(6 février 1791.) 5 [Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 3° La continuation et l’achèvement des travaux du pont de Louis XYI; 4° Enfin nous avons pensé qu’il y aurait des suppléments nécessaires pour solder les différents articles de dépense, dont la réduction n’est pas décrétée, tels que les départements de la guerre et delà marine, les bureaux de l’administration générale, les frais attachés aux compagnies actuelles de finances, la prolongation de durée de quelques tribunaux, le solde de compte des remboursements qui seront faits cette année ; mais qui, ne l’étant que successivement, exigeront un décompte d’intérêts jusqu’au jour du remboursement. Nous avons évalué cet objet à 20 millions pour 1791. Les quatre articles réunis montent, à-peu près, à 40 millions. Il est indispensable d’y ajouter le résultat de votre dernier décret, sur les précautions de sûreté intérieure et extérieur�. Il ordonne une réserve de 5 millions pour l’équipement des auxiliaires, et suppose les fonds nécessaires à l’augmentation de 50 régiments que vous portez au complet de guerre, ainsi qu’aux approvisionnements pour l’artillerie et aux équipages de campagne. Ce supplément, en y joignant l’expédition ordontiée pour nos îles, les travaux de Cherbourg et autres ports maritimes, 3 millions qui restent à fournir sur les 4 que vous avez destinés à rétablir nos forteresses, et les immenses ateliers de Paris, ne peut guère s’évaluer au-dessous de 36 millions: ainsi tous vos besoins extraordinaires de 1791 monteront environ à 76 millions. La caisse de l’extraordinaire peut faire cette avance, sans déranger aucun des plans que vous avez adoptés; elle retrouvera ses premiers déboursés dans les débets des comptables et dans les autres arriérés de recette dont vous lui avez destiné la reprise. Ainsi vous aurez passé l’année la plus critique, sans entamer sensiblement vos capitaux, sans interrompre aucune de vos dispositions d’ordre et de régénération, et en vous montrant toujours également fermes, et contre les abus, et contre les ennemis. Vous venez d’entendre, Messieurs, les détails de votie position ; je vais la récapituler en deux mots. 522 millions de recette sont nécessaires au Trésor public, indépendamment des 60 millions qui lui seront fournis par la caisse de l’extraordinaire; et sur cette somme de 522 millions, la contribution patriotique et la vente de vos sels et tabacs emmagasinés, doivent vous en donner 55. Vous n’êtes donc obligés d’obtenir que467 millions par les revenus ordinaires, tels que les postes, domaines, etc., et par les contributions directes et indirectes. J’ose ici solliciter tout votre attention. De la hauteur où nous sommes, nous pouvons apercevoir, d’un coup d’œil, le terme de notre carrière, et le point d’où nous sommes partis; l’avenir et le passé sont à la fois sous vos yeux ; ce rapprochement doit vous intéresser. Au mois de mai 1789, les ressources du Trésor public montaient à 475 millions, et au delà de cette somme la dîme coûtait à la nation 130 millions, total 605. — Alors, il existait un déficit avoué de 56 millions. Alors tousles remboursements étaient suspendus, chaque département du ministère avait un arriéré considérable ; près de deux années de rente étaient dues aux créanciers de l’Etat ; elles emprunts, fatale et dernière ressource de nos finances, étaient même devenus impossibles. Tel était, tel serait encore notre état, sans cette Révolution si calomniée. Ceux qui regrettent le temps passé, nous diront-ils qu’à force de sagesse et par les seules ressources de l’économie, il eût été possible de regagner le crédit que nous avions perdu, et d’éviter de plus grands désastres? Eh bien! reportons-nous avec eux à ces temps de calme, ou plutôt de stupeur qu’ils nous vantent et qu’ils opposent sans cesse aux agitations inséparables d’une conquête, comme celle de la liberté; tous leurs talents, toute leur sagesse n’empêcheraient pas que la nation ne fût condamnée à payer encore en 1791, un subside de 605 millions, tant au Trésor public qu’au clergé, sans pouvoir éloigner d’elle et de ses créanciers les horreurs et les dangers de la plus honteuse banqueroute. L’arrêt de suspension du 16 août 1788 l’avait commencée, le moindre événement l’eût rendue complète; et l’on vous demande quel bien a produit la Révolution? Dès cette même année 1791, les impositions, y compris la contribution patriotique, ne monteront qu a 502 millions au lieu de 605, et il n’y aura plus de déficit, et l’on ne connaîtra plus ni anticipations, ni arriéré, ni remboursements suspendus ; les rentes sont au courant, la solde des troupes est considérablement augmentée, la justice est gratuite ( Murmures et rires à droite; applaudissements à