prononcé sur leur sort, c’est en le réglant par une loi générale qu’il sera temps de s’occuper de la régie de leurs biens, si ce n’est que vous ne voulez prendre dès à présent le parti d’attribuer aux districts, par un décret universel, l’administration de tous les biens ecclésiastiques; c’est celui que vous propose M. Treilhard. Nous devons vous en présenter les avantages et les inconvénients. Vous ne doutez pas du droit que vous avez de l’accepter ou de le rejeter, ou de le modifier. D’abord, ce ne serait pas reprendre , comme on vous l’a dit, l’administration des biens ecclésiastiques ; l’état ne l’a jamais eue; ce serait donc la prendre, ce qui est un peu différent. Le plus grand avantage qu’on ait en vue dans le projet de faire régir par les districts les biens du clergé, c’est sans doute d’opérer une juste répartition de leurs revenus, de les rappeler sûrement à leur véritable destination. Ce n’est pas d’en profiter pour les besoins de l’Etat; car en supprimant les dîmes, ces biens ne peuvent suffire à leurs charges, surtout quand on les aura diminués par la vente prochaine qui est décrétée. S’il était possible de supposer un excédant de recette, vous avez dans le royaume six à huit millions de pauvres ; et sous la plus heureuse constitution, les secours publics les plus importants seront toujours au-dessous des besoins de l’indigence. Il ne s’agit pas aussi d’enlever aux ministres de l’Eglise toute gestion temporelle, afin qu’ils soient plus exacts à leurs fonctions. Ils peuvent gérer la portion canonique qui leur serait assignée, sans manquer au plus petit devoir de leur état; ils continueraient de le faire avec un grand avantage, pour mieux conserver la pureté de leur vie, pour ménager l’intérêt de leurs ouailles qu’ils pourraient secourir, à peu de frais, par des denrées en nature ; qu’ils pourraient instruire par d’heureux essais, par de bonnes pratiques d’économie rurale. Des ecclésiastiques en grand nombre et reconnus dignes de servir de modèles au clergé pastoral, se sont distingués dans ce genre. Le législateur des Hébreux accorda aux Léoites, outre les dîmes, le territoire de plusieurs villes à cultiver, et voulut qu’au plus saint ministère, ils joignissent l’occupation la plus utile et la plus innocente. Pour ces autres motifs qu’on vous allègue, qu’il faut effacer jusqu’à l’idée d’une corporation particulière du clergé, que cette idée tient à l’existence des possessions qu’on appelerait ecclésiastiques, qu’elles entretiendront l'espoir de perpétuer les abus du régime clérical , et prépareront une espèce de résistance sourde contre l’exécution de vos décrets, votre comité n’a vu dans ces objections, que l’abus de l’esprit et des mots, que de purs sophismes. Le clergé n’est pas un corps, parce qu’il possède des biens-fonds qui lui servent d’honoraires ; le clergé ne cesserait pas d’être un corps, parce qu’il toucherait ses honoraires en argent ; il ne doit pas cesser d’être un corps, quoique ses membres doivent payer leurs contributions comme tous les autres citoyens. Si la seule idée de corps ou corporation nous révolte, si elle nous paraît incompatible avec la liberté, nous n’aurons rien fait de salarier les prêtres; hâtons-nous de détruire la hiérarchie ecclésiastique, et de bannir la religion sainte qui a civilisé ce beau royaume. C’est trop peu dire : gardons-nous d’établir ces compagnies de judicature,ces corps administratifs qui sont attendus avec tant d’impatience; licencions notre armée, et détruisons la police de toutes les professions ; allons jusqu’à nous isoler nous-mêmes et à méconnaître les relations du sang, car les familles rappellent l’idée de corps < et l’esprit de famille, quand il est aveugle, pW duit les plus funestes désordres. Ne voudra-t-on pas aussi dispenser les familles de gérer leurs biens, et faire de la France, un nouveau Paraguay des jésuites, un grand monastère ou un repaire de sauvages? C’est trop combattre cette raison tirée de la prétendue nécessité d 'effacer