386 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE rassurer, ne fait que confirmer les inquiétudes données à la Convention sur l’état de Marseille ; et comment peut-on se rassurer, lorsqu’une société populaire ose proposer de déclarer traîtres à la patrie ceux qui voudraient trouver dans son sein des fripons et des dilapidateurs de la fortune publique? DUHEM : Ç’a été rejeté. THURIOT : Je ne suis pas si instruit que Duhem. Sans doute la masse du peuple est bonne ; mais nous avons reçu de Jeanbon Saint-André deux lettres très expressives et une des représentants du peuple à Marseille, par laquelle ils annoncent qu’il a été formé un complot pour s’emparer des armes qui appartiennent à la République. ( Mouvement d’horreur. ) Je demande que Treilhard donne lecture de ces lettres. Il ne faut pas, quand on a des vérités à dire à la Convention, les écarter ou les étouffer. N’a-t-on pas déjà répandu que le comité n’avait fait un rapport sur la conspiration de Marseille que pour altérer la confiance dans les sociétés populaires, au lieu que c’est pour avertir les citoyens des campagnes et les sociétés populaires de. surveiller les agents de Pitt et de Cobourg? [Granet demande la date de ces lettres. THURIOT : Elles sont arrivées par le même courrier qui a apporté celle qu’on vient de lire.] (89) TREILHARD est à la tribune. Il donne lecture des lettres suivantes : Extrait d’une lettre du citoyen Jeanbon Saint-André, représentant du peuple dans les départements maritimes de la République, au commissaire de la marine et des colonies. Port-la -Montagne, le 25 fructidor, l’an II de la République française une et indivisible. La tranquillité du Port-la-Montagne [ci-de-vant Toulon] dépend de celle de Marseille. Si l’on ne se laisse pas séduire par des protestations de patriotisme emphatiques et par conséquent mensongères; si l’on frappe sans pitié les fripons de cette dernière commune ; si l’on en arrache les racines du fédéralisme qui y vivent encore, quoi que l’on puisse dire, et quoiqu’on les déguise sous le nom de Montagne, comme autrefois on les déguisait sous le nom de République, une et indivisible ; si le comité et la Convention se montrent fermes dans l’application des principes du gouvernement révolutionnaire, le Midi est sauvé ; mais si l’on se laisse tromper comme on l’a fait tant de fois, il n’y a pas de représentant du peuple qui puisse faire le bien ici, quels que soient ses talents, son patriotisme et sa fermeté. Extrait d’une lettre du représentant du peuple Jeanbon-Saint-André, délégué dans les départements maritimes de la République, au comité de Salut public. Port-la-Montagne, le 27 fructidor, l’an II de la République française une et indivisible. (89) Débats, n° 732, 19. Citoyens collègues, tout va assez bien au Port-la-Montagne. Il n’en est pas de même à Marseille, et vous devez avoir les yeux constamment ouverts sur cette ville. Je m’en rapporte à cet égard aux détails contenus dans ma dernière dépêche, et j’ajoute que vous n’avez jamais bien connu, ni au comité, ni à la Convention, l’esprit qui domine parmi ces hommes qui se disent si ardents patriotes, et qui ont plus d’un intérêt à se faire une réputation exagérée. Ce qu’il y a de vrai c’est que je n’ai vu nulle part moins de patriotisme qu’à Marseille, et que c’est de tous les points de la République le plus mauvais sans exception. Signé Jeanbon Saint-André. La lettre qui suit, arrivée hier 1er vendémiaire, est sans date ; mais l’annonce qui se trouve de la proclamation des représentants du peuple prouve qu’elle est de la même date que celle adressée à la députation qui a été lue à la tribune. Les représentants du peuple, envoyés dans les départements des Bouches-du-Rhône, du Var et de l’Ardèche, à leurs collègues, membres du comité de Salut public. Citoyens collègues, nous vous envoyons copie de la proclamation franche et fraternelle que nous avons été obligés de faire pour détromper les bons habitants des campagnes qu’on cherchait à égarer et à soulever. Il y avait même déjà quelques rassemblements suscités par des agitateurs envoyés, et par suite des projets découverts par la lettre du nommé Reynier, de son arrestation et de son enlèvement. On nous instruit dans le moment qu’il s’en forme à deux lieues d’ici ; nous nous empressons de les faire dissiper, et nous allons prendre toutes les mesures de sûreté convenables pour ramener la tranquilité ; hier nous avons renouvelé le comité de surveillance ; nous vous faisons passer notre arrêté à cet égard. Le général Villemallet, envoyé par le général en chef Dumerbion, commande actuellement à Marseille : cette place demande la plus grande surveillance de la force armée, qui n’y est pas aussi forte qu’il le faudrait, mais celle qui y est, se comporte bien : nous ne parlons que de l’infanterie et des hussards. Nous recevons tous les jours des plaintes contre la gendarmerie qui est on ne peut plus mal composée, et qui n’est nullement organisée en conformité de la loi. Les gendarmes sont tous du pays, ils n’ont pour la plupart ni habits, ni armes, ni chevaux, et ne sont aucunement en état de faire le service ; la nation les paie cependant également : c’est un abus qu’il faut détruire, et il est instant de s’en occuper. Nous avons aussi découvert que dans le fort Jean, où était le dépôt des armes, fusils, etc., on se préparait à s’en emparer, et qu’il y avait des passages pratiqués dans les souterrains par lesquels on entrerait. Nous venons de donner des ordres pour les faire boucher, et pour faire encore échouer ce projet ; nous espérons sous peu en connaître les auteurs.