gauche ), les offices sont remboursés; ces vérités sont incontestables, elles sont à la portée de tout le monde, et l’on ne m’accusera pas d’embellir mes tableaux; car je ne vous parle... ( Murmures à droite; rires à gauche.) M. Rewbell. Ces murmures ne proviennent sûrement que de ce qu’on n’a pas bien entendu M. le rapporteur. Le seul moyen de les faire cesser est de l’inviter à recommencer. Voix nombreuses : Oui ! oui! (. Applaudissements .) M. de Montesquiou, rapporteur. Dès cette même année 1791, les impositions, y compris la contribution patriotique, ne monteront qu’à 502 millions au lieu de 605, et il n’y aura plus de déficit, et l’on ne connaî'ra plus ni anticipations, ni arriéré, ni remboursements suspendus ; les rentes sont au courant, la solde des troupes est considérablement augmentée, la justice est gratuite, les oftices sont remboursés: ces vérités sont incontestables ; elles sont à la portée de tout le monde, et l’on ne m’accusera pas d’embellir mes tableaux; car je ne vous parle ni de ce que les anciens privilégiés payeront à la décharge du peuple, ni des frais immenses de perception qui accompagnaient la gabelle et les aides, ni des vexations que vous avez abolies, ni enfin de cette féodalité, pesant tout entière et de tout son poids sur ce peuple opprimé de tant de manières. La dépense particulière aux départements exigera, il est vrai, une autre contribution de 59 millions : mais l’ancienne dépense des chemins, celle des milices, les frais de collecte, les dépenses locales qui motivaient tant de rôles additionnels dans le royaume, s’élevaient à une somme au moins aussi considérable, et c’était de même un accroissement aux impôts d’alors. Ainsi, Messieurs, malgré tant de traverses, malgré tant de mécomptes inévitables au milieu de l’agitation universelle, vous avez épargné dès cette année à la nation une dépense de plus de 100 millions. Le travail purement didactique que votre comité m’a chargé de vous présenter, n’est pas susceptible d’un projet de décret. Nous ne faisons que précéder le comité d’imposition, et motiver les 6 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (6 février 1791.] décrets qu’il vous prépare; mais nous croyons devoir saisir cette occasion de faire passer sous vos yeux le tableau des objets de dépense sur lesquels il vous reste à statuer détinitivemeDt, et l’ordre dans lequel ils doivent vous être présentés. 1° La guerre, la marine et les colonies n’ont encore reçu que quelques décisions, et il est d’autant plus important de terminer le travail de ces départements, que ce sont les plus fortes parties des dépenses publiques. Vos comités militaire et de la marine ne peuvent trop se hâter de compléter leur ouvrage. On avait compté dans le principe que ces deux grandes parties donneraient de grandes économies; cet espoir s’est réalisé d’une autre manière. Vous avez amélioré le sort du soldat sans augmenter la dépense de l’Etat; mais il n’en est pas moins nécessairededéterminer, d’une manière invariable, des dépenses qui absorbent à elles seules la moitié de la fortune publique. 2° Votre comité de commerce doit vous mettre en état de statuer sur les primes et encouragements nécessaires au commerce et aux manufactures. Get objet demande une détermination prompte : il faut mettre un terme aux abus dont il est susceptible. 3° L’organisation du ministère et du Trésor public est le préalable nécessaire au règlement des dépenses de l’administration des diverses caisses, de la comptabilité et des ponts et chaussées. Les projets, à cet égard, seront incessamment soumis à votre discussion. 4° Le système d’enseignement public a un rapport immédiat avec les dépenses du jardin et de la bibliothèque du roi, des universités, académies et travaux littéraires. Enfin les dépenses des Assemblées nationales futures, de la haute cour nationale et du tribunal de cassation compléteront le tableau général. Le comité de Constitution doit, sur ces différentes parties, vous présenter les bases sur lesquelles on pourra asseoir des calculs fixes. Quant à nous, Messieurs, nous vous présenterons incessamment la pétition des provinces chargées ci-devant de leur administration particulière. Elles demandent que les dettes contractées en leur nom, et pour leur propre compte, soient additionnées aux dettes de l’Etat. C’est la dernière affaire importante dont le comité des finances aura à vous entretenir. 