640 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 septembre 1789.] moineau, que je n’en parle pas encore comme étant uîl principe constitutionnel. Il est un principe général dans le cœur et dans la tête de tous les membres de cette Assemblée, et qui décide la question : c’est que la volonté générale fait la loi, et elle s’est assez manifestée par les arrêtés, les adresses et les actes d’adhésion de toutes les provinces, par l’allégresse , et je demande si la volonté générale peut être plus solennellement manifestée. Je demande donc que l’arrêté, tel qu’il a été envoyé au bureau par M. Barnave, soit lu, et j’y adhère de toutes mes forces. M. Tronchet répète l’opinion, déjà développée par M. Robespierre, qu’il n’y a lieu à délibérer quant à présent. M. Barnave reproduit sa motion, et demande qu’il soit sursis à l’ordre du jour jusqu’à ce qu’il ait été définitivement statué sur les arrêtés du 4 août et jours suivants, soit en obtenant du Roi la sanction de ces arrêtés, soit en déclarant que ces arrêtés ne sont pas soumis à la sanction. La question préalable est demandée sur cette motion. M. Emmery, tout en appuyant le sentiment de M. Tronchet, a cru devoir la diviser, et qu’on ne devait s’occuper que du premier membre. Sur les observations de M. Emmery, M. Barnave retire la seconde partie de sa motion, et en conséquence elle se réduit à ceci : Surseoir à la délibération jusqu'à ce que les décrets du 4 août et jours suivants aient obtenu la sanction. Un membre demande, d’après l’incertitude où l’on est encore sur la définition de sanction, si M. Barnave entend, par sanction, le consentement du Roi, c’est-à-dire le veto , ou bien l’acte matériel qui donne l’authenticité à là loi ? Dans la seconde hypothèse, la question se réduit à savoir si le Roi peut ou non refuser la promulgation-, dans la première, la question est même que pour le veto. M. Malouet observe que les décrets du 4 ne sont pas exécutoires, qu’il faut un développement, et que de là naîtront les lois. M. le Président le rappelle à l’ordre. M. Lie Chapelier. Je fais un amendement à la motion de M. Barnave : il consiste à substituer le mot promulgation au mot sanction. Je soutiens qu’il est inutile de recevoir la sanction royale pour des arrêtés auxquels Sa Majesté a donné une approbation authentique, tant par la lettre qu’elle m’a remise lorsque j’ai eu l’honneur d’être l’organe de l’Assemblée, que par les actions solennelles de grâces et le Te Deum chanté à la chapelle du Roi. Trop longtemps les peuples sont restés dans l’attente de la promulgation de ces décrets; il est temps enfin de les rassurer et de faire évanouir l’incertitude qui les tourmente à cet égard; il faut que ces décrets soient promulgués. M. Target appuie le sentiment de M. Le Chapelier. Un membre de la noblesse répond avec chaleur à M. Le Chapelier, mais sans qu’on puisse distinguer ses motifs. M. le Président, voulant ramener les esprits, résume les questions, et semble pencher du côté défavorable à la noblesse. Un noble lui demande de s’expliquer sur son opinion. M. le Président lui observe qu’il doit être impassible, que son devoir est de poser les questions, et de rappeler à l’ordre quand on s’en écarte ; que c’est ce qu’il a fait. Depuis longtemps on demandait la question préalable, chicane ordinaire du parti qui veut éluder une question ; des nobles, et entre autres celui qu’on connaît pour se laisser emporter jusqu’à laisser échapper des f.... (M. de Yirieu), se comportaient comme des furieux. Ses voisins avaient toutes les peines du monde à le retenir. Cet homme atrabilaire ou enthousiaste défavorisait, à force de colère, la cause qu’il défendait. M. Barnave propose une seconde rédaction ; la voici : Qu’il soit sursis à l’ordre du jour jusqu’à ce que les articles du 4 août et jours suivants aient été promulgués par le Roi ; que l’Assemblée, etc. Puis