l’idée de corps. L’Etat doit protéger, inspecter, régler les établissements, les corps qui sont dans son sein; mais s’il en devient V administrateur direct sans 670 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 décembre 1789.] nécessité, sans distinction, il s’écarte du but de la société publique; il prend le vrai caractère du despotisme. En vain il voudrait embrasser une multitude prodigieuse de petits détails, il ne peut y suffire, soit qu’il les abandonne aux sous-ordres des ministres, soit qu’il les confie à des hommes déjà chargés de tous les grands objets d’administration. Vous connaissez les inconvénients de la régie des économats, ceux de la régie des domaines, des biens des Jésuites, des Gélestins, etc. Et ce sont des institutions semblables qu’on vous propose pour les biens ecclésiastiques ! Les dépenses d’administration absorberaient le produit en très-grande partie. 11 ne se ferait point d’améliorations; les biens dépériraient en peu d’années. Quand on se représente un territoire de district composé de six pères de famille, ayant d’ailleurs, chacun ses biens à gouverner, chacun sa profession particulière à exercer, chargés par intervalles assez courts, non pas seulement de l’administration générale et de celle des eaux et forêts dans un espace de 30 ou 40 lieues carrées, non pas seulement de la surveillance et de la comptabilité de tous les corps municipaux, des réparations de toutes les églises et de tous les presbytères, mais encore de la régie de la recette et dépense de tous les biens ecclésiastiques ou réputés ecclésiastiques par leur destination ; l’on a peine à concevoir qu’une pareille institution puisse prospérer. Si vous avez le projet d'ôter aux bénéficiers et aux établissements ecclésiastiques toute administration temporelle, il n’y a qu’un moyen d’exécution qui ne soit pas souverainement impolitique, c’est d’aliéner tous les biens du clergé, à l’exception des églises, des cimetières, de certains enclos et bâtiments, et d’en revenir au projet séduisant de M. l’évêque d’Autun. Ce n’est pas l’avis de votre comité ecclésiastique ; ce n’a pas été celui de votre comité des finances. Il est un plan mitoyen qui paraît concilier tous les intérêts, remplir toutes les vues que la sagesse peut approuver. En voici les bases : nous les soumettons à votre examen. Ce serait de déterminer par une loi l’honoraire annuel de tous les ministres du culte ; et les dépenses fixes de chaque établissement ecclésiastique, d’obliger les bénéficiers et administrateurs de tous les lieux ecclésiastiques ou réputés ecclésiastiques, ou d’en passer tous les baux à l’enchère devant les assemblées de district, après trois affiches et publications ; le montant des baux serait payé aux mains des titulaires et des supérieurs et administrateurs des établissements, jusqu’à la concurrence des sommes fixées par la loi ; le surplus serait versé dans la caisse ecclésiastique du district, et employé suivant les ordonnances du district à toutes les autres dépenses du culte et aux secours et travaux de charité. Il serait assigné à chaque bénéficier, à chaque communauté ecclésiastique, suivant une estimation exacte et sans frais, une partie à la bienséance des biens de son bénéfice ou de son établissement. Cette partie de revenu serait évaluée en grains, ne pourrait excéder la portion canonique fixée pour chaque établissement. Les titulaires seraient intéressés pendant leur gestion et les communautés pendant vingt ans aux améliorations qu’ils auraient procurées. Cette part d’intérêt serait déterminée par la loi. Quant aux biens ecclésiastiques maintenant en économats ou régie publique, ou dont la disposition est suspendue, ou qui dépendent d’établissements que vous aurez supprimés, la régie en doit être confiée aux districts, pour acquitter les charges et en faire l’emploi qui sera ordonné; mais il en serait uni aux cures et autres établissements ecclésiastiques, des parties à valoir|à leurs portions légales, et ces parties nepourraient