[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [S mars 1790.] puis pas fixer l’heure et le jour de ma conférence avec les personnes que l’Assemblée chargera de voir ce livre, parce que toutes mes soirées sont occupées. » Votre comité a demandé que cette conférence fut fixée au lundi d’après, et le lundi le ministre a été indisposé: il nous a paru que, puisqu’il était si difficile de voir ce livre chez le ministre, il était juste de demander qu’il fut envoyé à votre comité, et nous avons pensé que l’Assemblée devait en faire la demande. Le fait est que, depuis six semaines, le Livre rouge, dont l’existence est connue et sa communication indispensable, n’a encore point été communiqué. « JNous avons éprouvé une continuité de refus sur un autre objet non moins important. Il nous a été dénoncé qu’il existait un grand nombre de bons et brevets, non pas signés du roi, mais seulement de certains miuistres. « Il est juste d’observer que celte dénonciation ne porte pas sur le ministère actuel. Votre comité a demandé que cesbons lui fussent présentés; il n’est pas un de nous qui n’ait dit, après avoir eu connaissance de la dénonciation : il faut ouvrir le dépôt de ces bons. Votre comité s’est adressé à M. Dufresne d’abord, et ensuite au premier ministre; je ne sais pas ce que les ministres ont à perdre à cette communication, mais elle n’a point eu lieu. Après mainte et mainte sollicitation, nous avons enfin reçu une lettre de M. Dufresne, qui nous annonce qu’on est occupé à faire un relevé de ces bons, qui sera ensuite communiqué à votre comité. — Je ne sais pourquoi on nous promet un relevé lorsque uous avons demandé des pièces originales. — Votre comité, non moins étonne que moi des retards apportés aux éclaircissements qu’il sollicite, m’a chargé de vous présenter le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité des pensions, déclare que, d’après ses décrets des 4 et 5 janvier, sanctionnés par le roi le 14 du même mois, il ne peut ni n’a pu être accordé aucunes nouvelles pensions sans son autorisation particulière , décrète que le président se retirera dans le jour pardevers le roi, pour le supplier de défendre à tous ses ministres et à tous autres ordonnateurs et agents de son autorité de lui présenter de nouveaux bons et brevets de pensions, contradictoirement aux décrets de l’Assemblée, sanctionnés par Sa Majesté; charge en outre sou président de supplier le roi d’enjoindre 'à ses ministres, ordonnateurs, etc., de remettre aux différents comités de l’Assemblee, et sur leur première réquisition, les pièces justificatives qui leur seront demandées, et notamment le Livre rouge. » M.Fréteau. J’ail’honneurdevous faire observer messieurs, qu’il est d’autant plus important de rendre le décret qui vous est présenté par M. Camus, qu’il est naturel de penser qu’après avoir pris connaissance du Livre rouge, nous aurons encore beaucoup d’autres choses à demander. Je conclus à ce que le décret soit adopté sur le champ. M. Glezen. Je ne fais qu’une observation dans l’état des pensions communiqué par M. le ministre. M. de Maissemy, ci-devant directeur de la librairie, estemployé pour 1 b ,000 livres. Il est ditque celte somme est pour lui et pour quatre hommes de lettres qu’il occupe. J’ai la certitude que M. de Maissemy n’a jamais occupé d’hommes de lettres; j’ai encore la certitude qu’il n’a jamais reçu 16,0ÔU livres; 1-2,0(30 livres seu'ement ont été accordées à M. de Maissemy. Toutes les quittances par quartier sont de 3,000 livres chacune. La dernière est du mois de septembre dernier, M. de Maissemy avait donné sa démission au mois de juillet. Je demande que le fait que j’allègue soit vérifié. L’Assemblée y réfléchira dans sa sagesse. (On demande à aller aux voix sur le projet de décret présenté par M. Camus.) M. le Président consulte l’Assemblée et le décret suivant est rendu: « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des pensions, déclare que, d’après les décrets des 4 et 5 janvier, sanctionnés par le roi Je 14 du même mois, il n’a pu et ue peut être accordé aucune pension jusqu’à ce que les règles pour leur concession aient été décré * tées par l’Assemblée et acceptées par le roi; décrète, eu conséquence, que son président