11 a fini ses travaux de recherches, de vérification et d’analyse ; il n’aurait plus rien à faire, si vous ne lui aviez confié quelques points de surveillance, et s’il ne lui restait pas à recueillir les différentes lois que vous rendrez encore en finance. La fixation des articles de dépense dont je viens de faire l’énumération, peut se terminer en peu de temps. Alors vous aurez achevé l’édifice de la fortune publique, et nos successeurs n’auront plus qu’à l’entretenir et à le perfectionner. (. Applaudissements. .) Etat des dépenses publiques pour l’année 11�1, publié au nom du comité des finances. (1). OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. Les états de dépense publique, que le comité des finances fait imprimer conformément aux (1) Cet état, qui n’a pas été inséré au Moniteur, fait suite au l’apport de M. de Montesquiou publié ci-dessus, même séance, page 3. ordres de l’Assemblée nationale, ont servi de base au rapport qui a été fait au nom de ce comité le 6 février. Ces états sont divisés en trois parties. La première contient toutes les dépenses qui doivent être acquittées par le Trésor public sur les fonds provenant des revenus ordinaires de l’Etat. Cette classe de dépenses, formée d’objets également intéressants pour tous les citoyens, doit servir de mesure aux contributions générales des peuples; rien n’y doit être exagéré ni omis, et chaque citoyen a un droit égal de censure sur des calculs qui doivent fixer sa portion contributive aux charges de l’Etat. Le comité des finances a porté toute l’attention que lui prescrivait le plus sacré des devoirs dans la formation de ces états. Si cependant quelque chose lui était échappée, la vérité appartient à tout le monde; et, dans cette occasion, dénoncer une erreur est l’action d’un bon citoyen. Autant sont méprisables les déclamations de ceux qui, regardant la prospérité générale comme leur calamité particulière, font de vains efforts pour décourager les amis du bien public, autant sont estimables ceux qui, cherchant la vérité par amour du bieu, ne croient que ce dont ils sont sûrs, et qui, dans leur zèle courageux, ne ménagent rien dès qu’il s’agit de combattre un abus, de dissiper une illusion dangereuse et de présenter des vues utiles : c’est à cette classe d’hommes respectables que ce travail est particulièrement adressé; c’est un examen sévère qu’on leur demande : celui qui cherche la vérité de bonne foi, et qui la présente avec candeur, ne veut point de confiance aveugle. La seconde partie des dépenses publiques est celle que le comité des finances a cru de nature à être'contiée à l’administration particulière des 83 départements du royaume. La distribution de cette dépense est subordonnée à mille circonstances locales. Le seul moyen d’appeler l’intérêt particulier à seconder l’intérêt public, est de donner aux différentes administrations de grands motifs pour réduire toutes les dépenses susceptibles de réduction : par ce moyen, si dans quelques départements des districts sont encore trop nombreux, ainsi que les tribunaux qui en dépendent, ils n’excéderont bientôt plus les besoins des administrés et des justiciables; les frais de toute espèce seront réduits au simple nécessaire, dès que chaque plan économique opérera une réduction subite sur les portions contributives de tous les citoyens. Dans le système dont on n’offre ici que l’analyse, cette seconde partie des dépenses publiques ne serait point comprise dans la somme générale des contributions, mais elle serait levée par des sols additionnels au principal de l’impôt. C’est ainsi que dans l’ancienne administration la dépense des chemins, les frais de collecte, de milice et autres étaient fournis par des rôles additionnels, en sus des sommes qui composaient les revenus ordinaires de l’Etat. Ces rôles étaient odieux, parce que souvent le plus injuste arbitraire présidait à leur confection, et qu’il était interdit à tous les citoyens d’en suivre et d’en surveiller l’emploi : aujourd’hui tout est public, aucune reddition de compte ne peut être refusée ; le peuple est juge suprême, la responsabilité est sa sauvegarde; la nation fondera son économie désormais sur les moyens à l’aide desquels le despotisme la ruinait autrefois. La troisième partie des dépenses publiques est formée de tous les objets qui, nécessaires en 1791, ne le seront plus, lorsque chacun des an- (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 février 1791.] 