excéder, pour chaque établissement, la valeur de cette même portion. Les mêmes unions seraient faites suivant les convenances locales, par détachement des établissements ecclésiastiques conservés, et dont les biens excéderaient; la valeur de leur portion canonique. On conserverait aux fabriques des églises cathédrales et paroissiales leurs biens réels, leurs immeubles fictifs, leur casuel, lesbiens des fondations qui leur sont particulières, pour être administré comme au passé, par les chanoines, marguilliers et conseils ou généraux de paroisse respectivement ; ainsi la régie des districts; serait nulle ou peu étendue, ce ne serait qu’une inspection pour la plus grande partie des biens. Il serait pourvu au déficit des biens ecclésiastiques pour les autres frais du culte et pour les dépenses de charité, par une imposition particulière à chaque département, laquelle serait autorisée par l’Assemblée nationale, et levée moitié par addition au rôle d’imposition réelle, et moitié par addition au rôle d’imposition pre-sonnelle dans toutes les municipalités; elle diminuerait par le décès des titulaires et religieux supprimés. Revenautaux premiers articles deM. Treilhard, votre comité ne saurait en approuver le système. Mais supposant que vous veniez à l’a'dopter, votre comité a l’honneur d’observer : 1° que ces articles sont prématurés; 2° qu’ils doivent être au moins modifiés par des exceptions très-utiles; 3° qu’ils sont insuffisants dans le système de la motion ; 4° que leur rédaction est susceptible de plusieurs amendements. Il sont prématurés. Plusieurs préliminaires paraissent indispensables; la fixation de la portion canonique ou légale, désignée à chaque bénéfice ou établissement ecclésiastique ; la désignation des fonds pour suppléer au déficit de la caisse ecclésiastique de chaque district, et la formation des districts et départements. Ges articles doivent être au moins modifiés; il faut en excepter les biens des fabriques, sans quoi vous allez sans utilité, et avec perte mécontenter, révolter la plupart des paroisses; sans utilité , puisque les fabriques n’ont pas de superflu, et qu’il faudra venir à leur secours pour les réparations, les livres d’Eglise, les ornements et vases sacrés; avec perte, car une régie de district perdrait tout le casuel non forcé, tout le casuel dont les paroissiens pourraient la priver; cela est, évident pour ceux qui connaissent la marche du cœur humain. La régie ayant de plus les inconvénients de toutes les directions, de tous les économats, de toutes les régies, on verrait les fonds dépérir et même disparaître, les revenus diminuer, et les améliorations ne se feraient point. Votre comité, frappé des motifs développés souvent dans cette Assemblée pour laisser aux curés de campagne, outre les jardins du presbytère, quelque portion de terre à exploiter, au moins quelque terrain propre aux fourrages et pâturages nécessaires pour un cheval et quelques autres bestiaux, insistera toujours afin que cette vue soit remplie. De la plupart des évêchés dépend une maison de campagne; votre comité ose croire qu’il est de votre équité, pour ne pas [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 décembre 1789.] 671 dire de votre justice d’en laisser la jouissance aux premiers pasteurs, sans diminution du traitement qui leur serait accordé. Il pense aussi que l’on peut, et que l’on doit laisser aux communautés conservées, quelques terres à exploiter ou même à affermir pour leur compte en déduction de leur portion canonique. Enfin, vous n’ôterez pas aux séminaires et autres maisons d’éducation l’avantage essentiel pour la santé des maîtres et des élèves, de les faire jouir quelque fois de l’air pur que l’on respire à la campagne. Maintenant, il est facile de prouver l’insuffisance de ces articles pour le but que s’est proposé l’auteur. D’abord il omet la suppression des économats et autres régies analogues, et le terme où les districts doivent leur être subrogés, et diverses dispositions