se retirera dans le jour par devers Sa Majesté, pour le supplier de défendre à ses ministres et àtous autres ordonnateurs, de lui présenter aucune demande de pension jusqu’à ce que les règles d’après lesquelles elles doivent être accordées, aient été décrétées et acceptées. « L’Assemblée nationale charge également son président de supplier Sa Majesté d’enjoindre à ses ministres et à tous autres agents de son autorité, de délivrer des copies et communiquer les originaux des pièces qui leur sont demandées par ses comités, et à leur première réquisition, notamment le registre connu sous le nom de Livre rouge , et les originaux des bons des pensions, dons et gratifications accordés dans les différents départe? ments. » M. le Président. J’ai reçu de M. Necker le billet suivant, dont je donne connaissance à l’As semblée : « Le premier ministre des finances croit devoir informer M. le président qu’il aura l’honneur de lui adresser demain, avant midi, pour l’Assemblée nationale, un mémoire relatif essentiellement à la situation actuelle des finances. Il regrette que l’état de sa santé ne lui permette pas d’aller le présenter lui-même à l’Assemblée. « Le premier ministre des finances prie M. le président d’agréer l’hommage de son respef. « Neckeu. « Ce vendredi 5 mars 1790. « Le mémoire sera de deux heures de lecture. » M. le Président annonce ensuite que le min is-tre de la marine lui a envoyé diverses pièces nouvellement arrivées de la Martinique; ces pièc s seront transmises au comité des rapports. M. Dupont {de Nemours ). Le comité des finances a cru devoir retarder le rapport qu il a à vous faire, relativement à la suppression de la gabelle, jusqu’à ce que le mémoire qu’il savait devoir vous être envoyé par M. Necker eût été connu par l’Assemblée. Le comité continue à promettre de faire tous ses efforts pour présenter à l’Assemblée les moyens de couvrir les embarras de la présente année. M. Fréteau. Vous avez été informés du nombre infini de malheureux que la ville de Paris renferme dans son sein. Ce nombre, vous a-t-on dit, s’élève à cent vingt mille; il ne m’a pas été possible de vérifier l’exactitude de ce calcul; mais, 32 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ayant eu des rapports avec plusieurs présidents de districts, je puis assurer que le nombre des malheureux est grand, et que dans deux districts particulièrement il se porte à dix mille. Je rappelle à l’Assemblée un décret par lequel elle a chargé les trésoriers des dons patriotiques de lui rendre compte de l’état des sommes effectives qu’ils ont reçues; quand il n’y aurait dans la caisse patriotique que de quoi payer les petites rentes, il faudrait se hâter d’avoir recours à ce moyen, pour calmer en partie les maux qui affligent la capitale. Je demande que les trésoriers des dons patriotiques rendent compte de l’état de leur caisse et que les fonds provenant des dons patriotiques soient employés au paiement des petites rentes dues sur le trésor royal. M. Bouche. Je réclame l’exécution du décret que vous avez rendu et qui prescrit que les directeurs des monnaies rendront compte du produit des dons patriotiques convertis en monnaie. M. le comte de Virieu, l’un des trésoriers des dons patriotiques. Je déclare avoir remis l’état de la caisse au comité des finances, ainsi que le prescrivait le décret, dont les préopinants réclament l’exécution. (La discussion de la motion de M. Fréteau est renvoyée à une séance indiquée pour dimanche prochain.) L’Assemblée reprend la suite de la discussion du projet de décret sur V abolition des droits féodaux. M. Merlin, rapporteur, propose un article additionnel relatif au droit de tiers-denier qui a lieu en Lorraine et dans d’autres provinces. L’article mis aux voix est décrété ainsi qu’il suit : Le droit de tiers-denier est aboli dans les provinces de Lorraine, du Barrois, du Glermontois et autres où il pourrait avoir lieu, à l’égard des bois et autres biens qui sont possédés en "propriété par les communautés; mais il continuera d’être perçu sur le prix des ventes des bois et autres biens dont les communautés ne seront qu’usa-gères. « Les arrêts du conseil et lettres-patentes qui, depuis trente ans, ont distrait, au profit de certains