[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Io juillet 1791.] 311 aussi révoquées, comme tout ce qui s’est ensuivi. « En conséquence, décrète ce qui suit : Art. 1er. « Les domaines corporels et incorporels, droits et objets quelconques dépendant des ci-devant comté et seigneuries susmentionnés, seront, en conformité de l’article 10 du décret du 22 novembre dernier sur la législation domaniale, régis, administrés et perças, suivant leur nature, par les préposés des régie et administration nationales. Art. 2. « Pourront les agents actuellement chargés du soin et de la manutention desdits biens, être conservés provisoirement dans leurs places, par l’administration, et ils seront susceptibles d’obtenir un remplacement dans les nouvelles régies, en concurrence avec les anciens employés des fermes en régie supprimées, et avec les préposés à la perception des droits jadis levés au prolit des apanagistes. Art. 3. « Pourront les titulaires d’offices de judica-ture, officiers municipaux, greffier, huissier, dans l’étendue des ci-devant comté et seigneuries, qui ont acquis lesdits offices des successeurs et ayants cause du cardinal Mazarin, présenter leurs titres et quittances de finances au commissaire du roi, directeur de la liquidation; et le remboursement leur en sera fait par le Trésor public dans la même forme et au taux décrété pour les offices de même nature étant à la charge de l’Etat. » (L’ Assemblée décrète l’impression du rapport de M. Geoffroy.) La discussion est ouverte sur le projet de décret présenté par le comité. M. llartineau. Sans entrer dans le fond du projet, sans traiter de la validité ou de l’invalidité de l’aliénation, j’observe à l’Assemblée que la matière ne peut être de la compétence du Corps législatif et qu’il faut renvoyer l’affaire aux tribunaux. Je propose, en conséquence, le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale décrète que son comité des domaines lui fera, dans 8 jours, un rapport sur le choix du tribunal qui sera chargé de l’examen et jugement des revendications des domaines nationaux indûment aliénés,; en distinguant les grands et les petits domaines, et qu’il lui présentera ses vues sur l’attribution de la connaissance de ce qui concerne les petits domaines aux tribunaux de district. » Un membre appuie cette motion. M. Pison du Gala ml, au nom du comité des domaines. Il faut distinguer dans la révocation des aliénations domaniales ce qui appartient à la législation ou à l’administration, de ce qui est ou peut être contentieux : la faculté de révoquer ne peut jamais être contentieuse, parce que la révocabilité perpétuelle de toutes les aliénations du domaine de la couronne faites sans le consentement spécial des représentants de la nation, en est une condition inséparable, et l’exercice de cette faculté, étant un acte de la volonté nationale, ne peut émaner que d’elle. C’est d’après ce principe que, dans l’ancien régime, les révocations ou réunions, soit générales, soit particulières, étaient ordonnées par des actes en forme législative, ou par des arrêts du conseil du propre mouvement, et il est peut-être sans exemple que le roi ou les ministres ou préposés, pour révoquer une aliénation domaniale, aient eu recours à une demande ordinaire, en revendication, par-devant les tribunaux. Il ne peut du reste s’élever de contestation dans l’exécution de la révocation, que si, par exemple, les préposés qui en sont chargés se mettent en possession de biens que l’aliénataire soutiendrait n’être pas domaniaux, ou ne pas dépendre de la concession ; si l’aliénataire a des impenses ou des finances légitimes à répéter avant la dépossession, etc; mais l’acte même ou la déclaration de révocation ne préjudicie à aucune de ces questions, dont la décision peut appartenir aux tribunaux ou à la liquidation. D’après ces motifs, je demande la question préalable sur la motion du préopinant. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur la motion de M. Martineau.) Un membre propose l’ajournement du projet du comité, sous prétexte que M. de Yalenlinois n’a pas eu le temps de pouvoir compléter sa défense. Un membre fait observer que M. de Valentinois a eu de très longs délais pour le faire. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur l’ajournement.) M. Geoffroy, rapporteur , donne une nouvelle lecture du projet de décret du comité. (Les divers articles de ce projet sont successivement mis aux voix et adoptés sans modification.) M. I�avie. Je demande qu’aucune des séances du soir ne se passe sans un rapport du comité des domaines ; il est temps que nous fassions justice des déprédations de l’Etat. Je demande que nous commencions par l’affaire de Sancerre. (L’A -semblée décrète que l’affaire de Sancerre sera à l’ordre du jour de jeudi au soir.) M. le Président lève la séance à neuf heures et demie. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. CHARLES DE LAMETH. Séance du vendredi 15 juillet 1791 (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d’hier au matin, qui est adopté. M. Lianjuinais. Messieurs, les décrets des 21 et 25 juin dernier concernant la forme de promulgation des décrets de l’Assemblée nationale, qui ne seraient ni acceptés ni sanctionnés par le roi, ne sont pas exécutés par les ministres; il vient de sortir de l’imprimerie royale plusieurs exemplaires de décrets, qui ne sont pas intitulés du nom de loi. Je demande, en conséquence, que (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. 