qu’entraînera cette subrogation; tout cela doit être prévu et réglé. Il ne parle que de possessions territoriales à affermer par petites mesures, autant que faire se pourra; il omet donc à l’actif comme au passif les rentes foncières, les prestations féodales non encore éteintes, les crédits mobiliers et le casuel qui n’est encore interdit qu’à l’égard des curés de campagne, et qui probablement ne le sera pas à l’égard des fabriques. Il omet d’imposer aux districts les dépenses de toute espèce dont les revenus ecclésiastiques sont grevés. Les dettes du clergé général doivent être ajoutées aux dettes de l’Etat. Mais les dettes des diocèses semblent devoir être acquittées par les biens ecclésiastiques de chaque département. Il faudrait s’en expliquer dans le décret , ainsi que des dettes des monastères qui seront supprimées. Ce n’est pas tout; il ne dit rien des héritages qui ne sont ni en ferme ni en régie, qui sont exploités par les titulaires ou supérieurs des communautés ; il laisse incertain si le prix des baux actuels sera ou non payé à la caisse de district. La disposition sur les publications et affiches paraît trop indéterminée. Il y a d’ailleurs des négligences de rédaction. L’article 1er défend à toute personne, de faire des baux de biens ecclésiastiques; il faut pourtant que ces baux soient faits par quelques personnes, ne fût-ce que par les membres des directoires de district, car enfin ils ne se feront pas d’eux-mêmes. Gelte expression employée partout , possessions dites ecclésiastiques, doit être changée ou définie; il faut décider si elle comprend les bénéfices de patronage, de collation iaïcale, les fondations pieuses non érigées en titres de bénéfices, les collèges qui ont toujours été imposés aux décimes comme biens ecclésiastiques, et qui sont des établissemeùts vraiment civils ; si elle comprend les biens des ordres de Malte et de Saint-Lazare, ceux des confréries, ceux des ordres du Roi qui ne sont que des confréries plus distinguées. A l’article 2 il faudrait au lieu du mot devant qui laisse de l’ambiguïté sur les personnes qui passeront les baux, la préposition par. Il faudrait changer, suivant l’esprit de vos décrets , le mot assemblées en celui de directoires. L’article 4 fournit une observation particulière, tirée du terme de 18 ans, fixé pour les baux. Notre comité convient de la nécessité d’autoriser en général tous les baux à longues années ; c’èst un point devenu de plus en plus essentiel pour le soutien de l’agriculture, depuis que vous avez déclaré franchissables toutes les rentes foncières ; sans doute vous ne tarderez pas à permettre à tout propriétaire et administrateur les baux à longues années, jusqu’à un terme que vous fixerez; à déclarer que ces baux ne seront plus considérés sous aucun rapport comme contenant aliénation du fonds, et en conséquence à les exempter des formalités ci-devant nécessaires, et de tous droits de mutation envers le fisc. 11 faudrait ajouter ces dispositions à l’article 4 pour remplir entièrement le but qu’on s’y est proposé. Mais votre comité a cru que quelque système que vous embrassiez par rapport à la régie des biens du clergé par les districts, il convient d’ordonner que les baux de certains biens n’excéderont pas trois ans. Il y en a deux raisons : la première, afin que les biens qui seront mis en vente, ne restent pas au-dessus de leur valeur par la considération d’un long bail à entretenir ; la seconde, afin qu’on ait le temps de bien connaître la valeur des biens avant de les affermer à long terme. Une troisième considération, particulière aux prestations féodales, c’est qu’il ne serait pas raisonnable de les affermer pour 18 ans, lorsqu’elles vont tout à l’heure être converties et peut-être entièrement éteintes. Sur l’article 7 de la motion, votre comité à déjà observé que l’opération préliminaire à celle qu’on propose sur les biens du clergé, est de fixer d’abord les établissements qui seront conservés, les traitements des titulaires dont les