seigneurs desdites provinces, des portions des bois et autres biens dont les communautés jouissent à titre de propriété ou d’usage, sont révoqués, et les communautés pourront, dans le temps et par les voies indiqués par l’article précédent, rentrer dans la jouissance desdites portions, sans aucune répétition des fruits perçus, sauf aux seigneurs à percevoir le droit de tiers-denier dans les cas ci-dessus exprimés. » M. Merlin. Vous venez d’adopter, sauf deux dispositions que nous vous soumettrons tout à l’heure, les divers articles qui composent le titre 11. Votre comité a pensé qu’avant de passer au titre 111 de son projet de décret sur L’abolition des droits féodaux, il était convenable que vous entendissiez le rapport qui doit vous être fait au nom des comités domanial, d'agriculture et de commerce, sur les droits de minage, péage, etc. ; il vous invite à entendre ce rapport à présent. (Cette proposition est adoptée.) M. Gillet «le Hua Jfacqneuiiu!� monte à lu [5 mars 1790.] tribune et, au nom des comités de féodalité, domaine, agriculture et commerce, fait à l’ Assemblée le rapport suivant , sur les droits de péage , minage, hallage, étalonnage et autres semblables (1) : Messieurs, vous avez ordonné à vos comités de féodalité, agriculture et commerce, de vous présenter de concert un rapport et des projets de décrets sur les moyens de supprimer sans injustice le droit de minage, hallage, leydes, étalles, péages et autres droits semblables. Vous n’ignorez pas, Messieurs, que quelques-uns de ces droits sont au nombre de ceux qui font une partie du domaine, et votre comité des domaines, persuadé qu’il était de son devoir d’envisager les biens domaniaux dans toutes leurs différentes espèces, a de son côté fixé son attention sur les péages. Instruits du travail auquel ce comité s’était livré sur un objet aussi essentiel, les comités de féodalité, agriculture et commerce se sont empressés de puiser dans des conférences communes avec celui des domaines, des connaissances que les lumières de ce comité et l’importance du sujet qu’ils avaient à traiter devaient leur rendre infiniment précieuses. Ainsi, Messieurs, c’est au nom de ces trois comités que. je viens essayer de remplir le devoir que vous avez imposé à deux d’entre eux, et vous soumettre un travail auquel l’amour du bien public a engagé le troisième à s’associer. Ce rapport nous a paru, Messieurs, devoir être, V dans l’ordre des choses, la suite immédiate de celui que M. Merlin vous a fait sur les droits féodaux au nom du comité de féodalité; établi sur les mêmes bases, puisse-t-il obtenir le même succès! Il est inutile de vous parler ici, Messieurs, des réclamations qui se sont perpétuellement élevées et contre les droits de péages et minages en eux-mêmes, et surtout contre les extensions données à leur perception; nous ne nous reporterons pas à l’époque peu reculée où la faculté de s’affranchir avec les plus grands sacrifices pécuniaires de servitudes même injustes, était inutilement sollicitée. Vous avez rétabli les Français dans tous les droits que l’homme libre, vivant en société, aura toujours la certitude d’obtenir quand il aura l’énergie de les réclamer, et vous avez brisé en une nuit des chaînes que la féodalité rivait depuis huit siècles. Vos comités n’ont donc point pensé, Messieurs, qu’il fallut juger les droits dont il s’agit par des lois anéanties avec le système qu’elles étayaient, ni rechercher au milieu des décombres de la féodalité, les principes d’après lesquels vous devez vous déterminer, pour en conserver ou en détruire les vestiges, ils ont laissé de côté les réclamations de ceux qui étaient assujétis à ces droits, les défenses de ceux qui les faisaient percevoir, ' et sans s’arrêter à débattre les principes qui ont servi constamment de règle aux commissions chargées, depuis près d’un siècle, des travaux relatifs à la suppression ou modération de ces droits, et particulièrement à celle connue sous le nom de commission des péages, à démontrer combien la jurisprudence qu’elle s’était faite, d’après les décisions particulières du conseil, était en contradiction avec les anciennes lois et ordonnances (1) Le Moniteur insère seulement le projet de décret qui termine ce rapport.