729 Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 19 novembre 1789. récidiver, avec impression, affiche et publication du présent arrêt. » I/arrêté du parlement n’était pas joint au paquet. Plusieurs membres veulent délibérer sur-le-champ. M. Dupont (de Nemours ). Vous ne pouvez délibérer sans avoir pris connaissance de l’arrêt de la chambre des vacations du parlement de Rouen. M. Populus. L’envoi de l’arrêt du conseil est une dénonciation suffisante. M. le Président consulte l’Assemblée qui décide qu’une communication authentique de ce décret sera demandée à M. le garde des sceaux. L’ordre du jour appelle la discussion sur la motion de M. Treilhard concernant la suspension à la nomination aux bénéfices. M. Treilhard. Je modifie ma motion dans les termes suivants (1) : Article 1er. L’Assemblée nationale arrête que le Roi sera supplié de surseoir à la nomination des bénéfices, excepté toutefois aux archevêchés, évêchés et cures; il sera pareillement sursis à toute nomination et disposition, de quelque nature qu’elle puisse être , de tous titres à collation ou patronage ecclésiastique qui ne sont pas à charge d’âme. Art. 2. Ceux qui seront pourvus à l’avenir d’archevêchés et évêchés ne pourront jouir des revenus qui y sont actuellement attachés, que jusqu’à concurrence des sommes qui seront incessamment déterminées, sans néanmoins que les titulaires d’archevêchés et évêchés, dont les revenus seraient inférieurs auxdites sommes , aient droit de prétendre à un supplément. Art. 3. Dans les vingt-quatre heures de la publication du présent décret, le juge ordinaire du chef-lieu de chaque bénéfice, autre que les cures et maisons employées actuellement au soulagement des malades et à l’éducation publique, ap-Ê osera les scellés sur les chartriers, manuscrits et ibliothèques desdits bénéfices. Ne seront néanmoins compris sous cette apposition les bibliothèques actuellement ouvertes au public, ainsi que les baux, livres et autres papiers nécessaires pour la perception des cens, rentes et revenus, lesquels seront laissés . par le procès-verbal du juge , à la charge et garde du bibliothécaire, du titulaire ou des syndics ou procureurs des maisons. L’Assemblée nationale se réserve, au surplus, de décréter incessamment par qui et de quelle manière il sera procédé à la levée desdits scellés. M. Dupont (de Nemours ) propose de surseoir à la nomination des archevêchés et évêchés afin de n’établir, à l’avenir, qu’autant d’évêchés qu’il y aura de départements, et de n’être pas obligé de donner des retraites aux personnes dont les places seraient supprimées, ce qui sera pour la nation une économie de trois millions. L’Assemblée adopte cet amendement. M. l’abbé Grégoire dénonce un nouvel abus : dans plusieurs provinces les collaleurs nomment aux cures des étrangers. Il demande que, pour (1) Les articles proposés par M. Treilhard n’ont pas été insérés au Moniteur. posséder un bénéfice à charge d’âmes, l’on soit Français, ou naturalisé et régnicole au moins depuis dix ans. M. l’abbé Maury demande et obtient la parole. Il se plaint de ce que M. Treilhard a ajouté à sa motion des articles qui n’y étaient pas compris et des dispositions absolument nouvelles. Vos moments sont trop précieux, dit-il, pour cette discussion , et ce n’est pas en surprenant des décisions, dans un moment critique, que l’on doit présenter des décrets à la nation. Le dernier jour on avait excepté les églises cathédrales et collégiales, aujourd’hui l’on n’en fait pas mention. La question des évêchés est très-délicate, je demande que les articles proposés par M. Treilhard soient ajournés. M. d’Estourmel. Je demande qu’il soit fait une exception en faveur des abbayes régulières des provinces belges, parce que les religieux de ces abbayes étaient curés primitifs. L’amendement de M. d’Estourmel est rejeté. M. le Président met aux voix la motion principale qui est décrétée en ces termes : « L’Assemblée nationale a décrété que le Roi serait supplié de surseoir à toute nomination de bénéfices, excepté