Kg [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 septembre 1789.] ventes à leur perte la portion de nos fonds publics qu ils possèdent aujourd’hui : cette fausse opération de leur part dont nous serons à portée de profiter par les ressources que nous procurera l’accroissement de 800 millions à nos moyens ordinaires de circulation, fera ressortir encore à notre profit l’état du change, car si nous sommes aujourd’hui tributaires de quelques puissances étrangères ; c’est à cause de l 'intérêt qu’elles ont pris dans nos fonds, c’est à cause des arrérages que nous leur payons, et des capitaux que nous leur remboursons sans retranchement, quoiqu’ils les aient acquis au-dessous du pair. Or il serait trop heureux qu’un semblable bénéfice, fait jusqu’à présent par les étrangers sur le gourverriement français, fût reversé dans le sein même de l’Etat. Séance du samedi 19 septembre 1789, au soir . M. Roussillon demande et obtient la parole. Il prie l’Assemblée de lui permettre d’interrompre un moment l’ordre du jour, pour justifier les habitants de la province de Languedoc, ceux de Toulouse en particulier, et le parlement, des faux bruits qu’on a répandus contre eux touchant leur prétendue opposition aux décrets de l’Assemblée nationale, et la fermentation qu’on supposait régner dans la province. 11 atteste que ces bruits sont entièrement démentis par les différentes lettres qu’il a reçues ; que, du côté du parlement, son patriotisme n’a jamais été équivoque ; qu’à l’égard des habitants, ils ont formé quinze régiments d’infanterie et un de cavalerie, pour protéger l’exécution des décrets de l’Assemblée et la liberté nationale contre les efforts des ennemis du bien public ; que le plus grand calme règne à Toulouse, au milieu des fêtes qui s’y répètent en l’honneur de la nation et de ses représentants ; qu’il n’ignore pas les fausses nouvelles que des personnes mal intentionnées ont fait circuler dans la province, et qu’il croit devoir en prendre occasion -de remarquer qu’il devient tous les jours plus pressant d’accélérer, s’il est possible, l’ouvrage de la Constitution, et d’organiser les Assemblées provinciales et les municipalités du royaume. M. le Président rappelle ensuite l’ordre des matières dont l’Assemblée doit s’occuper en commençant par celle relative au recouvrement des droits subsistants et particulièrement de ceux des gabelles. 11 est fait une nouvelle lecture du projet de décret présenté par le comité des finances. Plusieurs membres proposent des amendements. M. Waude, député du bailliage de Saint-Flour en Auvergne, demande, au nom de ses commettants, et en vertu du mandat spécial qu’il en a reçu, que le régime des gabelles soit totalement supprimé, ou que, si cette suppression n’est pas prononcée quant à présent, du moins la franchise du sel, dont jouit la majeure partie de l’Auvergne, soit étendue à la partie actuellement soumise à la gabelle, et qui a été privée de sa franchise par l’injustice et les usurpations successives des fermiers. M. Grégoire, curé d’Emberménil obtient ensuite la parole. M. Grégoire (I). Messieurs, on a développé de puissants motifs pour la suppression de la gabelle, j’en ajoute d’autres qui me paraissent décisifs. Le prix du sel destiné pour la pêche maritime n’est que d’environ 6 deniers la livre ; celui de la gabelle d’environ 13 sous dans les provinces de grande gabelle. Cette disproportion choquante provoque les spéculations frauduleuses, et plus la ferme oppose de précautions, plus la fraude redouble d’industrie. La gabelle influe d’une manière désastreuse sur la pêche maritime, surtout à Dieppe. Le négociant qui veut faire venir du sel des marais salants est asservi à des déclarations réitérées du nom du nayire, de sa contenance, de la quantité qu’il veut embarquer. L’ordonnance lui défend de charger d’autres marchandises que du sel, il ne peut profiter de l’occasion d’un bâtiment qui se trouve en chargement à Bordeaux, à la Rochelle, et il faut qu’il y envoie exprès. Le frêt lui devient très-coûteux. S’il n’a pas besoin d’une cargaison entière, il est obligé de faire revenir son navire à demi chargé, ou de sacrifier l’intérêt du prix et les dangers du déchet d’une double provision (2). A l’arrivée, on le soumet à des formalités infinies dont l’exposé deviendrait fastidieux. Le négociant est ensuite gêné pour la salaison, harcelé pour l’importation, restreint pour le débit. La pêche ne peut fleurir. C’est moins le prix du sel qui excite des réclamations que les entraves par lesquelles on tourmente les citoyens, et cet inconvénient, par contre-coup, frappe sur les mœurs. Soixante mille citoyens, sous le nom d’employés sont constamment armés contre leurs frères. Leurs fouilles sont attentatoires à la liberté civile, au secret des familles, et souvent à la pudeur. Sur ce dernier article je supprime des détails également propres à faire rougir et à faire frémir. Ces formidables sbires envoyent annuellement nombre de français à la chaîne ou à l’échafaud. Dans cette guerre continuelle, l’homme s’avilit et s’irrite. Ainsi la dégradation des mœurs est un des fruits empoisonnés de la gabelle. Plusieurs lettres arrivées du Glermontois, écrites par des personnes qui ont recueilli le vœu public, m’annoncent que les habitants de cette contrée supporteront volontiers 40 sous, ou même 1 écu d’augmentation de l’impôt, pourvu que le fléau de la gabelle ne pèse plus sur eux. En votant la suppression de la gabelle, qui sera remplacée par un impôt proportionné (3), j’ajoute une demande subsidiaire pour ma province. Les trois salines de Lorraine usent du bois de fjuatre pieds de long, et divers arrêts ordonnent à une foule de communautés situées à deux lieues et plus de distance de bois affectés aux salines, d’user du bois de six pieds. Elles en trouvent avec peine quelquefois à six lieues de distance. Le laboureur ne s’en procure qu’avec difficulté, mais le pauvre manouvrier n’ayant ni bêtes de trait, ni voitures, ni moyen de payer (1) Le discours de M. Grégoire n’a pas été inséré au Moniteur. (2) M. Lemoine, ancien maire de Dieppe, a fait d’excellents mémoires sur cel objet. (3) Peut-être serait-il juste que l’impôt qui rem-