bénéfices seront supprimés, celui des réguliers qui voudront rentrer dans le siècle, enfin les dépenses fixes des communautés et des autres établissements exceptés de la suppression. L’auteur de la motion emploie le mot salaire ; il n’était pas d’usage, dans notre langue, au sens de la rétribution d’un ministre des autels. Mais si la langue de la liberté méconnaît les anciennes délicatesses, si vous dites le salaire d’un magistrat, le salaire d’un colonel, le salaire d’un député à l’Assemblée nationale, vous pouvez dire aussi le salaire d’un prêtre et d’un évêque. Honoraire, semblerait l’expression consacrée. Aussi est-elle employée dans l’article 9 en faveur du maître et de la maîtresse d’école des paroisses de campagne. Ici, la prévoyance de l’auteur de la motion se borne au salaire de chaque bénéficier, aux secours de charité et aux honoraires des maîtres et maîtresses d’école. Vous daignerez étendre la vôtre aux professeurs de théologie, aux prédicateurs et missionnaires, aux séminaires, aux autres communautés conservées, aux officiers des grandes paroisses, aux bedeaux et autres serviteurs d’église, aux dépenses de livres, ornements, et vases sacrés ; enfin, vous réglerez la manière de pourvoir aux réparations des églises, presbytères et autres bâtihients ecclésiastiques. Les réserves exprimées dans les articles 8 et 9 contribuent à prouver qu’en effet la motion est prématurée. Telles sont les principales réflexions de votre comité ecclésiastique sur la motion de M. Treilhard. Ce qui doit vous frapper davantage en ce moment, c’est qu’elle n’est pas en état d’être décrétée, et qu’il n’est, pas temps encore de s’en occuper. Vous pourriez adopter d’abord les articles suivants : 1° A compter du jour de la publication du présent décret, jusqu’à ce qu’il ait été autrement statué, les baux à ferme des biens ecclésiastiques seront passés par les titulaires ou autres administrateurs quelconques, à l’enchère et en présence des directoires du district où sera situé le chef-lieu des biens à affermer après trois publi- 672 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 décembre 1789.J cations de quinzaine en quinzaine, ainsi qu’il va être expliqué. 2° Les biens-fonds situés en campagne, autres que ceux exceptés ci -après pourront être affermés en ladite forme, pour un terme au-dessus de 9 ans, jusqu’à celui de 20 années, sans autre formalité, et sans donner ouverture à aucun droit de mutation de quelque nature qu’il puisse être. 3° Les biens de ville, tous les droits féodaux, les champarts, les rentes foncières ne pourront être affermées pour plus de trois ans, jusqu’à ce qu’il ait été autrement ordonné. 4° Pour les objets au-dessus de 100 livres de revenu, la publication du bail sera faite sans affiches, et seulement au prône des trois églises les plus voisines, et certifiée par les curés, sans frais. Pour les objets plus considérables, les publications seront faites aux trois principaux marchés voisins, avec afliches imprimées. 5° Les terres seront affermées par parcelles, multipliées autant que faire se pourra, sans diminution de valeur, et eu égard aux circonstances locales. 6° II ne sera exigé des adjudicataires aucun denier d’entrée (1) mais ils fourniront bonne caution, réséante et solvable, au jugement des directoires. 7° Seront soumis aux dispositions du présent décret, les biens en économat, ceux des ordres religieux supprimés et tous autres biens ecclésiastiques maintenant en régie séculière, les biens qui sont de patronage; même laïque, ou de collation laïque, ceux des maisons d’éducation ou de charité qui ne seraient pas régis par une municipalité, ceux des ordres de Malte et de Saint-Lazare, enfin ceux de toutes les confréries. L’Assemblée nationale n’entend rien innover par le présent décret dans le gouvernement des biens des fabriques, ni dans la faculté laissée jusqu’ici aux bénéficiers, aux gens de mainmorte de jouir par leurs mains de biens ecclésiastiques, en faisant les déclarations prescrites à cet égard par les règlements. 