enfin une troisième version, à peu près la même que la seconde : Qu’il soit sursis à l’ordre du jour jusqu’à ce que la promulgation des articles du 4 août et jours suivants ait été faite par le Roi, et que l’Assemblée, etc. La priorité est réclamée pour la dernière ver sion, et elle est décidée à la majorité, après une seconde épreuve. M. le Président propose la question préalable, c’est-à-dire la question de savoir s’il y a lieu ou non à délibérer sur la motion de M. Barnave ; mais il est impossible au président de prononcer le décret. Il était prêt à décider qu’il n’y avait lieu à délibérer, parce qu’il avait cru voir la majorité pour cette opinion ; mais les réclamations opiniâtres d’une grande partie de l’Assemblée l’ont empêché de prononcer conformément à ce qu’il croyait avoir vu. Enfin la séance se termine sans rien décider. L’Assemblée se retire tumultueusement, à trois heures et demie. Séance du lundi 14 septembre 1789, au soir. Il a été fait lecture d’une lettre adressée à M. le président par M. de Saint-Sauveur, évêque de Bazas. Ce député demande à l’Assemblée nationale la permission d’êlre remplacé par son suppléant, et de se retirer à raison de son grand âge et de ses infirmités. M. Président a annoncé que l’ordre de la séance était de s’occuper successivement d’un arrêté précédemment proposé par le comité des subsistances, et d’entendre ensuite quelques rapports du comité des recherches. Alors un des membres a observé que l’Assemblée ayant décrété, dans sa séance du 12 au soir, que les arrêtés du 4 août et jours suivants, ainsi que celui par elle porté relativement aux subsistances, seraient incessamment présentés au Roi pour être sanctionnés. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 septembre 1789.] 641 M. le Président a annoncé, ce malin, qu’il n’avait pu exécuter ce décret, l’Assemblée n’ayant rien arrêté sur la manière dont cette présentation serait faite à Sa Majesté ; qu’en conséquence il lui paraissait nécessaire, avant de passer à l’ordre du jour, de délibérer sur le mode d’exécution de ce décret. Cette motion a été appuyée, livrée à la discussion : plusieurs projets d’arrêté ont été proposés ; et les voix ayant été recueillies par assis et levé, l’Assemblée a porté un décret en ces termes : « L’Assemblée nationale a décrété que M. le président se retirera par devers le Roi, pour présenter à Sa Majesté les arrêtés des 4, 6,7,8 et 11 août dernier, ainsi que celui par elle porté relativement aux subsistances, pour lesdits décrets être sanctionnés. » M. le Président a ensuite donné lecture à l’Assemblée de deux lettres, l’une à lui adressée par M. Gilbert, professeur à l’école vétérinaire . d’Alfort, qui envoie quatre médailles, dont trois en or, à lui données par différentes académies, et 125 exemplaires d’un mémoire couronné, sur les prairies artificielles, en demandant que le prix qui proviendra de la vente de ses mémoires, et les médailles, soient versés dans la caisse patriotique ; l’autre, du sieur Harmand, garde national, et commissionnaire au Mont-de-Piété de Versailles, qui envoie, pour la même destination, une somme de 120 livres formant le cinquante-unième de ses propriétés. L’Assemblée a applaudi au patriotisme de ces deux citoyens. L’ordre du jour n’ayant pas pu être repris, attendu qu’il était trop tard, il a été arrêté que la séance de demain soir commencera, exclusivement à tout autre objet, par la discussion de l’arrêté proposé par le comité des subsistances. Le comité des rapports et celui des recherches ont fait deux rapports relatifs à des émotions populaires arrivées précédemment dans la ville de Massiac en Auvergne, et dans celle de la Rode en Guyenne : l’Assemblée a arrêté que les accusés, constitués prisonniers à l’occasion de ces troubles, doivent être renvoyés aux juges à qui la connaissance en appartient, et les procédures adressées au pouvoir exécutif. M. le Président a invité le nouveau comité destiné à s’occuper de la réforme des lois criminelles à s’assembler demain à huit heures du matin ; les membres de ce comité sont, MM. de Beaumetz, Fréteau, Tronchet, Le Berthon, Thou-ret, Target, et Lally-Tollendal. La séance a été indiquée pour demain neuf heures et demie du matin. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. LE COMTE STANISLAS DE CLERMONT-TONNERRE . Séance du mardi 15 septembre 1789, au matin (1). M. le Président a rendu compte à l’Assemblée du résultat des scrutins relatifs au choix des huit membres qui doivent composer le nouveau comité de Constitution. (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. lre Série, T. VIII. MM. Thouret, l’abbé Sieyès, Target, de Tal-leyrand-Périgord, évêque d’Autun, Démeunier, Rabaud de Saint-Etienne, Tronchet et le Chapelier ont obtenu la majorité des suffrages ; sur le refus de M. Tronchet, M. de Lally-Tollendal a été déclaré avoir réuni le plus grand nombre de voix, M. Bergasse, qui avait cet avantage sur lui, ayant donné sa démission. Un de MM. les secrétaires a fait la lecture des procès-verbaux des deux séances du lundi 14. Il a été fait quelques observations sur la rédaction: l’une portait sur une erreur relative à l’ordre du jour, et l’autre sur le renouvellement des législatures, énoncé, prétendait-on, de manière à faire préjuger la question de savoir si les mêmes membres pourraient être réélus. La première erreur a été corrigée, et il a été reconnu par l’Assemblée que rien n’était préjugé relativement à la seconde. On a fait ensuite lecture de plusieurs adresses de félicitation, remerciement et adhésion des bailliages de Montrichard, de Viverols en Auvergne, du bourg de Rumigny en Thiérache, de la ville de Grécy, de celle de Montfaucon, de celle d’Yssingeaux de Tance, et de Saint-Didier en. Velay, d’Éclairon en Champagne, de Nantua en Bugey, toutes du même genre ; d’une lettre pseudonyme, désavouée par M. Anson, dont elle portait la signature ; des adresses des villes et communautés de Toulon, Yauvenargue, Porières, Moustiers, Lauris, Forcalquier, Aubagne, Périôres en Provence, contenant toutes adhésion et félicitation ; déclaration de la ville d’Hennebon en Bretagne, qui offre l’avance de ses impositions réelles et personnelles, et annonce l’ouverture d'un don patriotique ; de la ville de Grécy, qui demande un siège royal ; de celle d’Arles, qui annonce la renonciation à ses privilèges ; délibération de la ville de Sept-Fonds, par laquelle les habitants offrent de consacrer leur fortune et leur vie au soutien des intérêts et la gloire du Roi ; déclaration de M. Raffatin, doyen des conseillers du bailliage d’Autun, qui fait l’abandon de la finance de sa charge, et offre de rendre la justice gratuitement. Quelques adresses ayant paru renfermer des termes peu convenables à la dignité de l’Assemblée, M. le Président a demandé si le bureau serait autorisé à l’avenir à écarter celles qu’il croirait dans le même cas : la question préala-! ble a été demandée, et l’épreuve douteuse, on a requis l’ajournement, et l’Assemblée a décidé par assis et levé que l’ajournement aurait lieu. M. Rousselet, membre de l'Assemblée nationale , avocat du Roi au présidial de Provins , prononce son adhésion à l’arrêté pris par sa compagnie, en son absence, pour rendre la justice gratuitement. M. le Président dit que Vordre du jour appelle l'Assemblée à statuer sur la motion faite hier par M. Barnave. M. Le Chapelier. Je crois devoir présenter cette proposition sous un autre point de vue. Ce sera abréger nos occupations que d’ajourner la motion sur laquelle on veut délibérer ; par ce moyen, l’on passera à la Constitution. Je propose donc d’examiner les questions suivantes : 1° De combien de membres l’Assemblée natio-i nale sera-t-elle composée ? 41