7 ciens comptes sera apuré, lors]ue l’ordre aura partout remplacé l’anarchie, lorsque la paix au dedans et la sûreté au dehors auront rendu inutiles les précautions que la prudence nous impose, et l’on doit espérer que nous serons en 1792 dans cette heureuse position. Si dans la suite il était nécessaire de conserver encore une certaine latitudepour des événements impossibles à prévoir, ou pour apporter, par des avances utiles, de grandes améliorations dans la fortune publique, les extinctions de charges qui arriveront chaque année feront indubitablement trouver cette latitude dans les seuls revenus ordinaires, sans avoir besoin ni d’attaquer des capitaux, ni de recourir à des emprunts; mais en 1791, il serait barbare, lorsque le peuple a tant sacrifié pour la liberté, de lui demander des efforts qui achèveraient de l’épuiser. Il suffit qu’une dépense intéresse toute la nation, et ne soit pas de nature à se renouveler, pour qu’il soit juste et convenable d’y consacrer une seule fois quelques portions d’un capital appartenant à toute la nation : c’est un léger sacrifice, dès qu’il doit être le dernier : ce sacrifice même sera presque nul; le Trésor public a de grands recouvrements fl faire, et sur l’arriéré de ses revenus, et sur des comptables en débet. Ces recouvrements surpasseront nos besoins, et les secours que nous proposons de demander à la caisse de l’extraordinaire ne sont proprement que des avances. Ceux qui voudront comparer insidieusement les dépenses de 1791 à celles des années précédentes auront grand soin d’additionner les trois tableaux qui suivent, et d’en approcher le montant des 475 millions que le Trésor public percevait en 1788. Ils dissimuleront qu’outre ces 475 millions, la dîme enlevait, chaque année, 130 millions de produit brut à toutes les récoltes (1). Ils dissimuleront qu’outre ces 475 millions, et outre la dîme, le peuple payait la subvention représentative de la corvée, les frais de collecte, la milice et les dépenses locales portées sur des rôles additionnels. Ils dissimuleront enfin les immenses bénéfices de la finance, le montant de l’ancien déficit, et l’état de banqueroute d’où nous sommes sortis. Ceux qui voudront faire la même comparaison, de bonne foi, mettront entièrement de côté le dernier de nos tableaux, celui qui contient les dépenses particulières à l’année 1791, et ne (1) On conleste cette évaluation. Il est bon de remarquer que les mêmes personnes qui, pour contredire Ce calcul, assurent aujourd’hui que la dîme ne produisait pas 80 millions, soutenaient, au moment de sa suppression, que l’Assemblée nationale privait la nation d’un revenu de 120 millions. le considéreront que comme une calamité passagère, comme le reste de l’apurement général de tous les comptes, et comme la fui de la Révolution. Le second tableau aura pour terme de comparaison à leurs yeux les sommes que la nation payait ci-devant, en sus des 475 millions, pour acquitter tous les objets qui n’étaient pas payés par le Trésor public; et la différence sera à notre avantage. Enfin, ils porteront toute leur attention sur le premier de nos tableaux, montant à 582 millions. C’est lui qui représente exactement ce qui était ci-devant acquitté par les 475 millions versés au Trésor public, par la dîme et par les revenus ecclésiastiques. Ils trouveront que le revenu de3 terres du clergé formant une juste compensation de 60 millions sur la dépense générale, il ne reste à la charge de la nation que 522 millions, au lieu de 605 que dans l’ancien état elle eût été obligée de payer, ce qui lui assure un bénéfice absolu de 83 millions. En poussant plus loin leur examen, ils verront que le débit de nos magasins de sel et de tabac pouvant produire une rentrée extraordinaire d’environ 20 millions, la charge réelle de cette année sera effectivement diminuée au moins de 100 millions. Enfin, ils remarqueront que la contribution patriotique, telle qu'elle a été établie, devait être indépendante de tout autre impôt, et qu’au lieu de l’ajouter au montant des impositions, on propose de l’en déduire; qu’aiusi, en ne l’évaluant pour un tiers qu’à 35 millions, la somme de contributions à décréter pourra être réduite, en 1791, à 467 millions, et dans ce calcul ils n’apercevront ni charlatanerie, ni mauvaise foi. Pendant les six premiers mois de l’année dernière, le montant de la dette publique était le sujet de la plus vive controverse. Tant que les idées ont pu se perdre dans le vague, le comité des finances a été inculpé par ceux qui avaient pris à tâche de persuader au public que la nation était insolvable. Enfin, au mois d’août 1790, le comité a fait imprimer des états détaillés de la dette. Depuis cetteépoque, les déclamateurs ont gardé le silence, la contradiction a cessé, et le travail du comité a servi de base à tous les calculs. Aujourd’hui quelques mécontents cherchent à établir qu’il est impossible de subvenir aux dépenses de l’Etat sans écraser le peuple; c’est, sons une autre forme, employer le même moyen pour décrier la Révolution. Un tableau vrai des dépenses publiques est le meilleur argument qu’on puisse leur opposer. Le comité des finances fe présente. et se livre ouvertement à la censure. Mais ce sont des faits qu’il faut opposer à des faits, des calculs à des calculs; les déclamations ne sont plus de saison. État des dépenses publiques.