toutefois les cures; il sera pareillement sursis à toute nomination et disposition, de quelque nature qu’elle puisse être, de tous titres à collation ou patronage ecclésiastique, qui ne sont pas à charge d’âmes. » On demande, et l’Assemblée prononce l'ajournement du surplus de la motion. M. Alexandre de Lameth, secrétaire , lit l’arrêté du parlement de Rouen , en date du 6 de ce mois. Arrêté de la chambre des vacations du parlement de Rouen, du 6 novembre 1789. « La chambre, considérant qu’à une époque désastreuse de troubles de tout genre, d’insurrections réfléchies contre tous les principes, et d’atteintes portées à l’autorité sacrée du plus juste et du meilleur des rois, la résistance même la mieux fondée ne ferait peut-être qu’accélérer l’exécution des projets sinistres qui semblent menacer encore jusqu’aux ruines de la monarchie ; « Que si d’un côté, et en maxime générale, les magistrats ne doivent écouter que l’impérieux cri de leur conscience, sans composer avec leurs devoirs ; de l’autre cependant et dans des conjonctures si cruelles que jamais sans doute les fastes de l’histoire n’en fourniront un second exemple, il est de la prudence de ces mêmes magistrats de prévenir, par une sorte de flexibilité, les nouveaux maux incalculables que plus de fermeté pourrait entraîner : « En effet, ce n’est pas au moment où la plupart des citoyens semblent volontairement frappés d’un aveuglement absolu, qu’il peut être opportun de faire luire la lumière. « Quand partout les lois sont attaquées, calomniées et avilies, vouloir opposer leur puissance, serait évidemment les livrer à de nouveaux outrages. « Quand le premier monarque de l’univers, accablé de chagrins aussi cuisants qu’immérités, daigne faire taire en lui tout autre sentiment que celui de son inépuisable tendresse pour ses peu- [10 novembre 1789.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 730 [Assemblée nationale.] pies : enfin, quand on a vu ce prince, digne à jamais du respect des nations, bravant tous lès dangers, venir au milieu de sa capitale essayer encore, par l’exemple de ses vertus et îles témoignages touchants de sa popularité, de ramener ses sujets égarés; de vrais et fidèles magistrats ne peuvent que bénir tant de bonté, et gémir en silence sur l’erreür de leurs concitoyens. « Par ces différentes considérations, la chambre des vacations a arrêté d’enregistrer provisoirement la déclaration du Roi du 3 de ce mois, portant prorogation des vacances du parlement et des séances de ladite chambre. a Déclare néanmoins que si elle se détermine à procéder à cet enregistrement, ce n’est que pour donner au seigneur Roi de nouvelles preuves de son amour inviolable, de son respect profond et de sa soumission sans bornes, et aussi dans la crainte de contrarier les vues de Sa Majesté et d’augmenter peut-être par une juste résistance les troubles affreux qui déchirent l’Etat; mais qu’au surplus il ne pourra en aucun cas être tiré de conséquence dudit enregistrement, attendu que ladite chambre y a procédé sans liberté ni qualité suffisantes, et uniquement entraînée par la force des circonstances; qu’en conséquence elle ne cessera jamais de regarder ladite déclaration comme lui attribuant indûment une compétence formellement contraire au titre même de son institution, comme interdisant et dépouillant injurieusement, et par une force inouïe, des magistrats dignes de la confiance ne leurs justiciables, comme tendant, par l’absence forcée des parlements, à établir plus que jamais l’anarchie dans le royaume, comme contraire aux droits et aüx vrais intérêts de la province qu’on veut, arbitrairement et sans aucun motif raisonnable, priver des lumières et des travaux du plus grand nombre de ses juges supérieurs; surtout enfin comme entraînant infailliblement la ruine des justiciables, dont toutes les affaires resteront nécessairement, par l’immense diminution du nombre de leurs juges, dans l’état de stagnation le plus affligeant. « Arrête en outre qu’expéditions en forme du présent seront