8° Les baux passés en la forme ci-dessus prescrite, obligeront les successeurs aux bénéfices, pourvu que les baux ne soient point infectés de fraude, ni antérieurs de plus de 18 mois à l’entrée en jouissance du nouveau fermier pour les biens de campagne, et de plus de 6 mois pour les biens de ville. Au surplus, il paraît que la question sur l’administration des biens ecclésiastiques doit être ainsi posée : Le clergé conservera-t-il en partie P administration des biens ecclésiastiques; oui ou non ? Notre comité aura l’honneur de vous proposer, avec tous les détails convenables, le projet de loi qui conviendra, suivant la décision de cette question préliminaire. (1) Les gros deniers d’entrée ne sont que des emprunts à gros intérêts ; d’ailleurs en les admettant, on ne peut connaître la vraie valeur des biens, 2e ANNEXE à la séance de l'Assemblée nationale du 18 décembre 1789. Opinion de M. le duc de La Rochefoucauld (1) sur les banques publiques (2). Messieurs, peu familier avec les matières de finances, je n’aurais point demandé la parole, si je n’avais été persuadé que, dans une délibération importante, et dont le résultat influera si puissamment sur le sort de la patrie, tout citoyen doit le tribut de ses idées, et même celui de ses doutes. Je n’entreprendrai donc pas la discussion du plan qui vous a été présenté par M. de Laborde : ce plan ingénieux et vaste, fondé sur de bons principes et développé avec beaucoup de méthode et de clarté, est accompagné d’un plan de comptabilité dont la liaison avec la banque n’est point essentielle. Quelle que soit donc votre décision sur le plan de banque, vous adopterez sans doute la forme de comptabilité pour le Trésor public : ainsi je me bornerai à l’examen de deux questions qui me paraissent nécessaires à résoudre avant de passer à celui d’aucun projet particulier, et je me demanderai d’abord : L'établissement d'une banque est-il utile, est-il indispensable ; car s’il était prouvé d’un côté que toute banque établie par l’Etat serait dangereuse, soit pour le commerce, soit pour la constitutif, et que, de l’autre, il fût possible de trouver un moyen simple, exempt de tout danger, et qui consistât à mettre en activité des valeurs mortes, ou à augmenter, par une activité plus grande, le prix de valeurs déjà existantes ; s’il était possible que ce moyen, employé sur-le-champ, remplît pour le moment actuel le but que l’on se propose par l’établissement d’une banque dont la durée deviendrait de jour en jour plus nuisible, si elle n’était pas utile, n’y aurait-il pas tout à gagner pour l’Etat? La liberté, que vous consacrez par toutes vos lois, doit s’étendre à tout, et ce ne sera pas sans doute contre le commerce que les législateurs de la France dérogeront aux principes salutaires qu’ils ont posés avec tant de sagesse et soutenus avec tant de courage ; la liberté est l’âme du commerce, et cette vérité reconnue, mais pas toujours pratiquée sous notre ancien gouvernement, recevra de vous l’application la plus étendue. Dans cette matière, comme dans toutes les autres, il ne doit y avoir d’exceptions que celles dont la nécessité serait évidemment prouvée : le commerce de l’argent n’a pas un caractère qui puisse le faire ranger dans une classe particulière à cet égard ; il est, comme tous les autres commerces, animé par la concurrence, découragé par le monopole, et le régime prohibitif est peut-être plus dangereux encore pour le commerce d’argent, (1) L’opinion de M. de La Rochefoucauld n’a pas été insérée au Moniteur. (2) J’avais préparé cette opinion pour le 9 de ce mois, jour auquel l’Assemblée devait entendre le rapport sur les projets de banques publiques ; l’affaire ayant changé de face, je n’ai point présenté mes réflexions à l’Assemblée dans la séance du 18 ; mais comme la question de banque à établir occupe maintenant beaucoup d’esprits, je prends la liberté de les offrira rues collègues et à mes concitoyens, ( Note de M. de La Rochefoucauld.)