[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 mars 1791.] 365 quelques officiers. On y en compte plus de 1,100 depuis l’âge de 70 jusqu’à 90 ans et au-dessus. Le nombre des infirmes blessés et décrépits s’élève à près de 1,500. Je doute que, dans ce nombre, aucun préfère à l’existence de l’iiôtel le traitement proposé par le comité. Les plaintes qui peuvent être faites contre l’admiaistration émanent donc uniquement du surplus, gens inconstants, et à qui le prestige du changement et de l’indiscipline, qui malheureusement a gangrené une partie de l’armée, a été inoculé; et certes, j’en suis d’autant plus convaincu, que pareille idée est bien loin du spectacle touchant que présentent ces anciens militaires, lorsque, prosternés dans le magnifique temple que Louis XIV a élevé à la divinité, ils donnent Je plus touchant exemple de la véritable piété, et prouvent à tous ceux qui les contemplent, que le Dieu d’Israël est le Dieu des armées : Deus Israël , Deus exercituum. Votre comité, Messieurs, confond, par un étrange abus, les différentes classes admises aux Invalides. Il n’a fait aucune distinction entre ceux qui ont été admis à l’hôtel et ceux qui, ayant obtenu la vétérance, ou après 20 ans de services, se sont retirés de leur corps avec un congé absolu, et, se trouvant dans le cas de subsister avec peine, ont été, par une décision du roi, admis pour servir dans les compagnies détachées, sous la condition d’être enregistrés à l’hôtel comme invalides quand ils auraient accompli 35 ans de services. Le rapporteur du comité a cherché à vous intéresser, Messieurs, en faveur de son projet destructif, en vous exposant que par une suite du principe d’après' lequel vous avez voulu que, de grade en grade, jusqu’au dernier soldat, chacun reçût de la nation une récompense proportionnée, qui le mît à l’abri du besoin, vous aviez rappelé à jouir de ce bienfait la classe très nombreuse de ceux qui n’avaient point été récompensés d’une manière digne de leurs services. Dans une note à l’appui de cette observation, le rapporteur cite, Messieurs, le sieur Dufort, lieutenant-colonel retiré en 1775, après 44 ans de services et 17 campagnes dans la gendarmerie, et porté dans la première liste des pensions recréées en faveur des septuagénaires pour 4,000 livres au lieu de 355 livres. Si votre rapporteur, Messieurs, avait approfondi cet article, il aurait su que, le 31 mai 1775, le roi, sur le compte qui lui avait été rendu des services de M. Dufort, et de l’impossibilité où ses infirmités le mettaient de les continuer, lui avait accordé pour retraite l’hôtel des Invalides avec le traitement de lieutenant-colonel. Il aurait su que le roi, sur le compte qui lui avait été rendu des services de M. Dufort, le 19 juin 1776, avait bien voulu lui accorder une pension de 200 livres, dont son intention était qu’il jouît, en sus du traitement de lieutenant-colonel, dont il était en possession à l’hôtel des Invalides. Le sieur Dufort ayant, ainsi qu’ont fait plusieurs de ses camarades, traité avec l’hôtel, pour pouvoir se retirer chez lui, il lui a été expédié un brevet sur le Trésor royal de 355 livres, et l’hôtel lui faisait don d’un traitement tous les six mois. Il est constant, Messieurs, que l’arrangement fait par le sieur Dufort a été adopté par beaucoup d’autres officiers, qui, à l’époque où il s’est retiré, avaient préféré l’hôtel à des pensions sur le Trésor royal, qui étaient souvent arréragées de trois et quatre ans. Je ne suivrai point le rapporteur, Messieurs, dans les différents articles qu’il propose pour les éclopés et moines lais. Quel que fût le sort que vous leur fixiez dans votre sagesse, il est vraisemblable qu’ils préféreront rester à l’hôtel, la plupart d’entre eux n’ayant point de domicile, ni de parents qui veuillent prendre la charge de les soigner. Je n’abuserai point de vos moments, en réfutant le projet des 83 hospices proposés par les articles 9 et 10 du rapport, et dont certainement la dépense équivaudrait, si elle ne surpassait, celle de l’hôtel des Invalides dans l’état actuel. Il a été fait, par les ordres du roi, sous le ministère de M. de La Tour du Pin, un travail très étendu sur l’administration des Invalides; 2 de vos commissaires y ont assisté; votre rapporteur ne vous en rend qu’un compte très sommaire : je pense cependant qu’il valait bien la peine d’être mis sous vos yeux. La manie de destruction qui séduit votre rapporteur frappe jusque sur un établissement local, fait à Lunéville, pour 12 malheureux individus de la gendarmerie, n’ayant ni feu ni lieu, à qui il a été concédé une portion de l’ancienne orangerie du roi de Pologne. Je me réserve de développer les motifs qui militent pour la conservation de cet établissement, il présente d’autant moins d’inconvénients que la suppression de la gendarmerie empêche qu’il ne puisse être étendu à d’autres qu’aux usufruitiers actuels. Les idées qui vous ont été présentées hier sur les invalides de la marine, méritent, Messieurs, une grande considération. Je pense que ceux qui n’ont point de domicile pourraient être réunis dans un établissement national, celui de Marmoutier, par exemple, près de Tours, mais, sur ce point, je crois qu’il faut avoir le vœu du comité de la marine qui sera à même d’apprécier, si l’avantage qui en résulterait pour les individus, formerait augmentation de charge pour le Trésor public. Je pense aussi qu’on pourrait tirer parti d’un grand établissement, tel que celui de Lunéville, pour y réunir la portion d’invalides que leurs infirmités ne nécessiteront pas de conserver à Paris ; cet établissement aurait le double avantage de diminuer la dépense et de procurer à Lunéville un dédommagement de la perte qu’elle a faite à la mort du roi de Pologne. Je crois devoir proposer le projet de décret suivant : PROJET DE DÉCRET. « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité militaire, décrète ; « Art. l,r. L’hôtel des Invalides est conservé à t. Paris. « Art. 2. Cet établissement sera sous la sur-< veillance immédiate du ministre de la guerre, « en qualité de directeur et administrateur gé-« néral. « Art. 3. Le roi nommera six commissaires, « dont trois militaires et trois parmi les admi-« ministrateurs du Trésor public pour assister « chaque mois à la reddition des comptes de l’hô-« tel. « Art. 4. Les comptes de recette et de dépense « seront rendus publics tous les ans par la voie « de l’impression. 366 | Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 mars 1791.] « Art. 5. Nul ne pourra être admis à l’hôtel « que conformément à l’édit de fondation, sur « la demande des colonels, visée des inspecteurs « et approuvée par le ministre de la guerre. « Art. 6. Les officiers, sous-of liciers et soldats, < < actuellement à l’hôtel, pourront en sortir avec « la pension de retraite iixée pour chaque grade. « Art. 7. Lesdits pensionnaires pourront ren-