312 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. les ministres soient averlis par les commissaires aux décrets de se conformer à ceux desdits jours 21 et 25 juin dernier. (Cette motion est adoptée.) M. le Président. Messieurs, vous avez décrété hier qu’il vous serait lu à l’ouverture de la séance une pétition signée de cent personnes habitant la ville de Paris; M. Vadier va yous en donner lecture. M. Vadier, secrétaire , donne lecture de cette pétition, qui est ainsi conçue : « Messieurs, « C’est pour leur donner une Constitution que les Français ont nommé des représentants, et non pour établir sur le trône un chef parjure à ses serments les plus sacrés, un chef qui a manifesté les intentions les plus destructives du grand œuvre auquel ils ont tous concouru. « Justement alarmés des dangereuses dispositions qui vous sont présentées par vos comités, nous venons déposer dans votre sein notre juste crainte, et vous demander au nom de la patrie, au nom de cette sainte liberté qu’elle a conquise, de travailler promptement à la dissiper. « Lorsque les Romains, le premier peuple libre, voyaient la patrie en danger, et qu’il s’agissaitde stipuler les intérêts de tous, ils se rassemblaient comme peuple; les sénateurs venaient prendre dans leurs assemblées l’esprit des délibérations qu’ils dictaient, et jamais le Sénat ne prononçait seul sur des objets aussi importants. Les citoyens présents viennent donc avec le caractère des Romains, avec le caractère de la liberté, qu’ils conserveront jusqu’à la mort, demander aux représentants de la nation de ne rien statuer en définitif sur le sort de Louis XYI avant que le vœu des communes de France se soit manifesté, avant que la voix de la masse du peuple se soit fait entendre. « Prenez l’engagement de recevoir le vœu des citoyens pour prononcer sur un objet qui intéresse la nation entière, et sur lequel les pouvoirs que vous avez reçus d’elle ne s’étendent point. Craignez de couronner vous-mêmes cette perfidie atroce de nos ennemis, en livrant cette patrie à toutes les horreurs d’une guerre civile; songez enfin que vous ne pouvez ni ne devez préjuger rien sur une question de cette nature, et que tout décret qui ne se renfermerait pas dans les bornes qui vous sont prescrites serait frappé de nullité, et aurait en même temps le caractèie le plus attentatoire aux droits du peuple. « Paris, ce 14 juillet 1791. « Signé : Le Peuple. » Suivent cent signatures. (On entend quelques applaudissements dans une partie des tribunes.) M. le Président. Ce n’est point pour que l’on vienne influencer les délibérations de l’Assemblée par des murmures ou des applaudissements que les séances sont publiques. Aussi j’ordonne aux tribunes de se tenir dans le plus profond et le plus respectueux silence. MM. d’André et Duquesnoy. Les signatures! M. Vadier, secrétaire , lit les signatures de la 115 juillet 1791.] pétition parmi lesquelles se trouvent les noms de quelques veuves et demoiselles. {Rires.) (L’Assemblée passe à l’ordre du jour.) M. le Président fait donner lecture d’une lettre du ministre de la guerre relative à la situation des places frontières du département des Ardennes , de la Meuse et de la Moselle et à leurs approvisionnements . Cette lettre est ainsi conçue : « A Paris, le 14 juillet 1791. « Monsieur le Président, « Il a été rendu hier à l’Assemblée nationale un compte sur la situation des places des départements des Ardennes et de la Meuse, duquel il résulterait que ces places sont totalement dégarnies de vivres et de fourrages. Messieurs les commissaires ont sans doute été induits en erreur à cet égard; et dans la crainte qu’elle n’influe sur l’opinion de l’Assemblée nationale, je m’empresse de lui adresser l’état de situation des magasins de subsistances dans ces deux départements à l’époque du 1er juin. « L’Assemblée nationale y verra que le département des Ardennes, dont les places de guerre ne peuvent contenir que 9,500 hommes et 1,900 chevaux, peut, avec ses approvisionnements, nourrir 19,000 hommes pendant 6 mois, et 3,800 chevaux pendant 4 mois. « Quant au département de la Meuse, ses places ne peuvent contenir que 5,000 hommes et 3,000 chevaux, et ses approvisionnements peuvent nourrir 20,000 hommes pendant 6 mois, et 3,800 chevaux pendant 4 mois. «' 11 en résulte donc bien clairement que ces deuxdépartements ont eneux-mêmes desapprovisionnements plus que suffisants à leurs besoins. « J’observerai encore que ces deux départements se trouvant enclavés entre celui du Nord et celui de la Moselle, où il existe des approvisionnements pour 160,000 hommes pendantëmois, et 12,000 chevaux pendant 4 mois, il ne peut y avoir aucune inquiétude pour les départements des Ardennes et de la Meuse, qui, outre les ressources de leurs propres magasins, peuvent être sans cesse alimentés par ceux des départements voisins. L’Assemblée nationale sentira sans doute qu’il est de la prudence, après avoir approvisionné chaque place selon ses besoins, de placer les grands magasins d’approvisionnement dans les villes les plus sûtes, et qui laissent le moins d’inquiétude. C’est cette mesure, qui n’échappera sans doute à aucun militaire, qui m’a fait placer les grands magasins dans les villes de guerre des départements du Nord et de la Moselle. J’espère que cette explication ne laissera aucun doute à l’Assemblée nationale sur les approvisionnements annoncés. « Je crois devoir rappeler à l’Assemblée nationale que ce n’est que le 21 avril dernier que j’ai été autorisé à prendre des arrangements définitifs pour le service des vivres et des fourrages, quoique je le sollicitasse depuis mon entrée au ministère. Les approvisionnements seraient bien loin de présenter une masse de 400,000 sacs de blé, et de 3 millions de rations de fourrage, si je n’avais pris sur moi de devancer les décrets de l’Assemblée nationale, en employant tous les moyens qui étaient en mon pouvoir pour remplir les magasins totalement épuisés par la disette de 1789. « Quant aux autres objets dont il a été parle dans le rapport, je suis prêt à donner à l’Assem-