envoyées à Monseigneur le garde des sceaux et à M. le comte de Saint-Priest, et que M. de Guichainville, doyen, leur écrira pouf les prier de mettre ledit arrêté sous les yeux de Sa Majesté, et lui protester que jamais elle n’aura de sujets plus fidèles que les magistrats qui composent la chambre des vacations de son parlement de Rouen ; qu’ils ne veulent vivre que pour servir et respecter son autorité légitime, ainsi que les lois dont on leur a confié le dépôt, et qu’ils périront plutôt que de consacrer jamais les atteintes qu’on pourrait y apporter. » M. Barrère de Vieiiatac (1). Messieurs, tandis que la première cour du royaume donnait l’exemple de la soumission à vos" décrets et de l’administration gratuite de la justice, une autre cour vient de donner celui de mépriser l’autorité souveraine de la nation. Vous venez d’entendre l’arrêté du 6 novembre. Je ne vous dirai pas que c’est là une violation répréhensible du droit national, un abus d’autorité, une prévarication dans les fonctions, une véritable forfaiture. Je dirai plus, Messieurs, c’est un crime de lèse-nation par les paroles incendiaires employées dans cet arrêté. Quelle serait donc votre situation? quel serait l’état du royaume si de pareilles entreprises pouvaient être tolérées? Ce serait le signal d’une insurrection d’autant plus dangereuse, qu’elle serait excitée par quelques membres de ces corps qui, joignant au droit de vie et de mort une grande influence sur la fortune des citoyens, conservent encore des souvenirs d’une antique puissance. C’est alors que vous sentiriez le danger d’une désobéissance aussi marquée envers la seule autorité légitime, celle de la nation. La moindre indulgence serait ici faiblesse, et la faiblesse un véritable oubli de vos devoirs : car, lorsqu’il s’agit de corruptioh , l’exemple devient bientôt contagieux, et les suites sont faciles à prévoir. Vous devez donc, Messieurs, donner un grand exemple à tous les corps qui sont revêtus de quelque pouvoir dans le royaume; voyez ce qu’a fait le pouvoir exécutif, et voyez ce que les législateurs doivent faire. Je propose de renvoyer l’arrêté de la chambre des vacations du parlement de Normandie devant le tribunal que vous avez chargé provisoirement de prendre connaissance des crimes de lèse -nation pour le procès être fait aux auteurs dudit arrêté pour causes de forfaiture ; et» qu’en attendant, il soit donné aux présidiaux de son ressort droit et attribution de juger conformément aux pouvoirs donnés par le précédent décret à la chambre des vacations. M. le comte de Clermont-Tonnerre. Messieurs, en appuyant la motion (1), je soutiens que l’arrêté de la chambre des vacations présente une véritable forfaiture; que celte chambre, en obéissant d’une manière dérisoire, a véritablement encouru Vempachement ou l’accusation nationale par les expressions insolentes dont elle s’est servie; car les termes les plus forts ne pourraient s’élever à la hauteur de ce délit. Je demande que l’arrêté soit envoyé au Ghâtelet de Paris, chargé de juger les crimés de lèse-nation. M. Demeunier pense que, selon les règles et les principes, il faut nommer quatre commissaires, qui seront chargés de poursuivre au nom de la nation... M. Pétion de Villeneuve. Je demande que le président se retire par devers le Roi pour remercier Sa Majesté de la célérité avec laquelle elle a proscrit l’arrêté séditieux du parlement de Rouen. Plusieurs amendements, relatifs à l’attribution à donner aux tribunaux qui devront remplacer la chambre des vacations du parlement de Rouen, sont proposés. La suite de la discussion est ajournée à demain ; la nomination des officiers l’est également. La séance est levée à quatre heures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M, CAMUS. Séance du lundi 10 novembre 1789 (2). L’Assemblée s’est réunie après avoir procédé (1) Le discours de M. Barrère de Vieuzac est incomplet au Moniteur. (1) D’envoyer au Châtelet les membres de la chambre des vacations de Rouen. (2) Cette séance est incomplète au Moniteur,